La difficile prise en charge de l’autisme
La France cherche de bonnes pratiques en Belgique
Le Quotidien du Médecin du 28/03/2013
Le 3e plan autisme devait être dévoilé par le Premier ministre le 2 avril, lors de la journée mondiale de sensibilisation, du moins en partie. Début mars, la ministre déléguée en charge du handicap, Marie-Arlette Carlotti, se rendait à Bruxelles, s’inspirer des bonnes pratiques. Le « Quotidien » était dans la délégation.
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ÉCOLE FONDAMENTALE
Schaller, Auderghem, au sud est de Bruxelles. Une poignée d’enfants se répartissent les instruments de la salle de musique, une jeune fille fredonne une chanson. La sérénité se lit sur les visages. L’image marque la ministre déléguée aux personnes handicapées. « J’ai vu des enfants autistes heureux : il faut que la France puisse offrir la même chose à ses élèves et à leurs parents », répétera Marie-Arlette Carlotti au cours d’un voyage d’étude début mars en Wallonie. L’enseignement spécialisé belge, né en 1970, est reconnu comme l’un des cadres les plus propices au développement des enfants atteints de troubles envahissants du développement (TED).
Encadrement personnalisé.
L’école Schaller scolarise les enfants de 2,5 à 21 ans, atteints d’un retard mental léger à sévère, de troubles du comportement ou de déficiences physiques. Plus de 400 élèves se répartissent dans 60 classes. Tous les efforts sont concentrés sur leur encadrement.
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Dans la classe de petite section, 7 enfants vaquent à leurs occupations, guidés par un tableau où sont scotchés des pictogrammes sous leur nom et photo. De petits cartons « activité à deux, récréation, travailler...» sont associés à des lieux dans la classe (grande table, espace jeux...) et à des jours, identifiés par des couleurs distinctes. Certains ne quittent pas leur cahier de signes, élaboré par un orthophoniste à partir du programme TEACCH, mêlant les langages PECS (pictogrammes) et Sésame (langue des signes simplifiée). Deux institutrices veillent au grain, parfois épaulées d’une puéricultrice. L’équipe pédagogique réunit des infirmiers, des assistants sociaux, des kinésithérapeutes, des orthophonistes, et des psychologues.
Les plus grands élèves, quand ils le peuvent, sont incités à apprendre un métier dans l’agronomie, la construction, l’économie, ou la restauration. Des passerelles existent vers l’enseignement ordinaire et les 180 encadrants multiplient les réunions pour évaluer les avancées de chacun.
Mariage du médico-social et de l’éducatif.
Particularité belge, tous les paramédicaux sont rétribués par le ministère de l’éducation nationale : une façon de ne pas distinguer le médical du social et de l’éducatif.
L’école Schaller reçoit les louanges des représentants des familles françaises. En France, disent-elles, ces enfants ne sont pas scolarisés. Ils restent dans des instituts médico-éducatifs (IME), coupés du milieu ordinaire. Bien qu’elle se prononce en faveur de l’inclusion des autistes dans l’enseignement classique, Danièle Langloys, présidente de l’association Autisme France, reconnaît les mérites de l’enseignement spécialisé belge. « Ces structures font rêver : mon fils était dans une école ordinaire jusqu’à 16 ans, puis il est passé dans un IME où il a tout perdu. Il faut que le médico-social en France change sa culture ». « En France, on médicalise beaucoup trop les besoins de ces enfants », enchérit Isabelle Resplendino, de l’Association des Parents pour l’épanouissement des personnes avec Autisme et mère d’un enfant de 12 ans, Asperger, en milieu ordinaire.
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Les recherches du Dr Willaye.
Les succès pédagogiques rencontrés à l’école Schaller doivent beaucoup aux recherches scientifiques menées à Mons, dans le service universitaire spécialisé pour personnes avec autisme (SUSA), fondé il y a 20 ans par le Pr Ghislain Magerotte. À l’origine, l’équipe formait les parents, qui souhaitèrent par la suite que le suivi éducatif se concentre sur leur enfant. En 1986, le Pr Magerotte ramène d’un voyage au Canada le programme TEACCH et deux ans plus tard une classe est ouverte. Aujourd’hui, le centre de référence en autisme, dirigé par le Dr Éric Willaye, fonctionne toujours sur les principes d’aide aux familles et d’intervention dans les milieux de vie, école ou domicile.
Destiné aux enfants, le « programme d’éducation plus soutenir » (PEPS) est emblématique des recherches actuelles. « Il est éclectique : on utilise les méthodes ABA, TEACCH, PECS, etc, on développe la communication alternative avec pictogrammes, photos, ou objets », explique le Dr Willaye. « Les parents bénéficient de 5 séances de formation et de visites à domicile. Nous avons une approche anglo-saxonne et canadienne qui articule relais au quotidien, recherche et formation », précise-t-il.
Très au fait des réalités françaises, il analyse : « Nous avons construit un environnement depuis vingt ans. Les centres de références autisme en France n’ont pas été organisés comme cela. Nous plaidons pour l’indépendance de l’organisation, la flexibilité, et une grande richesse des approches ». Le Dr Willaye ne cache pas pour autant les difficultés, liées essentiellement à des problèmes de financement. Accolé à l’université de Mons, le SUSA reste une fondation privée.
L’inextricable question des adultes.
Le tableau Wallon n’est pas sans aspérité non plus. La prise en charge des adultes reste une gageure. La résidence des Aubépines, installée dans un ancien couvent de campagne à une heure de route de Bruxelles, est l’une des deux seules résidences à posséder un agrément (les autres ne sont qu’« autorisées »). 48 adultes y résident, dont 12 Français, entourés de 70 professionnels. La pédagogie repose sur le respect de l’âge chronologique et l’encouragement à l’autonomie. Mais la structure se heurte à la question de la fin de vie des pensionnaires et à leur vieillissement. « Personne ne s’en va. Nous avons une liste d’atteinte monstrueuse », confie le Dr Marie Dominique de Hemptinne, ancienne directrice et médecin coordinateur.
COLINE GARRÉ
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