LORIENT VILLE - 2 avril 2013 - Le Télégramme
Autisme. « Un handicap, pas une psychose »
Aujourd'hui, c'est la journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme. Gwendal Rouillard, le député de Lorient, défend bec et ongles le prochain plan « Autisme » du gouvernement. Avec cette conviction : « L'autisme est un handicap, pas une maladie mentale ».
Quelle est la situation de l'autisme en France ?
Depuis deux ans, il y a une prise de conscience des réalités liées à l'autisme et des souffrances des familles. Trois facteurs l'expliquent : premièrement, l'autisme a été grande cause 2012, et cela a contribué à cette prise de conscience. Deuxièmement, le fait que l'on ait eu deux gouvernements successifs, soutenus par des majorités différentes, qui se mobilisent de manière très active sur ce sujet, est une pierre importante à l'édifice. Et troisièmement, le Parlement (Sénat et Assemblée nationale) s'est emparé de ce sujet. Ces trois facteurs et la mobilisation des associations, des parents et des professionnels, ont fait collectivement que ce sujet est devenu majeur.
Comment va se traduire cette prise de conscience sur le terrain ?
Tout cela doit se traduire en actes. Depuis juin 2012, avec Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée des Affaires sociales et de la santé, nous travaillons sur le plan Autisme nº3. C'est mon actualité au quotidien depuis des semaines. Je suis en coprésidence d'un groupe de travail avec Daniel Fasquelle, député-maire UMP du Touquet, pour mieux marquer notre engagement républicain et non politicien. Nous avons plus de 60 parlementaires membres du groupe Autisme. On auditionne et on se déplace en France et à l'étranger, comme en Belgique, car il faut savoir que nous avons 4.000 enfants français dans les écoles belges, dont 2.000 autistes, car ces structures pratiquent les méthodes éducatives et comportementales que nous prônons pour la France. Notre groupe, en s'appuyant sur les professionnels, doit être force de propositions auprès du gouvernement pour continuer le combat. Le plan Autisme est une étape importante mais ce n'est qu'une étape.
Que dit ce plan ?
Ce printemps doit voir la sortie du plan Autisme. Marie-Arlette Carlotti se bat pied à pied. La pierre angulaire de ce plan - c'est fondamental - c'est le rapport dit de la Haute autorité de santé (Has) daté du 8 mars 2012. Que dit-il ? Il acte pour la première fois en France, de manière forte, que nous devons développer une politique de diagnostic précoce, le développement des méthodes éducatives et comportementales et la scolarisation des enfants. 20 % des enfants handicapés, dont les autistes, sont scolarisés en France. C'est trop peu ! 100 % le sont en Grande-Bretagne et 90 % en Italie. Nous souhaitons que les professionnels fassent évoluer leurs pratiques. Nous ne sommes pas là pour les juger mais pour que leurs pratiques évoluent et soient conformes aux préconisations de la Has.
Car l'autisme divise en France. Pourquoi ?
Il faut rappeler que l'autisme est un handicap cognitif lié en priorité à des facteurs génétiques. Ce n'est pas une maladie mentale, ni une psychose. Le rapport de la Has l'acte enfin clairement. Or, sur 123 facultés de psychiatrie en France, 121 continuent d'enseigner l'autisme comme une maladie mentale et une psychose. Deux seules universités françaises enseignent l'autisme comme un handicap cognitif : Lille et une université à Paris. Cette situation n'est plus acceptable. Quand on se bat pour traduire en acte les recommandations de la Has, cela doit valoir pour la psychiatrie française mais je reste positif dans mon propos. Je souhaite que la psychiatrie accélère ses propres mutations car il en va de sa crédibilité auprès des politiques, des financeurs, des parents et des personnes souffrant d'un autisme.
Quelles sont les autres priorités ?
C'est le financement de la recherche ; il faut l'axer sur les neurosciences car c'est une des clés pour mieux connaître les facteurs génétiques qui expliquent, en partie mais insuffisamment, l'autisme et plus globalement les troubles du développement. La dernière priorité, c'est la gouvernance territoriale sur l'autisme. Je souhaite que les ARS (Agences régionales de santé) associent davantage l'ensemble des acteurs dont les associations de parents. Je dénonce au passage le traitement dont a été l'objet Éric Lemonnier à Brest, l'ancien directeur du centre régional Autisme (CRA) en Bretagne. Des stratégies ont été mises en oeuvre pour l'écarter, je considère que c'est révélateur des rapports de force en cours. C'est inacceptable sur la méthode, quels que soient les débats légitimes sur le fond. C'est également révélateur des intolérances de la période. Et donc, on doit s'organiser sur les territoires sinon le plan Autisme ne sera pas mis en oeuvre concrètement. Je serai très attentif à sa mise en oeuvre.
Quelle est votre ambition sur le pays de Lorient ?
Je souhaite que le pays de Lorient soit expérimental en matière d'autisme. Pourquoi ? Car nous avons des acteurs déjà mobilisés : des associations de parents, des professionnels de l'Éducation nationale qui se forment et se mobilisent. J'ai pu le vérifier à l'école Bois-Bissonnet à Lorient, à l'école Jacques-Prévert à Ploemeur, au collège Charles-De-Gaulle à Ploemeur, au lycée Marie-Lefranc à Lorient... Je souhaite que cette expertise soit relayée et que nous soyons ensemble force de propositions en France. Nous avons des acteurs importants sur le territoire : l'Adapei (l'IME de Ploemeur), la Mutualité Française du Finistère et du Morbihan souhaitent s'impliquer davantage sur l'autisme. Entre Caudan et Lanester, nous avons la fondation Pompidou qui souhaite également s'impliquer. J'ai rencontré la direction et la responsable de Charcot (établissement de santé mentale). Je souhaite qu'ils montent dans le train. Je le dis de manière positive, il faut que ces équipes se mobilisent sur les pathologies associées à l'autisme. Je reste ferme sur les préconisations de la Has. C'est-à-dire que les professionnels qui ne se mettront pas en mouvement dans ce sens se mettront hors du chemin et resteront à quai.
Propos recueillis par Régis Nescop
« Je souhaite que le pays de Lorient soit expérimental en matière d'autisme ». Photo d'archives le Télégramme
« L'attitude de F. Goulard est inacceptable sur ce dossier »
Existe-t-il des partenariats dans le pays de Lorient ?
Il faut les développer. Je tiens à souligner celui de la ville de Ploemeur qui fédère aujourd'hui l'IME de Kerdiret, l'école Jacques-Prévert (collaboration éducateurs et enseignants) et le centre de Kerpape et son pôle enfance. C'est un partenariat exemplaire. Car la France est en faute au regard de ses enfants, mais également en faute à l'égard des adultes autistes. Ils sont soit dans des hôpitaux psychiatriques - or leur place n'est pas là - soit chez leurs parents, qui vieillissent. C'est un vrai sujet de société. Ce n'est pas simple mais il faut rappeler que 2013 est vraiment le moment de le faire.
Il y a donc urgence...
Oui, car la France, dans les cinq ans qui viennent, doit passer un cap et devenir digne vis-à-vis des personnes souffrant d'autisme. Le rapport de la Haute autorité de santé doit se traduire sur un point fondamental : la psychanalyse appliquée à l'autisme, c'est terminé ! Je le dis très clairement. Aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en Belgique, les méthodes éducatives et comportementales permettent aux enfants de devenir autonomes. 50 % des enfants avec autisme qui en bénéficient seront autonomes à l'âge adulte, c'est cela l'enjeu. Des initiatives vont être prises : la ministre va saisir l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) pour mesurer en France le financement de l'autisme et ses effets ; le groupe autisme va aussi proposer à l'Assemblée nationale de saisir la Cour des comptes sur le volet financier. Ces rapports seront rendus publics lors des journées parlementaires fin 2013-début 2014.
Quels seront ses moyens financiers ?
Il existe plusieurs sources de financement. Il faut qu'il soit au moins du même niveau que le plan Autisme sortant. On fait pression sur le gouvernement car c'est une bataille. On devrait être autour de 200 M€. J'aimerais que ce soit beaucoup plus, je suis réaliste mais j'insiste pour que les fléchages soient les bons. C'est ce que demandent les parents.
Tous les financeurs jouent-ils le jeu ?
Non. J'ai écrit, voilà près de deux ans, à François Goulard, le président du conseil général du Morbihan. Je n'ai toujours pas eu de réponse. Il y a pourtant des acteurs importants du Département qui sont directement impliqués sur ce sujet. C'est inacceptable. Certes, c'est à l'État d'assumer mais le Département doit aussi se mobiliser. Je dénonce cette attitude. C'est un manque de respect pour les parents et les enfants.