Hydrean a écrit : ↑lundi 8 juillet 2024 à 2:51. Pour ce qui est du droit des femmes globalement, si Bardella s'est bien présenté comme leur défenseur, il ne faut pas oublier que cette défense s'exprime, chez le RN, au travers notamment de la natalité. Les politiques natalistes visent entre autres à lutter contre l'immigration
Et c'est censé être un problème ?
À partir du moment où il n'y a pas de castration/autre de gens qui seraient vue comme inapte ou que ça soit une obligation, je ne vois pas en quoi une politique d'encouragement nataliste nationale selon les besoins devrait être mal vue .
Ce n'est pas
censé être un problème,
c'est un problème.
Pour l'aspect "lutte contre l'immigration"
(pour ce qui est des enjeux féministes je vais y revenir plus bas) :
On crée l'illusion d'un vieillissement de la population alors que premièrement, la France a le taux de fécondité le plus élevé de l'UE.
Deuxièmement, alors que la population mondiale n'est pas tellement vieillissante. Elle vieillit beaucoup moins vite dans certaines partie du globe (notamment en Afrique où aura lieu plus de la moitié de la croissance démographique d'ici 2050 [
voir ici]).
Ensuite, bien que toute personne en faveur de restrictions migratoires (et du natalisme) ne soit pas foncièrement xénophobe et adepte de la théorie du Grand Remplacement, il ne faut cependant pas oublier que ces personnes existent bien, et qu'elles pèsent dans la balance sur ce genre de décisions.
On les retrouve d'ailleurs partout dans le monde, jusque dans des memes nauséabonds sur Internet, qui relèvent plus du fantasme pornographique qu'autre chose...
Le natalisme n'est pas toujours une politique d'extrême droite (Macron est lui-même favorable au "réarmement démographique") ; par contre, l'extrême droite est presque toujours nataliste (les exemples de la Hongrie, l'Italie, la Pologne...).
Enfin – mais j'oublie sûrement d'autres points —, cette lutte anti-immigration et cette valorisation de la
"fabrication de travailleurs français" [ce ne sont pas mes mots mais ceux d'un député RN] soulèvent des questions sur notre façon de concevoir notre planète, notre avenir... Et sur notre façon de traiter/considérer les autres êtres humains.
À ce propos, nous en avions déjà parlé ; voici un extrait où je développe davantage
[cliquer sur une des flèches pour accéder au fil de discussion] :
Deoxys a écrit : ↑dimanche 19 mai 2024 à 19:09
Hydrean a écrit : ↑dimanche 19 mai 2024 à 9:33Votre potitionnement intellectuel aurait pu être honnête si vous faisiez de même avec vous. Car l'argumentation de l'acceptation du flux migratoire est elle même basé sur ce que vous nommez "manipulation émotionnelle" via l'histoire de vie (réel ou pas) qui a poussé X ou Y migrant a quitter son pays ou encore l'argument de du mentient de notre situation de vie (en parlant de la nécessité économique).
L’argumentation en faveur de l’acceptation des flux migratoires ne repose nullement sur une “manipulation émotionnelle”, mais bien sur des analyses économiques, sociologiques et démographiques d’une rigueur incontestable.
Bien sur que si. Le nié n'est n'est qu'une malhonnêteté intellectuelle. Rien que la reprise de la mort du gosse en Turquie je sais plus quand quand ça parle des naufrages en méditerranée ou encore le fait de dire qu'ils fuient la guerre et la misère. Tout ça est fait pour avoir une réaction émotionnelle.
En fait, ici il semblerait que tu partes du principe que ces deux visions se valent, sauf que dès qu'on parle d'éthique, toutes les visions ne peuvent se valoir puisqu'une sera nécessairement plus préjudiciable qu'une autre pour les intérêts des êtres humains en question.
Attention à ne pas confondre "manipulation émotionnelle" et "appel (pas toujours volontaire) à l'empathie".
Ce qui aide pour mieux comprendre cela, c'est de penser à des personnes, individuelles.
Une personne humaine en galère, le mieux c'est de l'aider ou de ne pas l'aider ? Première option sans équivoque. Je ne dis pas qu'il n'y a aucun défi, qu'on doit donner sans compter, héberger la première personne qu'on rencontre chez soi ; je dis qu'on se doit, en tant qu'êtres civilisés, de faire en sorte que la population se porte le mieux possible globalement.
S'imaginer (même si c'est difficile) à la place d'une personne qui n'a nulle part où aller, qui est stigmatisée, etc., peut aussi aider à mieux comprendre :
si tu étais à la place d'un migrant en galère, tu serais bien content d'être accueilli et traîté sans distinction. Tu pourras me dire que sinon, tant pis pour toi, mais la réalité c'est que
ce serait forcément préférable pour toi si tu étais aidé.
On peut aussi se poser la question (vraie question non-rhétorique) : qu'est-ce qui ferait qu'une personne ayant la nationalité française mériterait un traitement significativement meilleur qu'une migrante, dans une situation analogue ?
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Pour ce qui ce qui est de la vision de la femme au foyer traditionnel, je vois pas non plus le problème à partir du moment où elle se met en couple avec un homme ayant cette vision traditionnelle. Si elle n'a pas cette croyance , elle peut tout simplement trouver un homme qui n'a pas non plus cette croyance . Là encore si il n'y a rien de forcé et que c'est présenté comme une option possible, je vois pas le problème.
Surtout que parfois, il est préférable (par manque de place en crèche pour ce cas là) qu'un parent reste au foyer plutôt que de laisser son gosse dans un berceau toute la journée car les deux parents travaillent et de ne le retrouver qu'après le travail
Que certaines femmes (ou certains hommes
[ou autres d'ailleurs]) trouvent leur épanouissement en restant parent au foyer, je n'en doute pas. Je précise que mon propos (ou qu'un positionnement féministe sensé) n'a pas pour but de stigmatiser ce choix de vie.
Le souci, c'est quand on incite les gens (surtout les femmes ici), que l'on incite à un retour (parfois subtil) à des rôles genrés traditionnels, que l'on politise les utérus et que l'on considère qu'il est presque du "devoir" des gens de procréer.
On n'oblige personne (encore que, on n'est jamais à l'abri d'une dystopie
), mais on peut conditionner les populations.
Même sans politique particulièrement natalistes, il existe déjà une injonction à la parentalité, qui commence dès le plus jeune âge.
Alors que faire des enfants, c'est un choix purement personnel et on ne le doit à absolument personne. Et si une lignée vient à s'éteindre, ou même si la population humaine dans son ensemble venait à s'éteindre à petit feu, eh bien tant pis. La planète elle-même ne sera pas éternelle de toute façon.
Cet article explique mieux que moi la problématique par rapport à la condition féminine :
Le droit des femmes à être avant tout… de bonnes mères
Plusieurs amendements à la réforme des retraites révèlent une autre dimension du projet RN : un conservatisme moral qui promeut le modèle de la famille nombreuse et de la femme au foyer. Ainsi, l’amendement n° 923 propose de mettre en place une allocation maternelle de prévoyance de 2.520 € nets mensuels à compter du troisième enfant (soit le niveau du salaire net moyen dans notre pays). L’amendement ne dit pas si cette prestation serait permanente ou temporaire et, dans ce dernier cas, pour quelle durée. Faute de précisions (comme souvent, hélas…), l’hypothèse la plus probable est que cette prestation soit conçue pour être permanente aussi longtemps que les enfants n’auraient pas atteint leur majorité. Un tel dispositif serait une puissante incitation, en particulier pour les femmes les moins qualifiées qui ne pourraient pas espérer des revenus d’activité comparables, à sortir durablement du marché du travail, faisant baisser d’autant leurs contributions à la solidarité collective et notamment leurs cotisations au régime de retraite. On ne parle pas ici des cotisations de leurs enfants lorsqu’ils seront devenus adultes, mais bien des cotisations présentes dont le système par répartition a besoin dès maintenant. En outre, une moindre participation des femmes au marché du travail se traduirait bien évidemment par une perte d’autonomie et d’indépendance des intéressées, mais aussi par une perte de main d’œuvre pour le tissu productif. Dans un pays vieillissant où les secteurs en tension de recrutement sont nombreux (notamment dans les métiers de services aux personnes), cette politique risque au final de creuser… un besoin d’immigration de travail ! Il n’est pas certain que les élus RN se féliciteront alors des conséquences de leurs passions familialistes. Ainsi, ce genre de mesures serait de nature à compromettre le délicat équilibre que les politiques publiques françaises ont réussi à construire depuis plusieurs décennies pour permettre aux femmes de concilier vie active et construction d’une famille. Or, c’est précisément cet équilibre qui a permis à la France d’avoir l’un des taux de natalité les plus élevés d’Europe contrairement à certains de nos voisins, notamment l’Allemagne, qui n’avaient pas fait cet effort.
Les élus RN souhaitent aussi qu’un rapport soit réalisé pour mesurer l’effet sur la natalité de l’attribution d’un trimestre de majoration – dans le calcul des retraites – pour maternité (Amendement n° 19556). En s’adressant spécifiquement aux mères, ces mesures sont en réalité empreintes d’un jugement moral qui dicte discrètement aux femmes ce qu’elles doivent faire de leur temps, de leur corps et de leur vie.
Ce conservatisme moral apparaît très clairement dans la proposition de loi « visant à créer un congé de naissance à répartir entre les parents pour une durée totale de douze mois après la naissance de l’enfant ou des enfants », portée par le député RN M. Sabatou en novembre 2022. Allonger les congés de naissance a un effet très clair sur le marché du travail et défavorise l’emploi des femmes qui prennent souvent des congés maternités plus longs que les hommes – la proposition de loi ne précisant pas comment les douze mois sont répartis entre les deux conjoints. De plus, l’exposé des motifs de la loi multiplie les jugements moraux et prône, avec emphase, un ordre familial d’un autre temps : « La naissance d’un enfant est source d’un intense bonheur qui ne devrait pas s’accompagner pour la mère d’un immense stress à l’idée de se séparer de son nouveau-né à deux mois et demi. » En préconisant l’allaitement et le choix de garder son enfant plutôt que de le mettre à la crèche, cette loi essentialise les femmes dans un rôle de mère traditionnel, dévouée à leurs enfants et dont le bonheur comme le stress sont directement liés à ce statut.
Le RN défend en somme le droit des femmes… à rester chez elles et à être de « bonnes mères ». Les propos du député RN Jocelyn Dessigny, déjà sanctionné pour propos sexistes à l’Assemblée nationale, résument parfaitement ces idées. En septembre 2023, lors des débats sur la loi Plein-emploi conditionnant les aides sociales à des heures d’activité, il déclare :« Nous partons du principe qu’une mère au foyer, elle est peut-être mieux à la maison à s’occuper des enfants. » (Alternatives Economiques – Le Rassemblement national contre le droit des femmes). L’inégalité entre les hommes et les femmes est justifiée ici par une essentialisation des femmes profondément sexiste. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le droit des femmes à disposer de leur corps. Comme l’explique l’historienne Mathilde Larrère, les mesures natalistes s’inscrivent dans une temporalité bien plus longue du contrôle sur les ventres des femmes. « Faites des mômes, ou n’en faites surtout pas, faites en tout cas ce que l’on vous dit ! Deux siècles d’injonctions et de politiques qui mêlent encouragement et répression », écrit-elle dans un tribune pour l’Obs en 2024.
Alors que la France avait réussi, ces dernières décennies à maintenir un taux de natalité très supérieur à la moyenne européenne non pas en bridant la liberté des femmes mais au contraire en leur permettant de concilier au mieux accès au marché du travail (et donc à l’autonomie) et vie familiale, et en s’efforçant de soutenir les progrès de l’égalité entre les hommes et les femmes, la mise en œuvre du projet nataliste du RN, à contre-courant de toutes les évolutions sociétales et culturelles, risque de ruiner cet édifice qu’il faudrait au contraire parfaire. Loin d’atteindre ses fins en matière de natalité et d’équilibre des comptes sociaux, le RN ne réaliserait ici que ses fantasmes xénophobes et sexistes.
On peut se demander aussi ce qu'il adviendra des droits reproducteurs, dans l'éventualité d'un développement d'une politique nataliste en France...
Déjà que la pilule n'est plus sans avance de frais à partir de 26 ans et n'est remboursée qu'à hauteur de 65 % par l'Assurance Maladie après 26 ans (tiens, ce pourrait-il que l'État estime qu'à partir de cet âge, hop hop, faut penser à s'y mettre ?).
On pourrait se dire que "bon OK, mais pour les personnes aux revenus les plus modestes, il y a une couverture totale des frais, donc c'est pas si grave ?" Eh bien en fait, à cause d'un accès entravé aux contraceptifs et d'inégalités persistantes, il se trouve qu'elles ont finalement moins recours aux contraceptifs remboursés que les autres. Ces populations seraient donc d'autant plus vulnérables, concernant leurs choix reproducteurs, sous un gouvernement nataliste...
En Italie, la pilule est désormais gratuite...
au grand dam de son gouvernement (conservateur). Que se passerait-il, dans l'hypothèse d'une évolution sociétale plus conservatrice, où le gouvernement, s'il était toujours au pouvoir, parviendrait à imposer sa doctrine ?
Qu'en serait-il des opérations comme la ligature des trompes ou la vaséctomie ? Actuellement prises en charge, pourraient-elles un jour ne plus l'être ou alors sous conditions d'âge, de nombre d'enfants...?
Cyniquement, je serais aussi tentée de douter du droit à l'IVG sur le long terme, si le monde politique français et en général venait à prendre une tournure plus conservatrice et nataliste...
Tout cela n'est que pur questionnement pour le moment, mais je trouve important de réfléchir à ce que pourraient impliquer des décisions natalistes, conservatrices, si l'on poussait le raisonnement...
[Edit - Que dis-je, en fait, ce n'est pas que pur questionnement, on voit bien le droit à l'IVG qui recule par exemple aux USA...]
N.B. - Et sinon on est bien d'accord qu'il ne faut pas laisser un gosse dans son berceau pendant qu'on est au boulot, à moins de bosser chez soi. Plus sérieusement : économiquement, nombreux sont les foyers qui ne peuvent pas vivre correctement sur un seul salaire. Il y a aussi tout simplement les parents qui veulent une carrière ET des enfants ; au final, cela peut aussi représenter un atout pour l'enfant. Mais là-dessus, pas de règle, chaque personne voit midi à sa porte comme on dit.