La situation commençant à s'apaiser, je reprends comme promis le fil des échanges.
Je souhaite par ce long témoignage que l'expérience d'Ogawa puisse servir et profiter à d'autres.
C’est le pédopsy qui suit Ogawa qui a tiré la sonnette d’alarme début octobre :
« Ogawa va vraiment très mal. Je ne l’ai jamais vu comme cela depuis que je le suis. Il faut absolument envisager un retour en lycée d’enseignement général. »
Il est vrai que pendant l’été Ogawa avait maigri de 6 kgs et qu’il semblait triste et très préoccupé.
Toutefois il ne nous avait rien dit de particulier.
Si on ne lui pose de questions précises, il ne raconte pas forcément grand chose.
Même quand c’est très important.
C’est un souci récurrent dans le mode de fonctionnement des aspis il me semble.
Nous avions bien conscience que la vie au Lycée Professionnel et en internat était loin d’être rose pour lui mais nous n’avions pas mesuré l’ampleur de sa détresse et de son questionnement.
Ses amis lui ont été d’une grande aide par contre. Ils l’ont soutenu et conseillé, l’ont appelé, lui ont envoyé des SMS, des mails, passé des coups de téléphone pendant l’été, et même une fois de retour au LP.
Ogawa nous a depuis expliqué qu’il leur avait demandé des « trucs » pour faire face à la rentrée, à la nouvelle année avec ses « camarades » de classe là-bas.
« Les trucs » n’auront donc pas suffi.
Supporter l’insupportable, encaisser continuellement ne peut durer qu’un temps.
Après la rentrée, le harcèlement est allé crescendo et les bornes ont été dépassées un vendredi de début octobre : bombardement de bogues de châtaignes dans les jambes, de marrons sur le crâne, remarques humiliantes répétées et humiliation en cours de français, en présence du prof. de français.
Son devoir est tourné en ridicule par un bon nombre d’élèves alors que le prof de français le leur présentait par rétroprojection pour s’en servir comme base de travail.
Ogawa avait eu 18 pour ce travail ; il s’agissait de la fable qu’il vous a posté sur un de ses topics sur le forum.
Une élève de sa classe qui ne regardait jamais Ogawa est même venue à la fin du cours lui demander comment il avait pu ne pas pleurer ou quitter la salle…
C’est le lendemain qu’Ogawa a vu le pédopsy qui le suit et que ce dernier a tiré la sonnette d’alarme.
Comment en est-on arrivé là ?
Comment du rêve est-on passé au cauchemar ?
Ogawa n’était pas arrivé dans ce lycée professionnel pour étudier la boulangerie-pâtisserie par hasard.
C’était son choix.
Il y était allé par conviction. Il souhaitait faire de la boulangerie son métier depuis ses 5 ans.
Je reste convaincue et persuadée que mieux entourée, dans une ambiance de travail et de vie plus favorable, il serait allé au bout de son rêve.
C’est cela le plus dur à accepter finalement.
On ne leur demandait de faire d’Ogawa leur copain, il suffisait simplement de l’ignorer et de lui fiche la paix.
Face au harcèlement, aux agressions verbales, Ogawa, il y a quelques années, aurait utilisé la violence et les coups.
Il est là-bas parvenu à toujours se maîtriser ; ce fut épuisant, usant, destructeur.
Souffrir en silence, subir, faire face, se taire, avancer quand même …
En venir à ne plus souhaiter faire de la boulangerie son métier.
- Aurait-on dû dire plus explicitement ce qu’avait Ogawa, qu’il était asperger, aux élèves de sa classe ?
ð Le pédopsy n’était pas de cette avis ; Ogawa lui-même ne le souhaitait pas. Il pensait que les élèves qui le harcelaient auraient davantage encore exploiter ses failles. Nous avons respecté son choix.
ð Ses profs, en particulier son prof principal, pensaient que ça aurait été une bonne chose au contraire de dire qu’Ogawa était aspeger
.
- Aurait-on dû chercher un logement à l’extérieur du LP (pas d’internat) ?
ð C’est ce que le pédopsy a pu , à certains moments, préconiser. Nous pensions quant à nous que ça aurait davantage marginalisé Ogawa (je n’en suis plus si sûre maintenant…). Loger à l’extérieur aurait aussi impliqué qu’il se fasse à manger le matin et le soir et il n’aurait pas eu de chambre dans l’enceinte du LP pour aller se reposer entre midi et 14h.
- Des réunions plus régulières pour faire le point entre Ogawa, ses profs, sa personne ressource (le chef de travaux c’est à dire le directeur du lycée pro qui s’était porté volontaire pour l’être), les éducateurs de l’internat et nous parents, auraient-elle s pu empêcher les dérives constatées ?
- Des points hebdomadaires entre Ogawa, sa personne ressource et son prof
principal auraient-elles permis de trouver des solutions pour l’aider ?
Je souhaite que l’expérience vécue par Ogawa puisse nourrir la réflexion de parents, qu’elle serve à ce que d’autres jeunes aspis ne subissent pas ce qu’il a subi.
J’ai l’impression d’un tel gâchi…
Aujourd’hui, la boulangerie, c’est fini pour Ogawa
Il est en 2nde générale et a retrouvé son établissement de fin de 3ème et tous les copains et copines qui vont avec.
« Coming back to SS Ghetto », comme l’écrivait Jean.
Il récupère peu à peu, et est passé à autre chose même s’il reste marqué psychologiquement.
Nous avons mis à profit les vacances de la Toussaint, et allons mettre à profit le pont du 11 nov., à venir, pour plancher sur l’ensemble des cours qui lui a été photocopié, et plus particulièrement sur les maths (le niveau n’est pas le même qu’en lycée PRO) et l’allemand.
Ogawa qui éprouvait une profonde aversion pour la langue de Goethe sur laquelle il faisait un blocage sans nom (c’est pourtant lui qui avait choisi de faire allemand 2ème langue) a travaillé avec acharnement tous les jours pour rattraper un niveau de 2nde.
Nous avons d’ailleurs travaillé en collaboration avec sa prof. d’allemand.
Avant de conclure, je tenais à mentionner que son prof de maths de 2nde PRO et de 1èrePRO avait écrit à Ogawa, après son départ, une longue lettre très touchante.
3 élèves de sa classe de 1ère PRO ont aussi pris contact pour essayer de garder contact avec lui et lui souhaiter bonne chance.
Son prof de boulangerie et le chef de travaux (directeur du LP) lui ont offert un très beau livre de boulangerie-Pâtisserie qu’ils ont longuement dédicacé.
Quant aux documentalistes du LP, elles lui ont offert un livre de SF, « Génésis » avec une jolie dédicace dans laquelle elles soulignaient combien Ogawa leur avait apporté et appris « humainement » parlant.
« LA FAMEUSE ENTREE AU LYCEE DE CONCARNEAU », une expérience douce-amer …
"En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc : Plus ça rate, plus on a de chances que ça marche" J. Rouxel
Devise Shadok