Est-ce que les personnes autistes apprennent différemment ?

[freeshost]

Salut, la compagnie Asperansa,

Dites, est-ce que les personnes autistes apprennent différemment des personnes non autistes ? Et quels facteurs ne changent pas sensiblement entre personnes autistes et personnes non autistes ? Y a-t-il eu des études précises ou globales à ce sujet ?

N'hésitez pas à nuancer au sein du spectre, au sein des comorbidités, au sein d'autres particularités.

Est-ce que les personnes autistes apprennent moins bien sur le tas (y compris quand il y a peu d'interactions sociales) que de manière scolaire ou académique ?

Est-ce que les personnes autistes mettent, en moyenne, plus de temps à apprendre certains savoir-faire (bien sûr, les savoir-faire sociaux, communicatifs ; mais aussi les savoir-faire sensori-moteurs, les interactions entre mouvements/gestes et perceptions ; etc.) ? Ou, au contraire, mettent-elles, en moyenne, moins de temps ou avec plus de facilité ou de méthode pour apprendre certains savoir-faire (cognitifs notamment mais aussi d'autres, pourquoi pas sensori-moteurs, malgré les éventuelles dyslexies, dyspraxies, TDA/H, etc.) ?

Est-ce que les personnes autistes sont plus autodidactes en raison de certains facteurs (autres que le fait d'être moins à l'aise avec les interactions sociales [avec une personne enseignante]) ?

Est-ce que les personnes autistes sont plus créatives qu'imitatrices ? Par exemple, sont-elles plus à l'aise pour créer une recette (qu'elles développent elles-mêmes) à partir d'ingrédients donnés (par exemple tirés au hasard avec des cartes) ou sont-elles plutôt à l'aise pour suivre une procédure (un protocole) donnée de bout en bout ? [Je prends l'exemple de la cuisine, mais ça peut être aussi la composition de texte, la composition musicale, la composition picturale, architecturale, la construction de modèles scientifiques, didactiques, etc..]

Est-ce que les personnes autistes apprécient moins le conflit sociocognitif ?

Est-ce que les personnes autistes apprécient moins les heuristiques, les simplifications trop apparemment simplistes (dont on nous abreuve beaucoup à l'école obligatoire [et même après...])?

Enfin, est-ce que les personnes autistes enseignent / expliquent différemment ? (par exemple, de manière plus analytique ou plus exacte ou plus exhaustive ou moins "dialectique", en intégrant moins l'erreur de l'autre / des autres dans le processus d'aide à l'apprentissage...)

Et vous ? Vos connaissances dans le spectre ? N'hésitez pas à nuancer ("Pour les langues, ... ; par contre, pour la mathématique, ...") Comment adapter l'enseignement (scolaire, professionnel, etc.) aux personnes autistes, aux groupes hétérogènes (composés de personnes autistes et de personnes non autistes) ?

[Georges-André]

Quand j'explique un truc (dans un sujet que je connais bien), j'ai du mal à ne pas donner un kilo de détails et à ne pas partir dans tous les sens. Faut que je prépare un truc écrit pour être sûr de pas faire des apartés au point qu'on n'arrive plus à me suivre, et pour être sûr de ne rien oublier aussi... Je suis incapable d'improviser un cours ou même une explication brève sur tel sujet qui m'intéresse.

[Manichéenne]

Je fais exactement l'inverse : je suis très synthétique, et quand j'explique je ne donne pas du tout de détails. Par contre je peux improviser si je maîtrise mon sujet.
On m'a demandé un jour de faire une formation, il était prévu 5 jours. Au bout d'une heure j'avais tout expliqué, alors j'ai prétendu que c'était pour donner une vue globale puis j'ai repris point par point. Ca a été très dur, et j'ai fini par donner des exercices pour faire durer.

Comme quoi, il ne faut pas faire généralité de son cas.

Je n'ai jamais vu d'études sur l'apprentissage des autistes, je sais seulement que nous sommes beaucoup plus visuels, pour la plupart.

[Lilas]

Je suis plutôt comme Manichéenne aussi : droit au but.
Idem s' il l'on veut m'expliquer quelque chose : je ne suis pas patiente et j'ai tendance à brusquer les gens qui enrobent et tournent autour du pot pendant des heures (si le cadre le permet) ou à laisser mon esprit divaguer ailleurs (sinon).

Sinon, un point particulier avec ma façon d'apprendre, c'est qu'il faut que je comprenne "du premier coup".
Si je ne comprends pas une première fois quelque chose que l'on veut m'enseigner, je bloque ensuite et la chose devient à jamais quelque chose que je n'aime pas, ne comprends pas et ne comprendrai jamais.

[philigram]

Comme Lilas et Manichéenne : je dois à tout prix m'exprimer à l'oral en quelques mots, sans détails. J'attends de même de la part des autres.
Et combien de fois j'ai eu la remarque : "voilà qui est bien résumé en quelques mots" (avec souvent un signe de soulagement), après avoir coupé la parole d'une personne qui se noyait dans les détails, et perdait et ennuyait tout le monde dans une réunion.

Pour l'apprentissage : je n'arrive pas à suivre en cours, en formation face à un formateur. Je dois tout refaire chez moi, au calme. Je préfère aussi apprendre en situation, en expérimentant moi même.

[le jean moulant]

Pour ce qui est des codes sociaux j'ai longtemps pensé les avoir bien intégrés...je n'en suis plus si certaine.

Je ne salue pas les personnes que je croise dans la rue par exemple, mes proches me disent en avoir honte. Je n'arrive pas à décider si je dois saluer, alors j'attend que ce soit l'autre qui le fasse.

Lorsque je suis avec d'autres gens, il m'arrive de faire une plaisanterie ou de donner mon avis...il peut y avoir un froid glacial qui s'installe...des regards entendus qui s'échangent...alors je me tais, je rentre dans ma coquille et on ne m'accorde plus d'attentions.

Pour les apprentissages, à l'école je n'arrivais pas à apprendre avec un prof derrière moi, par contre si l'on me laissais seule avec mon travail pour pouvoir procéder a ma manière j'y arrivais...malheureusement cela ne se passait que rarement de cette façon.

Je me souvient un jour, le prof m'avais fait venir au tableau noir pour résoudre un exercice de math auquel je ne comprenais rien...je ne voulais pas y aller...il a tellement insisté que à bout de nerf je lui ai lançé mon cahier à la figure et je suis allée au tableau en pleurant (non sans avoir cassé la craie avant), et sans savoir comment, en trente secondes j'avais résolu le problème...il m'a regardée d"un air entendu et m'a dit "eh ben voila".

Les dictées étaient aussi cauchemardesques...car il m'arrivait souvent de penser à autre chose et d'écrire des mots en rapport à mes pensées...

Et moi non plus je ne peux pas donner une explication simple sans partir dans tous les sens...sans donner milles détails qui parfois n'ont absolument rien à voir...mes interlocuteurs se fachent..."nous parlons bien de la même chose?", "rien à voir avec ce que je dis",
"tu m'écoutes ou quoi?".

Je sais pas si ce sont des signes autistiques ou si les personnes normales peuvent aussi avoir ce genre de difficultés.

[hazufel]

Les personnes normales VS personnes avec autisme ?
Qu'est-ce que la normalité ?

Pour ma part je plussoie ce qu'ont dit Lilas, Manichéenne et Philigram.
Synthétique dans les deux sens, mais j'aime pouvoir développer des détails si le sujet me passionne ou qu'on puisse y répondre si je demande.

[philigram]

Les personnes normales VS personnes avec autisme ?
Qu'est-ce que la normalité ?

Pour ma part je plussoie ce qu'ont dit Lilas, Manichéenne et Philigram.
Synthétique dans les deux sens, mais j'aime pouvoir développer des détails si le sujet me passionne ou qu'on puisse y répondre si je demande.

Pour entrer dans les détail (!) : en fois le sujet exposé synthétiquement, je procède par couche, comme un zoom sur chaque idée, selon l'utilité de développer un plus que l'autre.
Je pars d'une vision globale pour rétrécir ensuite la focale.

/*/

Par contre, désolé, Pull Orange, mais les gens qui se perdent dans les détails me font transpirer. Je ne sais pas comment les interrompre gentiment pour leur dire qu'ils m'angoissent ou m'ennuient.

J'ai le cas du beau-père. Il est un modèle du genre. Et NTs ou pas, il gonfle tout le monde, et tout le monde le fuit à cause de cela. Face à lui, j'ai parfois des angoisses telles que j'ai envie de fuir en courant, de hurler. Il part d'un sujet, met du détail, puis développe le détail qui devient le sujet principalet ainsi de suite. Il ne finit aucune histoire. Si je rajoute à cela le "décodage" (accent), c'est une torture et ça n'a aucun intérêt.

[freeshost]

Ah ! Bien sûr, il faut différencier le contexte, si celui-ci est fait pour apprendre-enseigner (classe, amphithéâtre, etc.) ou non (rencontres sociales, familiales, festives, etc.).

Pour ce qui est d'expliquer, j'essaie de m'adapter à mes élèves : en ornant d'exemples la théorie, en ornant d'exercices la pratique. Il faut aussi que je m'adapte au type de formation : dans certaines, il faut juste apprendre par cœur certaines dérivées de fonction et certaines formules ; dans d'autres, il faut aussi être capable de démontrer. Pour ce qui est détails, j'essaie d'en mettre le moins possible, sans pour autant rogner sur ceux nécessaires à la compréhension de la règle. Par exemple, il est nécessaire d'avoir appris ce qu'est un complément d'objet direct pour comprendre une bonne partie des règles du participe passé (il faut même avoir appris la différence entre verbes essentiellement pronominaux et verbes accidentellement pronominaux pour une petite partie du chapitre ).

Pour ce qui est d'apprendre, je préfère souvent apprendre seul, surtout ce qui est "purement" (en grande partie) cognitif, ce pour quoi je n'ai pas besoin qu'une autre personne m'explique. Ainsi, je peux aller à mon propre rythme. Comme j'aime l'exhaustivité, je me procure souvent des livres complets (et gros), pas comme les livres scolaires (où il manque souvent des explications, du détail ). Puis, si j'ai des questions, je fais des recherches sur l'internet, je pose ces questions sur des forums spécialisés. Apprendre seul, c'est gratuit (en termes de services), pas cher (juste acheter des livres).

Par contre, pour ce qui est plutôt perceptuel et sensori-moteur, j'ai plutôt tendance à prendre des cours, du moins pour les bases et pour chaque nouveau groupe de gestes techniques à apprendre, de telle manière que la personne enseignante puisse corriger tout de suite mes gestes techniques, histoire de ne pas acquérir de mauvaises habituelles gestuelles. Une fois que j'ai acquis correctement ces gestes techniques, je peux les entraîner seul. Bon, là, il y a de l'interaction sociale, de l'exposition de soi, faut payer la personne donc pouvoir y consacrer une partie du budget, faire un peu de small talk.

[Flower]

J'aime bien les explications orales synthétiques et claires. Après, moi-même, j'ai parfois tendance à perdre le fil et à partir sur des sujets annexes si je ne me suis pas préparée... Généralement j'essaie quand même d'être synthétique aussi, mais c'est plus facile à l'écrit.

Sinon, j'ai noté que pour apprendre une langue, j'ai besoin que le cours soit très structuré et clair, idéalement appuyé sur un livre, avec une progression "logique". J'ai eu beaucoup de mal avec les cours que j'ai pris adulte où on nous distribuait des polycopiés sans lien les uns avec les autres, je finissais complètement perdue.

Je n'ai jamais eu de difficultés en revanche pour suivre les cours à l'école. Au contraire même, j'étais du genre à écouter attentivement et du coup je n'avais pas trop besoin de retravailler des choses à la maison.