
Ce qui me rassure est que ma compagne s'est faite la même réflexion en lisant ces témoignages. Elle ne comprend pas que l'on puisse penser de telles choses d'un conjoint aspie et ne pas faire la démarche d'en parler avec lui plutôt que de tout de suite penser à le quitter. Elle n'envisage pas de vivre sans moi... 0uf ! Car je ne pourrais quant à moi vivre sans elle... Mais je lui en fais baver, et j'ai peur d'être "monstrueux" envers mes enfants, et qu'un jour elle doive partir pour les protéger... Cette crainte me hante...
D'un autre côté, même si on parle peu (on peut débattre des heures sur des questions théoriques au carrefour de nos champs de recherches, mais on ne se raconte pas les banalités d'usage, qui pour nous n'ont aucun intérêt et nous insupportent dans nos relations avec d'autres personnes - moi en plus elles me terrifient car je ne sais comment y répondre :/ En fait, en gros je ne parle jamais que de mes recherches... J'ai aussi beaucoup de mal à "faire semblant" et passe le plus clair de mon rare temps en situations sociales à chercher à m'esquiver. :/ Comme dit Meï, je peux apprécier une discussion lorsque il y a un sens, mais pas le "relationnel" qui consiste à parler de rien. - et on ne va pas se raconter une vie que l'on connait déjà tous les deux, puisqu'on la partage !), si on a peu de contacts physiques (au moins, avec elle, et elle seule, je les supporte...), si j'ai besoin d'être seul souvent, si on donne généralement l'impression d'une certaine distance entre nous, je nous trouve finalement bien plus équilibrés que les couples NT que nous connaissons : chez nous, pas de sous-entendus ; certes il y a de violentes explosions, mais au moins les choses sont dites, sans détours. 0n parle peu, mais on parle vrai, et des choses importantes que les NT se cachent et qui bouffent un couple. 0n se laisse vivre quand les autres empiètent chacun sur le territoire de l'autre. cela ne nous viendrait pas à l'esprit d'empêcher l'autre de vivre sa vie, ses passions, alors qu'autour de nous nous voyons les couples gangrénés par cette propension qu'ont beaucoup de NT à brider leur conjoint(e), et ils ne se disputent pas : ils ravalent leur frustration et cela les ronge, ronge leur couple de l'intérieur...
Peut-être ma femme est-elle un peu aspie aussi (d'après l'aspie-quizz elle le serait au moins pour certaines catégories)... Peut-être un aspie ne peut-il pas vivre avec un NT... Quand je vois les NT autour de moi, je me dis que je serais incapable de vivre avec une femme qui leur ressemble. Je suis bien mieux avec mon amour, aussi étrange que moi ou presque, et tant pis si on est des monstres : au moins sommes nous des monstres heureux ensembles, même si on ne ressemble pas vraiment à un couple normal. Je ne veux pas juger les NT, mais simplement je ne pourrais pas être en couple avec ceux que j'ai connus : je serais incapable de m'adapter à leur fonctionnement. Ce n'est pas un jugement moral (dire que les aspies sont supérieurs aux NT ou l'inverse), c'est juste que je ne pourraixs pas.
Je suis d'accord quant au fait qu'il ne faut pas généraliser, ni d'un côté ni de l'autre : dire "tous les NT..." ou "tous les aspies..."... En même temps, il y a bien des généralités que l'on peut faire pour l'ensemble d'une population, mais dès-lors que l'on fait une généralisation MORALE c'est problématique. Je veux dire par là que l'on peut dire que tous les aspies présentent telle ou telle particularité, mais dire que tous les aspies / NT sont gentils / méchants, non seulement c'est intenable, mais cela ne fait pas avancer le schmilblick, au contraire ! Cela ne fait qu’entraîner une spirale de haîne, chacun rendant l'autre responsable de ses maux, et l'autre se sentant agressé agressant à son tour. Et je dis ça alors que j'ai moi-même bien du mal avec les NT, et ce depuis bien avant même de connaître le terme NT. Quand j'étais ado je parlais des "moutons" pour désigner les gens normaux, et ils me rendaient malade. Il faut dire que j'étais continuellement l'objet de leurs brimades. Quand Liane écrit :"mon copain avant qu'on soit ensemble, il était persuadé qu'il passerait et finirait sa vie seul, parce que - entre autre à cause de sa différence je pense - il a toujours été utilisé/manipulé/abusé par les gens. Il ne connaissait des rapports humains que la "soumission à l'autre". Il était l'objet de toutes les personnes qu'il côtoyait avant moi... Alors je peux te dire que niveau confiance en l'humain, il était au trente-sixième sous-sol !", je ne peux qu'y reconnaitre mon propre parcours jusqu'à l'isolement total auquel je me suis abandonné vers la vingtaine. Mais par suite, avec le temps j'ai rencontré des NT gentils, ouverts et intelligents, notamment ici (même si mes relations sociales sont proches de zéro, se limitant à la famille proche et ce qui est matériellement nécessaire). Cela fait du bien et amène à relativiser son jugement. Toutefois, sans vouloir froisser nos amis NT, je ne me verrais absolument pas vivre au quotidien avec une personne NT. Et je pense que ce serait aussi bien trop éprouvant pour elle. c'est triste, j'aimerais dire que NT et aspies peuvent vivre ensemble, mais en ce qui me concerne au moins, ce serait invivable ! A vrai dire, avant de rencontrer ma femme dans des circonstances pour le moins extra-ordinaires (sur un forum sur lequel traînaient, disons, des gens pas très sociables, l'exact opposé d'un site de rencontres), je m'étais résolu à vivre à jamais seul. Je n'ai rien fait pour attirer l'amour... mais je ne l'attendais pas. Il s'est présenté de lui-même, et je l'ai cueilli. J'avoue que j'ai eu une chance incroyable ! Nous avons eu un coup de foudre réciproque, non sur des critères physiques (et encore moins les phéromones, qui à ma connaissance ne s'envoient pas par msn !

Je ne crois pas que l'amour véritable soit "choisi". Comme dit Mizton, on "T0MBE" amoureux. Je crois au contraire, à la suite de Kant, qu'il ne peut y avoir d'injonction (morale, divine...) à aimer, car l'amour, comme la haine, s'impose mais ne se choisit pas. L'on peut et l'on doit choisir le respect, la solidarité (ce que Reflet appelle "l'amour du prochain" : ne pas lui vouloir de mal... ou lui vouloir du bien ? C'est encore autre chose, peut-être la différence entre le seul respect, négatif et passif, et la solidarité, positive et active ; et c'est tout l'enjeu de l'éthique que d'assumer ce choix même envers des personnes que l'on n'aime pas), mais pas l'amour qui est un sentiment échappant au contrôle de la raison. Bien sur, la raison peut le moduler, le rationaliser voire le raisonner, mais je ne crois pas qu'elle puisse le provoquer. 0n peut choisir de succomber à l'amour ou d'y résister, c'est à dire d'accepter ce sentiment ou de lutter contre, mais on ne le provoque pas. 0n peut choisir de faire des choses par amour, ça oui, d'entretenir cet amour, mais un amour choisi, ce n'est pas de l'amour, c'est autre chose, une volonté. Je n'ai pas choisi d'aimer ou non ma femme, ma mère, ma famille ; c'est un sentiment qui s'est imposé. En revanche, je choisis ou non d'aider une personne dans le besoin, indépendamment de mes affinités envers elle. Que je sois bienveillant envers une personne, précisément parce qu'elle est une personne, n'implique pas que je l'aime en tant que l'individu singulier qu'elle est. J'appelle cela de la solidarité, je ne vois pas le rapport avec l'amour : je n'agis pas parce que cette personne singulière compte pour moi, m'est chère, mais pour des raisons éthiques, parce que ce qu'il y a en elle d'universel, son humanité m'est précieuse. A la limite, on pourrait dire que la solidarité est amour du genre humain, mais cela soulève certains problèmes puisqu'il existe des solidarités communautaires. Vaste débat... En tous les cas, je demeure convaincu que la distinction entre l'amour d'une personne et l'attachement à l'humanité ou à une communauté sont deux choses différentes, même si dans les deux cas il s'agit d'un attachement, et que je ne le crois pas purement rationnel mais toujours motivé par un sentiment, qui peut être ou non rationalisé. Je crois à la suite de Mill que l'attachement à l'humanité (ce qu'il appelle le désir de justice) provient d'une rationalisation du désir (sentiment) de liberté. L'amour éprouvé pour une personne singulière me paraît en revanche être un attachement d'une autre nature, un attachement (sentiment) à ce qu'elle est en sa singularité, en elle-même ; c'est cela que j'appelle amitié ou amour amoureux (la relation entre ces deux types d'attachements étant, je crois, fort complexe).
Rousseau disait que la raison peut dicter les moyens, mais que ce sont les sentiments qui dictent les fins. Je suis d'accord avec lui : la raison seule ne désire, par définition rien, donc n'agit pas. Elle calcule, soupèse des croyances et des motivations qui doivent avoir une source affective. Il faut une impulsion, un désir, un sentiment, qui puisse servir de matière à la raison. Par exemple, je peux savoir que le chocolat fait grossir et qu'il est apprécié par la plupart des gens... La belle affaire ! Pour que je décide ou non de manger du chocolat, il faut bien qu'à un moment donné j'ai un désir, qui sera certes travaillé par la rationalité, mais sans lequel je n'aurais aucune raison d'agir. Je peux décider, choisir de manger ou non ce chocolat, parce que je désire son goût mais que je ne veux pas grossir, et que j'ai rationnellement soupesé le pour et le contre, mais il faut bien que j'ai des envies à soupeser. Il m'a fallu du temps pour le comprendre, j'ai eu du mal à l'accepter, mon ultrarationalisme en a pris un sacré coup et ça a été une grosse remise en question de mon fonctionnement général, mais je ne saurais aujourd'hui nier que ce sont, à la base, les sentiments qui dictent l'action. Se met ensuite en place une dialectique complexe entre raison et sentiments, la première modifiant les seconds en les confrontant les uns aux autres ainsi qu'à l'expérience et aux informations rencontrées dans l'existence, c'est ainsi que l'on se construit peu à peu. Mais la raison ne saurait tourner à vide : un ordinateur, sans instruction, ne fait rien ; il faut qu'une VOLONTÉ (vouloir, désirer) le meuve, appuie sur le bouton. L'on pourrait comparer l'intelligence à un langage de programmation ou autre : aussi bien conçu qu'il soit, il n'est qu'une forme à laquelle il faut donner un contenu pour que quelque chose s'exécute. Et que je sois aspie ou non ne change rien à cette conclusion à laquelle je suis arrivé... rationnellement.

N'est-on pas plus mature lorsque l'on a appris à utiliser un couteau sans se blesser (et sans blesser les autres) que lorsqu'on a préféré vivre toute sa vie sans toucher un couteau ?

Au passage, j'aimerais assez visionner les films ADAM et couleurs autismes. sauriez-vous comment je peux me les procurer ? Je crois que Couleurs autisme est dispo au CRA, mais j'en suis assez loin. :/
PS : "Pourquoi ne vous baladeriez-vous pas avec un carnet afin d'y noter ce que vous voulez dire, et comme ça vous pouvez attendre votre tour pour vous exprimer ! :p" -> C'est ce que je fais ! ^^ Autant je ne parle pas, autant qu'est-ce que j'écris ! Cela dit, comme Schehade j'ai de plus en plus tendance à abandonner le carnet pour prendre des notes sur mon smartphone... Il commence à y avoir un peu moins de post-its et de feuilles griffonées partout dans la maison ! ^^"
Ah ah ! Ça m'arrive tout le temps ! :/ Mais c'est peut-être aussi vrai de certains aspies... moi le premier, sans doute ! Mizton a raison : moi la théorie de la monnaie (pas seulement l'autrichienne du reste) m'intéresse alors que l'architecture je n'en ai rien à foutre (mais l'écologie j'aime bien), chacun ses centres d'intérêts (même si je trouve les miens plus importants... ->[]Il ne faut pas être trop sérieux avec les NT. Les discussions sur la météo ou l'économie sont vraiment difficiles parce qu'ils ne veulent pas savoir mais se plaindre. Surtout pour l'économie, un de mes intérêt est l'école d'économie Autrichienne... mais la dernière fois que j'ai expliqué la théorie monétaire je crois que j'ai emmerdé le NT parce qu'ils ne me parlent plus de ça! Il se plaint d'autres choses]


Faire des efforts pour vivre "avec les gens", j'aimerais bien mais je ne sais pas faire... Quoique, à la réflexion, je dois en faire un minimum en fait, et que finalement je ne sais pas si j'en ai vraiment envie :$. De ce fait, je vis généralement "à côté des gens" et cela me convient tout à fait. En fait, je crois que je suis prêt à faire des efforts pour les rares personnes que j'aime et "avec" qui j'ai envie de vivre (ma femme...), mais j'ai vraiment l'impression d'en être incapable. :/
Jonquille, moi aussi je fais mon possible pour me tenir à distance, mais j'ai beau faire, les gens viennent toujours me parler... -___-' Enfin, ceux qui me connaissent au bout d'un temps finissent par s'éloigner, comprennent que je suis solitaire. Je ne comprends pas quand les gens se plaignent d'être seuls et cherchent à tout prix à s'associer à d'autres. J'ai toujours pensé qu'il vaut mieux être seul que mal accompagné, mais on dirait que les autres préfèrent être mal accompagnés. Comme Schehade, lorsque je suis seul je ne pense pas à ceux qui sont absents, et ils font la gueule quand je les revois ; c'est à ce moment là que je me rends compte que je ne leur ai donné aucune nouvelle depuis des mois. Je n'aime pas non plus recevoir du monde ou aller chez des gens, même lorsque je les apprécie. 0n ne se voit que lorsque il y a une raison "matérielle". J'aimerais aussi ne pas vexer ceux que j'aime, mais j'ai l'impression que quoi que je fasse ils se vexeront... C'est tellement compliqué tout ça ! :/
... "parasitage"... ou symbiose ? Je rapporcherais plus l'amour d'une symbiose, qui implique une certaine dépendance mutuelle. Il n'y a pas que la concurrence et le parasitage comme modes d'être.En effet, lorsque l’on a besoin de quelqu’un d’autre pour survivre, c’est que nous parasitons cette personne