L'IA :
Extrait :
Alors, moi le premier, j'ai dit à plusieurs reprises que l'IA était une bulle, qu'elle allait finir par exploser. Et ça je le maintiens aujourd'hui, je pense que l'IA est une bulle financière, mais il ne faudrait pas se méprendre sur ce que ça signifie : à la fin des années 90, il y avait un truc qu'on appelait la « bulle internet » et qui a éclaté au début des années 2000. Pourtant, au risque de te surprendre, mais internet est toujours là. Pire, l'importance et le poids de l'internet actuel feraient passer celui d'avant la bulle pour une charmante expérience sociologique.
Donc ce n'est pas parce que la bulle financière de l'IA finira par éclater qu'il faut s'imaginer que l'IA disparaîtra dans la foulée sans laisser de traces. Lorsque la bulle éclatera, ça mettra à n'en pas douter un beau boxon économique et social – enfin une reconfiguration du marché, comme on dit chez les conn… chez les néolibéraux. Mais l'IA ne s'en ira pas. Il y a même un risque, comme avec internet, qu'elle finisse par en ressortir plus forte que jamais.
Le fait qu'elle soit insoutenable écologiquement est hors de propos : le système capitaliste est intrinsèquement insoutenable écologiquement et ça ne l'a jamais empêché de diriger la marche du monde. À sa perte, sans doute, oui, mais tu vois bien que ça ne suffit pas à l'arrêter.
Quant à un modèle économique viable, j'ai de moins en moins de mal à croire qu'OpenAI et compagnie le trouveront : nous sommes encore dans la phase « la première dose est gratuite », mais ne nous y trompons pas, c'est une drogue redoutable dont des millions de gens deviennent déjà dépendants à vitesse grand V.
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Ah ça fait chier, comme question, hein ? Non mais moi non plus, j'aurais préféré pas avoir à me la poser. Moi aussi, j'aurais préféré qu'on empêche OpenAI et compagnie de développer leurs saletés. Moi aussi, j'aurais préféré que cet ouragan n'arrive pas. Mais c'est là, c'est partout et ça ne s'en ira pas de si tôt. Boycotter, c'est-à-dire en fait ne rien faire, c'est une bonne réponse à titre individuel, mais c'est comme aller bosser en vélo l'écologie : déjà, faut avoir la possibilité le faire, et surtout, ça ne suffira pas à l'échelle collective.
Pour agir contre l'hégémonie de l'IA, il faut donc arrêter le déni, regarder cette réalité difficile en face, mais sans tomber pour autant dans la résignation ou l'aquoibonisme, bref, garder l'espoir que nous avons quand même le pouvoir d'améliorer notre monde. Et pour ça, j'aime bien citer ce dialogue du Seigneur des Anneaux. C'est Frodon qui se lamente de la guerre dans laquelle il est entraîné et dit : « J’aurais voulu que cela n’ait pas à arriver de mon temps. » Ce à quoi Gandalf, le magicien, lui répond : « Moi aussi, et il en va de même pour tous ceux qui vivent en de pareils temps. Mais il ne leur appartient pas de décider. Tout ce qu’il nous appartient de décider, c’est ce que nous comptons faire du temps qui nous est imparti. »
Alors, ami⋅e libriste, face à l'IA comme au reste, je te laisse pour l'été avec cette question : « qu'allons-nous faire du temps qui nous est imparti ? »
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).