Confusion entre 1. l'
explication et 2. la
justification :
- Les émotions/pensées négatives sur le moment/réactions chimiques dans le corps, et leur caractère relativement ordinaire. En tout cas, c'est humain ; une émotion souvent jugée négative comme la colère par exemple, est en réalité normale, et si on en ressent le besoin, l'exprimer est en fait très sain (tout dépend comment).
- Les actions faites ou non sur autrui (ici les enfants) en réponse à cela. Et c'est là qu'est le problème : ce n'est pas parce que les ressentis existent (et sont relativement ordinaires), que les actions commises ensuite sont justifiées. Ressentir un accès de colère (et le rediriger afin de pouvoir l'exprimer), rien de problématique à cela ; si la colère est là, elle est là. Agir en réponse à cet accès de colère sur son enfant (en dehors de situations où l'on se défend — et proportionnellement —), c'est problématique car on instaure un rapport de domination.
On perd de vue la notion de
rapport et on réfléchit surtout en
actes (eux-mêmes), en
intensité de ceux-ci, en
conséquences physiques (douleur, traces...)...
On décide arbitrairement d'un seuil d'acceptabilité, par exemple : une gifle qui fait mal à l'enfant n'est pas acceptable, une qui ne fait pas mal mais humilie l'est. En plus de la difficulté à mettre en pratique des gifles parfaitement calibrées, on aborde le problème du côté qui
impose (parent) plutôt que de celui qui
subit (enfant).
Concrètement, ça veut dire que si selon soi, parent, X acte envers son enfant n'est pas grave, alors il ne sert à rien de creuser la question de la gravité pour l'enfant. Ce qui pose forcément problème, car contraindre son enfant à quelque chose que l'on pense sincèrement pas grave et même l'inverse (ex : faire des bisous, manger un bon repas), peut être un calvaire (ex : enfant autiste ne supportant pas les bisous, ou le repas en question).
Si mes exemples ci-dessus paraissent trop extrêmes car trop spécifiques, ils permettent pourtant de montrer que l'on ne peut pas considérer l'impact sur l'enfant en ne regardant que du côté parental. C'est aussi miser sur l'idee que, dès qu'en tant que parent on sait que quelque chose dépasse les limites (selon soi), on s'abstient... mouais, comme si dans de nombreux cas d'inceste, les parents ignoraient faire quelque chose d'interdit...
De manière plus large, comment on détermine concrètement ce qui est violent, en ne sortant pas de ce prisme parental ?
Les actes physiques et dans ce cas, seulement ceux qui font mal, laissent des traces physiques ? Quid des actes incestueux ""délicats"" ?
Quid de la soumission/l'humiliation par des contacts jugés donc non-violents, ou des postures intimidantes, des attitudes contrôlantes, sans contact ? Des situations incestueuses sans contact ?
Quid de tout ce qui n'entre pas dans le physique : les paroles, et comment on fait le tri dedans ; est-ce que c'est une question de ton, volume employé, de mots, les trois ? Et les mots, doit-on les considérer insultants, ou sexualisants, seulement s'ils le sont explicitement ? Et les sous-entendus, les répétitions "anodines", l'entretien des ambiances de merde, ou prédatrices (mais sans passage à l'acte) ?
Et les restrictions, lacunes et/ou carences éducatives, les négligences, le rejet de certains aspects de son enfant (LGBTQIA+ par exemple), les différences de traitement avec d'autres membres de la fratrie, ...?
Tout cela, si on ne regarde pas du côté qui subit
(enfant), n'a de gravité que celle que le côté qui impose
(parent) veut bien attribuer, à supposer que ça mette un stop... Et donc, pas de limites objectives, on fait à sa sauce...
Par contre, si on sort du cas par cas, acte par acte, et qu'on regarde cela sous l'angle du rapport injuste, on réfléchit alors en
conséquences, en
implications pour l'enfant (et en
devoir, en
responsabilité côté parent).
Il peut aussi y avoir une confusion avec le statut de parent. Ben oui, après tout, en tant que parent on a autorité sur l'enfant
(plus ou moins selon l'âge, jusqu'à ne plus en avoir sur l'enfant adulte), donc on est forcément dans un rapport de domination.
Pas exactement : on ne
"domine" pas son enfant, pas plus que l'on ne domine son chien
(dans une relation saine j'entends car sinon c'est pas ça qui manque). On prend à sa place diverses initiatives et décisions car l'enfant (selon l'âge), tout comme le chien dans cet exemple, est dans l'incapacité temporaire (ou définitive), et à des degrés variables, de vivre sans que l'on n'en assume la responsabilité.
Nous sommes effectivement en position de force par défaut, et les limites que nous devons imposer à ces êtres — moins autonomes que nous dans le monde au sein duquel nous évoluons — font partie des bases leur permettant de vivre de la façon la plus sécurisée et sécurisante possible (pour le monde qui les entoure également).
Limites qui ne sont jamais QUE ça : on propose des alternatives, on éduque, on fait comprendre, on essaye de faire au plus juste, de comprendre ce qui explique une opposition, ...
En suivant cette logique de responsabilité sur l'enfant, il apparaît encore une fois que réfléchir en termes d'
actes seulement, en les sortant de leur contexte, n'est pas pertinent : par exemple, si on se base seulement sur l'acte, attraper brutalement son enfant et læ ramener vers soi en læ faisant tomber au sol, c'est maltraitant ; si on replace dans un contexte où c'est pour lui éviter de se faire écraser par une voiture ou de chuter dans un vide, ça s'inscrit dans la responsabilité que l'adulte a sur l'enfant (qui n'est pas en mesure de gérer sa sécurité). On pourrait éventuellement arguer qu'il faudrait éviter de se retrouver dans cette situation à la base... mais la vraie vie n'est pas prévisible à 100%.
Je vais peut-être choquer avec cette comparaison, mais ça suit le même raisonnement : si je tue mes chats "juste comme ça", c'est maltraitant, même si j'emploie une méthode douce ou instantanée donc sans aucune souffrance (ou que je le fais faire en clinique "dans les règles") ; si je les fais euthanasier sur conseil vétérinaire pour abréger des souffrances, c'est ce que je peux faire de plus juste pour eux. L'acte en lui-même est pourtant identique.