Pour ma part, le diagnostic est tout neuf mais les interrogations datent de plusieurs décennies...
Je me pose des questions depuis l'adolescence, mais j'ai tour à tour pensé que mes soucis d'intégration étaient dûs au fait que j'étais surdouée (à l'époque le terme HPI n'existait pas encore), parce que j'avais sauté une classe, puis je me suis demandée si je n'avais pas un sale caractère (que j'ai essayé de modifié), un TDA (j'ai lu plein d'articles dessus), si j'étais hypersensible (j'ai failli tomber dans le panneau, l'effet Barnum était fort, mais il y avait trop de bullshit dans les livres à ce sujet, je l'ai repéré), si c'était dû à mon éducation, etc...
En 2006 j'ai lu le livre de Daniel Tammet et me suis posée des questions. Auparavant, j'avais lu un article sur le web vulgarisant la théorie de Simon Baron-Cohen sur le lien entre autisme chez les enfants dont les parents étaient d'ingénieurs, c'était au tout début des années 2000, ma fille était encore bébé, ou c'était avant sa naissance, car je me souviens que cela m'avait inquiétée...
Puis un jour pour rire mon chéri et moi on avait fait, pour rire, le fameux test avec les yeux, et j'ai été stupéfaite de nos scores respectifs : il était dans les bons scores, moi dans les mauvais, alors que j'étais persuadée du contraire. J'ai fait plusieurs tests qu'on pouvait trouvé sur un site, tous allaient dans ce sens. J'ai pensé un moment me faire diagnostiquer, mais je pensais que mes symptômes étaient trop légers, j'avais encore des a-priori (manque d'imagination chez les autistes par exemple), et vu que je n'avais pas trop de soucis ça n'avait aucune utilité (j'avais déjà été licenciée mais je n'avais pas fait le lien, et à ce moment-là au travail ça allait assez bien).
Je me suis reposée des questions au moment où j'ai voulu changer de travail, vers 2013-2014, j'ai vu une vidéo de Julie Dachez, le film de Temple Grandin, mais là encore je me disais qu'elles avaient bien plus de difficultés, que j'avais sans doute quelques traits, mais c''est tout, et que pour une scientifique ce n'était pas étonnant. Par contre c'est là que j'ai commencé à me poser des questions sur mon père, dont les traits devenaient de plus en plus visibles (et ma mère aussi, d'autant plus qu'il a eu à ce moment-là l'occasion de faire connaissance d'un cousin éloigné diagnostiqué Asperger...).
Quand je me suis reconvertie, je me posais toujours ces questions, j'avais des difficultés au travail, mais comme c'était difficile pour tout le monde, je me suis dit que je verrais bien si ça s'améliorait ou pas. Cela s'est amélioré, et ma première année de professeur titulaire s'est assez bien passée, suffisamment pour que je décide de rester. Mais suite à de nouveaux soucis, le covid, des problèmes de santé récurrents suivant ce dernier, j'ai fini par me poser de nouveau la question et entamer les démarches en février de cette année. Au début je ne connaissais que le CRA, j'ai demandé à une association locale les coordoonnées de psychiatres spécialisés, il n'y en a pas (aucun dans tout le département qui est pourtant très peuplé !). La généraliste était très sceptique au moment de remplir le dossier, elle a tout de même accepté quand je lui ai mentionné les nombreux cas dans la famille (entretemps plusieurs personnes ont été diagnostiquées, hélas pas mon père). Dossier envoyé au CRA : 3 ans d'attente.
J'ai totalement craqué à ce moment-là : arrêt de travail, puis arrêt prolongé...
J'ai aussi cherché un suivi psychologique, ai eu la chance de trouver une psychologue spécialisée. J'ai aussi trouvé une psychologue qui faisait des bilans, qui a répondu à mon message au bout de 2 mois ( l'autre contactée n'a jamais répondu), j'ai pu faire le bilan. En parallèle j'ai cherché un psychiatre, après une quinzaine de coups de fil, l'un d'entre eux a accepté de me voir... en octobre alors que j'appelais début mars. Puis finalement suite à un désistement il a pu avancer le rendez-vous, et j'ai donc pu le voir un peu avant l'évaluation de la psychologue, puis juste après le résultat de mon évaluation.
L'évaluation en elle-même a consisté en un questionnaire de pré-diagnostic (principalement sur les raisons de ma demande) une bonne heure et demi d'entretien, des questionnaires pour moi et mes parents et mes proches, puis 3 heures de tests (c'était très éprouvant), et une bonne heure de restitution, où elle m'a expliqué mes particularités, et ce que je pouvais faire ensuite.
Le psychiatre m'a dit que le bilan était sérieux, qu'au vu de ses observations et ce que je lui avais dit il n'y avait pas de doute sur l'origine de mes difficultés... j'ai donc un mot pour ma généraliste établissant clairement le diagnostic.
Je suis donc diagnostiquée à 49 ans et demi, après 20 ans de questionnements récurrents, et 4 mois et demi de questionnements et recherches ultra-intenses sur le thème (je ne suis pas encore sortie de cet intérêt particulier
) J'ai la chance de n'avoir rien d'autre (à part l'anxiété et la dépression...) ce qui fait que le diagnostic n'était pas trop difficile.
Depuis je suis soulagée, je me dis que je vais pouvoir m'appuyer dessus pour mieux comprendre ma relation aux autres, sans me demander si je ne me trompe pas de cause, et essayer d'améliorer quelques mécanismes (avec ma psychologue), et mieux gérer aussi ma fatigue. Malgré le fait que ce ne soit pas une surprise (ni pour moi ni pour mon conjoint, et pas tellement pour ma mère et ma soeur), j'ai un peu le syndrome de l'imposteur, toujours l'impression que je suis moins autiste, moins en difficulté que les autres : j'ai un travail, même si je suis en burn-out je ne suis pas à la rue, j'ai une famille... ( bon par contre je n'ai absolument aucune relation amicale et n'avais aucune vie en-dehors du travail et d'un petit peu d'activité physique
)