Fluxus a écrit : ↑jeudi 31 août 2023 à 16:09
Ça va pas du tout. Mais alors vraiment, vraiment, vraiment pas du tout.
Je comprends plus rien, je sais plus où j'en suis.
Comment on peut espérer que je retrouve une vie à peu près "normale" après toutes ces galères traversées sur ces dernières années ?
Et me saoulez pas sur la définition du mot "normal", quand je dis "normal", on sait tous très bien que ça veut dire sans grosses problématiques particulières. Un truc au milieu. Comme le milieu de la distribution normale. Là où y a la majorité quoi ! Qui sont éloignés des extrêmes, eux.
Je dois faire quoi moi, face à tout ça ?
Y a presque 4 ans, j'ai tout vu défiler sous mes yeux. Tout. Je l'ai frôlée. Peu importe ce qu'en pensent les autres, peu importe, qu'ils m'aient cru ou pas, moi je sais très bien ce qu'il s'est passé... Et j'ai eu raison de me battre pour qu'on me prenne au sérieux dans tout ça, même si en y repensant, ça me rend quand même très triste de savoir que j'ai traversé tout ça toute seule. Et même si aujourd'hui et depuis environ 1 an, ça ne me met plus dans des états atroces, je n'ai rien oublié de ce qu'il s'est passé pendant ces journées et ces nuits interminables. Je n'ai pas non plus oublié tous ces lourds mois de séquelles et toutes les conséquences irreversibles qui me sont tombées dessus. J'ai rien oublié. Littéralement rien.
Je suis capable d'y repenser sans paniquer mais ça change rien au fait que quand j'y repense, même si y a plus vraiment toute la charge émotionnelle, les sensations et les pensées qui vont avec, dans ma tête c'est super fluide au niveau du souvenir. Et je me revois encore, solo dans toute cette merde en train d'affronter tout ça.
Aujourd'hui, tout le monde veut que je reprenne une vie "normale", une vie d'avant. Mais comment ?
Ça fait des mois et des mois que je ne fais qu'apprendre, en boucle, des décès de personnes proches, de la famille, de potes et surtout, de gens de ma tranche d'âge... Et dans des conditions plus horribles les unes que les autres.
Je peux même plus entendre un téléphone sonner sans me passer en revue toutes les personnes qui sont peut-être le sujet de cet appel.
Je peux même plus entendre des gens me raconter leur journée sans me boucher les oreilles de peur d'apprendre et d'entendre encore la perte de quelqu'un.
Je peux même plus me promener sur les infos locales pour me cultiver ou voir des trucs cools près de chez moi, sans avoir peur qu'à chaque nouvelle information qui mentionne un décès, je reconnaisse des connaissances ou des proches dans la description.
Et c'est sans fin ! Un coup c'est de la famille, un coup c'est des proches, un coup c'est des amis d'enfance...
Un coup c'est la vie (au sens "la nature"), un coup c'est la maladie, un coup c'est l'accident. Mais à chaque fois, c'est fatal.
Et à côté de ça, je vois tout le monde en train d'espérer à bloc que je puisse retrouver une vie insouciante et super stable. Une vie d'une personne "normale" en fait.
Mais comment on peut penser 5 secondes que ça puisse être possible quand on sait que j'apprends presque une dizaine de gens que je connais en même pas 1 an par exemple ?
Comment on peut penser 5 secondes que je vais retrouver aussi rapidement espoir en la vie alors que j'étais effondrée pendant des mois après avoir survécu, parce que je savais que si la sélection naturelle s'opérait, c'était moi la prochaine personne ?
Comment on peut penser 5 secondes que je vais pouvoir de nouveau aimer la vie (même si je pense que si j'ai pu survivre, c'est parce que je me suis accrochée mentalement très fort pour rester en vie), alors que j'apprends tout le temps 1 décès qui n'aurait jamais dû arriver ? Ou des situations dramatiques qui concernent des gens que j'aime ?
Et ça tourne en boucle, comme ça.
Et puis à force, comment ne pas trouver ça "normal" de se dire que c'est peut-être bientôt notre tour, qu'on est la prochaine personne ?
Comment ?