La première :
Spoiler : ▮▶ :
Une jeune réalisatrice russe opposée à la guerre en Ukraine filme clandestinement ses effets depuis sa petite ville natale, dans l'ouest du pays. Un contre-champ inédit.
Wagner fonctionne comme une holding multisectorielle qui opère à l’étranger dans trois domaines stratégiques par le biais d’entités militaires, économiques et politiques interconnectées qui, toutes ensemble, forment le groupe – ou, plutôt, la nébuleuse.
En effet, ces sociétés sont caractérisées par leur opacité.
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Bien qu’elles soient dispersées de par le monde, elles ont toutes en commun d’être liées à des entreprises basées en Russie et contrôlées par Evguéni Prigojine et son entourage. Cette holding multisectorielle montre que le groupe Wagner n’est pas seulement une société militaire, mais aussi un prestataire d’opérations d’influence politique et un réseau d’entreprises avec des filiales locales.
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De criminel à chef d’entreprise, la trajectoire d’Evguéni Prigojine reflète parfaitement cette évolution. Sous le règne de Poutine, les hommes d’affaires politiquement connectés sont devenus plus dépendants du Kremlin pour maintenir leur pouvoir et leur richesse. Le groupe Wagner repose sur cette relation symbiotique entre le pouvoir, le monde des affaires et celui de la criminalité. De ce fait, en quelques années, cette nébuleuse d’entreprises privées est devenue un des outils de la diplomatie secrète russe.
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Avec les sanctions contre la Russie, l’intérêt stratégique que représente la holding Wagner s’est encore accentué. Non seulement ses services politiques et militaires servent à accroître l’influence du Kremlin à l’étranger (en particulier en Afrique francophone) mais ses activités dans les économies illicites peuvent permettre de contourner les sanctions occidentales et de développer des ressources économiques alternatives.
La récente normalisation entre l’Arabie saoudite et l’Iran, succès de la diplomatie chinoise, est une nouvelle illustration de la transformation des rapports de force internationaux que révèle et accélère la guerre en Ukraine. Si les négociations entre Riyad et Téhéran avaient démarré avant le déclenchement de ce conflit, le contexte de la guerre a augmenté la marge de manœuvre stratégique de l’Arabie saoudite (mais aussi des Émirats arabes unis), dont le refus de souscrire aux demandes américaines s’agissant des mesures coercitives à l’égard de Moscou constitue une manifestation criante. Cette nouvelle donne, qui confirme la fin de l’adhésion des partenaires traditionnels des États-Unis à l’agenda global de ceux-ci, a une incidence sur le débat stratégique en cours aux Washington sur la guerre en Ukraine.
Ce débat est marqué par deux points de vue opposés. Le discours dominant au sein de l’administration Biden prône un appui maximal à Kiev jusqu’à la défaite indiscutable de la Russie, considérant que l’issue de la guerre aura un impact décisif sur la reconfiguration des rapports de force internationaux. L’autre point de vue, moins fréquent mais défendu par une partie des militaires américains, souligne qu’une issue militaire à la crise semble difficile et que seules des négociations qui aboutiront à un compromis permettront de mettre fin au conflit. Ce camp estime que l’intérêt des États-Unis est de ne pas s’enliser dans un soutien constant à Kiev dans le cadre d’une guerre longue qui exigerait toujours plus de moyens et détournerait Washington de son principal objectif stratégique, à savoir la confrontation avec la Chine.
Aujourd’hui, la question est moins de savoir ce que la diplomatie pourrait faire que de comprendre pourquoi le moment diplomatique n’est pas encore venu. Deux raisons l’expliquent fondamentalement. D’abord, le refus ukrainien d’entériner toute perte de territoire. Ensuite, l’impasse dans laquelle s’est enfermé le président russe Vladimir Poutine. Ce n’est que si ces deux obstacles sont surmontés que la question de la méthode pourra être posée.
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Pour faire la paix, il faut d’abord que les parties considèrent qu’elles n’ont plus rien à gagner à la poursuite du conflit.
En cas de cessez-le-feu, même sans reconnaissance de la souveraineté russe sur les zones « annexées », l’Ukraine, qui n’a pas renoncé à l’objectif de restaurer la totalité de son intégrité territoriale, se verrait provisoirement, et peut-être définitivement, amputée d’une partie de son territoire.
À ce stade du conflit, le coût politique d’un cessez-le-feu serait beaucoup plus élevé pour Kiev que pour Moscou. C’est pourquoi l’Ukraine s’accroche à la perspective d’une contre-offensive et réagit fermement à l’idée d’un abandon de la Crimée, évoquée par le président brésilien Lula.
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L’hypothèse d’une victoire ukrainienne, qui serait obtenue grâce aux armes occidentales, doit aussi être envisagée, mais elle pose deux difficultés. La première est que l’Ukraine n’est pas une île, et que la Russie, même si elle reculait, n’accepterait sans doute pas sa défaite et continuerait de menacer, à l’abri de ses frontières, le territoire ukrainien.
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On touche là une donnée stratégique de base de ce conflit : il n’est pas possible de défaire la Russie comme les Occidentaux ont bombardé la Serbie de Milosevic et l’ont obligée à abandonner le Kosovo en 1999.
Chroniquer la guerre d’un point de vue ethnographique n’est pas une affaire si courante. J’ai tenté de le faire au cours de plusieurs séjours en Syrie (2012-2018), puis en Ukraine, afin de mieux comprendre comment les conflits s’inscrivent dans le quotidien de chacun.
J’ai toujours pensé que ce travail a du sens. Il n’est pas de commenter les combats en cours, les avancées tactiques ou les engins militaires déployés. Tout cela a assurément son importance. Mais il est une chose contre laquelle je lutte en tant que chercheur, c’est que la guerre ne soit plus vue comme une affaire de gens ordinaires ; qu’elle devienne abstraite, qu’elle ne soit commentée qu’en termes de comptabilisation des morts, des blessés, des territoires perdus ou conquis.
C’est tout-à-fait possible. Pas en passant par un bombardement comme en Serbie mais défaire la Russie est tout-à-fait possible ; ou en tout cas était possible en combinant boycott économique et opérations militaires ciblées au début du conflit, sauf que les Occidentaux ont comme d’habitude tergiversé et que la Russie s’est entretemps bien organisée. Enfin c’est mon avis.
La dissuasion nucléaire fonctionne dans les deux sens ; c’est surtout une excuse pour ceux qui n’ont pas le courage ou ne veulent pas agir autrement que timidement. Il ne faut pas exagérer, Poutine ne va pas déclencher une guerre nucléaire contre l’OTAN à cause d’un drone offert à l’Ukraine qui tombe sur une colonne de char, et les boycotts timides ne fonctionnent pas : on l’a vu en Irak, en Iran, en Birmanie, en Russie.Tugdual a écrit : ↑dimanche 28 mai 2023 à 9:12 Ça ne me paraît pas si simple.
Le boycott économique est tenté, mais le monde n'est plus à la botte de l'occident (USA/Europe), sans parler de tous les opportunistes prêts à contourner ces sanctions pour s'enrichir.
Quant à envisager des opérations militaires, il ne faut pas perdre de vue la dissuasion nucléaire.
Tu crois que c'est le cas des USA, qui freinent des quatre fers depuis des mois pour envoyer différents armements plus offensifs ?
Un boycott exhaustif est impossible : de nombreux pays s'y refusent, comme ils ne veulent pas condamner la Russie, voire la soutiennent...
Oui, tout-à-fait, je pense que les États-Unis ne se sentent pas vraiment concernés dans la continuité de leur repli progressif depuis une vingtaine d'années. Ils rentrent dans la catégorie "ne veulent pas agir autrement que timidement".
Je parlais d'un boycott exhaustif par les pays occidentaux.