Comment être moins "gentil" en général ? Moins souvent se faire avoir ?
1. Apprendre à dire NON tout de suite :
Quand on a moins besoin d'interactions sociales, il est plus facile de dire NON
dès le début.

[Par exemple, si on préfère apprendre seul, courir seul, marcher seul, voyager seul, etc.]
Tu te demandes peut-être pourquoi j'insiste
dès le début.
À cause du
pied-dans-la-porte (cf. les théories sur
l'engagement) :
En bref : Quand tu as dit OUI à une personne, il est difficile de dire NON à cette même personne peu après.
Exemples :
- le voisin te demande si tu peux lui prêter ta voiture car il a eu un accident (dont il est ressorti indemne, pourra-t-il insister), tu acceptes ; le lendemain, rebelote, difficile de refuser car ça entrerait en "contradiction" avec le fait que tu la lui a prêtée la veille ;
- le mendiant ou l'enfant te demande l'aumône, tu lui passes un franc (Wouah !) ; un autre fut témoin de cette passation, il saute sur l'occasion, et tu pourrais bien penser "si j'ai offert un franc à l'autre, pourquoi pas à lui ?" ; et ainsi, tu risques de te faire bouffer par tous les mendiants (l'occasion, toi, fait le larron) ;
- une personne t'offre un échantillon (par exemple de 25 cl) d'une boisson (par exemple à la gare), tu prends ; tu seras plus tenté d'en acheter un exemplaire (par exemple 50 cl) lorsque tu passeras devant le rayon.
[Rien qu'en lisant les deux articles Wikipedia précédemment mentionnés, tu en comprendras déjà un bout'.]
2. Apprendre à ne pas se justifier (à ne pas justifier le NON, le refus) :
Dans "se justifier", il y a "juste". Cela fait donc appel aux différentes représentations de ce qu'est la justice (et de ce qu'est l'injustice). Et à
la croyance en un monde juste.
Prenons un exemple courant : Une personne A te demande (si gentiment

) si tu
veux venir avec elle (et éventuellement d'autres personnes) manger dans un restaurant (défini ou non) dans trois jours. Toi, dans ta tête, tu ne veux pas, parce que tu sais que ces interactions sociales sont fatigantes pour toi. A ne le sait pas, pense faire bien (
l'enfer est pavé de bonnes intentions) en t'invitant à savourer et à socialiser. Peut-être même que A ne sait pas que tu es spectro-autiste ou ne te connaît pas assez ou ne connaît pas bien le spectre autistique. Ce qui est sûr, c'est que tu NE veux PAS, mais tu hésites à le dire franchement, de peur de blesser l'autre personne (de nouveau, comme nous allons le voir, l'enfer sera encore pavé de bonnes intentions

).
Pour ne pas devoir lui dire OUI puis devoir alors te faire violence (en allant au restaurant) ou devoir la décevoir (en
lui posant un lapin), tu veux lui dire NON, mais un refus semble appeler une justification. Tu vas alors beaucoup cogiter sur la manière de justifier ton refus.
Quels types d'excuses ?
- les excuses de types "Je ne pourrai pas." : J'ai déjà un rendez-vous ce jour-là. (1) [Par contre, difficile de justifier "Je serai malade."]
- les excuses de types "Je pourrais mais j'ai préféré faire ça." : Faut que je fasse le ménage chez moi. (2)
La principale entre les excuses de type (1) et celles de types (2) est que les (1) sont montrées comme immuables alors que les (2) sont montrées comme flexibles.
Tu comprends déjà que les excuses (molles) de type (2) sont une brèche dans laquelle la personne va s'engouffrer ("On peut trouver des adaptations, un arrangement.").
Celles de type (1) sont un peu plus "dures" mais la personne va te demander... heu... te proposer (tu saisis la nuance entre demander et proposer

) d'aller au restaurant un autre jour. Tu te rends alors vite compte que, à long terme, ça va devenir intenable. La personne va te dire des choses comme : "Tu as toujours quelque chose." "Tu n'es jamais libre !" puis, pour être plus franche, pour ne pas, elle non plus, perdre de l'énergie dans le vide, "Si on t'fait chier, dis-le !" Une sorte de franchise faisant appel à la franchise, si je puis dire ainsi.
Du coup, là, tu te dis... y aurait pas valu le lui dire
tout de suite que "je n'avais pas aucune envie d'aller au restaurant (avec cette personne)" et de lui expliquer le pourquoi cartes sur table. Après tout, tous deux avez perdu du temps et de l'énergie.
En fait, avec les excuses précédentes (que ce soit du type (1) ou du type (2), qu'elles fussent mensonges ou vérités), tu faisais appel à une justice extérieure à toi, à une sorte de mantra, de dogme, de volonté extérieure, fictive, voire ayant priorité sur la tienne.
Mais crois-tu que la personne qui t'ait proposé d'aller au restaurant avec elle(s) ait invoqué une justice naturelle, un Dieu, un dogme pour te le proposer ? Non.
C'est simplement parce que, ELLE, elle le voulait, elle se disait que ça pouvait être un bon projet (fût-il petit et à court terme).
Cela dit, cela ne t'oblige aucunement à l'accepter.
Mais cela montre que c'était SA volonté, et non une justice ou une charte naturelle.
Et tu as le droit d'y opposer TA volonté.
Bon, je comprends, nous avons tous une certaine réticence avec le conflit (entre deux volontés, la nôtre et celle d'autrui). Mais refuser de l'affronter revient souvent à ce que l'une des parties impose sa volonté sans donner d'explications (aider l'autre à comprendre). Et l'autre ne peut le supporter, ne peut supporter cette absence d'explication, de compréhension (
donner du sens).
Alors, pour ne pas répéter d'innombrables fois le même conflit (
tourner en rond), il peut être judicieux de tout de suite jouer cartes sur table, dire que "NON, ça ne m'intéresse pas" (sans rien ajouter d'autre, sans te justifier ;
Punktschluss !).
Car, si tu te justifies, tu montres que tu essaies de faire pencher la balance d'un côté, donc que l'autre peut essayer de faire pencher la balance de l'autre côté.
En ne te justifiant pas, tu montres qu'il n'y a pas d'échappatoire, pas de brèche.
En fait, en ne te justifiant pas,
tu t'affirmes toi-même (et ta volonté). Tu es un être doté de volition et d'auto-détermination. Tu n'es pas juste le joujou d'un marionnettiste ou des stimulus ou un pur
chien de Pavlov. Tu oses te plonger dans l'imprévu et plonger ainsi l'autre personne dans l'imprévu. [Bon, il est vrai que les personnes spectro-autistes ne sont pas trop fans des imprévus. Mais les personnes spectro-allistes non plus, bien qu'elles puissent s'y adapter parfois plus rapidement et facilement. Mais un être trop prévisible, que ce soit au poker ou au quotidien, n'est pas un acteur, juste un figurant, juste un joueur qui ne gagnera jamais de tournoi. Mais, remarque que ça vaut aussi dans d'autres contextes : le preneur d'otage veut prendre un otage pour limiter le champ d'action de la police, mais, ce faisant, il limite aussi son champ d'action, puisqu'il doit contrôler l'otage. Limiter la liberté d'autrui, c'est limiter sa propre liberté. Idem avec les dictateurs et autres totalitaristes. Bon, c'est peut-être plus facile à comprendre pour les personnes très attachées à la liberté, et au hasard.]
Après, tout ce que je viens de dire vise à aider à entretenir sa propre liberté en général, y compris dans des relations (tu n'as pas être esclave de l'autre, tout comme l'autre n'a pas à être esclave de toi ; la liberté est un équilibre à sans cesse entretenir, jamais définitif), à te donner des points de repères. Ça ne donne pas une solution miracle à tes problèmes.

Mais je crois que tu as pensé à ne pas être esclave de quelque despote tout en ayant le souci de ne pas devenir toi-même despote.

[
Je veux être despote à la place du despote. Ou encore :
Animal farm 
]
Au fait, comme tu le dis, as-tu vraiment besoin de beaucoup d'interactions sociales ? Que recherches-tu exactement ? La réponse est propre à chaque individu. Après tout, une personne peut être célibataire tout en ayant diverses autres relations (avec les potes du club d'échecs, avec ceux du poker, avec ceux du bar, avec la famille, avec les autres personnes spectro-autistes), ou tout en aimant vivre seule (je marche seul, comme Jean-Jacques Goldman) le gros pourcentage de son temps.
Pour ma part, je suis célibataire, sans pour autant me croire supérieur aux autres.

L'humilité est l'un des piliers de la sérénité. Une des choses qui aide à entretenir l'humilité est de toujours apprendre (sans oublier que je ne saurais jamais tout, et que ce n'est pas forcément le but, et que ce n'est pas forcément le but de classer les individus du meilleur au pire, si tant est que ce fût possible), de toujours découvrir, de toujours se confronter à la réalité, à l'environnement, à l'expérience (nouvelle).
Bref, pour revenir à "ne pas être trop gentil" (et l'engagement, le pied-dans-la-porte, le conditionnement, etc.) :
Peut-être as-tu remarqué que :
Quand tu acceptes des requêtes, aides des personnes, celles-ci t'en redemandent souvent plus. [Elles ont trouvé une cible, un client, un filon, etc.]
Quand tu acceptes beaucoup de requêtes, les demandes répétées et répétitives deviennent innombrables. Tu risques de crouler sous le nombre, de te sentir coupable de dire NON, de vivre le syndrome d'épuisement. Tu n'es ni une machine, ni Dieu, ni un être omniscient ou omnipotent. Tu n'es pas un être sans limite.
Tu n'as pas à porter tout le poids du monde. Ça, c'est la job d'
Atlas.

[Atlas ne souffrait pas de lombalgies.

]
Le canard, tant qu'il est nourri, ne sait pas à quelle sauce il va être mangé.

[La cage est dorée.

]
Pour tes sujets fétiches, il n'est pas forcément judicieux de les imposer à qui ne s'y intéresse pas. [
On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif. Il faut donner envie, comme certaines entreprises ont donné envie à des personnes de boire du Coca Cola.
Frotte-moi dans le sens du poil. 
]
Pour le SDF, tu m'auras compris. Tu n'es pas obligé de te justifier. Tu peux arrêter. Tu peux oser casser la cohérence (consonance). Ce n'est pas parce que, jusqu'à maintenant, tu lui as fait causette pour te justifier que tu es obligé de continuer. Osons l'incohérence, ne nous emprisonnons pas dans une injuste justice (
summum jus summa injuria).
Pour les justifications comme pour les drogues, il est plus facile de ne pas commencer que d'arrêter.