Le blog mentionne deux articles chaudement recommandés : le premier, que je viens de traduire, est le plus récent, et porte sur les essais de traitement à l'hydroxychloroquine et à la chloroquine.
https://blogs.sciencemag.org/pipeline/a ... f-april-11
Au sommet de cette folie est l’utilisation des antipaludéens de synthèse (chloroquine et hydroxychloroquine) dans le traitement du COVID-19. Je ne reviendrai pas sur les limites diverses et variées des « articles » justifiant son utilisation. Je vous renvoie pour ça à l’excellent Pipeline de Derek Lowe qui fait le meilleur boulot de veille bibliograhique sur les thérapeutiques du COVID-19. En France, nous avons pu bénéficier en direct de la pression médiatique mise par les promoteurs de ce traitement (Hydroxychloroquine-azithromycine) et son effet dévastateur.
J'ajoute le fichier pour consulter les liens.Spoiler :Les dernières données sur l’hydroxychloroquine, à compter du 11 avril
Par Derek Lowe 11 Avril, 2020
https://blogs.sciencemag.org/pipeline/a ... f-april-11
Nous avons de nouvelles données sur le traitement à l’hydroxychloroquine à discuter. Les chiffres ne vont rien éclaircir du tout.
Tout d’abord, il s’agit d’un résumé du groupe de l’IHU du Pr Didier Raoult à Marseille. Il présente 1061 patients traités pendant au moins 3 jours avec leur combinaison d’hydroxychloroquine et d’azithromycine, avec un suivi d’au moins 9 jours. Il comprend l’affirmation « 98 % des patients guéris à ce jour » et indique aussi « aucune toxicité cardiaque n’a été observée », et il dit aussi que les chiffres de la mortalité se sont améliorés chez ces patients, par rapport aux autres, qui reçoivent un traitement standard sans ces médicaments. L’autre publication est un tableau de données sur ces patients (il n’y a pas encore de manuscrit complet). Il n’inclut aucune sorte de groupe contrôle, pas plus (autant que je puisse voir) qu’il n’établit même de comparaison avec ces autres patients mentionnés dans le résumé. Gardons ces remarques en tête tandis que nous discutons de ces nouvelles données.
Voici une pré-impression d’une vaste collaboration internationale présentant des données pourvues par les systèmes de soins de santé (données sur les réclamations ou dossiers médicaux informatisés) en Allemagne, Japon, Pays-Bas, Espagne, Royaume-Uni, et Etats-Unis. Celle-ci (1) compare la sécurité de l’hydroxychloroquine chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (956), contre des patients atteints de Thost-Unna (310 350 d’entre eux), prenant un autre médicament courant pour la polyarthrite rhumatoïde (RA), la sulfasalazine, (2) et compare la sécurité de la combinaison de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine prises conjointement (chez 323 122 patients), contre la combinaison de l’hydroxychloroquine et d’un autre antibiotique courant, l’amoxicilline (chez 351 956 patients). Rien de mieux que de creuser dans les grandes bases de données sanitaires, n’est-ce pas ?
Les complications arrivent avec la combinaison de l’azithromycine. Comme beaucoup d’autres antibiotiques (sauf l’amoxicilline), l’azithromycine (AZM) est liée, dans les faits, à l’allongement de l’intervalle QT chez certains patients, alors que se passe-t-il si elle est donnée en même temps que l’hydroxychloroquine (HCQ), qui présente le même problème ?
De manière préoccupante, des risques significatifs sont identifiés pour les patients traités par la combinaison HCQ + AZM, même à court terme, comme cela a été proposé pour traiter le coronavirus, avec un risque accru de 15-20 % d’angine (douleur de poitrine) et d’insuffisance cardiaque, et un risque de mortalité cardiovasculaire multiplié par deux dans le premier mois de traitement.
Ca n’est pas bon. Je suis ravi d’entendre que le groupe du Pr Raoult n’a observé aucun problème cardiaque dans leurs études jusqu’à maintenant, mais je me demande comment ils ont fait pour avoir autant de chance, quand on voit ces chiffres. De nouveau les auteurs :
Au moment où le monde attend les résultats des essais cliniques sur l’efficacité anti-virale de l’HCQ dans le traitement de l’infection SARS-Cov2, cette étude de réseau sur des données concrètes, internationales et à large échelle, nous permet de poser la question de la sécurité pour ces médicaments des plus populaires mis à l’examen. l’HCQ paraît être largement sûre, à la fois dans l’analyse directe et comparative pour un usage à court terme, mais, utilisée en combinaison avec l’AZM, cette médication double le risque des décès cardiovasculaires chez les patients atteints de RA. Alors que nous nous sommes appuyés sur l’expérience collective d’un million de patients pour étayer notre confiance dans les preuves qui entourent le profil de sécurité, les preuves actuelles concernant l’efficacité de l’HCQ + AZM dans le traitement du Covid-19 sont assez limitées et controversées.
En effet elles le sont. Et ce matin, je trouve une photo de ce qui semble être la page de résumé d’un manuscrit à l’étude au NEJM. C’est plutôt illégal, bien sûr ; ce genre de chose n’est pas sensé se promener sur Twitter. Il s’agit apparemment d’une étude provenant de Detroit, sur 63 patients admis à la suite avec l’infection au coronavirus, à 32 d’entre eux a été attribué le traitement à l’hydroxychloroquine, et aux autres un traitement standard. Il ne s’agit donc pas d’une large étude, elle est plutôt semblable à l’étude de Wuhan abordée ici, qui n’a conclu à aucun avantage.
Ce n’est pas le cas de cette étude. Si ce que nous voyons est un résumé exact de l’étude, il apparaît que le traitement à l’HCQ était réellement lié à des résultats pires. Je n’entrerai pas plus dans les détails tant que cette étude n’est pas rendue officielle, et nous pouvons vérifier que nous sommes face à un vrai manuscrit – une vérification rapide montre que l’affiliation des auteurs semble correcte, mais que plusieurs d’entre eux sont des ophtalmologues, et je ne suis pas sûr de ce que je dois faire de cette information. Je suis ambivalent sur le fait de la mentionner, mais ce sont en même temps des circonstances inédites. A suivre quand la situation sera plus claire.
Mise à jour : voici une autre pré-impression du chef d’une équipe internationale venant du Brésil. Elle a recruté 81 patients dans un essai avec une haute dose de chloroquine (note : et non d’hydroxychloroquine comme ce message l’avait initialement spécifié) (600 mg deux fois par jour pendant dix jours, dose totale 12 g) ou à faible dose (450 mg deux fois par jour le premier jour, puis une fois par jour les quatre jours suivants, dose totale 2,7 g). Tous les patients ont également reçu de l’azithromycine et de la ceftriaxone (un antibiotique de la famille des céphalosporines). La dose élevée donnée aux patients a montré plus d’allongements graves de l’intervalle QT, et de là une tendance à une létalité plus élevée, par rapport à la dose faible. Le taux global de létalité sur les deux branches de l’étude était de 13,5 % (jusqu’à présent), ce qui, d’après les auteurs, coïncide avec le taux de létalité historique des patients ne recevant pas la chloroquine. Les auteurs ont effectivement dû arrêter de recruter des patients pour la partie concernant la dose élevée, à cause des incidents cardiovasculaires, mais ils continuent à inscrire des personnes dans le groupe recevant une dose faible, pour continuer les recherches sur la mortalité générale. L’article mentionne que la chloroquine et l’hydroxychloroquine ont cependant été imposées comme traitement standard au Brésil, il n’y a donc aucune possibilité de diriger un groupe contrôle.
dernières données hydroxychloroquine.odt
Deuxième article à venir (il est plus long)...https://www.pnas.org/content/116/22/10723