Traduction d'un article de Spectrum News qui, une fois n'est pas coutume, ne porte pas sur l'autisme, mais sur la politique de l'administration Trump et ses choix de financement de la recherche. L'utilisation du tissu fœtal humain fait polémique avec les anti-avortements, qui ont soutenu Trump dans sa campagne.
Impact sur la recherche médicale de la politique de Trump pour le tissu fœtal
de Michelle Andrews, Kaiser Health News / 12 Juin 2019
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L’annonce faite cette semaine sur le changement de politique du gouvernement fédéral américain concernant le tissu fœtal humain dans la recherche médicale est conçue pour satisfaire les groupes anti-avortement qui ont apporté un soutien solide au Président Donald Trump.
Mais ce changement pourrait compromettre une recherche médicale prometteuse et faire reculer les tentatives pour effectuer des percées dans la prise en charge de maladies destructrices, comme le VIH, la maladie de Parkinson et le diabète, déplorent les scientifiques aux Etats-Unis.
Avec l’instauration de la nouvelle politique, les employés des Instituts Nationaux de Santé ne mèneront désormais plus la recherche à partir du tissu fœtal humain obtenu avec les avortements volontaires, après avoir épuisé tout ce qui était à leur portée. Les responsables politiques ont cessé immédiatement de financer un contrat de plusieurs années à l’Université de San Francisco, en Californie, permettant un projet qui visait à implanter du tissu fœtal humain chez des souris pour la recherche sur les thérapies du VIH.
Les projets financés fédéralement dans d’autres institutions de recherche, avec utilisation de tissu fœtal humain, peuvent se poursuivre jusqu’à ce que leur subvention ait expiré. Mais le renouvellement de ces projets et les propositions futures devront passer par un processus de réexamen éthique nouvellement mis en place, pour recevoir un financement. On n’a pas encore d’information claire sur les normes que ce processus entraînera ; on ne sait pas non plus si de telles expériences seront autorisées à continuer sous le parrainage du gouvernement.
Ce changement a été accueilli avec enthousiasme de la part des opposants à l’avortement, qui depuis longtemps avaient le tissu fœtal dans leur ligne de mire. De nombreux scientifiques ont un point de vue différent.
Voici quelques réponses apportées à ce sujet.
Q : à quoi la recherche sur le tissu fœtal fait-elle référence exactement ?
R : Le tissu foetal est le nom donné à tout tissu ou organe provenant d’un fœtus qui a été fécondé au moins huit semaines plus tôt (en dessous de huit semaines on l’appelle embryon).
La déclaration du Département de la Santé et des Services Sociaux a mentionné en plusieurs occurrences le « tissu fœtal humain provenant d’avortements volontaires ».
Les chercheurs utilisent généralement du tissu fœtal provenant d’avortements volontaires plutôt que de fausses couches, car celles-ci résultent souvent d’anomalies chromosomiques ou d’autres problèmes de développement, qui pourraient rendre le tissu impropre à la recherche.
Q : quel usage la recherche fait-elle du tissu fœtal ?
R : les cellules du tissu fœtal sont moins spécialisées que les cellules du tissu adulte, et elles peuvent être multipliées facilement, ce qui les rend précieuses pour la recherche. Le tissu fœtal a servi de différentes manières à la recherche médicale, comprenant le développement de vaccins contre la polio, la rougeole et autres maladies, et des traitements pour la maladie de Parkinson, le diabète et l’arthrite rhumatoïde, ainsi que pour empêcher la transmission du virus HIV.
Des chercheurs ont greffé du tissu fœtal sur des souris, et ont créé ainsi « des souris humanisées » avec des systèmes d’immunité et de formation du sang humains.
Le tissu foetal aide les chercheurs à apprendre comment se créent les anomalies congénitales et le développement du tissu humain. Il a été déterminant pour comprendre de quelle manière le virus Zika traverse le placenta et altère le développement du cerveau humain, comme en témoigne une lettre au Secrétaire à la Santé et aux Services Sociaux, M. Alex Azar, signée par 70 organisations, présentée en Décembre pour plaider la poursuite de la recherche sur le tissu fœtal.
Q : existe-t-il des règles pour l’usage du tissu fœtal ?
R : Des règles fédérales strictes régissent la collecte et l’utilisation du tissu fœtal humain. Il est contraire à la loi pour quiconque de délivrer du tissu fœtal humain contre une rétribution, sauf en cas de montants raisonnables lié à l’acquisition, au stockage ou à d’autres coûts. Il y a aussi des voies d’approvisionnement qui exigent que les femmes faisant don de tissu fœtal pour la recherche fournissent un consentement éclairé, et qui interdisent aux praticiens de modifier le calendrier ou la méthode d’un avortement en vue d’obtenir du tissu fœtal.
Q : est-ce que cet usage a toujours été aussi controversé qu’aujourd’hui ?
R : Non, pas vraiment. L’ampleur des controverses autour de la recherche sur le tissu fœtal a connu des hauts et des bas. La recherche sur le tissu fœtal est effectuée aux Etats-Unis depuis les années 30, et le NIH finance ce type de recherches depuis les années 50. Ce financement a été cependant interdit durant une partie des mandats des Présidents Ronald Reagan et George H.W. Bush. Le financement fédéral a été rétabli avec un soutien bipartite dans une loi en 1993 concernant le NIH. Parmi les partisans de cet effort se trouvaient pourtant des opposants résolus à l’avortement, comme le sénateur Strom Thurmond (Républicain de Caroline du Sud), qui a allégué que la recherche pouvait sauver des gens (comme sa fille) atteints du diabète.
Le NIH a dépensé 115 millions de $ pour la recherche sur le tissu fœtal humain en 2018, une infime fraction des presque 14 billions qu’il a dépensés pour la recherche globale. L’agence finance actuellement 200 projets qui recourent au tissu fœtal, selon le Département de la Santé et des Services Sociaux.
Une fois de plus, le tissu fœtal est devenu un sujet brûlant en 2015, quand des vidéos truquées sont sorties, qui plus tard ont été discréditées, avec l’allégation de montrer des représentants du Planning Familial, en train de parler des politiques de don de tissu et d’indemnisation. L’automne dernier, l’administration Trump a déclaré qu’elle mettait en place l’examen de toutes les recherches impliquant l’emploi de tissu fœtal, pour vérifier que cela entre en conformité avec les statuts et réglementations qui les régissent.
Q : N’existe-t-il pas d’alternative viable ?
R : Cela dépend de la personne à qui vous posez la question. Les opposants à la recherche sur le tissu fœtal avancent un certain nombre d’autres options possibles, y compris des cellules de singe ou de hamster pour les vaccins, ainsi que du sang recueilli après la naissance dans le cordon ombilical, riche en cellules souches productrices de sang. Ils proposent également l’utilisation de cellules souches d’adultes et d’’organoïdes’ – des cellules artificiellement multipliées qui imitent peu ou prou des organes.
« Pourquoi restons-nous bloqués sur des modèles archaïques, quand de nouvelles et meilleures alternatives sont à notre portée ? » demande Tara Sander Lee, chercheuse principale et directrice des sciences de la vie à l’Institut Charlotte Lozier, lequel combat l’utilisation dans la recherche du tissu fœtal provenant d’avortements volontaires.
Elle recommande comme alternative acceptable d’utiliser plutôt le tissu provenant d’une fausse couche que le tissu provenant d’un fœtus avorté, car il provient alors « d’une mort naturelle, non de la mort intentionnellement provoquée de l’enfant. »
La lettre adressée par les chercheurs à M. Azar en décembre énonçait la possibilité que d’autres cellules puissent remplacer le tissu fœtal, puisque celui-ci était « manifestement incorrect ».
“L’étude du tissu foetal humain fournit aux chercheurs des connaissances incomparables sur la façon dont les anomalies congénitales surviennent, et dont on peut les éviter, aussi bien qu’un aperçu sans égal sur la complexité du développement du tissu humain » énonce cependant la lettre.
Sally Temple, directrice scientifique de l’Institut des Cellules Souches Neurologiques, et ancienne présidente de La Société Internationale pour la Recherche sur les Cellules Souches, estime que, même si ces autres types de cellules sont prometteurs, ils ne sont pas prêts pour des essais immédiats.
“Nous parlons entre nous avec beaucoup d’enthousiasme d’utiliser des cellules souches, et discutons de la manière dont nous pourrions employer des organoïdes à trois dimensions », évoque Sally Temple. Mais les organoïdes ne disposent pas du même agencement cellulaire ou du même réseau de vaisseaux sanguins. “Les organoïdes ne peuvent pas imiter le vrai tissu », rappelle-t-elle.
“Si nous avons pour but de comprendre comment les tissus sont faits chez l’homme, il faut réellement avoir accès au tissu humain », dit-elle. « Il est vraiment préoccupant de constater que les scientifiques ne sont pas écoutés. »
Cet article est paru à l’origine dans Kaiser Health News. Il a été légèrement modifié pour refléter la ligne éditoriale de Spectrum.
Sources :
https://www.spectrumnews.org/news/trump ... -research/
https://khn.org/news/faq-how-does-new-t ... -research/ (article original)
Liens :
Tissu fœtal (questions régulièrement posées) :
https://fas.org/sgp/crs/misc/R44129.pdf
Différents stades de l’embryon :
https://www.medicinenet.com/embryo_vs_f ... ek_by_week
Nouvelle politique du DHHS concernant le financement de la recherche :
https://www.hhs.gov/about/news/2019/06/ ... vices.html
Lettre des chercheurs à M. Azar :
http://www.isscr.org/docs/default-sourc ... f?sfvrsn=2
Modèles de souris humanisées pour la recherche sur les maladies :
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5280554/
Levée de l’interdiction de la recherche sur le tissu humain aux Etats-Unis :
https://www.nytimes.com/1994/01/05/us/g ... ule=inline
La recherche sur le tissu fœtal comme arme contre l’avortement :
https://www.guttmacher.org/gpr/2016/fet ... t-abortion
Vidéos truquées et lutte contre le Planning Familial :
https://khn.org/news/fetal-tissue-attac ... arenthood/
Sang prélevé dans le cordon ombilical :
https://www.fda.gov/consumers/consumer- ... -need-know
Organoïdes :
https://hsci.harvard.edu/organoids
Position de l’ISSCR :
http://www.isscr.org/meetings-events/an ... e-research
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Diagnostic d'autisme juillet 2019.