Kora80 a écrit :Au contraire, si vous n'avez pas eu tout ça, est-ce que vous pensé que ça aurait pu vous aider pour aujourd'hui ?
Oui, très clairement, et c'est l'avis aussi de mes thérapeutes.
Je ne crois pas une seconde aux théories du "camouflage/compensation" chez les personnes autistes. En tant que personne autiste justement, et pour avoir pas mal creusé la question du diagnostic tardif (seule et accompagnée) je pense qu'il n'existe pas plus de "stratégies de camouflage" chez les autistes que chez les exoplanètes. Simplement on ne peut pas trouver d'exoplanète sans d'abord remettre en question les modèles de formation des systèmes planétaires basés sur le seul système solaire. C'est très con mais je pense que c'est pareil pour les autistes.
Tout ce dont tu parles (AVS, prises en charge diverses...) ce sont des repères, un peu comme des boussoles. Or, être autiste c'est être complètement paumé tout le temps, ne jamais rien comprendre à ce qui se passe autour de toi et devoir subir tout un tas de situations sans aucun cadre logique (à tes yeux, en tout cas). C'est non seulement épuisant, mais en plus tu avances dans le vie sans mode d'emploi et tu reproduis toujours les mêmes erreurs car s'il est facile de trouver des personnes pour se moquer, juger et/ou te culpabiliser, en revanche personne ne t'explique jamais rien parce que pour les autres ça va de soi.
Un peu comme si on t'envoyait en Russie sans interprète et surtout sans te préciser que les autres parlent russe et pas toi (il y a quelque chose dans l'autisme "typique" qui empêche cette prise de conscience par soi-même, d'où le besoin majeur d'"interprètes"). J'ajouterais que je te conseille de te méfier de certains retours aussi, car nombre de choses qu'on lit sur l'autisme SDI ne sont absolument pas représentatives, y compris sur ce forum, et surtout concernant les diagnostics tardifs justement.
Des autistes diagnostiqués très tardivement, n'ayant reçu aucune aide ni considération dans l'enfance/adolescence au sujet de leur TSA et qui arrivent en "vrai bon état" à l'âge adulte, pour moi il n'y en a juste pas. Beaucoup de biais de perception et représentation à ce niveau-là, à mon humble avis, donc attention.
Question étiquette, je pense qu'une étiquette d'autisme "formel" (vs celle informelle et implicite) enfermera toujours moins que toutes les étiquettes type ingérable, irrécupérable, totalement inadapté, extraterrestre, "cas difficile" ou autres joyeusetés que plein de personnes frileuses avec les étiquettes basés sur du solide (type "autisme") passent leur temps à coller sur les autistes, justement.
La différence avec une étiquette comme le TSA c'est que non seulement tu as des chances de la comprendre (va comprendre "ingérable/inadapté" et te construire dessus...), mais aussi que tu la vois toi aussi. Contrairement aux autres que tout le monde peut percevoir sauf toi, un autiste se sentant rarement inadapté sur son référentiel à lui (qui est le seul qu'il a... autre gros biais de perception de l'autisme).
WinstonWolfe a écrit :On a raison de proposer des suivis et des aides, il faut le faire à bon escient, il me semble. Justement, la limite, c'est le message subliminal d'infériorité.
Je trouve ce point-là très important, parce qu'on peut faire de gros dégâts tout en étant plein de bonne volonté. Toujours se demander comment on se positionne avant de proposer quelque chose, dans le sens où les gens qui sont toujours à s'imposer comme "aidants" sont en réalité plus ou moins consciemment dans des schémas effectivement condescendants. Avant de vouloir aider je pense qu'il faut comprendre, et justement je trouve l'anglais très juste parce qu'
understand littéralement c'est
se tenir sous, à savoir adopter une posture d'humilité devant quelque chose qu'on ne comprend pas avant de se lancer dans "l'aide" qui sans cette humilité s'apparente toujours plus ou moins à du brassage d'air.
Si un jour vous sentez parmi les "aidants" de votre enfant que quelqu'un ne l'écoute pas, ne cherche pas à le comprendre, et ne tient pas compte de ce que vous lui dites à propos de vos expériences, je pense préférable de laisser tomber. Ce type de suivi fait à mes yeux plus de mal que de bien dans le sens où il peut décupler les difficultés et surtout engendrer de l'agressivité chez votre enfant (c'est très très oppressant une "aide" imposée et inappropriée, et surtout c'est rageant de voir les gens réfléchir à notre place et nous demander de nous exprimer sans jamais tenir compte de ce qui est exprimé).
Siobhan a écrit :Je suis absolument convaincu qu'il y a des trésors de savoirs-faire psychologiques sur le sujet de l'autisme à considérer dans les familles et lignées ininterrompues de personnes autistes.
Perso je suis convaincue que dans ce type de familles et de lignées il y a aussi (et surtout, à mon avis) des schémas redondants de situations abusives et de mécanismes très malsains. Je connais quelques beaux spécimens de "pseudo-génies-incompris-atypiques" qui ont été élevés dans l'idée que tout leur était dû et choyés sans ménagement sous prétexte de leurs "difficultés à interagir avec le monde". Ils ont intégré tous les outils de culpabilisation et autres facilitateurs de domination et au final je pense que ce sont plus ou moins des monstres d'égoïsme et d'arrogance. Le plus triste c'est qu'ils sont très malheureux et se font autant de mal à eux qu'aux autres.
Il me semble toutefois qu'il y a un facteur de genre aussi, lié à l'éducation qui dans certains cas (comme ce qu'on nomme éducation "à la méditerranéenne/à l'orientale" pour éviter de dire "ouvertement sexiste"

) peut engendrer de très gros dégâts dans des contextes à phénotype autistique marqué.
Je suis toutefois d'accord sur ta 1ère phrase, même si je situe ça plutôt dans la littérature, l'art et autres, parce que tout le monde n'a pas la chance d'avoir dans son environnement proche des exemples "d'intégration à la Tim Burton" (qu'il soit autiste ou pas je m'en fiche c'est juste que c'est pour moi le meilleur exemple d'"inadapté total au démarrage" à ce sujet).
