actu.fr
Toulouse. Cette entreprise sociale innovante recrute pour ses clients des personnes autistes
Avec Specialisterne, dont le siège social est basé à Toulouse, Gabrielle Blinet et Pascale Marchal veulent montrer que l'autisme est un atout pour les entreprises.
portrait-gabrielle-blinet-2-hd.jpg
Aux manettes de cette nouvelle antenne Specialisterne France, on retrouve deux femmes : Gabrielle Blinet (voir ci-dessus) et Pascale Marchal. (©Marjorie Mailhol)
Par Margaux Thokagevistk Publié le 22 Juil 21 à 20:45
Les chiffres sont effarants : en France, entre 90% et 98% des personnes autistes seraient sans emploi.
Faute de statistiques officielles au niveau national comme au niveau local à Toulouse (Haute-Garonne), il est impossible de connaître la proportion d’autistes qui ont un travail, les secteurs où ils exercent, ni dans quelles conditions.
Le constat est partagé par toutes les associations et observateurs : l’insertion professionnelle des personnes avec des troubles du spectre de l’autisme (TSA) est dérisoire, voire inexistante.
Créée au Danemark en 2004
C’est justement pour faire bouger les lignes que Gabrielle Blinet et Pascale Marchal ont décidé de fonder en 2021 une antenne Specialisterne France, dont le siège social se trouve dans la Ville rose, 5 Esplanade Compans Caffarelli.
Actu : Specialisterne (en français Les Spécialistes), c’est quoi ?
Gabrielle Blinet, CIO de l’entreprise : C’est une entreprise sociale innovante créée au Danemark en 2004 par Thorkil Sonneun, un ingénieur et père d’un jeune enfant diagnostiqué autiste à l’âge de trois ans.
Après des recherches, il s’est rendu compte que son fils avait plus de probabilités que les autres de se faire harceler à l’école et de se retrouver au chômage. Suite à ces deux constats, il a décidé de fonder l’entreprise Specialisterne. Le succès a été au rendez-vous et très vite le projet a grandi et s’est exporté dans le mode entier.
Il ne s’agit pas d’un groupe vertical avec une holding classique puisque Specialisterne Danemark a recédé toutes ses parts à la fondation du même nom. Chacune des implantations locales fonctionne sur le modèle de contrat de licences. Cela nous a permis de créer sous forme de SCOP Specialisterne France en 2021 et d’utiliser la méthode déposée qui est unique.
« Pas que des génies de l’informatique »
Pourquoi « unique » ? Quels services proposez-vous et à qui ?
Gabrielle Blinet : Notre mission est de faire découvrir aux entreprises l’avantage concurrentiel qu’apportent les personnes sur le spectre de l’autisme grâce à leurs caractéristiques spécifiques.
En France, il y a environ 650 000 personnes autistes. Parmi elles, 70% peuvent travailler et vivre une vie autonome. Donc plus on va améliorer leur scolarité, leur accompagnement, leur formation… et aussi leur recherche d’emploi, plus ces adultes autistes vont être capables de travailler en milieu ordinaire.
Il n’y a pas que des génies de l’informatique dans ces 70%, il y a aussi des soigneurs d’animaux, des assistants comptables, des assistants administratifs, des paysagistes… Nous, à Specialisterne, nous allons travailler avec et pour ces adultes autistes. Nous allons commercialiser plusieurs services à des clients, majoritairement des grands groupes, qui sont implantés en France et à l’étranger.
Ces derniers, font appel à nous pour trouver et évaluer les compétences des personnes autistes dans l’optique de les embaucher après en CDI.
Les personnes autistes peuvent envoyer des candidatures spontanées
Les personnes autistes peuvent-elles vous contacter directement ?
Gabrielle Blinet : Oui, bien sûr. Les personnes autistes peuvent nous envoyer leur candidature spontanée sur internet de façon à ce que l’on puisse les recontacter. A Toulouse, comme sur l’ensemble du territoire, plusieurs entreprises ont commencé à nous solliciter.
Et dès que nous aurons des offres d’emplois concrètes et ciblées, les postes ouverts chez nos clients apparaîtront sur notre site internet et on commencera à sourcer et évaluer les candidats. Une fois le contrat signé, une job coach Specialisterne est là pour accompagner le salarié autiste au démarrage de son poste. Celui-ci peut faire appel à elle quand il en a envie, idem pour ses collègues de travail.
Nous vendons également à nos clients des prestations de sensibilisation. On intervient directement dans les équipes pour expliquer au futur manager et au reste des salariés qu’est-ce que l’autisme ?
Un recrutement adapté
Quelle est votre méthode de recrutement ?
Gabrielle Blinet : Notre méthode de recrutement est atypique. Elle ne se base pas sur des entretiens motivationnels, c’est-à-dire que l’on ne fait pas parler la personnes autiste pendant une heure au cours d’un entretien.
Notre process se base sur des exercices individuels, techniques autour de projets et de tâches clients concrets. La phase de recrutement est donc adaptée mais longue, environ trois semaines. Notre but est vraiment de faire un travail de haute qualité de façon à maintenir l’emploi de façon pérenne. On est pas là pour jouer aux apprentis sorciers.
C’est plus efficace de recruter un autiste en regardant ce qu’il sait faire plutôt que comment il sait se vendre. On en veut pour preuve, depuis 2004, Specialisterne a placé en poste 10 000 personnes, avec un taux de maintien de l’emploi de 95 %.
« Pacifier les relations au sein d’une entreprise »
On vous sent très impliquée. Pourquoi avez-vous choisi de vous engager dans l’accompagnement des personnes autistes ?
Gabrielle Blinet : J’ai dans ma famille une personne qui est sur le spectre de l’autisme. Il s’agit de mon frère. Il n’a pas de déficience intellectuelle au contraire, c’est un homme très intelligent. Depuis qu’il est tout petit, il a un comportement atypique bizarre : il ne comprend pas le second degré, l’implicite…
Il a aussi des difficultés au niveau de la motricité fine donc vous pouvez imaginer tout ce que cela peut entraîner comme gaffes et maladresses sociales, de rejet et d’exclusion dans le milieu scolaire, puis par la suite dans le monde du travail. Ça, c’est vrai que je l’ai vécu dans ma chair dès mon plus jeune âge. Mon petit frère a été diagnostiqué à l’âge de 20 ans, ce qui a été un soulagement pour tout le monde, pour lui surtout.
La connaissance de l’autisme et de ses particularité de fonctionnement permettent de pacifier les relations au sein d’une famille et aussi dans une entreprise.
https://actu.fr/occitanie/toulouse_3155 ... 00294.html
Vous n’avez pas les permissions nécessaires pour voir les fichiers joints à ce message.