Dès le 1er mai, les Suisses pourront légalement acheter et consommer trois insectes différents. Zoom dans nos assiettes.
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Les vers de farine, les grillons domestiques et les criquets migrateurs, et uniquement ces trois espèces-là, feront leur apparition sous toutes leurs formes sur les étals des supermarchés suisses courant mai, suite à une ordonnance du Département fédéral de l’Intérieur. Cette dernière fera des Suisses les premiers Européens à pouvoir en acheter légalement.
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Associés à la souillure, la saleté, la contamination, la vermine, ces animaux bien éloignés des mammifères à sang chaud que nous avons l’habitude de consommer sous nos latitudes, représentent, pour beaucoup, plutôt une menace qu’une promesse de protéines au superbilan écologique. “Manger est quelque chose d’extrêmement culturel, qui est socialement construit. Il existe des prescriptions, des règles, pas si explicites que cela, qui catégorisent ce qui est bon de manger, ou non, et qui entrent souvent en conflit avec les pratiques réelles des consommateurs”, relève Marlyne Daniel Sahakian Girard, responsable de recherche en consommation durable à l’UNIL. Si cela paraît aujourd’hui si surprenant, nos pratiques ont volontiers invité des sauterelles à leur table, comme le précise la Bible, et même déjà des criquets, nous dit le Coran. “Dans les archives bâloises, on retrouve des traces de recettes de soupes et de tartes au hannetons”, révèle Jürgen Vogel.
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“D’après mon expérience, le premier acte à faire c’est prendre un insecte entre ses mains et le manger. Si la personne constate que c’est bon, la barrière tombe et il y a une plus grande chance pour que cela devienne une habitude alimentaire et pas simplement une tendance.”
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“La conscience de plus en plus importante de l’enjeu écologique va certainement accélérer le processus d’intégration et permettre à beaucoup de faire le pas. Même si je pense que cela ne deviendra jamais un aliment principal de l’alimentation de l’être humain, biologiquement omnivore”, constate Salvatore Bevilacqua. Peu de besoin en nourriture, en eau et en espace, une faible émission de CO2, une utilisation quasi complète de l’animal et une concentration intéressante en protéines par rapport au bovin, au porc ou encore au poulet (voir infographies), les insectes semblent avoir bien révisé leur bilan écologique.
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“A priori, ce type de nourriture a un faible impact écologique. Mais cela dépendra aussi du type de chauffage utilisé pour ces halles, de la provenance de leur alimentation, etc. Et ce n’est pas l’unique solution. Il y a plusieurs options telles que la consommation de produits de proximité, une meilleure consommation d’une viande de meilleure qualité, ou en réduisant notre consommation”, note Marlyne Daniel Sahakian Girard.
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La question éthique est aussi en suspens. Tués par congélation, les trois espèces d’insectes ressentent-elles la douleur? Ont-ils une conscience? “Certaines recherches répondent par la négative et d’autres par la positive. Si tout à coup cela se passe mal et que nous devons traiter avec un produit, la plus-value écologique disparaîtrait. Est-on en train de répéter les mêmes “conneries” que par le passé ou propose-t-on une véritable alternative? L’avenir nous le dira”.
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D'un point de vue écologique, ça peut être intéressant de manger des insectes de la région et de saison, par rapport à diverses autres viandes.
D'un point de vue éthique, il y a matière à discuter.
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“Le processus de transformation doit passer par ce stade de dédramatisation esthétique, une phase de maquillage de l’insecte, qui retire l’animal du produit consommé. Tout comme une côtelette est consommable dans la mesure où ce processus permet d’oublier le doux petit agneau”
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Voilà un processus que dénoncent les personnes végétariennes, lesquelles ne mangeront pas d'insectes (sauf peut-être certaines personnes flexitariennes).