Je crois qu'il y a le rôle de l'État, incarné par son représentant, et ce que je pense moi, Castiel au sujet des valeurs. Les valeurs, la morale et l'éthique sont des sujets éminemment personnels. Ils varient pour des raisons civilisationnelles, pour des raisons continentales, pour des raisons étatiques, pour des raisons régionales, pour des raisons locales. Les valeurs universelles au sens du droit naturel tel que développé par Rousseau, l'idée qu'il existe des droits qui dépassent les clivages des différentes sociétés, cela ne me paraît pas être vrai. On ne peut pas juger que quelque chose soit mal ou que quelque chose soit bien quand on ne connait, ni le contexte historique, ni le contexte politique d'une civilisation. On ne peut pas dire sans faire preuve d'un manque d'esprit critique, que toutes les civilisations ne se valent pas comme l'avait pourtant prétendu Claude Guéant en février 2012. On ne peut pas juger les civilisations arabes "arriérées", parce qu'on le juge de notre point de vue occidental ; ce n'est absolument pas viable.
C'était le véritable sens de mon propos quand je parlais de morale et d'éthique, il y en a beaucoup trop pour en placer une au-dessus des autres, au risque, en fait, de stigmatiser et de déborder des compétences régaliennes de l’État.
Dès lors, il est absolument nécessaire de contrôler par des lois ce qui nuit à la liberté d'autrui. Les limites à mon libéralisme, c'est quand la liberté d'un individu empiète sur la liberté d'un autre individu. À ce moment-là, le corpus législatif doit nécessairement exister pour encadrer les citoyens, mais il doit juger des actes, il ne doit pas juger des personnes.
Toutes ces règles qui existent, toutes ces valeurs, tous ces principes, ils sont tellement mouvants. Je ne suis pas à ma place pour dire ce qui est censé être bon ou mauvais, et donc je pense qu'il n'est pas question pour l’État de se mêler des bonnes mœurs. Je ne vois pas pourquoi ce serait à une autorité nationale de dicter le comportement des individus, cela n'a été que trop fait sur l'interdiction des relations homosexuelles, ou sur la place des femmes dans la société.
J'écris tout cela parce que je trouve que tu as été un peu caricatural quand tu as répondu à cela avec P. J'ai aussi probablement mal expliqué ma conception des choses, parce que c'est une conception qui se détache des sentiments humains, du bien et du mal. Les viols laissent de graves conséquences sur les victimes, et je suis le premier à le savoir. Dès lors, quand on brise le pacte qui différencie l'Homme de l'animal, quand on brise le contrat social en s'en prenant à la liberté d'autrui, il y a matière à condamner au vu de la gravité des actes liberticides qui ont été commis. Je m'évite simplement la facilité de dire "Ce n'est pas bien.", parce que je ne raisonne pas en ces termes.
Si cela fait de moi quelqu'un d'horriblement amoral, c'est probablement vrai, mais c'est avec cette pensée que je ne vais pas empêcher l'eugénisme, que je ne vais pas me mêler de la GPA, de la fécondation
in vitro, de la PMA ou que sais-je encore...
Les individus sont libres de faire les choix qu'ils veulent faire et je ne suis personne pour les en empêcher, dès lors qu'ils ne retirent de droits à personne. Dès lors, et si j'ai la certitude qu'une relation polygame n'entraîne aucun vice de consentement,
qui suis-je pour dire que c'est mal ?
Les individus sont toujours en train de regarder ce que fait leur voisin, pour dire à quel point ils sont immoraux, ou qu'ils sont au contraire, des saints dans leurs actions. Ce sont des jugements de valeurs qui ne rentrent pas dans mon domaine de compétences, même à titre personnel. Cela amène à justifier que des manifestations se fassent contre le mariage homosexuel en 2013, cela amène à justifier les actions de groupuscules comme
Les Survivants ; ce collectif anti-avortement. Vous jouez le même jeu que tous ces gens, vous combattez le feu par le feu, sur le champ de bataille des idées, avec tous les dégâts que cela provoque. Personne ne pense à dire
fais ce que voudras comme Rabelais l'écrit dans l'Abbaye de Thélème, le commandement suprême de Gargantua au centre des valeurs humanistes.
Dès lors, l'idéologue ne peut s'empêcher de prendre des décisions absolues qui ne connaissent jamais la relativité. L'idéologue interdit la prostitution par le biais de la pénalisation des clients, c'est oublier que ce n'est pas une loi qui fera disparaître la prostitution, et qu'elle a mis dans le précarité et le danger, des milliers de prostitués garçon comme filles. L'idéologue interdit la consommation de cannabis, il s'assied sur un manque à gagner de plusieurs milliards d'euros, au nom de la santé publique, alors même qu'il a été établi que les jeunes étaient attirés par l'interdit ; que la consommation de cannabis diminuait quand il était autorisé et encadré. L'idéologue, il est aussi contre les salles de shoot, parce que c'est dangereux, mais l'idéologue n'y connait rien à rien.
. Il ne comprend pas qu'on ne règle pas un problème en déclarant cela interdit, que dans les faits cela est quasiment impossible d'interdire un fait sociétal pareil.
Alors non, mon libéralisme ne connait pas d'idéal en effet. Le libéralisme de Thatcher et de Hayek, plus nuancé, s'inscrit dans la même idée : "
La société n'existe pas, il n'y a que des hommes et des femmes qui vivent ensemble." Margaret Thatcher s'explique ensuite sur cette citation, en disant que la société est un leurre. Pour être encore plus clair, la société existe
de facto parce que tout le monde se dit qu'elle est là, avec ses codes et ses institutions, mais c'est dans la même veine qu'une hallucination collective. Si demain, tout le monde voyait que les contraintes auxquelles 95% des gens se soumettent n'existaient pas, il ne se passerait rien de plus. Il n'y aurait pas une armée inquisitoriale qui viendrait forcer les gens à revenir sur le droit chemin, tout simplement parce que rien ne maintient la société autre que la volonté des personnes qui y contribuent, dans un esprit remarquablement hypocrite par surcroît.
Je suis convaincu que la
société française devrait être dès lors une communauté d'individus fondée sur la méritocratie réelle, en donnant dès le départ, et équitablement, la chance à chacun de réussir par sa volonté. La liberté d'entreprendre, et la liberté d'expression, de pensées, la liberté à tous les sens du terme ; la liberté comme libération des contraintes d'uniformisation sociale, c'est tout cela que je trouve logique. Le reste s'inscrit dans des débats sur des points précis, et pour y répondre je devais nécessairement contester en premier lieu le fondement structurel des piliers sur lesquels se fondent notre monde d'aujourd'hui.