Grandir auprès d’un frère autiste
Tout est chamboulé à l’arrivée d’un enfant autiste. Faute de soutien, les parents jonglent et s’épuisent. Les autres frères et sœurs ,eux, se débrouillent en silence. Témoignages.
ANNICK MONOD
«On parle beaucoup des mères d’enfants autistes, très peu des pères, et pratiquement jamais des frères et soeurs. Ils sont les oubliés de la prise en charge familiale. » Responsable de la formation en enseignement spécialisé à l’Institut de pédagogie curative de l’Uni de Fribourg, Myriam Squillaci Lanners s’exprimait samedi à Fribourg, lors du congrès organisé par l’association Autisme Suisse romande, à l’occasion de la première Journée mondiale de l’autisme.
Constat: si les fratries développent richesses et ressources au contact d’un enfant autiste, elles vivent aussi souvent un grand désarroi. En silence. «Des fois, je suis gênée quand mon petit frère fait des crises de colère devant mes amis, à l’école. Gênée de faire partie de cette famille-là», témoigne une petite fille dans un documentaire québécois projeté samedi. A l’embarras s’ajoute aussi la tristesse. «Ça fait mal», témoigne une autre. «Tu veux jouer avec elle, et elle, elle te frappe.» L’autiste semble inaccessible, enfermé dans un monde à lui: «C’est comme si on était des objets.» Difficile pour ces enfants de dire leur colère, de «faire des vagues», quand le frère ou la soeur malade en fait déjà tant. «Des fois, je me retrouve un peu toute seule à faire mes devoirs», témoigne une préado. «Je comprends, mon frère a besoin d’aide et c’est pas sa faute. Mais je voudrais dire à nos parents: moi aussi j’ai besoin d’aide! J’ose pas.» A l’adolescence, l’affection pour le frère ou la soeur autiste entre en conflit avec l’envie de construire son indépendance. «Quand mes parents seront morts, qui va s’en occuper?» se demande une jeune fille. «Je vais être obligée de le prendre à la maison?»
«Remise en question»
Ces paroles d’enfants, voilà «une sacrée remise en question» pour les professionnels, constate le Dr Squillaci Lanners. «Moi-même, en dix ans de travail comme enseignante spécialisée, je me suis occupée d’un certain nombre d’enfants autistes. Parfois j’ai bien connu leurs frères et soeurs. Mais pas une fois je n’ai pensé à leur demander de quoi ils avaient besoin.» C’est comme si la question n’existait pas – pas plus que pour les fratries touchées par d’autres troubles du développement, qui vivent des difficultés comparables.
Des groupes de parole
Pourtant, les chiffres sont loin d’être insignifiants: près de 10 000 enfants et adultes autistes vivent aujourd’hui en Suisse – plus quelque 30 000 personnes touchées par une forme plus légère d’autisme. Le nombre de frères et soeurs concernés est donc important. Une certitude: leur vécu dépendra de la relation à la personne autiste. Quel est son niveau intellectuel? Peut-elle parler? A-telle souvent des crises de colère et donne-t-elle des coups? Comment supporte- t-elle la présence «d’étrangers» (amis, famille, etc.) à la maison? Comment les parents gèrent-ils le stress inhérent à la situation?
«Les frères et soeurs ont besoin d’être écoutés dans leurs sentiments», rappelle Myriam Squillaci Lanners. «De mettre des mots sur leurs émotions, sans culpabiliser – même s’ils vivent de la colère, de la jalousie ou de l’embarras.» Ils ont aussi besoin de temps «rien que pour eux», quand l’enfant autiste monopolise le temps et l’attention des parents. Et pour cela, il faut un soutien extérieur et des structures d’accueil adéquates. Enfin, les fratries ont besoin d’information, pour comprendre et pour répondre aux éternelles questions («il a quoi ton frère?»).
En Suisse, les premiers groupes de parole destinés aux frères et soeurs d’enfants autistes viennent de voir le jour. Une ressource précieuse, souligne Myriam Squillaci Lanners. «C’est important de voir qu’on n’est pas seul à vivre cela. On peut aussi y partager des stratégies. Par exemple, quoi répondre quand les copains se moquent.»
Infos:
http://www.autisme.ch
La Liberté (Fribourg) 8/04/2008
Le texte de la présentation de Mme Squillaci
presentation_m_squilacci.pdf
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