Pour les personnes qui exposent des faits sans injonctions, elles peuvent aussi être perçues comme culpabilisantes (surtout par des personnes non autistes

). Car le fait
peut sous-entendre (et oui, le sous-entendu, il paraît que ce n'est pas forcément la spécialité des personnes autistes, les implicites) une injonction, que l'interlocuteur n'observe pas (pour le moment).
Exemples :
1. Suzanne arrive à la maison, et doit faire signer un examen avec une mauvaise note. Sa mère lui dit : "Liliane a fait une bonne note. Juan a fait un excellent résultat. Ziggy a fait un 20/20. Et toi, tu arrives avec un 5/20 !" Ce sont des faits, et il y a fort à parier que Suzanne va culpabiliser (sous-entendus possibles : "Tu es nulle.", "Tu es plus nulle que les autres.", "Tu n'arrives pas à faire comme les autres.", "Je ne suis pas contente de toi du tout.", "T'es bête ou quoi ?", etc.), peu importe si ça mère lui a parlé calmement (sans trop de langage non verbal) ou fortement (avec pas mal de langage non verbal). [Sur ce coup, la mère de Suzanne ne s'est pas forcément révélée des plus pédagogiques, même si on peut éventuellement comprendre son exaspération après un éventuel cumul de mauvaises notes de Suzanne. Cela aurait encore moins pédagogique venant de l'enseignante, devant toute la classe. *]
*
2. Fabien Passimal arrive chez lui. Il annonce à sa femme Marie avoir cassé la voiture, s'empressant de préciser qu'il n'est pas du tout blessé. Elle réplique : "Monsieur n'est pas blessé. Mais il a cassé la voiture.", "Monsieur n'est pas blessé, mais il ne pourra pas aller chercher les enfants à l'école.", "Monsieur n'est pas blessé, mais nous ne pourrons pas voyager comme prévu la semaine prochaine.", "Mais monsieur n'est pas blessé." Là, encore, ce sont des faits, mais avec un semblant d'ironie. Et encore plus d'incitation à culpabiliser pour le mari Fabien (bien marri par Marie

), puisque sa femme Marie a rajouté les conséquences, négatives, de son accident. En fait, là, les conséquences ne sont pas sous-entendues, elles sont explicites. Ce qui peut être sous-entendu et culpabilisant, c'est : "T'es nul !", "T'as tout gâché !", "Non, mais qu'est-ce que je fais avec un mari pareil ?!", etc.
3. Juliette et ses camarades de classe reçoivent les résultats de l'examen. Toute contente d'avoir eu un 20/20, elle le dit fièrement à ses copines et ses copains : "J'ai eu 20/20." Cela n'enchante guère ses copines et ses copains jaloux, qui n'ont pas fait aussi bien, bien au contraire. Pourtant, c'est un fait. Elle a eu 20/20. La jalousie comparatrice s'empare de ses camarades. Et la maîtresse, pas forcément très futée sur ce coup-ci, en rajoute : "Juliette est la seule à avoir fait 20/20. À vrai dire, c'est la seule à avoir fait au moins 12/20." Le truc qu'il ne fallait pas dire, même si ce ne sont que des faits : Non seulement, cela va entraîner de la culpabilité et de la honte chez les autres élèves (sous-entendus possibles : "Nous sommes nuls.", "On ne fait pas honneur à la classe.", etc. ; bon, ces sous-entendus sont peut-être moins probables que ce n'est pas une personne, mais un groupe (les camarades de Juliette), qui peut alors plus facilement "se révolter", par exemple vers un comportement "anti-intello"). Mais ça peut aussi aiguiser l'animosité jalouse envers Juliette.
Dans le détail :
Soient A et B deux personnes.
A dit P à B.
Sous P peut-être sous-entendu Q.
Mais B n'observe pas Q.
Donc B peut culpabiliser, même si ce n'était pas l'intention première de A (A peut avoir été maladroit dans ses propos, avoir abordé un sujet sensible pour B ; "J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?").
Exemples :
4. A dit à B que ce n'est pas bien de fumer.
Or, B fume. Donc, "ce n'est pas bien".
B culpabilise alors.
Si A savait que B fumait, A a été très maladroit (les inhabiletés sociales, un cours à suivre

), ou, cruel et sadique, a voulu enfoncer le clou.
Si A ne savait pas que B fumait, on peut comprendre que A a mis les pieds dans le plat sans le vouloir. On ne lui en voudra pas, s'il s'excuse. "Oh, excuse-moi. Je ne savais pas que tu fumais..." Il est conseillé à A d'aborder un autre sujet, qui ne gêne pas B.
5. Marcel revoit son ami Georges qu'il n'avait plus vu depuis longtemps :
- Hey, Georges, comment vas ? Ça fait un bail qu'on ne s'est plus vu. (lui tapotant l'épaule, sourire aux lèvres, plein d'enthousiasme)
- Ouais, dis-donc ! T'as pas changé, toujours aussi bedonnant (taquinerie, je précise, "inside-joke" entre les deux ; ne pas dire s'il n'y a pas une certaine complicité) ! (sourire jusqu'aux oreilles, avec sa voix tonitruante)
- Quand est-ce qu'on mange ? Au fait, mon père a pris sa retraite l'année passée. Comment va le tien depuis ? (aïe, aie, aïe, si tu savais...)
- Ben... (la mine tout à coup renfrognée...)
- Tu veux dire que... (Marcel, à voir la tête renfrognée de Georges, comprend que quelque chose ne va pas chez le père... ce qui laisse présager le pire... ; mais il ne le savait pas...)
- ... (je vous laisse imaginer la suite de l'histoire

)
Dans l'exemple 5, il ne s'agit pas de culpabilisation avec des faits, mais c'est juste pour montrer que... Marcel a posé une question (certes, pas un fait) sur le père de Georges, ce qui a réveillé des pensées moins joyeuses...
Cela dit... Marcel peut culpabiliser d'avoir ravivé de mauvais souvenirs chez Georges dès le moment où :
- il voit la mine triste de Georges (il n'y a pas d'énoncé de fait, mais du langage non verbal "qui veut tout dire", ou, tout au moins, "qui sous-entend du négatif"),
- Georges lui dira que son père... (je vous laisse imaginer

) (il y a alors un fait énoncé)
Cela dit, la différence notable est que Georges ne fera pas un reproche à Marcel. La culpabilité toute provisoire de Marcel n'a pas été induite par un reproche de Georges (la mort ou la maladie n'est pas un sujet joyeux, mais il ne pouvait pas savoir...). Et elle sera vite remplacée par de la compassion, de l'empathie, exprimée verbalement et, surtout, non verbalement. [J'ai pris Georges et Marcel car ils ne sont pas autistes.

]