[Index] Articles divers à partager sur autre chose que l'autisme !
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
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Insight Aspie (?) +Aphantasie, prosopagnosie, écholalie, mutisme électif....
Fan de super héros, Daredevil le pygmalion de mon fonctionnement social
Mes doigts sur un clavier communiquent plus de mots que ma bouche...
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
Des Belges veulent brasser une bière à partir d'urine.
En plus, il y a un certain recyclage puisque la bière fait pisser. Ce serait fort pissant de pisser dans une telle brasserie.
Bon, par contre, cela ne conviendrait pas aux personnes véganes.
En plus, il y a un certain recyclage puisque la bière fait pisser. Ce serait fort pissant de pisser dans une telle brasserie.
Bon, par contre, cela ne conviendrait pas aux personnes véganes.
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.
Diagnostiqué autiste en l'été 2014
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
Une analyse très intéressante :
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
Comme disait un ami américain, la France est le seul pays où tu peux parler physique quantique avec la personne qui te sert au MacDo.
Identifié Aspie (広島, 08/10/31) Diagnostiqué (CRA MP 2009/12/18)
話したい誰かがいるってしあわせだ
Être Aspie, c'est soit une mauvaise herbe à éradiquer, soit une plante médicinale à qui il faut permettre de fleurir et essaimer.
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
Je connais bien le coup du postulant surdiplômé pour le poste qui te passe devant aussi bien pour la candidature que pour une promotion.
Et au final devenir cadre et te laisser dans la mouise...
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
L'article met le pied dans le plat sur l'importance du diplôme initial (et de la formation continue) dans toute la société, mais s'il avait commencé par là il aurait peut être proposé quelque chose de concrêt pour y remédier.
Ce sont des points autrement plus importants que par exemple la limitation du nombre de place dans telle ou telle filière en fonction des débouchés à l'instant T.
Sûrement trop important pour les traiter en fait.
Ce sont des points autrement plus importants que par exemple la limitation du nombre de place dans telle ou telle filière en fonction des débouchés à l'instant T.
Sûrement trop important pour les traiter en fait.
Le in fine tombe tellement comme un cheveu sur la soupe, c'en est touchant...Il s’agira, entre autres, d’encourager la formation tout au long de la vie, de mettre fin à la sacralisation du diplôme et de valoriser la pluralité des réussites et, in fine, de faire preuve de courage politique : cela supposera alors de réguler les flux d’étudiants et d’enterrer définitivement le « master pour tous ».
Identifié Aspie (広島, 08/10/31) Diagnostiqué (CRA MP 2009/12/18)
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
Ce que je trouve particulièrement effarant, c'est ce différentiel :
Note : je n'ai pas vérifié ces ordres de grandeurs ...La deuxième explication tient à l’incapacité de l’économie française à absorber
l’afflux de nouveaux diplômés de masters, car aux 140 000 bac+5 distribués chaque année
répondent moins de 40 000 recrutements de cadres juniors. L’offre de travail étant plus
de trois fois supérieure à la demande, la valeur faciale du diplôme s’effondre ; la baisse
de son utilité annule donc le gain potentiel espéré par la démocratisation éducative.
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
La révolution quantique
http://forum.asperansa.org/viewtopic.ph ... 58#p310658
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père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
Traversée de la Manche en sous-marin à pédales, c'est parti :
Ils traversent la Manche en sous-marin à pédales ...
Source : Vous n’avez pas les permissions nécessaires pour voir les fichiers joints à ce message.
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Re: Articles divers à partager sur... autre chose que l'auti
Le juge Magnaud, défenseur de la cause des femmes
LE MONDE | 01.08.2016 à 06h45 • Mis à jour le 01.08.2016 à 11h52 | Par Pascale Robert-Diard
Le « bon juge » Magnaud est « né » le 4 mars 1898. Il avait 50 ans, des cheveux blancs, portait moustache et barbe bien taillées aussi brun sombre que ses yeux. Ce vendredi-là, comme chaque jour depuis onze ans qu’il présidait le tribunal correctionnel de Château-Thierry, dans l’Aisne, Paul Magnaud avait enfilé sa culotte à fourche de cuir et sa veste à ceinture, chaussé ses guêtres jaunes, coiffé sa tête d’une drôle de casquette de cycliste et enfourché son cheval pour rejoindre le palais de justice en longeant la Marne par le chemin de halage. L’audience s’annonçait peu chargée. Rien que de l’ordinaire : deux délits de braconnage, un outrage à garde-chasse par un homme aviné et une petite affaire de vol dans une boulangerie. Les débats furent vite expédiés, quatre et deux mois de prison pour les braconniers, quinze jours avec sursis pour l’ivrogne indélicat. Restait l’affaire de la voleuse. Montant du larcin : un pain de six livres.
Louise Ménard est appelée à la barre. Elle a 22 ans, élève seule son petit garçon de deux ans et partage avec sa mère, qui est veuve, le bon d’alimentation hebdomadaire – deux kilos de pain, deux livres de viande – accordé par le bureau de bienfaisance de sa bourgade. Le 22 février, explique-t-elle, les deux femmes et l’enfant n’avaient pas mangé depuis trente-six heures, lorsqu’elle est entrée dans la boulangerie de son cousin Pierre pour y dérober un pain. Le cousin confirme sa plainte. Entendus à leur tour, les gendarmes rapportent que lorsqu’ils sont arrivés chez Louise Ménard, la miche était dévorée aux trois quarts. Le procureur Vialatte demande la condamnation de la voleuse. Le tribunal se retire pour délibérer. Une heure, deux peut-être, passent.
Le président Magnaud rend son jugement :
« ATTENDU QU’IL EST REGRETTABLE QUE, DANS UNE SOCIÉTÉ BIEN ORGANISÉE, UN DES MEMBRES DE CETTE SOCIÉTÉ, SURTOUT UNE MÈRE DE FAMILLE, PUISSE MANQUER DE PAIN AUTREMENT QUE PAR SA FAUTE. QUE, LORSQU’UNE PAREILLE SITUATION SE PRÉSENTE, LE JUGE PEUT ET DOIT INTERPRÉTER HUMAINEMENT LES INFLEXIBLES PRESCRIPTIONS DE LA LOI. ATTENDU QUE LA FAIM EST SUSCEPTIBLE D’ENLEVER À TOUT ÊTRE HUMAIN UNE PARTIE DE SON LIBRE ARBITRE ET D’AMOINDRIR EN LUI LA NOTION DU BIEN ET DU MAL. QU’UN ACTE, ORDINAIREMENT RÉPRÉHENSIBLE, PERD BEAUCOUP DE SON CARACTÈRE FRAUDULEUX LORSQUE CELUI QUI LE COMMET N’AGIT QUE POUSSÉ PAR L’IMPÉRIEUX BESOIN DE SE PROCURER UN ALIMENT DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ. (…) QUE L’IRRESPONSABILITÉ DOIT ÊTRE ADMISE EN FAVEUR DE CEUX QUI N’ONT AGI QUE SOUS L’IRRÉSISTIBLE IMPULSION DE LA FAIM. QU’IL Y A LIEU, EN CONSÉQUENCE, DE RENVOYER LA PRÉVENUE DES FINS DE LA POURSUITE, SANS DÉPENS. »
Louise Ménard est relaxée. Alors qu’elle s’apprête à quitter la salle d’audience, le greffier lui murmure que le président Magnaud souhaite la voir dans son cabinet. En la saluant, il lui glisse une pièce d’argent de cinq francs dans la main.
LE 14 MARS, « L’AURORE » PUBLIE À LA UNE UN COURT BILLET SOUS LE TITRE « UN BON JUGE ». IL EST SIGNÉ GEORGES CLEMENCEAU
Le nom de Louise Ménard vient d’entrer dans l’histoire du droit, accolé à celui du juge de Château-Thierry qui a inventé pour elle « l’état de nécessité » : n’est pas pénalement responsable celui qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, accomplit un acte défendu par la loi. Dès le lendemain, le jugement de Magnaud est publié en première page du quotidien radical L’Avenir de l’Aisne. Quelques jours plus tard, la presse nationale s’empare de l’affaire. Le 14 mars, L’Aurore publie à la une un court billet sous le titre « Un bon juge ». Il est signé Georges Clemenceau. Les lecteurs s’émeuvent, une souscription est lancée en faveur de Louise Ménard. Le photographe Nadar envoie quarante francs, la princesse de Rohan en adresse cinquante. Aux hommages adressés au juge Magnaud par Courteline et la journaliste Séverine se mêlent des mots d’anonymes. « Je suis sûr que si le grand Victor Hugo était encore de ce monde, il se fût déplacé pour vous serrer la main », lui écrit un lecteur parisien.
Nouvelle popularité
Un an plus tard, le juge Magnaud récidive. Chiabrando, 17 ans, a quitté son travail et l’hospice qui l’accueillait, il est d’origine étrangère, traîne sur les routes et a déjà été condamné pour mendicité, lorsqu’il est présenté devant le tribunal de Château-Thierry pour avoir quémandé – et obtenu – un morceau de pain à La Ferté-Millon (Aisne), le 22 décembre 1898. Les instructions du garde des sceaux sont claires contre ces vagabonds qui font peur aux braves gens.
Paul Magnaud, auréolé de sa nouvelle popularité, décide de défier sa hiérarchie. Non seulement il prononce la relaxe du jeune homme, mais il saisit l’occasion pour dire tout le mal qu’il pense d’une loi trop rigoureuse.
« Attendu que la société, dont le premier devoir est de venir en aide à ceux de ses membres réellement malheureux, est particulièrement mal venue à requérir contre l’un d’eux », il appelle tout juge à « oublier, pour un instant, le bien-être dont il jouit généralement afin de s’identifier, autant que possible, avec la situation lamentable de l’être abandonné de tous qui, en haillons, sans argent, exposé à toutes les intempéries, court les routes et ne parvient le plus souvent qu’à éveiller la défiance de ceux auxquels il s’adresse pour obtenir quelque travail. »
Le parquet, furieux, fait appel, la Chambre des députés s’enflamme. L’avocat et député socialiste René Viviani annonce qu’il viendra lui-même défendre le vagabond devant la cour d’appel. Cinq mois plus tard, le garde des sceaux rédige une circulaire dans laquelle il reprend, sans le citer, plusieurs des arguments de Paul Magnaud, en demandant aux magistrats du parquet de « mûrement réfléchir » avant de renvoyer devant le tribunal des mendiants ou des vagabonds et de ne le faire que lorsqu’ils ont acquis la conviction « qu’ils sont en présence d’un incorrigible et invétéré fainéant ». Il faudra attendre soixante-dix ans pour que les délits de mendicité et de vagabondage soient abolis.
Féminisme
A Château-Thierry, le « bon juge » poursuit sa fronde. Le 24 août 1900, il voit comparaître devant lui Marie-Julie Véret, accusée d’avoir laissé mourir son enfant à la suite d’un accouchement clandestin. Paul Magnaud prend la plume : Marie-Julie Véret « n’a agi que par crainte de la sourde hostilité et de la stupide et cruelle réprobation dont, en général, sont l’objet les filles-mères. Que c’est donc à la société contemptrice des filles-mères et si pleine d’indulgence pour leurs séducteurs qu’incombe la plus large part des responsabilités dans les conséquences, si souvent fatales pour l’enfant, des grossesses et accouchements clandestins. » Autant de circonstances atténuantes qui justifient, selon Magnaud, de prononcer contre Marie-Julie Véret une simple amende de seize francs, dont il suspend aussitôt l’exécution.
LES DÉBOIRES CONJUGAUX DE SES CONCITOYENS FOURNISSENT À MAGNAUD UNE BELLE OCCASION DE DÉNONCER L’INJUSTICE FAITE AUX ÉPOUSES ADULTÈRES.
Dans la petite maison à un étage que longe la Marne, au lieu-dit La Levée, une femme guette avec fierté le retour de Paul Magnaud. Marie-Thérèse Beineix, épouse Magnaud, est une fille naturelle. Elle est aussi la filleule de George Sand. Dix ans plus tôt, le juge a renoncé pour elle à sa vie de célibataire endurci. En l’épousant, il a aussi épousé son féminisme.
En ce XXe siècle naissant, les choses commencent à bouger. Deux femmes ont été autorisées à prêter serment d’avocat. C’est devant le tribunal de Château-Thierry que l’une d’elles, Me Jeanne Chauvin, prononce sa première plaidoirie. Le président Magnaud lui réserve un accueil chaleureux et profite de l’occasion pour appeler l’institution judiciaire à s’ouvrir elle aussi aux femmes. En attendant, il mène combat pour elles. Les déboires conjugaux de ses concitoyens lui fournissent une belle occasion de dénoncer l’injustice faite aux épouses adultères, qui encourent alors une peine comprise entre trois mois et deux ans d’emprisonnement alors que l’époux volage, lui, risque au mieux une amende et seulement s’il commet son forfait au domicile conjugal.
Le premier divorce par consentement mutuel
Voilà justement que se présente devant Magnaud le cas d’une amoureuse surprise en flagrant délit chez son amant par les gendarmes, à la requête d’un mari furieux. Pour justifier la relaxe de l’épouse, le juge commence par observer que la maréchaussée a mieux à faire que de dresser « la constatation de certains secrets d’alcôve, surtout si l’on songe que l’adultère ne trouble la liberté ou la propriété de personne, ni la paix publique ». Puis il ajoute que face « à des faits de cette nature, d’ordre tellement privé et intime que l’intérêt social n’en exige en aucune façon la répression, ni surtout la divulgation scandaleuse, le devoir du juge est de laisser tomber en désuétude, jusqu’à son abrogation inévitable, une loi si partiale et d’un autre âge ». Le délit d’adultère ne sera définitivement abrogé qu’en… 1975.
Paul Magnaud décide d’innover aussi en matière de divorce. Sous la pression de l’Eglise catholique, la loi a fixé des conditions très strictes – adultère, condamnation infamante de l’un ou de l’autre époux, injures graves et répétées – à son acceptation. Convaincu que « deux êtres ne peuvent être malgré eux enchaînés à perpétuité l’un à l’autre », l’anticlérical Magnaud prononce, le 12 décembre 1900, le premier divorce par consentement mutuel, avec là encore soixante-quinze ans d’avance sur la loi ! Deux ans plus tard, il franchit un nouveau pas en imposant aux époux Tisserot la garde alternée de leurs deux enfants de 6 et 9 ans, au motif que le père « s’il a pu se montrer faible, n’en est pas moins un homme laborieux, économe et sobre » et qu’il n’a donc en rien mérité « cette sorte de déchéance de la puissance paternelle qui découle de la garde des enfants » lorsqu’elle est confiée exclusivement à la mère.
« IL FAUT FAIRE COMPRENDRE AUX JUGES QU’IL EST BIEN MEILLEUR D’ABSOUDRE. QUELLE JOIE DE DÉCOUVRIR, DANS UN PRÉVENU, UN INNOCENT ! »
Singulier personnage
Mais c’est une jeune ouvrière qui va offrir à Paul Magnaud l’occasion d’écrire l’un de ses plus cinglants jugements. Eulalie Michaud, employée dans un atelier de passementerie, a cédé aux avances du fils de l’un des principaux industriels de la région. De leur liaison est né un enfant. Le jeune homme de bonne famille promet le mariage à son amante, se montre un père attentionné pendant quelque temps, subvient aux besoins de la mère puis se lasse et l’abandonne pour une autre.
Un jour de mai 1898, Eulalie Michaud le croise dans les rues de Château-Thierry au bras de sa rivale. Folle de colère, elle ramasse une pierre et la lance contre son amant, le blessant à l’œil. Il porte plainte, Eulalie Michaud est renvoyée devant le tribunal correctionnel pour « violences légères », elle encourt entre six mois et deux ans de prison. Le juge Magnaud l’écoute avec attention raconter le désespoir dans lequel l’abandon l’a laissée, puis entend le jeune homme, qui se montre particulièrement désobligeant, et enfin Monsieur le maire, qui atteste de la bonne conduite de l’ouvrière.
Rentré chez lui, Paul Magnaud s’attelle à la rédaction de sa décision. Il rend hommage à « l’excellente attitude » de la prévenue qui s’est excusée de son emportement et s’en prend au plaignant, « ce Don Juan du village », qui ose tirer profit de « cette lacune de notre organisation sociale, laissant à une fille-mère toute la charge de l’enfant qu’elle a conçu, alors que celui qui, sans aucun doute, le lui a fait concevoir, peut se dégager allègrement de toute responsabilité matérielle ». Un tel état de choses, poursuit le juge, « qui met souvent la femme abandonnée dans la terrible alternative du crime ou du désespoir, est bien fait pour excuser dans la plus large mesure les mouvements et les actes violents auxquels elle peut se laisser aller contre celui dont le cœur est assez sec et le niveau moral assez bas pour lui laisser supporter, malgré sa situation aisée, toutes les charges de la maternité ». Eulalie Michaud est condamnée à un franc d’amende.
« Juge de justice »
Les journalistes de la presse nationale décident de venir voir de plus près ce singulier personnage, né en 1848 à Bergerac, décoré de la Légion d’honneur pour sa participation à la guerre de 1870, capitaine d’état-major dans l’armée de réserve, entré dans la magistrature à 33 ans après une modeste carrière d’avocat, qui est devenu sur le tard, ce juge dynamiteur. En décembre 1900, Le Figaro dépêche l’un de ses rédacteurs, Jules Huret, à Château-Thierry. Invité au domicile du juge, le reporter découvre les centaines de lettres serrées par liasses qui dressent de fragiles colonnes autour de sa table de travail, « Cursives soignées, anglaises fines, écritures titubantes de pauvres gens, elles venaient de tous les coins de France et de tous les pays » note-t-il. L’une d’elles s’adresse au « juge de justice ».
« Ce pléonasme est amusant, observe Marie-Thérèse Magnaud.
– Ce n’est pas un pléonasme », rectifie son époux.
Devant Jules Huret, Paul Magnaud précise sa pensée : « Tant qu’un esprit régénérateur n’aura pas pénétré cette sorte de caste féodale, le peuple sera réduit à une justice juridique, faite de discussions byzantines et d’interprétations pharisaïques. Cela n’est pas de la vraie justice ! » Le président Magnaud s’enflamme :
« POURQUOI LA JUSTICE A-T-ELLE DEUX PLATEAUX, SI LE JUGE N’A LE DROIT DE SE SERVIR QUE D’UN SEUL ? IL FAUT FAIRE COMPRENDRE AUX JUGES QU’IL EST BIEN MEILLEUR D’ABSOUDRE. QUELLE JOIE DE DÉCOUVRIR, DANS UN PRÉVENU, UN INNOCENT ! QUELLE DÉLICIEUSE SENSATION DE DÉMÊLER, AU MILIEU DES APPARENCES, LES VÉRITABLES CAUSES D’UN CRIME OU D’UN DÉLIT, DE DÉGAGER LES RESPONSABILITÉS COMPLEXES DE LA SOCIÉTÉ, DE L’ATAVISME, DE L’ÉDUCATION, DE L’IGNORANCE ET DE L’ERREUR, ET DE POUVOIR, À L’ABRI DES LOIS, TENIR COMPTE DE CES ÉLÉMENTS SI DIVERS POUR UNE RÉPRESSION ÉQUITABLE OU POUR LA MISÉRICORDE. »
Au journaliste qui lui fait alors remarquer que ses jugements sont souvent brisés par la cour d’appel, Magnaud répond d’un sourire : « Je m’en console aisément en pensant que Galilée aussi a vu infirmer ses théories par le pape. » La réprobation de ses pairs réjouit plutôt celui qui refuse obstinément tout avancement et pousse l’insolence jusqu’à enjoindre aux juges de paix qui dépendent de son autorité de supprimer désormais de leurs courriers à la hiérarchie judiciaire « toutes les formules de politesse plus ou moins serviles et obséquieuses, qui n’ont d’autres résultats que d’abaisser la dignité humaine ».
Très chère irrévérence
Paul Magnaud paiera cher le prix de cette irrévérence. En 1906, cédant à l’appel pressant de Clemenceau, le « bon juge » se présente aux élections législatives sous l’étiquette des radicaux pour sauver une circonscription menacée par la droite. Il a accepté, en échange de la promesse de voir voter au Parlement la « loi sur le pardon judiciaire », qu’il a rédigée et qui doit permettre au juge d’absoudre un coupable lorsqu’il considère que la clémence est plus efficace que la répression.
Mais à l’Assemblée, Paul Magnaud n’est qu’un obscur député parmi 585 autres et la majorité de gauche a d’autres priorités. Déçu, amer, il décide de ne pas se représenter et demande sa réintégration dans la magistrature. La Chancellerie n’est guère empressée de reprendre dans ses rangs un juge aussi rebelle à l’autorité. Elle finit par lui concéder un poste dans une juridiction de la Seine, en veillant à ce qu’il ne préside plus les audiences. Sur sa feuille de notation, son supérieur hiérarchique écrit en 1912 : « Monsieur Magnaud est resté le “bon juge”, c’est-à-dire un magistrat pitoyable qui n’entend rien du devoir social du magistrat et qui ignore tout de la loi qu’il a reçu mission d’appliquer. »
Paul Magnaud meurt le 27 juillet 1926, à l’âge de 78 ans. En 1994, le code pénal reconnaît officiellement « l’état de nécessité » inventé un siècle plus tôt par le « bon juge » de Château-Thierry.
Note : Cette enquête doit tout à deux livres : Le Bon Juge, d’André Rossel (1983), qui contient l’intégralité des jugements rendus par le président du tribunal de Château-Thierry, et Paul Magnaud « le bon juge », de Mohamed Sadoun, préfacé par Henri Leclerc (Riveneuve éditions, 2011)
LE MONDE | 01.08.2016 à 06h45 • Mis à jour le 01.08.2016 à 11h52 | Par Pascale Robert-Diard
Le « bon juge » Magnaud est « né » le 4 mars 1898. Il avait 50 ans, des cheveux blancs, portait moustache et barbe bien taillées aussi brun sombre que ses yeux. Ce vendredi-là, comme chaque jour depuis onze ans qu’il présidait le tribunal correctionnel de Château-Thierry, dans l’Aisne, Paul Magnaud avait enfilé sa culotte à fourche de cuir et sa veste à ceinture, chaussé ses guêtres jaunes, coiffé sa tête d’une drôle de casquette de cycliste et enfourché son cheval pour rejoindre le palais de justice en longeant la Marne par le chemin de halage. L’audience s’annonçait peu chargée. Rien que de l’ordinaire : deux délits de braconnage, un outrage à garde-chasse par un homme aviné et une petite affaire de vol dans une boulangerie. Les débats furent vite expédiés, quatre et deux mois de prison pour les braconniers, quinze jours avec sursis pour l’ivrogne indélicat. Restait l’affaire de la voleuse. Montant du larcin : un pain de six livres.
Louise Ménard est appelée à la barre. Elle a 22 ans, élève seule son petit garçon de deux ans et partage avec sa mère, qui est veuve, le bon d’alimentation hebdomadaire – deux kilos de pain, deux livres de viande – accordé par le bureau de bienfaisance de sa bourgade. Le 22 février, explique-t-elle, les deux femmes et l’enfant n’avaient pas mangé depuis trente-six heures, lorsqu’elle est entrée dans la boulangerie de son cousin Pierre pour y dérober un pain. Le cousin confirme sa plainte. Entendus à leur tour, les gendarmes rapportent que lorsqu’ils sont arrivés chez Louise Ménard, la miche était dévorée aux trois quarts. Le procureur Vialatte demande la condamnation de la voleuse. Le tribunal se retire pour délibérer. Une heure, deux peut-être, passent.
Le président Magnaud rend son jugement :
« ATTENDU QU’IL EST REGRETTABLE QUE, DANS UNE SOCIÉTÉ BIEN ORGANISÉE, UN DES MEMBRES DE CETTE SOCIÉTÉ, SURTOUT UNE MÈRE DE FAMILLE, PUISSE MANQUER DE PAIN AUTREMENT QUE PAR SA FAUTE. QUE, LORSQU’UNE PAREILLE SITUATION SE PRÉSENTE, LE JUGE PEUT ET DOIT INTERPRÉTER HUMAINEMENT LES INFLEXIBLES PRESCRIPTIONS DE LA LOI. ATTENDU QUE LA FAIM EST SUSCEPTIBLE D’ENLEVER À TOUT ÊTRE HUMAIN UNE PARTIE DE SON LIBRE ARBITRE ET D’AMOINDRIR EN LUI LA NOTION DU BIEN ET DU MAL. QU’UN ACTE, ORDINAIREMENT RÉPRÉHENSIBLE, PERD BEAUCOUP DE SON CARACTÈRE FRAUDULEUX LORSQUE CELUI QUI LE COMMET N’AGIT QUE POUSSÉ PAR L’IMPÉRIEUX BESOIN DE SE PROCURER UN ALIMENT DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ. (…) QUE L’IRRESPONSABILITÉ DOIT ÊTRE ADMISE EN FAVEUR DE CEUX QUI N’ONT AGI QUE SOUS L’IRRÉSISTIBLE IMPULSION DE LA FAIM. QU’IL Y A LIEU, EN CONSÉQUENCE, DE RENVOYER LA PRÉVENUE DES FINS DE LA POURSUITE, SANS DÉPENS. »
Louise Ménard est relaxée. Alors qu’elle s’apprête à quitter la salle d’audience, le greffier lui murmure que le président Magnaud souhaite la voir dans son cabinet. En la saluant, il lui glisse une pièce d’argent de cinq francs dans la main.
LE 14 MARS, « L’AURORE » PUBLIE À LA UNE UN COURT BILLET SOUS LE TITRE « UN BON JUGE ». IL EST SIGNÉ GEORGES CLEMENCEAU
Le nom de Louise Ménard vient d’entrer dans l’histoire du droit, accolé à celui du juge de Château-Thierry qui a inventé pour elle « l’état de nécessité » : n’est pas pénalement responsable celui qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, accomplit un acte défendu par la loi. Dès le lendemain, le jugement de Magnaud est publié en première page du quotidien radical L’Avenir de l’Aisne. Quelques jours plus tard, la presse nationale s’empare de l’affaire. Le 14 mars, L’Aurore publie à la une un court billet sous le titre « Un bon juge ». Il est signé Georges Clemenceau. Les lecteurs s’émeuvent, une souscription est lancée en faveur de Louise Ménard. Le photographe Nadar envoie quarante francs, la princesse de Rohan en adresse cinquante. Aux hommages adressés au juge Magnaud par Courteline et la journaliste Séverine se mêlent des mots d’anonymes. « Je suis sûr que si le grand Victor Hugo était encore de ce monde, il se fût déplacé pour vous serrer la main », lui écrit un lecteur parisien.
Nouvelle popularité
Un an plus tard, le juge Magnaud récidive. Chiabrando, 17 ans, a quitté son travail et l’hospice qui l’accueillait, il est d’origine étrangère, traîne sur les routes et a déjà été condamné pour mendicité, lorsqu’il est présenté devant le tribunal de Château-Thierry pour avoir quémandé – et obtenu – un morceau de pain à La Ferté-Millon (Aisne), le 22 décembre 1898. Les instructions du garde des sceaux sont claires contre ces vagabonds qui font peur aux braves gens.
Paul Magnaud, auréolé de sa nouvelle popularité, décide de défier sa hiérarchie. Non seulement il prononce la relaxe du jeune homme, mais il saisit l’occasion pour dire tout le mal qu’il pense d’une loi trop rigoureuse.
« Attendu que la société, dont le premier devoir est de venir en aide à ceux de ses membres réellement malheureux, est particulièrement mal venue à requérir contre l’un d’eux », il appelle tout juge à « oublier, pour un instant, le bien-être dont il jouit généralement afin de s’identifier, autant que possible, avec la situation lamentable de l’être abandonné de tous qui, en haillons, sans argent, exposé à toutes les intempéries, court les routes et ne parvient le plus souvent qu’à éveiller la défiance de ceux auxquels il s’adresse pour obtenir quelque travail. »
Le parquet, furieux, fait appel, la Chambre des députés s’enflamme. L’avocat et député socialiste René Viviani annonce qu’il viendra lui-même défendre le vagabond devant la cour d’appel. Cinq mois plus tard, le garde des sceaux rédige une circulaire dans laquelle il reprend, sans le citer, plusieurs des arguments de Paul Magnaud, en demandant aux magistrats du parquet de « mûrement réfléchir » avant de renvoyer devant le tribunal des mendiants ou des vagabonds et de ne le faire que lorsqu’ils ont acquis la conviction « qu’ils sont en présence d’un incorrigible et invétéré fainéant ». Il faudra attendre soixante-dix ans pour que les délits de mendicité et de vagabondage soient abolis.
Féminisme
A Château-Thierry, le « bon juge » poursuit sa fronde. Le 24 août 1900, il voit comparaître devant lui Marie-Julie Véret, accusée d’avoir laissé mourir son enfant à la suite d’un accouchement clandestin. Paul Magnaud prend la plume : Marie-Julie Véret « n’a agi que par crainte de la sourde hostilité et de la stupide et cruelle réprobation dont, en général, sont l’objet les filles-mères. Que c’est donc à la société contemptrice des filles-mères et si pleine d’indulgence pour leurs séducteurs qu’incombe la plus large part des responsabilités dans les conséquences, si souvent fatales pour l’enfant, des grossesses et accouchements clandestins. » Autant de circonstances atténuantes qui justifient, selon Magnaud, de prononcer contre Marie-Julie Véret une simple amende de seize francs, dont il suspend aussitôt l’exécution.
LES DÉBOIRES CONJUGAUX DE SES CONCITOYENS FOURNISSENT À MAGNAUD UNE BELLE OCCASION DE DÉNONCER L’INJUSTICE FAITE AUX ÉPOUSES ADULTÈRES.
Dans la petite maison à un étage que longe la Marne, au lieu-dit La Levée, une femme guette avec fierté le retour de Paul Magnaud. Marie-Thérèse Beineix, épouse Magnaud, est une fille naturelle. Elle est aussi la filleule de George Sand. Dix ans plus tôt, le juge a renoncé pour elle à sa vie de célibataire endurci. En l’épousant, il a aussi épousé son féminisme.
En ce XXe siècle naissant, les choses commencent à bouger. Deux femmes ont été autorisées à prêter serment d’avocat. C’est devant le tribunal de Château-Thierry que l’une d’elles, Me Jeanne Chauvin, prononce sa première plaidoirie. Le président Magnaud lui réserve un accueil chaleureux et profite de l’occasion pour appeler l’institution judiciaire à s’ouvrir elle aussi aux femmes. En attendant, il mène combat pour elles. Les déboires conjugaux de ses concitoyens lui fournissent une belle occasion de dénoncer l’injustice faite aux épouses adultères, qui encourent alors une peine comprise entre trois mois et deux ans d’emprisonnement alors que l’époux volage, lui, risque au mieux une amende et seulement s’il commet son forfait au domicile conjugal.
Le premier divorce par consentement mutuel
Voilà justement que se présente devant Magnaud le cas d’une amoureuse surprise en flagrant délit chez son amant par les gendarmes, à la requête d’un mari furieux. Pour justifier la relaxe de l’épouse, le juge commence par observer que la maréchaussée a mieux à faire que de dresser « la constatation de certains secrets d’alcôve, surtout si l’on songe que l’adultère ne trouble la liberté ou la propriété de personne, ni la paix publique ». Puis il ajoute que face « à des faits de cette nature, d’ordre tellement privé et intime que l’intérêt social n’en exige en aucune façon la répression, ni surtout la divulgation scandaleuse, le devoir du juge est de laisser tomber en désuétude, jusqu’à son abrogation inévitable, une loi si partiale et d’un autre âge ». Le délit d’adultère ne sera définitivement abrogé qu’en… 1975.
Paul Magnaud décide d’innover aussi en matière de divorce. Sous la pression de l’Eglise catholique, la loi a fixé des conditions très strictes – adultère, condamnation infamante de l’un ou de l’autre époux, injures graves et répétées – à son acceptation. Convaincu que « deux êtres ne peuvent être malgré eux enchaînés à perpétuité l’un à l’autre », l’anticlérical Magnaud prononce, le 12 décembre 1900, le premier divorce par consentement mutuel, avec là encore soixante-quinze ans d’avance sur la loi ! Deux ans plus tard, il franchit un nouveau pas en imposant aux époux Tisserot la garde alternée de leurs deux enfants de 6 et 9 ans, au motif que le père « s’il a pu se montrer faible, n’en est pas moins un homme laborieux, économe et sobre » et qu’il n’a donc en rien mérité « cette sorte de déchéance de la puissance paternelle qui découle de la garde des enfants » lorsqu’elle est confiée exclusivement à la mère.
« IL FAUT FAIRE COMPRENDRE AUX JUGES QU’IL EST BIEN MEILLEUR D’ABSOUDRE. QUELLE JOIE DE DÉCOUVRIR, DANS UN PRÉVENU, UN INNOCENT ! »
Singulier personnage
Mais c’est une jeune ouvrière qui va offrir à Paul Magnaud l’occasion d’écrire l’un de ses plus cinglants jugements. Eulalie Michaud, employée dans un atelier de passementerie, a cédé aux avances du fils de l’un des principaux industriels de la région. De leur liaison est né un enfant. Le jeune homme de bonne famille promet le mariage à son amante, se montre un père attentionné pendant quelque temps, subvient aux besoins de la mère puis se lasse et l’abandonne pour une autre.
Un jour de mai 1898, Eulalie Michaud le croise dans les rues de Château-Thierry au bras de sa rivale. Folle de colère, elle ramasse une pierre et la lance contre son amant, le blessant à l’œil. Il porte plainte, Eulalie Michaud est renvoyée devant le tribunal correctionnel pour « violences légères », elle encourt entre six mois et deux ans de prison. Le juge Magnaud l’écoute avec attention raconter le désespoir dans lequel l’abandon l’a laissée, puis entend le jeune homme, qui se montre particulièrement désobligeant, et enfin Monsieur le maire, qui atteste de la bonne conduite de l’ouvrière.
Rentré chez lui, Paul Magnaud s’attelle à la rédaction de sa décision. Il rend hommage à « l’excellente attitude » de la prévenue qui s’est excusée de son emportement et s’en prend au plaignant, « ce Don Juan du village », qui ose tirer profit de « cette lacune de notre organisation sociale, laissant à une fille-mère toute la charge de l’enfant qu’elle a conçu, alors que celui qui, sans aucun doute, le lui a fait concevoir, peut se dégager allègrement de toute responsabilité matérielle ». Un tel état de choses, poursuit le juge, « qui met souvent la femme abandonnée dans la terrible alternative du crime ou du désespoir, est bien fait pour excuser dans la plus large mesure les mouvements et les actes violents auxquels elle peut se laisser aller contre celui dont le cœur est assez sec et le niveau moral assez bas pour lui laisser supporter, malgré sa situation aisée, toutes les charges de la maternité ». Eulalie Michaud est condamnée à un franc d’amende.
« Juge de justice »
Les journalistes de la presse nationale décident de venir voir de plus près ce singulier personnage, né en 1848 à Bergerac, décoré de la Légion d’honneur pour sa participation à la guerre de 1870, capitaine d’état-major dans l’armée de réserve, entré dans la magistrature à 33 ans après une modeste carrière d’avocat, qui est devenu sur le tard, ce juge dynamiteur. En décembre 1900, Le Figaro dépêche l’un de ses rédacteurs, Jules Huret, à Château-Thierry. Invité au domicile du juge, le reporter découvre les centaines de lettres serrées par liasses qui dressent de fragiles colonnes autour de sa table de travail, « Cursives soignées, anglaises fines, écritures titubantes de pauvres gens, elles venaient de tous les coins de France et de tous les pays » note-t-il. L’une d’elles s’adresse au « juge de justice ».
« Ce pléonasme est amusant, observe Marie-Thérèse Magnaud.
– Ce n’est pas un pléonasme », rectifie son époux.
Devant Jules Huret, Paul Magnaud précise sa pensée : « Tant qu’un esprit régénérateur n’aura pas pénétré cette sorte de caste féodale, le peuple sera réduit à une justice juridique, faite de discussions byzantines et d’interprétations pharisaïques. Cela n’est pas de la vraie justice ! » Le président Magnaud s’enflamme :
« POURQUOI LA JUSTICE A-T-ELLE DEUX PLATEAUX, SI LE JUGE N’A LE DROIT DE SE SERVIR QUE D’UN SEUL ? IL FAUT FAIRE COMPRENDRE AUX JUGES QU’IL EST BIEN MEILLEUR D’ABSOUDRE. QUELLE JOIE DE DÉCOUVRIR, DANS UN PRÉVENU, UN INNOCENT ! QUELLE DÉLICIEUSE SENSATION DE DÉMÊLER, AU MILIEU DES APPARENCES, LES VÉRITABLES CAUSES D’UN CRIME OU D’UN DÉLIT, DE DÉGAGER LES RESPONSABILITÉS COMPLEXES DE LA SOCIÉTÉ, DE L’ATAVISME, DE L’ÉDUCATION, DE L’IGNORANCE ET DE L’ERREUR, ET DE POUVOIR, À L’ABRI DES LOIS, TENIR COMPTE DE CES ÉLÉMENTS SI DIVERS POUR UNE RÉPRESSION ÉQUITABLE OU POUR LA MISÉRICORDE. »
Au journaliste qui lui fait alors remarquer que ses jugements sont souvent brisés par la cour d’appel, Magnaud répond d’un sourire : « Je m’en console aisément en pensant que Galilée aussi a vu infirmer ses théories par le pape. » La réprobation de ses pairs réjouit plutôt celui qui refuse obstinément tout avancement et pousse l’insolence jusqu’à enjoindre aux juges de paix qui dépendent de son autorité de supprimer désormais de leurs courriers à la hiérarchie judiciaire « toutes les formules de politesse plus ou moins serviles et obséquieuses, qui n’ont d’autres résultats que d’abaisser la dignité humaine ».
Très chère irrévérence
Paul Magnaud paiera cher le prix de cette irrévérence. En 1906, cédant à l’appel pressant de Clemenceau, le « bon juge » se présente aux élections législatives sous l’étiquette des radicaux pour sauver une circonscription menacée par la droite. Il a accepté, en échange de la promesse de voir voter au Parlement la « loi sur le pardon judiciaire », qu’il a rédigée et qui doit permettre au juge d’absoudre un coupable lorsqu’il considère que la clémence est plus efficace que la répression.
Mais à l’Assemblée, Paul Magnaud n’est qu’un obscur député parmi 585 autres et la majorité de gauche a d’autres priorités. Déçu, amer, il décide de ne pas se représenter et demande sa réintégration dans la magistrature. La Chancellerie n’est guère empressée de reprendre dans ses rangs un juge aussi rebelle à l’autorité. Elle finit par lui concéder un poste dans une juridiction de la Seine, en veillant à ce qu’il ne préside plus les audiences. Sur sa feuille de notation, son supérieur hiérarchique écrit en 1912 : « Monsieur Magnaud est resté le “bon juge”, c’est-à-dire un magistrat pitoyable qui n’entend rien du devoir social du magistrat et qui ignore tout de la loi qu’il a reçu mission d’appliquer. »
Paul Magnaud meurt le 27 juillet 1926, à l’âge de 78 ans. En 1994, le code pénal reconnaît officiellement « l’état de nécessité » inventé un siècle plus tôt par le « bon juge » de Château-Thierry.
Note : Cette enquête doit tout à deux livres : Le Bon Juge, d’André Rossel (1983), qui contient l’intégralité des jugements rendus par le président du tribunal de Château-Thierry, et Paul Magnaud « le bon juge », de Mohamed Sadoun, préfacé par Henri Leclerc (Riveneuve éditions, 2011)
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L’héritage du juge Magnaud
LE MONDE | 01.08.2016 à 10h53 | Par Pascale Robert-Diard
Peut-on justifier l’arrachage des plants de maïs transgéniques au motif que cet acte répond à un « état de nécessité » ? Oui, a répondu le tribunal correctionnel d’Orléans, qui jugeait quarante-neuf « faucheurs volontaires », dont l’élu (Verts) Yves Contassot, poursuivis pour « dégradations volontaires en réunion », après avoir détruit des plants d’OGM appartenant à la société Monsanto. Dans un jugement rendu le 9 décembre 2005, le tribunal avait prononcé la relaxe des prévenus en leur reconnaissant le bénéfice de l’irresponsabilité pénale au motif qu’ils « ont commis l’infraction de dégradation volontaire pour répondre à l’état de nécessité » que représente « la diffusion incontrôlée de gènes modifiés qui constitue un danger actuel et imminent, en ce sens qu’il peut être la source d’une contamination affectant des cultures traditionnelles ou biologiques. » A l’appui de sa décision, le tribunal d’Orléans soulignait que « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé pour les citoyens, reconnu dans la charte de l’environnement de 2004 », a une valeur « constitutionnelle ».
« Droit à l’hébergement »
La cour d’appel d’Orléans a donné tort aux premiers juges en condamnant un an plus tard les faucheurs à des peines allant de deux mois avec sursis à deux mois ferme, assortis pour chacun d’une amende de 1 000 euros.
L’« état de nécessité » avait également été retenu par le tribunal de police de Saint-Etienne en septembre 2014, pour justifier la relaxe de l’abbé Gérard Riffard, poursuivi pour avoir hébergé des sans-papiers dans une salle paroissiale en violation d’un arrêté municipal et du code de l’urbanisme. Pour prononcer la relaxe du prêtre, le tribunal s’était appuyé sur un arrêt du Conseil d’Etat de février 2012, qui a érigé « le droit à l’hébergement d’urgence au rang de liberté fondamentale ». Là encore, le parquet fait appel mais la cour d’appel de Lyon, saisie de l’affaire en 2015, s’est déclarée incompétente.
LE MONDE | 01.08.2016 à 10h53 | Par Pascale Robert-Diard
Peut-on justifier l’arrachage des plants de maïs transgéniques au motif que cet acte répond à un « état de nécessité » ? Oui, a répondu le tribunal correctionnel d’Orléans, qui jugeait quarante-neuf « faucheurs volontaires », dont l’élu (Verts) Yves Contassot, poursuivis pour « dégradations volontaires en réunion », après avoir détruit des plants d’OGM appartenant à la société Monsanto. Dans un jugement rendu le 9 décembre 2005, le tribunal avait prononcé la relaxe des prévenus en leur reconnaissant le bénéfice de l’irresponsabilité pénale au motif qu’ils « ont commis l’infraction de dégradation volontaire pour répondre à l’état de nécessité » que représente « la diffusion incontrôlée de gènes modifiés qui constitue un danger actuel et imminent, en ce sens qu’il peut être la source d’une contamination affectant des cultures traditionnelles ou biologiques. » A l’appui de sa décision, le tribunal d’Orléans soulignait que « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé pour les citoyens, reconnu dans la charte de l’environnement de 2004 », a une valeur « constitutionnelle ».
« Droit à l’hébergement »
La cour d’appel d’Orléans a donné tort aux premiers juges en condamnant un an plus tard les faucheurs à des peines allant de deux mois avec sursis à deux mois ferme, assortis pour chacun d’une amende de 1 000 euros.
L’« état de nécessité » avait également été retenu par le tribunal de police de Saint-Etienne en septembre 2014, pour justifier la relaxe de l’abbé Gérard Riffard, poursuivi pour avoir hébergé des sans-papiers dans une salle paroissiale en violation d’un arrêté municipal et du code de l’urbanisme. Pour prononcer la relaxe du prêtre, le tribunal s’était appuyé sur un arrêt du Conseil d’Etat de février 2012, qui a érigé « le droit à l’hébergement d’urgence au rang de liberté fondamentale ». Là encore, le parquet fait appel mais la cour d’appel de Lyon, saisie de l’affaire en 2015, s’est déclarée incompétente.
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1974, la « harangue » de Baudot
LE MONDE | 02.08.2016 à 10h37 | Par Pascale Robert-Diard
On les appelait les « juges rouges ». Membres du tout jeune Syndicat de la magistrature, né dans la tourmente de Mai 68, ils revendiquaient pleinement la « part du juge » dans l’œuvre de justice. L’un des leurs, Oswald Baudot, alors substitut du procureur de la République à Marseille, adresse, en 1974, à ses jeunes pairs une harangue les appelant à faire pencher la justice en faveur des plus défavorisés.
« La justice est une création perpétuelle. Elle sera ce que vous la ferez. N’attendez pas le feu vert du ministre ou du législateur ou des réformes, toujours envisagées. Réformez vous-mêmes. (…) La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides “attendus” du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi. (…)
Ne vous contentez pas de faire votre métier. Vous verrez vite que, pour être un peu utile, vous devez sortir des sentiers battus. Tout ce que vous ferez de bien, vous le ferez en plus. Qu’on le veuille ou non, vous avez un rôle social à jouer. Vous êtes des assistantes sociales. Vous ne décidez pas que sur le papier. Vous tranchez dans le vif. Ne fermez pas vos cœurs à la souffrance ni vos oreilles aux cris. (…) Ne soyez pas des arbitres indifférents au-dessus de la mêlée. Que votre porte soit ouverte à tous. Il y a des tâches plus utiles que de chasser ce papillon, la vérité, ou que de cultiver cette orchidée, la science juridique. (…)
Soyez partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté (…). Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurance de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. »
Poursuivi par le garde des sceaux d’alors, Jean Lecanuet, pour « manquement à l’obligation de réserve », Oswald Baudot comparaît le 28 janvier 1975 devant la commission de discipline du parquet. Mais, face à la mobilisation du Syndicat de la magistrature, le ministre renonce à le sanctionner.
Par Pascale Robert-Diard
LE MONDE | 02.08.2016 à 10h37 | Par Pascale Robert-Diard
On les appelait les « juges rouges ». Membres du tout jeune Syndicat de la magistrature, né dans la tourmente de Mai 68, ils revendiquaient pleinement la « part du juge » dans l’œuvre de justice. L’un des leurs, Oswald Baudot, alors substitut du procureur de la République à Marseille, adresse, en 1974, à ses jeunes pairs une harangue les appelant à faire pencher la justice en faveur des plus défavorisés.
« La justice est une création perpétuelle. Elle sera ce que vous la ferez. N’attendez pas le feu vert du ministre ou du législateur ou des réformes, toujours envisagées. Réformez vous-mêmes. (…) La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides “attendus” du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi. (…)
Ne vous contentez pas de faire votre métier. Vous verrez vite que, pour être un peu utile, vous devez sortir des sentiers battus. Tout ce que vous ferez de bien, vous le ferez en plus. Qu’on le veuille ou non, vous avez un rôle social à jouer. Vous êtes des assistantes sociales. Vous ne décidez pas que sur le papier. Vous tranchez dans le vif. Ne fermez pas vos cœurs à la souffrance ni vos oreilles aux cris. (…) Ne soyez pas des arbitres indifférents au-dessus de la mêlée. Que votre porte soit ouverte à tous. Il y a des tâches plus utiles que de chasser ce papillon, la vérité, ou que de cultiver cette orchidée, la science juridique. (…)
Soyez partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté (…). Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurance de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. »
Poursuivi par le garde des sceaux d’alors, Jean Lecanuet, pour « manquement à l’obligation de réserve », Oswald Baudot comparaît le 28 janvier 1975 devant la commission de discipline du parquet. Mais, face à la mobilisation du Syndicat de la magistrature, le ministre renonce à le sanctionner.
Par Pascale Robert-Diard
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