Evolutions de la classification - DSM V

Toutes discussions concernant l'autisme et le syndrome d'Asperger, leurs définitions, les méthodes de diagnostic, l'état de la recherche, les nouveautés, etc.
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omega
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par omega »

manu a écrit :Des psychiatres américains classent des troubles. point.
D'accord avec Manu.
Grand bien leur fasse. :roll:
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samoju
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par samoju »

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Jean
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par Jean »

En France, est utilisée pour les enfants la classification appelée CFTMEA (classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent). Sa principale caractéristique n'est pas d'être écrite en français, mais d'avoir comme base idéologique la psychanalyse.

La revendication des associations (de parents d'enfants) autistes a donc été d'utiliser les autres classifications, c'est-à-dire le DSM IV (4ème édition, réalisé par l'association des psychiatres américains suivant la pratique du consensus le plus large) et le CIM-10 (classification internationale des maladies).

On est dans la logique du "moins pire" (et bien loin de la neurodiversité).

Les recommandations officielles en vigueur en France depuis 2005 demandent aux professionnels qui utilisent la CFTMEA de donner la traduction aux parents suivant les termes utilisés par la communauté médicale et scientifique internationale, c'est-à-dire le DSM IV ou la CIM-10.

Secondairement, l'utilisation de ces catégories de diagnostic est utile et nécessaire dans la recherche scientifique, pour comparer des résultats.

Cela ne veut pas dire que les catégories de diagnostic utilisées soient pertinentes - c'est-à-dire adaptées aux besoins.

Dans les discussions sur le DSM IV, il y a un enjeu essentiel au plan économique. C'est que les compagnies d'assurance nord-américaines (la sécurité sociale en tant que service public, c'est pas encore le cas aux USA :( ) se basent sur le DSM IV pour déterminer les modalités de leur prise en charge, c'est-à-dire des remboursements de soins. Pour une association comme l'ASAN, la suppression du syndrome d'Asperger pour une inclusion dans les TSA (troubles du spectre autistique) signifierait que les compagnies d'assurance prendraient en charge les soins pour tout le monde - et non seulement ceux qui auraient un diagnostic d'autisme au sens étroit.

C'est sur ce point que la discussion me semble viciée : et pas sur le fait qu'il s'agisse de psychiatres (au lieu de psychologues) ou d'américains.

Michelle Dawson a développé son opinion sur un post plus récent (que celui que j'avais traduit) en ce qui concerne la "sévérité" : http://autismcrisis.blogspot.com/2010/0 ... utism.html

Elle pose, à mon avis, de très bonnes questions.

Samoju a écrit :
Pour obtenir un procédé correct de diagnostic du TED il faudrait pouvoir ( peut-être ? ) trouver une donnée présente chez tous les TED et absente chez tous les autres.
Apparemment, cela n'existe pas ... Il y a beaucoup de ressemblances dans les TED (ou TSA), mais aussi beaucoup de différences. Parfois - certes - , les différences ont une origine commune : angoisse, système vestibulaire etc.... mais se manifestent différemment.

Mais personne pour l'instant ne propose cela.

Manu a écrit :
Une première étape a été franchie par hans asperger associant des notions de capacité au terme terme négatif d'autisme de 1911, mais leur reconnaissance ne pourra se faire que le jour ou un terme définira l'ensemble des spécificité d'un état et un autre la nature de trouble relativement à la norme.

Est-ce que c'est le cas quant on qualifie les troubles du spectre autistique?
Dans ce cas Michelle Dawson ne l'auraient pas noté puisqu'elle répond sur la "sévérité de l'autisme", et pas sur la "sévérité des troubles associé au spectre de l'autisme"...
Peux-tu préciser sur ce que tu veux dire ? Il me semble justement que Michelle Dawson insiste sur le fait que la "sévérité" (prise au sens péjoratif - d'où la notion de "troubles") est incompatible avec la notion de capacités résultant du fonctionnement particulier des autistes.
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Jean
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par Jean »

Autisme et syndrome d'Asperger dans le DSM-V: Réflexions sur l'utilité clinique
Fin de l'article :

Fait intéressant, certaines recherches ont montré des différences entre l'AHN et le S. d'Asperger en utilisant les critères Klin ci-dessus (voir par exemple Mazefsky et Oswald. 2006). Ainsi, il est possible que le manque d'utilité clinique de la distinction actuelle dans le diagnostic du DSM-IV entre l’AHN et le SA est dû à un manque de validité des critères du DSM-IV plutôt qu’au manque de validité des concepts de l’AHN et du SA comme deux syndromes distincts. Alors pourquoi la commission du DSM-V recommanderait la fusion de ces deux états plutôt qu'une redéfinition des critères du syndrome d'Asperger? Il semble que leur interprétation de la totalité des données est qu'il n'y a pas de preuves suffisantes pour valider ces deux états comme deux syndromes distincts indépendamment des critères diagnostiques utilisés, et que les différences observées ne sont pas mieux expliquées par les différences de langage, de QI et de sévérité, plutôt que par les caractéristiques de la maladie.

Suivant la commission du DSM-V :
  • La différenciation des troubles du spectre autistique par rapport au développement typique et d'autres troubles «hors du spectre » se fait de manière fiable et avec validité, tandis que les distinctions entre les troubles ont été jugées incompatibles avec le temps, variables selon les champs et souvent associées à la gravité, le niveau de langage ou l'intelligence plutôt qu’avec les caractéristiques de la maladie.


Mise à jour:
Je viens de remarquer que le Dr Mohammad Ghaziuddin, chercheur accompli sur l'autisme et l’Asperger et clinicien travaillant à l'Université du Michigan, vient de publier un article d'opinion dans le « Journal of autism and Developmental Disorders » plaidant pour une redéfinition du syndrome d'Asperger, plutôt que sa fusion avec l'autisme. Il fait valoir que la définition actuelle du DSM-IV est incorrecte et qu’une nouvelle définition mise à jour (suivant les critères de Klin décrits ci-dessus) serait plus exacte et cliniquement utile. Il déclare:

  • « ... Ce qui est nécessaire, c'est une révision de ses critères en tenant compte, de la qualité de faiblesse sociale (actif mais plutôt bizarre, plutôt qu’à l'écart et passif); des intérêts idiosyncrasiques (souvent sophistiqués et intellectuels), du style de communication (souvent pédant et verbeux) et de l'âge d'apparition / survenue des symptômes (souvent autour de 7-8 ans). En outre, des efforts devraient continuer pour établir sa validité, non seulement dans l'autisme, mais aussi d'autres états."


Références :
Klin, A., Pauls, D., Schultz, R., & Volkmar, F. (2005). Three Diagnostic Approaches to Asperger Syndrome: Implications for Research Journal of Autism and Developmental Disorders, 35 (2), 221-234 DOI: 10.1007/s10803-004-2001-y
Bennett, T., Szatmari, P., Bryson, S., Volden, J., Zwaigenbaum, L., Vaccarella, L., et al. (2008). Differentiating Autism and Asperger Syndrome on the Basis of Language Delay or Impairment. Journal of Autism and Developmental Disorders, 38(4), 616-625. doi: 10.1007/s10803-007-0428-7
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Jean
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par Jean »

Un autre point de vue :
Le défi du diagnostic d'Asperger
The Asperger Diagnosis Challenge
Par Dan Coulter


Etre diagnostiqué avec le syndrome d'Asperger en 1997 a été l'une des meilleurs choses qui soit arrivée à mon fils, Drew. Ne vous méprenez pas, le Syndrome Asperger peut être à double tranchant. Il peut vous donner des capacités qui font que les gens secouent la tête d'étonnement, et des déficits qui leur font simplement hocher la tête. À l'école primaire, Drew a séduit son professeur et ses camarades de classe avec une connaissance encyclopédique de la mythologie grecque, puis les a ennuyé par sa compulsion à parler sans cesse de Persée et de ses amis.
Le diagnostic d'Asperger a été une bonne chose, car il a aidé ma femme, Julie, et je comprends la raison des comportements de Drew - et lui obtient le soutien dont il avait besoin pour accroître ses points forts et travailler à compenser ses difficultés. Drew est maintenant âgé de 26 ans. Il a deux diplômes universitaires, est titulaire de deux emplois à temps partiel et vit sa propre vie .

Maintenant, l'American Psychiatric Association (APA) envisage de supprimer le diagnostic d'Asperger, officiellement appelé " Asperger’s Disorder», de son Manuel diagnostique et statistique (DSM), et de le rassembler dans le diagnostic plus large de «troubles du spectre autistique.« La justification pour éliminer le diagnostic est, au fond, que ce n'est pas assez cliniquement distinct. Mais je pense qu'il y a des arguments forts pour garder le diagnostic. Certains d'entre eux ont été donnés dans des articles du New York Times par des experts comme le Dr Tony Attwood, le Dr Temple Grandin, et le Dr Simon Baron-Cohen.

Je tiens à présenter quelques réflexions de mon cru. D'une part, la suppression du diagnostic aurait un impact bien au-delà de la façon dont le professionnel de santé traite un patient. Le diagnostic peut aider à déterminer si oui ou non les individus reçoivent des services - et s’ils reçoivent les services appropriés. Par exemple, un diagnostic large peut encourager une école à utiliser une approche générale pour les enfants autistes à des niveaux très différents de développement. Des catégories diagnostiques plus spécifiques peuvent aider à s’assurer que nous donnons à chaque enfant le soutien dont il ou elle a besoin, tel que la formation intensive aux compétences sociales, ou la thérapie de la parole, ou les aménagements dans une classe.

A suivre
Source : http://www.coultervideo.com/aspergerdia ... llenge.htm
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bernard
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par bernard »

Jean a écrit :puis les a ennuyé par sa compulsion à parler sans cesse de Persée et de ses amis.
Mince. Je fais cela mais seulement quand je parle des constellations.
Je ressors chaque fois toute la partie de la mythologie autour de Persée et son combat pour délivrer Andromède. Je n'avais pas remarqué que cela ennuyait mes auditeurs. Faut dire qu'ils changent à chaque observation, puisque le public est différent. Ouf, sauvé.
Jean a écrit :Mais je pense qu'il y a des arguments forts pour garder le diagnostic. Certains d'entre eux ont été donnés dans des articles du New York Times par des experts comme le Dr Tony Attwood, le Dr Temple Grandin, et le Dr Simon Baron-Cohen.
Enfin des voix qui savent de quoi elles parlent.
Le problème est qu'on est seul à défendre cette opinion dans un océan d'incompréhension. Je l'ai vu quand j'ai fait mon cycle de conférences sur le syndrome d'Asperger en janvier/février dernier. Ceux qui sont venus me poser des questions sont ceux qui en savaient le plus sur le SA (les parents) qui ont repris des exemples de leurs enfants dans la vie de tous les jours. Alors que les professionnels dans la salle, sont restés sur leurs certitudes du schéma appris (dogme) et ont fait des remarques entre eux de ce qui était différent de ce qu'ils avaient appris, mais sans échange avec le public (isolationnisme). La connaissance n'est donc pas toujours où l'on croit ...
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samoju
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par samoju »

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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par Ole Ferme l'oeil »

d'autres réflexion sur le sujet
ABFH sur "Whose planet is it anyway ?":
http://autisticbfh.blogspot.com/2010/02 ... tions.html

Bev sur "Square 8" (ex. Asperger Square 8 ):
http://aspergersquare8.blogspot.com/201 ... -away.html

Amanda Baggs sur "Ballastexistenz":
http://ballastexistenz.autistics.org/?p=601

Sarah sur "Cat in a dog's world":
http://autisticcats.blogspot.com/2010/0 ... e-you.html

Sadderbutwisergirl sur "A Time Will Come...":
http://generationyidealism.blogspot.com ... other.html

Corina Becker sur "No stereotypes here":
http://nostereotypeshere.blogspot.com/2 ... ep-in.html
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par manu »

Jean a écrit : Manu a écrit :
Une première étape a été franchie par hans asperger associant des notions de capacité au terme terme négatif d'autisme de 1911, mais leur reconnaissance ne pourra se faire que le jour ou un terme définira l'ensemble des spécificité d'un état et un autre la nature de trouble relativement à la norme.

Est-ce que c'est le cas quant on qualifie les troubles du spectre autistique?
Dans ce cas Michelle Dawson ne l'auraient pas noté puisqu'elle répond sur la "sévérité de l'autisme", et pas sur la "sévérité des troubles associé au spectre de l'autisme"...
Peux-tu préciser sur ce que tu veux dire ? Il me semble justement que Michelle Dawson insiste sur le fait que la "sévérité" (prise au sens péjoratif - d'où la notion de "troubles") est incompatible avec la notion de capacités résultant du fonctionnement particulier des autistes.
Je veux dire que c'est un problème de vocabulaire.
Le DSM V il me semble vise à classer la "sévérité des troubles du spectre autistique" (C'est TSA le terme choisi, pas autisme)
Michelle Dawson répond comme s'il parlais de la "sévérité de l'autisme".

Si le mot autisme est associé a un syndrome (ensemble de fonctions déficitaire observées et répertoriées), alors il faut un autre mot pour définir la différence que certain visent a faire connaitre en militant pour faire comprendre cette part de l'autisme.

Si c'est le mot autisme qui définit effectivement la singularité, alors le classement des "désordres" distingue a juste titre les troubles associé a la singularité, et il classent la sévérité des troubles (leurs distance a un état normal), pas la "sévérité de la singularité" ce qui est bien entendu absurde.

Le problème reste de faire un choix claire et définitif pour savoir si le mot autisme défini le trouble ou la singularité.
On se comprendra jamais tend qu'on utilisera tous le même mot pour exprimer des choses différentes.
Reconnu humain à la naissance.
Aucun diagnostique plus pertinent depuis!


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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par samoju »

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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par manu »

Personne ne peut exprimer une expérience que l'autre n'a pas eut.
Les mots n'expliquent pas ce qui est, il permettent juste de pointer quelque chose, comme on montre du doigt.
Il ne permettent de partager que ce qui tiens déjà d'une expérience commune (c'est une base de la sémiologie et de la linguistique).

Le premier problème n'est pas d'expliquer le contenu, mais déjà de se mettre d'accord sur ce qu'on pointe.
Si lorsque l'un montre la singularité l'autre regarde le trouble (ou le contraire), le problème est déjà qu'on ne pointe pas la même chose.
Reconnu humain à la naissance.
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par Jean »

Lors des journées de l'ANCRA à Dijon, la question des classifications a été évoquée. Un résumé est publié dans la dernière lettre de l'ARAPI. Je reproduis ci-desous ce résumé. Un débat "intéressant " a suivi.

"Thierry Maffre (CRA Midi-Pyrénées) a abordé la question des classifications internationales, en particulier le DSM. Cette classification multiaxiale est uniquement descriptive. Il s'agit d'un répertoire nosographique et athéorique. Cependant un certain nombre de questions se posent :
- l'hétérogénéité des catégories et sous-catégories,
- les faux positifs,
- les co-morbidités tels que déficience mentale, TDHA, troubles schizotypiques,
- le croisement des aspects neurobiologiques, génétiques, neuroanatomiques, fonctionnels.

La validité d'une catégorie diagnostique repose sur l'homogénéité du groupe des sujets concernés, en termes d'évolution, de profil génétique, d'environnement, des caractéristiques structurelles et fonctionnelles. Or, dans les TED, on se heurte à des difficultés méthodologiques en raison d'une grande variabilité de leur expression.

Thierry Maffre note un certain nombre d'arguments en faveur d'une évolution des classifications pour les TED :
- Il existe des liens très forts entre les deux premiers critères (interactions sociales et communication).
- Il existe une évolution de la symptomatologie au cours du développement.
- Les troubles désintégratifs sont rares.
- La distinction entre autisme de haut niveau et syndrome d'Asperger pose question.
- Les liens entre autisme et retard mental restent imprécis. Dans le DSM V, qui remplacera le DSM IV-R, la triade syndromique deviendrait une dyade, avec d'une part l'altération qualitative de la communication sociale, et d'autre part les intérêts restreints et les comportements répétitifs. Le terme de « troubles envahissants du développement" serait remplacé par « troubles du spectre autistique" (TSA), avec trois catégories : autisme, Asperger et TED NS, en soulignant que le critère d'intensité des troubles semble plus pertinent que des critères distinctifs pour définir ces sous-catégories."
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par Jean »

Commentaire dans le journal Le Temps (Suisse) :
Nos vies médicalisées - Anna Lietti

La nouvelle version de la «bible» mondiale de la psychiatrie confirme la tendance à l’inflation des pathologies. Le DSM est le fer de lance d’un mouvement plus large, celui de la médicalisation de nos existences

Etes-vous un chaud lapin ou souffrez-vous d’un trouble de l’hypersexualité? Cultivez-vous votre spleen ou nécessitez-vous des soins pour dépression? En un mot: êtes-vous malade ou sain d’esprit? Mais surtout: qui en décide?

Perplexité: il existe une «bible» mondiale du diagnostic psychiatrique (à peine concurrencée par la nomenclature de l’OMS). Et ce livre des livres, ce DSM dont la cinquième mouture vient d’être rendue publique, est produit, depuis soixante ans, par la seule Association américaine de psychiatrie. Or, ce petit groupe de praticiens étasuniens, qui entretient d’excellents rapports avec l’industrie pharmaceutique, a créé une sorte de monstre classificatoire, qui génère, à chaque version, davantage de pathologies, lesquelles sont bien sûr appelées à rencontrer «leur» médicament. Le DSM est le fer de lance, sur son terrain, d’un vaste mouvement: celui de la médicalisation de nos existences.

Tous les éléments sont réunis pour nous permettre de crier au complot étranger sur fond de grand capital. Mais il faut l’admettre: cela ne suffirait pas à expliquer le succès du DSM et de ce qu’il représente. Personne ne nous force vraiment la main. Toutes ces pathologies nouvelles, avec leur nom scientifique, nous rassurent et nous arrangent.

D’abord, l’étiquetage semble avoir, sur l’anxiété de ceux qui souffrent, un effet calmant. Mais il permet aussi de documenter les arrêts de travail, d’étayer le remboursement des médicaments et celui des traitements. Avec un sentiment de légitimité que nous n’aimons pas voir remis en cause, et qui n’a pas à l’être.

Mais quelque chose, dans la logique de notre aspiration au bien-être, s’emballe et nous échappe. Bientôt, selon les critères de la psychiatrie mondialisée, la planète comptera une majorité d’habitants psychiquement souffrants. Ce sera peut-être l’occasion de retrouver la sagesse que l’on prête traditionnellement aux fous. De dégager, dans ce qui nous arrive, notre part de liberté. Sans oublier de renouer avec la poésie douce-amère de la vie.
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par Jean »

Suite (dans le même journal) : Tous des malades mentaux - Par Anna Lietti
L’ouvrage qui fait référence en psychiatrie aux Etats-Unis mais également en Europe est mis à jour. Le DSM V augmente le nombre de troubles mentaux et suscite une nouvelle fois la controverse

Les homosexuels ont fait des pieds et des mains pour en sortir. Les asexuels revendiquent le même sort et sont sur le point d’obtenir satisfaction. On observe en revanche l’avènement des «hypersexuels» dans le camp très fréquenté des personnes affectées de pathologie mentale. Voilà qui résume l’époque. Le manuel dont il est question se veut pourtant un monument de science pure, indifférent à l’Histoire. Naïveté?

La cinquième version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ou DSM V, ne doit paraître qu’en 2013, mais son projet a été mis en ligne mercredi dernier (http://www.dsm5.org). Et le monde retient son souffle. Car de la «bible de la psychiatrie» dépend le nouveau partage des eaux entre malades et bien portants.

Entre une minorité de malades et une majorité de bien portants? Plus si sûr: au fil des années, le nombre des troubles psychiques recensés n’a cessé d’augmenter. La quatrième mouture du manuel (DSM IV) compte 297 pathologies, ce qui suffit déjà, selon l’historien des idées Christopher Lane 1, pour considérer la moitié de la population américaine comme souffrant de troubles psychiques. Or, dans l’attente tendue du DSM V, les auteurs des éditions précédentes ont exprimé leur inquiétude de voir encore augmenter la proportion de population cataloguée comme déviante. Ainsi, 2013 verra peut-être s’accomplir une transition historique: la planète Terre sera peuplée d’une majorité de malades mentaux. «Cela pose des questions intéressantes, ironise François Ansermet, chef de la pédopsychiatrie genevoise: faudra-t-il à l’avenir soigner les «normaux»?»

Les critiques du DSM sont nombreux en Europe. Dans le dernier numéro de la Revue médicale suisse , son rédacteur en chef Bertrand Kiefer exprime leur principal grief: ce manuel-là «fabrique de la maladie». Il le fait sous l’influence sonnante et trébuchante de l’industrie pharmaceutique, qui pète de santé sur un marché de la pathologie psychique en pleine expansion. La collusion entre psychiatres et pharmas n’est pas un fantasme: elle a déjà occasionné des démissions retentissantes 2.

Mais en quoi ces dérives transatlantiques nous concernent-elles? Elles nous marquent davantage qu’il n’y paraît. Le DSM a beau émaner de l’Association américaine de psychiatrie et d’elle seule, il s’est imposé comme un ouvrage de référence à l’échelle mondiale. Son seul concurrent est le chapitre «troubles mentaux ou du comportement» de la Classification internationale des maladies (CIM-10) de l’OMS. Les psychiatres suisses, notamment dans les rapports qui intéressent les assurances, se basent tantôt sur l’un tantôt sur l’autre.

Plus profondément, la classification du DSM affecte notre manière d’appréhender la maladie mentale. Pierre Bovet, professeur de psychiatrie à Lausanne et spécialiste de la schizophrénie, entrait dans le métier au moment de l’arrivée du DSM III. «Les deux versions précédentes du manuel, explique-t-il, étaient de simples nomenclatures. Le changement en 1980 a été d’introduire des critères pour le diagnostic.»

L’ambition, légitime, était de limiter la part d’aléatoire dans l’appréhension des troubles mentaux et de permettre aux chercheurs de se baser sur des données comparables: «Il fallait mettre une limite à une certaine dérive des diagnostics», reconnaît-il.

Mais peu à peu, le monument classificatoire est devenu, dans les faits, ce qu’il se défendait d’être: un manuel de psychiatrie à part entière. Un manuel qui réduit le trouble mental à une somme de symptômes. «C’est un appauvrissement énorme», regrette Pierre Bovet. Ce qui s’est perdu en chemin, c’est la psychopathologie, c’est-à-dire l’effort de comprendre une personne qui souffre dans «la cohérence de son fonctionnement». La «frénésie descriptive» travaille à plat, la profondeur lui échappe, mais aussi la vue d’ensemble d’un être humain car elle reste collée le nez sur le guidon du détail.

«Utiliser les catégories du DSM n’empêche pas, bien sûr, de penser les choses de manière plus approfondie», ajoute le psychiatre lausannois, et c’est le cas en Suisse, où «une forte tradition de psychopathologie s’est maintenue.» N’empêche: «L’idée que la description du trouble n’est pas tout le trouble devient parfois difficile à faire passer, surtout chez les jeunes.»

Parmi les nouveautés du DSM V, une innovation méthodologique qui consiste à tenir compte non seulement de la nature d’un symptôme mais également de son intensité. Une initiative louable en soi, qui rend justice au fait que «les émotions se présentent comme un continuum», note Pierre Bovet: de l’humeur dépressive à la dépression pathologique, par exemple. D’un autre côté, comme l’écrit Bertrand Kiefer, «selon où l’on place le curseur sur le continuum», on peut booster ou assécher le marché de la maladie mentale. Le suspense n’est pas grand pour savoir de quel côté le vent le poussera.

Après tout, suggère François Ansermet, la vie n’est-elle pas, en elle-même, une maladie?

1. «Comment la psychiatrie et l’industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions», Ed. Flammarion, 2009.
2. «Credibility crisis in pediatric psychiatry», Nature Neuroscience vol. 11, n° 9, septembre 2008.
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Re: Evolutions de la classification - DSM V

Message par Jean »

Quelques nouveautés du DSM V en projet - Anna Lietti

Le projet de nouvelle mouture de la «Bible» du diagnostic psychiatrique vient d’être mis en ligne pour consultation. Florilège

Disparition du «trouble de l’aversion sexuelle». C’est une victoire pour les associations d’asexuels, qui ont milité pour ce changement.

Apparition, en revanche, du «trouble de l’hypersexualité», qui trouve son incarnation peopolesque dans Tiger Woods. On est dans la mouvance de l’attention aux addictions sans produit. Va-t-on créer une catégorie pour chacune d’elles?

Apparition du syndrome de «binge eating», qui ressemble à la boulimie mais sans que les raids nocturnes sur le frigo soient suivis de vomissements ou de prise de laxatifs.

Le syndrome d’Asperger (troubles du contact sans troubles du langage, intelligence souvent supérieure) cesse d’être une catégorie à part et devient une variante de l’autisme. Sujet très sensible au vu de la grande quantité d’associations actives dans le débat. Des parents d’enfants Asperger trouvent l’assimilation stigmatisante. Ailleurs, autistes et Asperger s’unissent pour un «autistic pride day» et traitent les normaux de «neurotypiques». «D’un point de vue scientifique, le syndrome d’Asperger fait bel et bien partie du spectre de l’autisme», commente Pierre Bovet.

Les enfants qui manifestent des accès de colère «trois fois par semaine ou plus» sont désormais classés sous le label du «sévère dérèglement de l’humeur». Cette nouvelle catégorie, si elle prête à sourire, a en fait été créée pour soustraire certains enfants au diagnostic beaucoup plus sévère du trouble bipolaire (maniaco-dépressif), qui entraîne une médicalisation lourde. Tout cela, aux USA: chez nous, le diagnostic de trouble bipolaire n’est pratiquement posé que sur des adultes.

Apparition du «psychosis risk syndrome», ou la possibilité de diagnostiquer, chez un adolescent, un trouble psychotique qui pourrait se développer sans être encore présent. Les dérives possibles font frémir Michael First, coauteur du DSM IV. Dans l’International Herald Tribune, il cite des études montrant que 70% des adolescents identifiés comme à risque ne développent pas les troubles en question.
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