Jusqu'ici, je faisais surtout des job de vendeuse, service à la clientèle, vendeuse, service à la clientèle et encore et encore... J'ai commencé là-dedans parce que mes parents sont vendeurs et parce que quand tu as 17 ans, c'est très facile de se faire engager. Du coup, j'ai fait que ça, ou presque, de ma vie pendant que j'étais aux études.
Je me suis toujours considérée comme étant une grosse paresseuse dans la vie en général mais surtout au travail. En fait, travailler dans une boutique est assez simple. Or, même si c'est assez peu compliqué comme job, même si les horaires sont pénards, j'ai toujours détesté cela sans trop m'en rendre compte.
Plus le temps passait et moins j'avais envie de travailler. Comme j'avais du mal à boucler une semaine de 35 heures sans me sentir complètement épuisée à la toute fin, j'ai longtemps cru que j'étais en fait une grosse paresseuse mésadaptée sociale qui ne sera jamais capable de travailler fort et de gagner sa croûte. Et j'en avais tellement marre de mon travail que j'en déprimais. J'y allais à reculons, malgré moi, j'en pleurais parfois même.
Tout allait bien lorsque j'étais seule dans le magasin ou lorsque j'avais de l'ouvrage répétitif à faire comme coller des étiquettes, déballer des commandes et placer des marchandises. Mais, aussitôt que le client se pointait, je ressentais une sorte d'exaspération proche du désespoir et de l'agressivité face à cette personne. Comme si le fait qu'un client entre dans mon magasin était perçu comme une intrusion, il me fallait des tonnes de self-control pour ne pas le montrer et sourire en disant ''Bonjour!'' Pourtant, quand les journées sont longues, les clients sont toujours les bienvenus. Moi, j'aimais être totalement seule dans la boutique, là j'aimais ma job!
Quand le client voulait de l'information sur des choses que j'aimais, j'étais intarissable. Si c'était pour des trucs autres, ça me gonflait et je devenais très avare de renseignements. J'ai souvent envoyé des clients valser à cause de ça...



Un jour, j'ai décidé que j'en pouvais plus de ce travail-là et cela a coïncidé avec mes recherches sur l'autisme. Alors que j'avais toujours exigé de moi-même d'aimer mon travail, de bien le faire et de ''m'adapter'' à cet environnement, j'ai commencé à me demander si vraiment j'étais faite pour le service à la clientèle. Je me suis rendue compte que j'étais beaucoup trop exigeante envers moi-même et que je prétendais être quelqu'un que je ne suis pas du tout! La fille énergique, sociale, avec répartie qui bouge tout le temps, qui fait 3-4 trucs en même temps et qui jase avec tout le monde, c'est pas moi ça! Autiste ou non, ça n'a pas vraiment d'importance. Alors j'ai démissionné et j'ai vécu sur mes économies en attendant de trouver autre chose. Ça aura pris 1 an pour me recaser. Heureusement, j'avais fait une partie d'un programme d'études techniques en production théâtrale au cours de ma jeune vingtaine sans pour autant travailler dans le milieu. Or, les seuls amis que j'ai encore aujourd'hui, je les ai rencontrés pendant ces études-là. Alors j'ai fait aller mon ''réseau'' pour tenter de me trouver un emploi dans le domaine et, devinez quoi? Je gagne présentement ma vie comme technicienne de scène.
Le changement? Majeur!!!!! Alors qu'avant j'étais épuisée à l'idée de travailler plus de 30 heures par semaine, maintenant, j'enchaîne les projets et les call pour parfois taper le 60 heures! Je suis fatiguée après, certes, mais c'est une fatigue physique bien normale puisque ce travail est très exigeant sur ce plan-là. Du matériel scénique, c'est toujours lourd et je suis une personne d'un naturel sédentaire. En plus, je suis toute petite. Mais travailler me met en forme et j'adore ça! En fait, je ne me vois plus du tout comme étant une grosse paresseuse incapable de travailler de longues heures. Même si je suis fatiguée, j'aime tellement ma job que je ne vois pas le temps passer, j'ai beau travailler non-stop, j'en redemande.
Et bien payé, en prime! La morale de l'histoire: ne jamais se forcer à faire un travail que l'on déteste, surtout si on est pas un neurotypique bien typique. Certains d'entre vous le savent peut-être mais les autistes ont beaucoup de mal à effectuer des tâches qu'ils n'ont pas envie d'effectuer: ça nous amène aux limites du désespoir, ça épuise, ça gruge et il ne sert à rien de relativiser avec ça. Pendant mes études j'ai souvent eu à faire face à ça, l'incapacité à effectuer une tâche qui me rebute. C'est comme si je devais me forcer à manger du caca. J'avais beau me dire qu'on ne fait pas toujours tout ce qu'on aime dans la vie, que c'est simplement un mauvais moment à passer, que plus je m'y mets et plus vite j'aurai fini, rien à faire. J'en sortais épuisée moralement, malade, angoissée et... déprimée. Ce fut très éprouvant pour moi.
Alors je crois que le service à la clientèle c'est juste pas une bonne idée, surtout si vous n'êtes pas à l'aise avec le public. À s'en rendre malade. Job facile, peut-être, mais déconseillée, limite dangereux pour tous ceux qui détestent avoir à gérer des dizaines d'inconnus par jour. Plus jamais!
