Coucou Astragale,
Mises à part les interventions de Normal, qui démontrent encore une fois son envie de participer de façon constructive, en étant attentif aux propos des autres

, je trouve ton sujet très pertinent dans la mesure où il amène, une fois de plus, à questionner les affirmations péremptoires de tous ces spécialistes de l'autisme.
Spécialistes malheureusement seulement de ce qu'ils observent sur une durée limitée, dans un contexte bien spécifique, et ils s'arrogent alors le droit de généraliser à partir de ces observations circonscrites, au lieu de tenir
aussi compte de ce que dit la personne, à la fois sur ce qu'elle fait et ce qu'elle éprouve.
Ils parlent "de" la personne et non pas "depuis " la personne.
Tu avais déjà, sur un autre post, expliqué comment tu étais parfaitement capable, avec les compétences qui sont les tiennes, de gérer une entreprise:
http://forum.asperansa.org/viewtopic.php?f=8&t=4511
Ces compétences (en tant que "mises en oeuvre de tes capacités" très spéciales du fait de la combinaison HPI/SA) existent, ce sont des faits, les résultats sont là, personne ne peut les remettre en cause.
Et comme toi:
Astragale a écrit : je ne comprends pas comment le traitement des implicites et des intentions procède des mêmes compétences que la faculté de faire plusieurs choses en même temps puisque je peux facilement faire l'un et absolument pas l'autre...
Encore une fois, on a beaucoup trop tendance, en France surtout (et c'est très archaïque, il n'y a qu'à voir comment à l'école on souligne bien davantage ce qu'un enfant rate que ce qu'il réussit), à qualifier le SA comme une liste d'incapacités. Evidemment, cela est nécessaire pour conduire à une qualification de "maladie" ou de "handicap". Si ce n'était pas le cas, comment quelqu'un qui a de réelles capacités à s'intégrer parfaitement dans la société, par le moyen qui lui convient le mieux (et dans ton cas, c'est par le moyen de la création d'entreprise) pourrait être néanmoins qualifié d'autiste ?
Il y a deux façons d'évacuer le problème: soit on nie les compétences en question, en dévalorisant la personne au passage (mais non c'est impossible, vous ne pouvez pas faire ce que vous dites savoir faire); soit on reconnaît les compétences, en refusant à la personne la qualité d'autiste Asperger.
Je suis en faveur de la seule voie qui réconcilie les positions, qui unit les faits au lieu de les exclure: chercher à comprendre quels sont les mécanismes cognitifs qui permettent à une personne, dont les capacités d'interactions sociales telles que reconnues comme normales par la société sont par ailleurs peu présentes, de faire ce qu'elle est capable de faire.
Personnellement, je ne vois aucune contradiction entre ta faculté de faire plusieurs choses en même temps et ta difficulté à traiter les implicites et les intentions. Je cite ci-après ensemble certains de tes propos:
"Mais c'est peut-être la gestion générale qui me pose le plus de questions car
le médecin n°1 qui m'a diagnostiquée m'a assurée qu'un Asperger NE PEUT faire plusieurs choses en même temps et que c'est justement ce qui caractérise le syndrome : la difficulté à hiérarchiser. Chez moi il semblerait que cette incapacité soit exclusivement réduite aux situations où quelqu'un me parle en même temps ou bien du brouhaha.
[.......]
Je ne peux gérer certaines situations multitâches lorsque l'on me parle. Par exemple, trouver ma route ou faire un créneau et écouter ce qu'on me dit m'est impossible. J'irais même plus loin : je n'y arrive pas si on me parle. En revanche, je peux écrire un texte et prévoir mon planning pendant que quelqu'un me parle d'autre chose. C'est vraiment très curieux.
Et ma conclusion est "oui, je fais plusieurs choses en même temps : écrire + surveiller quelque chose + Penser à organiser mon planning.
Mais il ne faut pas me parler. Si une voix humaine apparait j'explose.
[...]
La liste que j'ai détaillée parle de tâches qui semblent généralement difficiles pour des aspis. Non seulement je les accomplis sans problème mais je peux également faire plusieurs choses en même temps.
A moins, que ce ne soit une hyper rapidité comme le suggèrent Benoit et le dr L mais dans ce cas j'ai trouvé mon super-pouvoir-autiste parce que je suis hyper-hyper-efficace. Pourquoi pas ? Je pense que cette option est à creuser car
mon efficacité vraiment très importante peut tout à fait provenir d'une concentration hors normes. Je pense avoir remarqué aussi que ma focalisation sur le sujet me permet d'éviter les écueils de la distraction, ce qui peut évidemment me rendre plus efficace. Je réfléchis à tout ça..."
La difficulté à hiérarchiser comme caractéristique du syndrome ? Quel est le fondement de cette affirmation ?
Hiérarchiser, c'est distinguer entre l'urgent, l'important, l'urgent plus important, l'important moins urgent etc... et hiérarchiser c'est donc précisément séparer et séquencer les tâches. Donc si un Asperger ne sait fonctionner que sur un mode séquentiel (par opposition à un mode simultané), alors il sait hiérarchiser.
La combinaison d'un esprit ultra-rapide (qui associe, connecte, très rapidement, "saute" très rapidement d'une idée à l'autre), caractéristique du HPI et d'un esprit ultra-focus (qui sait mobiliser son attention puissamment et durablement sur ce qui l'intéresse), caractéristique du SA, produit à mon sens cette capacité à "faire plusieurs choses en même temps".
Je mets deux bémols: pas exactement en même temps et pas n'importe quelles choses en même temps.
Pas exactement en même temps: Il me semble en effet que la simultanéité parfaite (pour qui que ce soit) n'existe pas: c'est l'extrême rapidité du "switch" d'une activité à l'autre (microsecondes) qui donne cette illusion, sauf à distinguer peut-être entre activités parfaitement automatisées et activités cognitives ? Je crois qu'il y a des études à ce sujet, mais je n'ai pas encore creusé.
Pas n'importe quelles choses en même temps: c'est là peut-être une spécificité du SA qui m'interpelle. J'ai observé aussi chez moi (même si tout le monde sait ici que j'ai eu un diagnostic négatif) exactement les mêmes impossibilités que chez toi: l'exemple du créneau en parlant est très significatif ! Et j'ai un ami très HPI et selon moi aussi très Asperger qui s'arrête aussi de marcher (comme moi) dès qu'il se met à parler, chose que personne de "normal" ne fait. En revanche, un HPI que je connais bien, pas du tout Asperger n'a pas du tout cette difficulté.
Ce que j'en déduis, provisoirement, me concernant, c'est que je ne peux pas mener de front des activités qui impliquent une mobilisation spatiale (marcher, pédaler, courir, faire un créneau, chercher à me repérer) et une conversation. Un peu comme si le repérage qui m'oblige déjà à tenir compte de l'environnement saturait ma capacité à traiter l'environnement (et quelqu'un qui me parle est un événement de l'extérieur). En revanche pour reprendre les exemples que tu cites, je peux écrire un texte, écouter la radio, penser à mon planning, ET parler avec quelqu'un, car rien de tout cela ne mobilise du repérage spatio-temporel. Il me reste donc des ressources pour parler.
Je voudrais souligner les phrases suivantes que tu as écrites et qui me semblent a priori contradictoires:
"En revanche,
je peux écrire un texte et prévoir mon planning pendant que quelqu'un me parle d'autre chose. C'est vraiment très curieux.
Et ma conclusion est "oui, je fais plusieurs choses en même temps : écrire + surveiller quelque chose + Penser à organiser mon planning.
Mais il ne faut pas me parler. Si une voix humaine apparait j'explose.
Pourrais-tu développer ?
"J'ai l'air tellement adaptée (pour quelqu'un qui me côtoie moins d'une heure), que si je dis "je suis Asperger", l'autre ne me croit pas. Ceci peut avoir des conséquences assez problématiques dans le cadre du développement d'un projet.
Je voudrais voir des Asperger-chefs d'entreprises qui n'ont pas "l'air d'Asperger"...

"
S'agissant de l'apparence, on a déjà évoqué les impressionnantes capacités de caméléon du HPI. Mais on ne souligne pas assez le facteur temps. C'est selon moi fondamental. La plupart des gens n'écoutent pas le message implicite

qu'il y a derrière, message que je pourrais formuler ainsi:
"Je sais me comporter comme vous l'attendez, parce que j'ai décidé (pour des raisons diverses, professionnelles ou autres) de passer un certain moment avec vous; et pendant ce moment, je souhaite être acceptée, et non pas rejetée, parce que j'ai besoin de cette interaction pour satisfaire un besoin précis. Mais vous n'avez aucune idée des moments que je passe seule avec moi-même pour me remettre de l'énergie dépensée".