Pour comprendre le contexte, voir cet article suite au rappot de l'IGAS sur l'associaion :
09/09/2014 - Handicap - Travail Social Actualités
L'Igas tance l'association Vaincre l'autisme
En situation financière difficile, l'association Vaincre l'autisme qui gère deux services expérimentaux d'accueil de jeunes autistes a été inspectée par l'Igas. Même si aucun dysfonctionnement grave n'a été identifié, l'inspection demande à l'association une plus grande rigueur dans sa gestion financière et dans sa politique de ressources humaines.
La dernière phrase du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales sur Vaincre l'autisme sonne comme un sérieux avertissement : "A défaut [de suivre ses recommandations], l'association ne pourrait perdurer". En clair, voilà l'élément le plus contestataire sur le front de l'autisme (au printemps dernier, Vaincre l'autisme a quitté avec fracas le comité national autisme) sommé de revoir un fonctionnement interne, pour le moins erratique.
Les raisons d'une inspection
Mais au fait, pourquoi cette association s'est-elle faite inspecter ? Deux raisons sont indiquées dans le rapport de l'Igas : les ARS d'Ile-de-France et de Midi-Pyrénées ont relevé des dysfonctionnements dans les services qu'elle gère ; confrontée à des difficultés financières, Vaincre l'autisme avait sollicité les pouvoirs publics pour bénéficier de subventions nouvelles. L'Igas s'est donc plongée dans les comptes et statuts de l'association, a rencontré l'ensemble des protagonistes, y compris des familles utilisant les services de celle-ci.
Amateurisme, non respect des engagements...
Le constat général est assez rude : il ressort de la lecture de la petite centaine de pages un mélange d'amateurisme, de non-respect des engagements pris et d'une très forte personnalisation autour du président, M'Hammed Sajidi. Les critiques portent aussi bien sur le fonctionnement de l'association, les modalités de prise en charge des jeunes autistes et les aspects budgétaires.
Démocratie interne balbutiante
Sur le premier axe, les inspecteurs relèvent un grand flou dans la vie interne de l'association crée en 2001 initialement sous le nom de Léa pour Samy. L'Igas s'étonne du grand nombre de catégories de membres, huit en tout, dont certaines sont des coquilles vides. La démocratie interne semble laisser à désirer : "seules neuf personnes, en dehors des trois membres fondateurs, sont appelées à participer aux assemblées générales." Un peu court quand l'association aligne plus de 1 000 "membres utilisateurs" et environ 300 "membres sympathisants"... Des décisions statutaires qui auraient mérité la convocation d'une assemblée générale extraordinaire - avec davantage de participants - ont été validées en petit comité.
Des structures expérimentales...
La critique, sans doute la plus problématique, concerne les conditions de prise en charge des jeunes autistes accueillis dans les deux services ouverts à Paris puis à Toulouse sous le nom de Futuroschool. Ces structures ont été possibles dans le cadre de la mesure 29 du 2e plan autisme permettant des expérimentations. Sur arrêté du préfet de région - et malgré l'avis défavorable du Crosms * -, l'association a été autorisée à ouvrir à Paris en 2009 une structure pour 12 enfants autistes. Cette autorisation était conditionnée à une visite de conformité quelques mois plus tard. Or, celle-ci a révélé de sérieux problèmes, notamment des confusions entre règlement intérieur et livret d'accueil, des sanctions appliquées aux parents ne respectant pas tel ou tel point ("cette formulation est excessive dans la mesure où ils ne sont pas des agents de l'association").
... autorisées malgré le refus du Crosms
A Toulouse, le projet a carrément été retoqué en 2009 par le rapporteur du Crosms Midi-Pyrénées, notamment à cause d'un coût jugé excessif (47 000 € la place), le manque de lien avec le réseau médico-social et l'utilisation exclusive de l'outil ABA, ce qui nie la dimension pluridisciplinaire de l'accompagnement... Finalement, ce service a été autorisé en 2010 sur demande des autorités gouvernementales.
Des intervenants insuffisants
Les inspecteurs ont le sentiment que les points d'amélioration exigés lors de ces visites n'ont pas été forcément respectés quelques années plus tard. Par exemple, le président de l'association continue à assurer la direction de l'établissement parisien, faute de poste de direction. La notion de "psychologue dirigeante" proposée dans l'organigramme semble un peu bancale. Si elle a un rôle déterminant pour le recrutement des professionnels, elle ne dispose pas d'une délégation de signature et aucun document ne précise clairement ses missions. Certains intervenants sont considérés comme des bénévoles, alors que leurs obligations les assimilent davantage à un statut de salarié. "Le nombre actuel d'intervenants n'est pas conforme au dossier d'autorisation. [...] Cette insuffisance d'effectif ne peut être palliée ni par des stagiaires ni par des volontaires du service civique", tranche l'Igas.
Un accompagnement individualisé pas toujours à la hauteur
Double conséquence à ce sous-effectif, lié à un grand turn-over dans un climat conflictuel (neuf procédures prud'homales sont en cours) : les services n'arrivent pas à accueillir le nombre d'autistes pour lequel ils ont une autorisation (7 enfants sont accueillis en 2013 à Paris au lieu de 12). D'autre part, les enfants ne bénéficient pas toujours d'un accompagnement individualisé à la hauteur. "Ainsi, à Toulouse, un enfant est resté 14 semaines à 6 heures de prise en charge alors qu'un autre n'a eu que 4 semaines à 6 heures." Le rapport dénonce l'absence d'orthophoniste et de psychomotricien dans les deux structures alors que le projet en prévoit 0,2 ETP pour chaque type de professionnel. Les parents en sont réduits à faire appel à des intervenants libéraux extérieurs...
Un million d'euros de trop-versé
Au regard des prestations non fournies et du manque de personnel, l'Igas a calculé le trop-versé par l'assurance maladie (crédits de la partie II). La facture est salée : un million d'euros pour les structures parisienne et toulousaine depuis 2010. Sur un plan budgétaire, l'Igas déplore un manque de vigilance par rapport aux dépenses courantes et des indemnisations excessives versées au président.
Un averti en vaut deux...
Aussi, les recommandations de l'Igas sont-elles très claires et s'articulent autour de deux axes. Premièrement : "retour à toutes les dispositions du cahier des charges et à celles du projet d'établissement". Il s'agit notamment de recruter du personnel, d'assurer leur stabilité par "une politique salariale adaptée et une gestion des ressources humaines plus professionnelle". Deuxièmement : "retour à l'équilibre financier de l'association". Cela passe par un encadrement des dépenses, une limitation de la rémunération du président et le respect du rôle du trésorier.
Les dirigeants de Vaincre l'autisme sont prévenus : sans changements profonds, ils pourraient bien perdre la gestion des services Futurochool qui, jusque-là, ont bénéficié d'une forme d'indulgence de par leur statut expérimental.
* Comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale (supprimé avec la création des ARS)
Par Noël Bouttier
Les rapports :
tome 1,
tome 2