Recrutement: la fin du guichet unique
LE MONDE | 25.08.2014 | Anne Rodier
Fin août, c'est la période où tout stagiaire et salarié en CDD serait heureux d'être enfin recruté en CDI pour rejoindre les emplois stables de l'entreprise dans laquelle il s'est investi tout l'été.
Du très classique CV à la cooptation, par réseaux sociaux ou autres, en passant par la mise en situation, l'entretien de visu ou par Internet, l'entrée sur le marché du travail n'est plus un guichet unique. Les candidats ont de nouveaux moyens de se faire connaître (LinkedIn, Skype, Hangout pour un contact vidéo, etc.).
Portés à la fois par l'usage devenu courant des nouvelles technologies et la recherche d'innovations des équipes de ressources humaines pour gagner l'éternelle « guerre des talents », les modes de recrutement des candidats se sont également transformés.
« Le “big data” fait partie de l'écosystème recrutement, au même titre que le CV ou les sites emploi en 2003. Exit la formation RH, le recruteur est un ingénieur informatique, spécialiste de l'analyse de données (…) relatives à une population cible : présences sur les médias sociaux, activité on-line, contenu partagé et produit, comportement et interactions avec les autres acteurs de l'écosystème, soft skills, trajectoire professionnelle, performance dans le job actuel ou précédent, compatibilité culturelle… » Ce scénario, écrit par Jean-Christophe Anna, cofondateur et directeur associé de Link humans, spécialiste du recrutement innovant, n'est pas le quotidien des responsables des ressources humaines mais une projection pour 2025, c'est-à-dire demain.
On n'en est pas encore là, mais «la diversification des moyens se confirme» dans toutes les entreprises, indique l'Association pour l'emploi des cadres (APEC). Son enquête annuelle « Sourcing cadres », publiée en juin, révèle que les entreprises qui choisissent la diffusion d'une offre comme unique mode de recrutement sont devenues rares (10 %), même si 82 % y ont recours. « Les entreprises de plus de 1 000 salariés sont celles qui utilisent le plus de canaux, cinq en moyenne », précise Pierre Lamblin, directeur des études et de la recherche à l'APEC.
COMPLÉMENTARITÉ DES MOYENS
Car les recruteurs jouent la complémentarité des moyens, d'abord pour trouver, puis pour sélectionner la perle rare. Concours, challenge, business games, tout est bon pour élargir le champ des possibles. A titre d'exemple, l'assureur Allianz a créé Allianz Experience, un business game pour faire découvrir et valider les compétences en conseiller en gestion de patrimoine, un métier dit en tension.
Les recruteurs cumulent dans l'ordre : les candidatures spontanées (62 %), les contacts du recruteur (55 %), la cooptation (36 %), les candidatures d'anciens stagiaires (34 %) et les réseaux sociaux (22 %). Dans 40 % des recrutements, le candidat était connu de l'entreprise avant le début du processus. « Les recruteurs se tournent d'abord vers les moyens de sourcing les moins chronophages et les moins coûteux », commente l'APEC.
C'est pour les profils difficiles, très recherchés, que la complémentarité des moyens joue à plein. Des agrégateurs de profils, comme Talentbin ou Riverside, qui dénichent le « profil unique » à partir de données disséminées sur le Web, surfent sur la vague et envahissent le marché.
Pour les employeurs, il s'agit à la fois d'attirer des profils atypiques et de vérifier qu'au-delà du CV, voire au-delà de l'entretien, les compétences seront au rendez-vous.
Les recruteurs recourent à la présélection téléphonique, aux jeux de rôle, aux tests de personnalité et à l'enquête sur le Web. Sans surprise, la part des employeurs qui recherchent sur Internet des informations sur leurs candidats est à la hausse, indique l'APEC. Surtout quand la candidature est parvenue par les réseaux sociaux.
D'un point de vue sectoriel, la présélection téléphonique est plus courante dans l'informatique et l'ingénierie. En revanche, dans l'hôtellerie-restauration, le social ou le secteur culturel, ce sont les tests de mise en situation professionnelle qui ont la faveur des recruteurs.
« PAS DE CV ! »
La mise en situation ravit même la place du CV. « Surtout pas de CV ! », affiche, un brin provocateur, le site de recrutement Job2.0. En février, c'est Pôle emploi qui lançait une expérimentation de recrutement sans CV, en Midi-Pyrénées et en Aquitaine. L'employeur conçoit une trentaine de questions relatives au poste à pourvoir.
Ni l'âge ni le lieu d'habitation ne sont demandés, seules les compétences.
«Le talent, la motivation, le savoir-être et le savoir-faire ne se jugent pas toujours avec le CV. Et les employeurs ont de plus en plus de doutes par rapport au CV affiché», expliquait alors Frédéric Toubeau, directeur régional de Pôle emploi en Midi-Pyrénées, dans une interview donnée au Journal toulousain.
L'expérience qui avait été testée par l'APEC en 2010 a recueilli de bons échos du côté des DRH, chez Auchan, Areva, Veolia.
Le bémol est que cette approche demande un travail préparatoire « sur mesure » pour chaque poste. La méthode est donc coûteuse mais qualitative. Une innovation à méditer pour les employeurs qui recherchent toujours le mouton à cinq pattes.
- Commentaire : ces techniques de mise en situation, ou de recrutement sans CV ne donnent pas beaucoup plus de garanties, si ce sont des choses aussi peu objectives que la motivation, le savoir-être, le talent .. qui sont censées être évaluées.