Un extrait (page 10):
L’utilisation de la CIM-10 à l’HDJ d’Aix-en-Provence à partir de 1996 (complétée par la classification française) a participé d’un changement progressif des représentations sur la nature des troubles dont sont atteints les enfants (avec l’apparition de la notion de troubles envahissants du développement du système nerveux central), mais aussi de leur origine supposée (origine multifactorielle et non plus seulement psychogénétique), de leurs mécanismes psychopathologiques mais aussi physiopathologiques sous-jacents, ainsi que sur leur prise en charge.
Ainsi, avant 1996, la prise en charge à l’HDJ était principalement tournée vers le soin psychique (psychothérapies individuelles intensives) et soutenue par une approche psychanalytique post-kleinienne et psychothérapique institutionnelle. Après 1996, sans renier cet héritage, et en y ayant toujours recours, la prise en charge à l’HDJ s’est progressivement enrichie d’approches évaluatives, éducative et rééducative spécialisées, en partie inspirées ou issues de la littérature internationale, et de partenariats renforcés avec l’école et le monde associatif. Le travail avec les familles a aussi sensiblement changé, passant d’une approche psychothérapeutique exclusivement centrée sur les défauts supposés ou réels de maternage et d’interactions précoces mère–enfant, à une offre d’aides plus diversifiées (guidance, relation d’aide, soutien psychologique, entretiens thérapeutiques . . .).
Les recommandations de la Haute Autorité de santé de 2005 d’utiliser la CIM-10 pour effectuer le diagnostic d’autisme et autres TED, venant conforter notre choix de recourir à la CIM-10 dès 1996, devraient avoir plusieurs conséquences :
- • premièrement, les diagnostics sont portés selon des critères précis, basés sur l’absence ou la présence de symptômes et non plus selon la présence ou l’absence de traits psychopathologiques variant selon la formation ou les convictions des praticiens. Cela permet d’une part, de centrer la prise en charge sur les signes cliniques présentés par les patients pour les faire évoluer, et d’autre part, d’adapter la prise en charge à chaque enfant ;
• deuxièmement, l’utilisation par les équipes françaises de la nosographie internationale permet de comparer leurs travaux avec ceux des autres équipes, d’utiliser d’autres techniques thérapeutiques adaptées aux handicaps cognitifs et sociaux, et non plus seulement aux troubles psychoaffectifs ;
• enfin, l’élaboration de ces classifications permet de réétudier les grands syndromes présentés par les enfants, et de remettre en question l’univocité des théories antérieures.
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La question du devenir et de la prise en charge des personnes atteintes de TED à l’adolescence et l’âge adulte, reste un problème crucial et assez souvent dramatique. Il est essentiel que les psychiatres, relayés par les organismes de tutelle et les pouvoirs publics, continuent de se saisir de ces problèmes encore trop ignorés et relégués à un secteur médicosocial insuffisamment préparé et outillé pour s’occuper de ces personnes : il existe une forme d’hypocrisie dans le fait que les personnes atteintes de TED soient considérées comme malades et donc soignées dans le secteur de psychiatrie infanto-juvénile jusqu’aux environs de 12 ans et deviennent des personnes handicapées et relevant donc du champ médicosocial après cet âge. Des moyens conceptuels, humains et techniques, tant du point de vue sanitaire que socioéducatif et professionnel, doivent être consacrés plus largement et sur leur vie entière à ces personnes atteintes de TED, dont nous voyons grâce à notre étude et à d’autres qu’elles peuvent évoluer favorablement du moment qu’elles font l’objet d’une attention et de soins aussi adaptés que possible, en l’état actuel de nos connaissances.