Pourquoi les animaux, c'est bien (et autres réflexions).

Discussions portant plutôt sur le point de vue des parents d'enfants autistes ou Asperger, par exemple : j'ai un problème avec mon enfant, que puis-je faire ?
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guillaume
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Pourquoi les animaux, c'est bien (et autres réflexions).

Message par guillaume »

Note pour ceux qui comme moi vont dans les "sujets actifs" sans trop lire d'où ça vient : on est dans l'espace parents. Je m'adresse aux parents. Donc je poste ici.

Attentions chers parents, un atypique vous parle ! (mais ça parle ces bêtes là ?)
Comme je suis non diag, je n'aurai pas la prétention de me prétendre ceci ou cela. Mais sachez que j'ai des traits autistiques flagrants. Donc malgré tout, quand je cogite sur mon expérience, il y a quelques points communs, assez pour que mon propos soit pertinent.
J'ai une fille qui me ressemble beaucoup. Grâce à elle je grandis à vitesse grand V, je me pose des questions et je cherche activement les réponses là où sinon j'aurais tendance à laisser ces mêmes réponses arriver à moi d'elles mêmes. Le but, c'est de dépasser mes soucis pour l'aider à régler les siens. C'est important pour la suite, cette précision.
Donc voilà, j'ai une double position : je suis atypique, donc je vis des choses de l'intérieur, et j'ai un enfant atypique, donc je suis aussi un parent. Là aussi c'est important.

J'en arrive au sujet principal : les animaux.
J'ai passé une grande partie de mon enfance en présence d'animaux. J'ai appris leurs codes sociaux, tant en les observant qu'en lisant. J'ai vraiment eu une approche active. Mais je ne suis pas devenu un scientifique des animaux pour autant : en fait, j'ai passé le plus clair de mon temps à être assis au pied d'un arbre en leur compagnie, et il ne se passait rien, en fait. Je ne les observais pas vraiment. J'étais dans ma bulle à côté d'eux, eux avaient l'air d'être dans la leur, un grand silence régnait. Je ne leur parlait pas, ils ne communiquaient pas avec moi. Côte à côte, il y avait divers mammifères et oiseaux, donc ce n'était pas une question d'espèce du tout. Et ils m'ont appris une chose fondamentale : voir et entendre.
C'est incroyable tous ces petits mouvement infimes que les animaux peuvent faire pour ne rien perdre de leur environnement. Rien ne leur échappe, le moindre bruit lointain est analysé, le moindre point dans le ciel est observé. C'est une question de survie, mais ça se fait naturellement, sans peur : on ne peut pas vivre dans un stress permanent. En plus, la communication sociale entre animaux est minimaliste. Il s'agit de juste marquer sa présence pour l'autre qui est à côté, sans donner sa position à toute la cantonade, ça ferait plaisir aux prédateurs. Donc la plupart du temps, elle est silencieuse, et en tout cas non verbale. À côté de ça, nous, humains, sommes des animaux extrêmement bruyants. Avec un truc que nous appelons langage, qui dépasse de loin quasi tous les animaux. Heureusement ce n'est pas la seule manière de communiquer que nous avons, et nous nous en apercevons à peine, il faut pour cela des études scientifiques, des cours de communication et des études marketing.
En fait, la bonne manière de communiquer avec un animal, c'est de dire ce qu'on fait, de dire ce qu'on pense, et d'agir en fonction de ses pensées. En un mot, d'être authentique. N'avoir aucun secret pour l'animal, être transparent. Et apprendre à comprendre les signaux qu'il nous donne, histoire d'instaurer une communication. Par exemple avec un chien, il faut parler normalement, avec le langage qui vient naturellement, sans forcer. Ainsi, on envoie plein d'autres signaux que le chien saura interpréter : l'humeur, par exemple. Ah oui, et aussi être toujours bienveillant. C'est important la bienveillance, c'est le premier pas vers la confiance.

Pour ouvrir une parenthèse, je parlais du langage. Avec la civilisation, nous avons inventé tout un tas de signaux visuels et auditifs qui sont tellement évidents, qui sont tellement marqués, qu'on envoie presque à la figure de l'autre pour lui imposer qu'on est en train de communiquer, qu'on en a oublié qu'il était possible d'observer l'autre, de l'écouter, et de voir certaines choses sans qu'il n'ait à nous les montrer.

Ceci dit, l'humain est un animal communiquant. C'est inscrit profondément dans nos gènes, comme pour tous les animaux vivant en groupe. Donc tous les humains communiquent. Tous. Y compris les autistes. Le truc, c'est qu'ils ne communiquent pas des choses qu'on a l'habitude de voir. Et ne communiquent pas de la même façon.

Alors un autiste qui est avec un animal, ça peut lui apporter quoi ? (ah oui tient, le sujet initial, ça peut être bien de l'évoquer).
D'abord, un animal montre ce qu'il pense. Même s'il ment, c'est très gros qu'il est en train de mentir. Ça se voit vraiment bien. Donc un animal est transparent. Un animal n'est pas prise de tête : il ne va pas inventer des trucs complètement artificiels qui n'ont en fait aucun intérêt pragmatique. Non mais franchement, c'est quoi la dernière mode en matière de robe chez les chevaux ? Et les soldes équines, ils en ont quelque chose à faire ? Alors voilà, c'est hyper simple d'être avec un animal, et surtout ça ouvre un monde qui est merveilleux : il est possible pour un autiste non verbal de communiquer et de se faire comprendre. Je veux dire, d'êtres vivants qui ne sont pas du cercle familial restreint. C'est une ouverture vers l'extérieur incroyable. À partir de là, si on peut communiquer avec un être vivant extérieur, alors pourquoi pas avec des humains ?
De la même manière, comme les animaux ont une manière simple de communiquer, c'est reposant de pouvoir être en société avec des animaux. Je veux dire par société : on n'est pas tout seul, on peut communiquer, parce que c'est un besoin humain. Mais l'humain habituel est fichtrement trop compliqué. Et les animaux tellement simples, tellement authentiques. Surtout quand on a son animal avec lequel on peut instaurer un lien. C'est vraiment chouette.

Maintenant allons plus loin dans le raisonnement. Un autiste, ça a besoin de communiquer, c'est à dire de comprendre et de se faire comprendre. Et le cadre le plus rassurant, c'est le cadre familial. C'est là où le besoin de compréhension et de communication est le plus important (dans les deux sens du terme : important dans le sens de immense, et important dans le sens ou c'est vraiment nécessaire à sa construction). Or un enfant ne sait rien de la vie. Il faut, en tant que parent, lui expliquer comment ça fonctionne. L'électricité c'est dangereux, par exemple. On ne va pas lui laisser expérimenter par lui même le danger de la chose. Or un autiste, il y a plus de choses à lui expliquer sur le monde extérieur. Mais ça, c'est pour qu'il comprenne le monde extérieur. Mais on a tous besoin que des autres comprennent au moins un peu ce qui nous passe par la tête. C'est là où ça devient complexe. Un autiste, du haut en bas du spectre, ne sait pas communiquer comme un humain habituel, ne sait déjà pas trop ce qui se passe à l'intérieur de lui, parce qu'on lui donne des modèles qui ne correspondent pas à son ressenti. Ce n'est pas par mauvaise volonté, c'est juste que ces modèles n'existent pas. Ou alors sont perdus dans les méandres du net, ce qui revient au même. En gros, on nage encore dans un flou artistique.

J'arrive à ma situation de parent : Qu'est-ce que je veux apporter à mon enfant ? En un mot, l'autonomie. Ça consiste en quoi ? En gros, lui donner la capacité de faire ce qu'il veut. Donc avant tout, le comprendre, comprendre ses envies et ses besoins. Et ne pas projeter mes envies, mes peurs, mes regrets, sur lui. Il est hors de question de faire comme dans la chanson de Brel (Rosa), faire devenir mon enfant pharmacien "parce que papa ne l'était pas".
Or avant tout, pour comprendre mon enfant, il faut apprendre à communiquer avec lui. La communication, ça se passe à deux : c'est bien beau d'apprendre à son enfant à communiquer comme ses parents, mais le plus urgent dans un premier temps, c'est d'apprendre aux parents à communiquer avec son enfant. Et connaitre ses ressentis pour lui apprendre à les reconnaitre. Or je voudrais bien connaitre les parents qui, sans explication aucune, seront capables de savoir ce qui se passe dans la tête de leur enfant quand celui-ci est dans sa bulle. Personnellement, quand mon enfant est dans la sienne, je sais qu'il se passe des choses merveilleuses auxquelles je n'aurai jamais accès. Tant pis, je me contente humblement de respecter sa bulle parce qu'elle est importante pour elle. Donc d'un côté je suis humble dans le sens où je ne vais pas me sentir expert dans la vie de mon enfant, quand bien même je vis et je ressens des choses forts similaires aux siennes, mais je suis capable de comprendre le bien-être dont il peut avoir besoin à être dans sa bulle, et plus tard (il est encore un peu petit), lui expliquer qu'il en a besoin, qu'il faut qu'il arrive à dégager des "temps de bulle", surtout à l'école, pour arriver à rester concentré sur la leçon.

Allez soyons fous, faisons un mix des deux : les animaux et les enfants autistes, ou du moins atypiques.
Considérons l'humain comme un animal ultra communiquant. Prenez le temps pour acquérir cette notion, c'est important : l'homme n'est qu'un animal comme les autres.
Corolaire à cette assertion : l'autiste est un animal ultra communiquant. Ça vous en bouche un coin, non ?
C'est ça qu'il faut garder en tête : votre enfant autiste vous dit tout un tas de trucs vachement importants parce qu'il a un besoin fondamental de communiquer avec ses parents, ne serait-ce que vous dire qu'il vous aime. C'est juste que comme il ressent les choses différemment, qu'il communique différemment, ça fait bizarre. Exemple : un enfant qui a une petite contrariété après sa mère. Mince, il en veut à sa maman. Donc il s'en veut. Donc la petite contrariété se transforme en grosse contrariété, avec pour objet maman. Maman est à côté de lui. Il lui en veut terriblement de lui avoir mis en lui le sentiment de lui en vouloir, parce que ce n'est pas bien, il aime sa maman. Alors il est très en colère contre elle. Il crie contre elle, lui hurle dessus même, va jusqu'à la taper... Tout en lui demandant un câlin, parce qu'elle est la seule qui saura calmer sa contrariété. Parce qu'il l'aime par dessus tout, et sa maman, c'est ce qu'il y a de plus rassurant au monde, même plus que son doudou. Alors, dans cette image, vous voulez prendre quoi, le verre à moitié vide de l'expression de la contrariété, et vous vous mettez en colère également ? Ou vous prenez le verre à moitié plein, à voir que l'amour pour sa mère est tellement inconditionnel qu'il passe par dessus une colère monstrueuse ? J'ai lu un truc comme quoi il fallait dire que c'était moche la colère, et qu'on était triste de voir la colère le rendre malheureux parce qu'on aime très fort l'enfant et pas du tout la colère.

Mais bon, votre enfant autiste non seulement vous parle, mais en plus a des choses à vous dire (merci à Superpépette pour la formule). Et des choses tellement belles, puisque vous êtes ses parents et qu'il vous aime d'un amour inconditionnel. D'ailleurs, vous l'aimez aussi, sinon vous ne seriez pas à lire tout ce que j'écris, vous auriez décroché depuis longtemps.
Mais bon, la communication, ça n'est pas encore ça. C'est un doux euphémisme, même. Alors parents, si vous ne savez pas comment faire, vu que je n'ai lu encore aucun livre en matière d'autisme (ils ne feraient que rallonger la pile des bouquins à lire de toute urgence, j'en suis bien à 10), je ne vais pas vous conseiller un livre sur l'autisme. Déjà parce que je vais vous en proposer deux, et qu'il traitent des animaux, tous deux du même auteur, Konrad Lorenz :
"Tous les chiens tous les chats", et "Il parlait avec les mammiferes, les oiseaux et les poissons".
D'apprendre à observer des êtres vivants non verbaux, ça pourrait vous aider à comprendre votre enfant autiste. Même s'il parle, d'ailleurs. Parce qu'il dit plus de choses que ce qu'il verbalise.
Et puis pour le même prix, vous pourrez accompagner votre enfant dans la connaissance des animaux s'il aime ça, parce que c'est vraiment un monde passionnant.

Et puis tant qu'à faire, pour savoir ce qu'un autiste peut ressentir, même s'il est mal à l'aise pour en parler, il est toujours possible de demander à des adultes atypiques, ou mieux, autistes diagnostiqués, ce qu'ils peuvent bien ressentir. Déjà savoir que des gens ressentent différemment le monde, ça ouvre le champ des possibles. Et puis des adultes bizarroïdes, il parait qu'il y en a dans le coin...
J'en profite pour passer un message : j'en ai marre de lire des titres de sujet "est-ce qu'un aspie sait/peut... blablabla ?". Je ne sais pas jongler, mais je sais tirer ma langue en U. Ça suffit pour faire partie du bestiaire ? Non mais sérieusement, je pense que dans tous les cas la réponse est "oui, mais pas de la même manière qu'un NT". Maintenant que j'ai répondu en une ligne à tout un tas de sujet, pourrait-on passer à des réflexions sur le ressenti ? Parce que là ça manque dans le forum, et si je n'ai pas d'idée de question (parce que mes questions existentielles ne portent pas sur ce domaine là), je pense que ça serait plus utile et enrichissant pour ceux qui nous lisent...
NB : je ne m'appelle pas Guillaume pour de vrai, c'est un pseudo.

Diag : AHN & HQI hétérogène + "difficultés attentionnelles".
Père de F, AHN et de G, atypique mais pas aspie.
Pupuce
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Re: Pourquoi les animaux, c'est bien (et autres réflexions).

Message par Pupuce »

guillaume a écrit : j'en ai marre de lire des titres de sujet "est-ce qu'un aspie sait/peut... blablabla
Il te suffit de ne pas ouvrir le sujet quand tu lis le titre :mrgreen:
Officiellement non-autiste

"J'aurais pas été besoin" Nikos Aliagas, philosophe grec des Lumières
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freeshost
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Re: Pourquoi les animaux, c'est bien (et autres réflexions).

Message par freeshost »

Toute communication est bonne à prendre, avec quelque espèce que ce soit. :)
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

Diagnostiqué autiste en l'été 2014 :)