Le journal de Gérald [autisme regards croisés]

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Loup
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Le journal de Gérald [autisme regards croisés]

Message par Loup »

La Chevauchée idiosyncratique vers le diagnostic



Zone Préambulatoire


Vendredi 4 Juin 2014


Je m’appelle gérald., j’ai trente-huit ans, une compagne, trois enfants, un métier tout pourri, des galères toutes aussi pourries, je suis autiste et personne ne le sait.
J’entreprends, une fois de plus, de tenir un journal qui, comme toutes mes pulsions journalistiques, elles furent hélas bien trop nombreuses à mon goût, ne devrait tenir la distance que les quelques jours nous séparant de l’objectif fixé. Ce qui devrait nous laisser le temps (avec un peu de chance) de raconter un ou deux trucs intéressants (guère plus) avant que ladite pulsion ne s’étouffe d’elle-même et ne rejoigne ses petites sœurs au fond du gouffre sombre et malodorant dans lequel j’enfouis mes ratés, à savoir l’oubli. Ou le houblon. Je ne sais plus.
Le 16 Juin, soit dans douze jours, sera en effet la date, sera en effet le point de bascule qui me fera à jamais passer dans le monde de ce que nous appelons de façon courtoise et polie (comprendre : socialement correct ; soit exhiber notre si grande humanité dans le but évident de ne pas passer aux yeux de tous pour un gros enfoiré) des personnes en situation de handicap, mais que, dans le feutre abrité des salons plus ou moins cossus dévoués aux connivences de ce que nous nommons « amitié », nous appelons plutôt les attardés, les cinglés, les tordus, les fous, les débiles, en deux mots : les handicapés mentaux. Car oui, c’est encore ainsi que l’on catégorise les autistes.
De l’introduction à cette introduction découle directement deux questions.

La première : qu’est-ce que l’autisme ?

Je dois bien avouer qu’avant les quelques jours qui ont précédé hier, je n’y avais jamais vraiment réfléchi. Qu’est-ce que l’autisme ? Eh bien je ne sais pas. Ou pas trop. Ou du moins pas suffisamment pour me risquer à commettre une définition aujourd’hui. Revenez plutôt demain. J’aurai eu le temps d’y penser, entre deux épisodes de Mike Hammer.


La seconde est : comment diable peut-on passer à côté de son autisme pendant près de quarante ans ?


Cette réponse est en revanche beaucoup plus simple à formuler. Ne sachant pas que l’autisme existe, du moins que des gens comme nous peuvent être concernés par l’autisme, il n’est pas très difficile de passer à côté. Non. Ce n’est pas de passer à côté de l’autisme qui est difficile. Ce qui est difficile c’est de vivre avec sans avoir le mot, sans savoir ce qui nous trouble, ce qui nous empêche, ce qui nous immobilise, ce qui nous rend malade, sans comprendre pourquoi les autres, pourquoi tous les gens que nous croisons, que nous rencontrons le long de notre parcours, ces gens avec lesquels nous essayons tant bien que mal de tisser un lien plus ou moins amical, parviennent à tout alors que nous, malgré tous nos efforts, nous ne parvenons jamais à rien.



Ce que j’attends de ce rendez-vous du seize Juin dans un grand hôpital parisien dans lequel je rencontrerai (ou du moins « devrais rencontrer ») un certain nombre de professionnels (des spécialistes, à n’en pas douter), afin d’établir un diagnostic précis est avant tout d’obtenir la confirmation (plus ou moins scientifique) de ce que moi j’ose affirmer ici. Je suis autiste depuis près de quarante ans et personne ne le sait.

Mes espérances sont nombreuses, mes peurs le sont tout autant :
L’espérance se traduit par ce besoin de reconnaissance, ce besoin d’écoute, ce besoin d’être compris, reconnu oui, d’être pesé, validé, certifié, qu’une personne compétente, mais surtout légitime, car dans ce monde, celui des gens normaux, celui de ce que nous, les personnes avec autisme, ou supposées avec autisme, nous appelons dans nos propres salons feutrés : les neurotypiques (les gens qui pensent normalement, se comportent normalement, les gens qui font tout normalement), ce qui compte n’est ni la vérité ni la réalité mais simplement le costume de la légitimité, c’est à dire quelqu’un à qui l’on aura donné un diplôme, puis un savoir faire, puis selon le petit jeu social qu’ils apprécient tant, une expérience, un parcours, une carrière, une soi-disant maîtrise avant de terminer par la sacro-sainte expertise, me dise pourquoi moi, malgré d’honnêtes capacités physiques, malgré d’honnêtes capacités intellectuelles, j’ai tout raté.
Pour l’instant, que je dise que je suis autiste n’a pour le lecteur aucune autre valeur qu’un délire d’ego névrosé, mais qu’une tripotée de médecins de la Salpetrière (cinq étoiles au guide Michelin) disent que je suis autiste, alors je serai autiste, pour toujours, pour l’infini et l’au-delà. Alors, je pourrai, sous le regard de tous, vivre en autiste, manger en autiste, boire en autiste, pisser en autiste, baiser en autiste. Je pourrais enfin être normal, être moi dans ma peau mais aussi être moi dans ce regard de l’autre, ce regard de l’autre à la fois si important et pourtant tellement inutile mais qui d’une façon ou d’une autre vient garantir une place, une fonction, une existence, une réalité sociale ou peut-être, tout simplement, une vie.
La peur, elle, se résume comme à son habitude par le fait de ne pas être compris, par le fait de ne pas être écouté, par le fait de demeurer maintenant encore à tout jamais seul, sans personne avec qui discuter, sans personne qui écoute, qui accepte que nous puissions être différents, vraiment différents, sans personne capable de donner ce qu’il est pourtant capable de recevoir, sans famille, sans patrie, sans reconnaissance de la réalité de ce que les autistes ont enduré et continuent d’endurer jour après jour, sans aucun avenir professionnel, sans aucun espoir d’amélioration (on a déjà tout essayé) et que ma vie ne soit à jamais perdue dans les méandres de mes tentatives, toute conclues d’échec, à vivre.
J’espère et j’ai peur. J’ai peur et j’espère.

Raconter l’autisme d’une personne qui toute sa vie s’est efforcée d’être un autre risque de prendre un certain temps. Alors abordons d’emblée ce que je ne suis pas :
- Un génie. Ou atteint du syndrome savant. Même si je suis l’heureux possesseur d’une joyeuse collection de syndromes divers et variés celui-là, je ne l’ai pas. C’est déjà ça de pris. Je ne connais pas plus de deux décimales de Pi et je ne calcule rien en instantané même si j’aime pour m’occuper calculer des carrés et faire des multiplications à deux ou trois chiffres. Enfin du moins avant que je ne tombe en amour pour tout ce qui ressemble de loin mais surtout de près à une bière. Ce n’est pas vraiment de ma faute, j’adore faire des expériences. Et le fait est que la conclusion s’impose d’elle-même, plus tu bois de bières moins tu comptes correctement. C’est indéniable.
- Je n’ai pas l’oreille absolue, ne comprends rien à la Théorie des Cordes (puisque je n’y ai vu aucune corde… Du moins pas dans les premiers paragraphes) pas plus qu’à la philosophie. Je suis médiocre en beaucoup de choses, ce qui est déjà mieux que d’être mauvais partout, mais véritablement bon à rien.
- Je ne répète pas les mêmes mots huit fois de suite même si cela m’arrive d’avoir certains bugs. Un peu comme si je ne pouvais plus m’arrêter de jouer au disque rayé, ce qui je vous l’accorde est un peu flippant. Surtout lorsqu’on commence à rire comme un phoque ou un âne pour jouer avec les enfants et que l’on s’aperçoit que l’on ne parvient pas à s’arrêter, à s’arrêter, à s’arrêter, à s’arrêter.
- Je ne me balance pas d’en avant en arrière même si ça m’arrive régulièrement de le faire sur la droite et la gauche.
- Je ne calcule pas le nombre d’allumettes dans une boite juste en les regardant, et je ne sais pas non plus à quel jour correspond le 10 Janvier 1895 ni de quelle couleur était ce jour.
- Je n’ai pas peur des regards même si je ne regarde pas dans les yeux lorsque je daigne prendre la parole, ce que je fais rarement puisque je n’aime ni le foot ni la politique ni les blagues de cul ce qui semble quelque part représenter la Sainte Trinité d’une conversation en bonne et due forme.
Je ne suis et ne fais rien de tout ça et pourtant je suis bel et bien autiste.

La question qui se pose alors ici et là, du moins chez les gens intéressés par le sujet, est : Suis-je malade ou différent ?
Pendant que les élites, à la solde de différents lobbys commerciaux, s’amusent à tenter de définir des cases, des concepts, et la façon dont ils pourraient bien nous utiliser pour gagner beaucoup d’argent (avec un petit comprimé à prendre tous les matins pendant quatre-vingt-dix ans par exemple) et par la même nous rendre acceptables à toute cette frange de la population tellement pleine d’humanité, non sans une arrière pensée de tolérance, mot qui va bien souvent de paire avec le mot adaptation et sa super copine l’intégration, autrement dit des mots qui puent du cul, ou pour parler correctement, des mots au glissement sémantique douteux, nous, nous sommes là, avec nos problèmes bien particuliers et ayant tous trait à la simple survie. Oui. Nous sommes là. Parmi vous. L’on nous reconnait à notre petit doigt en l’air. Je les ais vus and i’m watching you. Ou bien de se poser la question d’une autre façon. Est-ce qu’être noir, ou black, ou afro américain, ou magrébin, ou d’origine nord africaine,
beur ou rebeu, je ne sais quelle est en ce moment la dénomination qui fait bien comme il faut vu qu’elle varie tous les dix ans, le temps que le préjugé la rattrape et qu’il faille de nouveau la changer pour pouvoir se dire : « non mais je suis pas raciste », est une pathologie ?

http://www.autisme-regards-croises.com/ ... toire/c6le
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Re: Le journal de Gérald [autisme regards croisés]

Message par Loup »

Bienvenue en Autisterie



« — Il doit être devenu fou. — Vous croyez ? Pourtant tout ce qu'il dit est très équilibré. »
Papillon, Henri Charrière


Dimanche 6 juin 2014


Autiste : nom commun utilisé pour qualifier de façon péjorative une personne ne comprenant pas suffisamment vite ce que dit son interlocuteur. On dira alors « T’es autiste ou quoi ? » ou encore « Oh ça va ! Arrête de faire ton autiste ! ». Synonyme : débile.



Définir l’autisme, ou plutôt, parvenir en quelques lignes à définir dans son entièreté ce qu’est l’autisme, me parait des plus improbables, qui plus est pour un bleu bite tel que moi pour qui l’autisme se résumait avant-hier à avoir dans le coin droit du ring un type répétant sans cesse « mais quel est le joueur en première base quel est le joueur en premier base quel est le joueur en première base » et à qui tu as juste envie de défoncer le crâne à coups de télécommande cent huit boutons pour qu’il se taise, et dans le coin gauche un gamin se balançant perpétuellement d’avant en arrière (mais que Torey Hayden va sauver, du moins si elle est dans le coin, sinon c’est pas de chance) aussi sûrement que l’horloge de grand-mère de
droite à gauche et qui, sans jamais dire un mot, aime à se fracasser la tête contre les murs (toujours ça de gagner pour la télécommande), foutre du sang partout, voire le cas échéant te lacérer le visage à coups d’ongles si jamais tu as l’outrecuidance de vouloir lui sauver la vie.
Telle était effectivement ma vision de l’autisme avant-hier, vision qui si le cynisme avait un jour été drôle aurait pu l’être. Hélas, cette vision correspondant aujourd’hui encore à l’image que se font de l’autisme les personnes n’ayant jamais eu l’occasion d’y être confronté, c'est-à-dire la grande majorité des personnes, elle ne l’est pas vraiment, drôle. Et ce ne sont pas trois plans d’états en dix ans, plans d’états faisant suite à la condamnation de la France par le Conseil de l’Europe en 2004 (ah ouais quand même !), qui ont changé quelque chose car dans les actes et les faits, ce que nous pouvons constater est qu’aucune autorité publique de ce pays ne semble véritablement désireuse de rattraper les quarante ans de retard que la France a accumulé au fil des années sur la plupart des pays dits « développés ». Dans le cas contraire les professionnels œuvrant dans ce domaine ne demeureraient pas si sous-qualifiés (pour ne pas dire incompétents), le nombre de structures ne demeureraient pas si insuffisants et les listes d’attente vers le diagnostique ne demeureraient pas si absurdement longue


« - Oh t’es toujours vivant ? On t’as pas vu de l’année.
- Ouais je sais, je faisais la queue avec mon gamin au CRA du coin. »


Si tout ceci intéressait un peu plus de huit personnes et demie (et deux ou trois membres de leur famille bien entendu), nous pourrions nous demander pourquoi un tel retard dans la prise en charge de l’autisme, pourquoi un tel désintéressement de la part des institutions. Nous pourrions alors répondre, justement en raison de ce petit jeu social que ne comprennent pas les autistes, ce petit jeu social qui consiste à ne pas froisser les uns, ne pas heurter les autres, pour au final ne rien faire et se complaire dans, si ce n’est un immobilisme total (non je ne parle pas de l’Education Nationale), un mouvement qui ne va quand même pas bien vite. En conséquence de quoi, nous pourrions alors nous demander quelles sont les personnes qu’il ne faut surtout pas froisser. Je ne sais pas. Je ne sais pas mais si l’on me laissait l’occasion d’émettre une hypothèse je dirais que la France étant, comme tout le monde le sait, d’obédience psychanalytique, il s’agirait ici de ne pas froisser tout le lobby en question (ainsi que tous leurs sympathisants politiques et leurs sous-traitants directs que nous retrouvons jusque dans les plus bas échelons professionnels, comme les directeurs d’I.M.E ou les éducateurs spécialisés dont certains sont par exemple encore persuadés qu’un autiste ne peut rien apprendre, ne peut pas évoluer), une espèce de diaspora pseudo intellectuelle bien accrochée à son nonosse (gloire, pouvoir et argent) et surtout bien résolue à ne pas le lâcher, ce qui dans le cas contraire reviendrait à les forcer à assumer le fait qu’ils racontent tous pas mal de conneries depuis des décennies, concernant l’autisme mais également bien d’autres choses.
Quoi qu’il en soit, hypothèse ou pas, aujourd’hui encore et pour pas mal de monde, l’autiste demeure un handicapé, un malade complètement inadapté et inadaptable à une quelconque forme de vie en société, voire dangereux, pour lui-même et/ou pour les autres, un malade complètement inadapté et inadaptable que nous devons enfermer dans une institution, du moins lorsqu’il y a une place de libre (faites la queue s’il vous plait Madame et la ramenez pas vu que c’est de votre faute si le gamin va pas bien) afin de protéger un peu tout le monde. Et l’histoire s’arrête là.




Sauf que ! Sauf que non ! Ce n’est pas parce que la politique française s’apparente bien souvent à la famille des struthionidés que l’histoire prend fin. L’histoire ne s’arrête jamais. Et grâce à ce mouvement perpétuel nous avons aujourd’hui dans la somme des connaissances publiques, c'est-à-dire accessibles à tous sans trop faire d’efforts, ce que nous pouvons appeler les stars du show-biz de l’autisme. Elles se trouvent assez facilement au milieu de la dizaine de livres, toujours les mêmes et racontant à peu près tous la même chose, composant le rayon autisme des supermarchés culturels perdus quelque part entre la schizophrénie et « ma mère est bipolaire ». Citons par exemple Temple Grandin, Daniel Tammet et notre représentant national, Josef Schovanec.
Peu connus du grand public mais que les zappeurs les plus chevronnés ont pu entendre au moins une fois dans leur poste de télé ou de radio, ils ont au moins le mérite de jour après jour peaufiner l’image de l’autiste chez qui se donne la peine de les écouter. Dorénavant, nous savons d’après leurs témoignages, et encore merci à eux (alléluia mes frères alléluia mes sœurs !), que l’autiste est capable de parler correctement, voire même, truc de fou, écrire en construisant des phrases dépassant le schéma sujet/verbe/complément (contrairement à beaucoup de gens sans autisme), est à même d’entretenir des relations cordiales avec des animaux, voire, re-truc de fou, des personnes humaines. Encore mieux, l’autiste, pour peu que l’occasion lui soit laissée, est capable de tenir un rôle social voire mener avec talent une carrière professionnelle.
Bien entendu, pour parvenir à un tel niveau d’humanité, quelques prédispositions sociales sont prérequises dont la principale sera sans nul doute de ne pas posséder dans sa joyeuse collection de galères un certain retard intellectuel, car comme nous venons de le constater par l’intermédiaire des trois héros involontaires du jour, il existe bel et bien un autisme sans déficience intellectuelle, et même (WARNING ! Veuillez écarter les âmes sensibles de la fin de la phrase) un autisme avec haut potentiel intellectuel.





Temple Grandin a transformé les conditions d’abatages des animaux aux Etats-Unis et a figuré dans la liste des cents personnes les plus influentes du monde. Daniel Tammet détient le record de l’énoncé du nombre de décimale au chiffre Pi, parle couramment douze langues et a créé un site internet d’apprentissage des langues rencontrant un franc succès. Quant à Josef Schovanec, notre représentant national, il est docteur en philosophie, polyglotte et ancien élève de sciences-po. Entres autres. Tout ceci nous donnerait presqu’envie d’être autiste !
En revanche, si ces témoignages contribuent effectivement à mieux faire connaître ce qu’est l’autisme, la façon dont ils sont écrits me laisse perplexe pour ne pas dire m’apparaît douteuse. Je n’ai rien contre la gentillesse, et guère plus contre la bienveillance, mais en les lisant je ne peux m’empêcher de me demander où sont passées leurs douleurs, où sont passées les souffrances, les épreuves qu’ils ont endurées avant de parvenir à la reconnaissance, au rang de star ? N’avaient-ils pas d’autres outils pour écrire leur livre que cet insupportable stylo en sucre d’orge ? Et pourquoi ? Parce que l’argent, la gloire mais surtout le fait d’avoir trouvé une place sociale, un rang social, un costume social, adoucit les souvenirs ? Ou bien parce que là encore, il est malvenu de froisser, il est malvenu de heurter, de choquer, de pousser le lecteur à la confrontation avec sa crasse ignorance ? Dès lors, que dire de tous les autres et surtout, que faire pour tous les autres ? Ceux qui n’ont pas de talents particuliers, ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir des parents débordant d’amour, ceux qui par la force des choses, le mépris, l’ignorance, sont obligés de se cacher, de se dissimuler aux regards des autres, ceux qui vivent dans l’échec et le désœuvrement total. L’autisme ne se résumerait-il qu’à cela ? Deux ou trois monstres que l’on exhibe dans les films et les livres comme on le faisait autrefois dans les foires, avec quelques décennies de moraline pour recouvrir le tout et paraître socialement bien propre. This is one small step for a man, one giant leap for mankind.





Qu’est-ce que l’autisme ? L’autisme est pour certains une différence que nous devons accepter et faire accepter, pour d’autres l’autisme est une maladie que nous devons soigner et guérir, pour d’autres encore l’autisme est un fonctionnement intellectuel entrainant diverses conséquences sociales plus ou moins pénibles mais participant à la richesse de la neurobiodiversité de l’espèce humaine. En réalité, ce que peu de gens savent, c’est que beaucoup ne savent rien.
Une grande majorité de la communauté scientifique s’accorderait à dire qu’il s’agit d’une maladie. En ce qui me concerne, ainsi que pour de très nombreux autistes, ce serait plutôt la communauté scientifique et tout le reste de la population qui seraient malade mais bon… Acceptons momentanément, pour les besoins de la cause dirons-nous, la case de malade et de personnes en situation de handicap (c’est quand même beaucoup plus long et pénible à écrire qu’handicapé)(et si en plus t’es maghrébin ça devient carrément pénible : personne en situation de handicap d’origine nord-africaine, pour dire un rebeu handicapé)(Et c’est l’autiste qui est malade…).


La même communauté scientifique s’accorde aujourd’hui pour parler de « spectre autistique », de « continuum autistique ». Ce qui revient à dire de façon plus simple qu’il existe de « petits » autistes d’un côté, de « grands » autistes de l’autre, et entre les deux toute une bande de joyeux cinglés. Nous pouvons donc conclure qu’il n’existe pas un seul autisme mais différents autismes, différents niveaux d’autisme, une échelle de l’autisme. Certains seront beaucoup plus touchés que d’autres. Certains auront des capacités tout à fait stupéfiantes lorsque d’autres se verront atteint d’autisme léger. Certains ne pourraient survivre sans une aide institutionnelle lorsque pour d’autres il suffirait juste d’un peu moins d’ignorance et d’un peu plus d’acceptation. Ainsi, dans notre petit jeu des questions, la suivante pourrait être : Comment dès lors distinguer un autiste d’un neurotypique, et s’il s’agit effectivement d’un continuum ne serions-nous pas par conséquent tous un peu autiste ?


Bien évidemment, la réponse est non. Nous ne sommes pas tous autistes et afin de pouvoir classifier tout ce beau monde, la fameuse communauté scientifique a fini par se mettre d’accord sur trois critères de présélection. Alors, si malgré tout vous voulez tenter votre chance et faire partie de ce merveilleux club de tordus et avoir un jour la chance de pouvoir vous garer sur les places de parking réservées aux personnes en situation de handicap (…) et dont le nombre totalement disproportionné ne semble avoir pour raison d’être que de donner bonne conscience à notre sentiment d’humanité, sachez que vous devez tout d’abord posséder dans votre arsenal
* une altération qualitative des relations sociales. Cela veut par exemple dire qu’il vous est très compliqué d’avoir ou de vous faire des amis, de participer à des activités de groupe comme un club de sport, un groupe de musique, ou tout simplement une fête quelconque, mais aussi de ne pas tuer vos collègues au cas où vous auriez la chance d’en avoir. Comme cet item correspond statistiquement a une franche partie de la population névrosée se cherchant une pathologie quelconque pour se définir et exister, sachez que vous devez également avoir
* une altération qualitative de la communication, c'est-à-dire par exemple de ne pas être foutu d’initier, tenir, entretenir, conclure une discussion en bonne et due forme mais aussi de la comprendre ou même de s’y intéresser, ou encore ne pas reconnaître ni, ou mal, utiliser les signes non verbaux. Pour terminer, comme si cela ne suffisait pas, la cerise sur le gâteau, vous devez avoir
* des intérêts restreints et répétitifs, le genre de truc qui même si vous ne possédiez pas les deux items précédents n’intéresserait de toute façon personne, comme apprendre et connaître les horaires de train par cœur.

Résumons. Qu’est-ce que l’autisme ? L’autisme est :

* Une altération qualitative des relations sociales
* Une altération qualitative de la communication
* Des intérêts restreints et répétitifs




« Bonjour, vous êtes l’heureux gagnant de notre jeu concours ! Nous vous offrons un aller-simple en Autisterie. Ne nous remerciez pas, c’est cadeau ! »



À la question : d’où vient l’autisme ? C’est en revanche très simple. Personne ne le sait. Longtemps, nos chers amis du courant psychanalytique considéraient que la faute revenait surtout à la maman, une histoire de séparation mal gérée, de froideur, de distance, entre autre. Après avoir meurtri des milliers de mères au cours des dernières décennies tout le monde semble aujourd’hui d’accord pour dire que l’autisme est de cause neurodéveloppementale, ce qui signifie qu’il y aurait une part d’hérédité non négligeable et qu’ensuite les conditions de vie feraient le reste. Il n’y a rien à en dire de plus sous peine de faire comme tout le monde et dire de grosses conneries. Personne ne sait rien de plus. Des pistes oui, des (fameuses) hypothèses oui, des études oui, aussi, des résultats oui, un peu, mais pas trop. Lorsque chaque article plus ou moins scientifique paraissant se voit orner d’un magnifique conditionnel. « Selon des chercheurs pakistanochilien l’autisme serait… ». Il existe des maladies du passé, comme la peste, le choléra. Des maladies qui tentent des come-back, comme la tuberculose. Des maladies du présent, comme le cancer ou le sida. L’autisme est la maladie du conditionnel. C’est un peu pénible mais on finit par s’y faire.
Dans le même genre d’idée nous avons aussi la prévalence qui semble être une donnée relativement variable suivant le lieu et l’espace. En ce moment, elle tourne autour d’une personne sur cent cinquante. Bon, c’est déjà pas mal. Si nous ramenons cette proportion à la population d’un pays, au hasard la France, ça nous ferait pas loin d’un million d’autistes dans les rues. Un peu moins en réalité car il y en a quarante deux et demi ayant eu la chance de trouver une place dans une structure adaptée. Heureusement que tous n’ont pas besoin d’un tel encadrement et parviennent à faire ce qu’ils peuvent pour survivre. En revanche, je suis persuadé que nombreux sont ceux qui comme moi seraient heureux d’avoir la réponse à la question.

« Mais quel est le joueur en première base ? ».

http://www.autisme-regards-croises.com/ ... terie/cb4v
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Lilette
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Re: Le journal de Gérald [autisme regards croisés]

Message par Lilette »

La seconde est : comment diable peut-on passer à côté de son autisme pendant près de quarante ans ?


[...]. Ce qui est difficile c’est de vivre avec sans avoir le mot, sans savoir ce qui nous trouble, ce qui nous empêche, ce qui nous immobilise, ce qui nous rend malade, sans comprendre pourquoi les autres, pourquoi tous les gens que nous croisons, que nous rencontrons le long de notre parcours, ces gens avec lesquels nous essayons tant bien que mal de tisser un lien plus ou moins amical, parviennent à tout alors que nous, malgré tous nos efforts, nous ne parvenons jamais à rien.
:love:

C'est peu ou prou ce que j'expliquais à l'éducateur du CRA cet aprem, ça me parle !
TSA.
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freeshost
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Re: Le journal de Gérald [autisme regards croisés]

Message par freeshost »

:lol: En tout cas, la personne autiste n'est pas incapable de satire et de sarcasme. :lol:
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

Diagnostiqué autiste en l'été 2014 :)
Pupuce
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Re: Le journal de Gérald [autisme regards croisés]

Message par Pupuce »

Merci Loup pour ces posts tout à fait réjouissants :)
Officiellement non-autiste

"J'aurais pas été besoin" Nikos Aliagas, philosophe grec des Lumières
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Manichéenne
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Re: Le journal de Gérald [autisme regards croisés]

Message par Manichéenne »

Merci d'avoir partagé, j'ai beaucoup apprécié. :)
Même que je partagerais ça bien volontiers, si je n'étais pas un peu trop affectée par le premier critère, si j'avais des gens avec qui partager. :)
Diagnostiquée Autiste Asperger et TDA.
Mère de 3 enfants : fils Aîné TDAH et TSA atypique, cadet TSA de type Asperger, benjamin en cours d'évaluation neuropsy.