Quelques portraits de personnes rencontrées.

[Olivier]

Bon bien Voilà,
Une récente conversation téléphonique, avec un mien ancien collegue, dans une association d'insetion liée à l'illettrismr, m'a fait revenir à la mémoire, des personnes que j'ai rencontré, avec lesquelles j'ai échangé, parfois travaillé, et qui m'ont vraiment marqué.
Bon d'accord, j'ai parfois modifié 2 ou 3 trucs, mais c'est juste par discrétion. Pour pas qu'ils soient, le cas échéant reconnus, je n'ai rien amplifié.
Pas de lieu précis, toujours par discrétion. S'il y en a c'est du faux. Mais les gens sont réels et ils sont fabuleux.
Le premier nom qui me vient de la memoire, c'est Yvette

Yvette.

J'ai rencontré Yvette il y a quelques années.
Elle avait pas loin de la soixantaine,
Et portait la rondeur des ceux qu 'en ont bavé.
Toujours dynamique et toujours pleine d'entrain,
Partante pour rigoler et raconter des blagues.
Yvette, elle n'était jamais allée à l'école.
Pourquoi ? je ne le sais pas, elle ne me l'a pas dit.
Elle était bien d' chez nous pourtant... bien du pays...
Elle s'est mariée Yvette et a eu des enfants.
Quand elle faisait ses commissions, c'est avec des dessins,
Sur un petit papier, qu'elle se rappelait, pour le sucre ou pour les allumettes.
Et souvent c'était le marchand, qui se servait en sous, dans son porte monnaie...
Et quand elle tricotait, pour se rappeler les points, elle avait une méthode
Bien à elle et obscure, mais qu'elle a expliqué, après, à des savants
Qu'ont bien eu du mal à la comprendre, mais l'ont trouvée géniale à la fin, sa methode.
Quand ses enfants sont allés à l'école, elle y est allée aussi Yvette,
A une autre, pour les grands, et le soir, en cachette au début.
Pour apprendre à écrire, et apprendre à compter.
Les aider, et comprendre les maitres aussi et se faire respecter d'eux. aussi.
Elle a appris des choses Yvette, et plein de choses encore...
Elle se débrouille Yvette, et même si elle ne sera jamais une grande érudite.
Elle ne le cherche pas Yvette, juste se débrouiller.
Puis elle a voyagé Yvette, Oh pas loin, juste en France, une fois à Saint Etienne .
Et puis peut-être ailleurs...
C'était pour témoigner, avec sa petite auto, qu'elle conduit tranquillement.
Elle a parlé dans un micro, et devant une foule, Yvette, elle est même passée à la télé,
Une fois je crois, et sur une vidéo, là j'en suis sur, je l'ai vue.
Pour raconter sa vie, son parcours, et inciter les autres, a ne jamais laisser tomber
Jamais se laisser aller, toujours aller devant...
Sa voix était parfois hésitante, la diction hachée des ceux qu'ont pas l'habitude.
Les timides. Mais ses mots portaient juste à Yvette.
Tout le monde l'écoutait.

Je vais retourner d'ici peu, là où je l''ai croisée, Yvette.
Il y a plusieurs années que je n'y suis pas allé.
J'espère la rencontrer, et lui souhaiter l'bonjour...

[Lilas]

C'est un très bel hommage, très émouvant.

[Liya]

Olivier, j'aime beaucoup tes écrits merci beaucoup de les partager ainsi avec nous

[Pupuce]

Très émouvant, le portrait que tu fais d'Yvette

[Baobab]

merci pour ce beau partage Olivier ... et si tu la revois ton Yvette fais lui un gros bisou de notre part

[Lilette]

Chouette texte

[Olivier]

Petit rappel :
j'ai parfois modifié 2 ou 3 trucs, mais c'est juste par discrétion. Pour pas qu'ils soient, le cas échéant reconnus, je n'ai rien amplifié.
Pas de lieu précis, toujours par discrétion. S'il y en a c'est du faux. Mais les gens sont réels et ils sont fabuleux.
Jeannot .

Jeannot je l'ai connu, il y a bien longtemps. C'était à la fin des années 70, l'été pendant mes vacances d'étudiant,
je maçonnais dans une vieille barraque dans un coin vraiment perdu, du nulle part de la France, pour aider.
Lui il nous encadrait. C'était un vrai maçon, un diplômé expert. Pour lui aussi, c'étaient ses vacances.
Dans l'année il travaillait dans le métro à Paris.

Il était né bien loin de chez nous, en Asie.
Son père était français, sa mère indochinoise, et sa grand mère du Sri Lanka.
Pendant la guerre (la première du Vietnam), son père est mort.
Il s'est retrouvé en France à une dizaine d'années, avec sa mère et sa grand mère.
Elles sont toutes les 2 mortes aussi, très vite, à cause du climat, qu'elles n'ont pas supporté...
Orphelin à 12 ou 13 ans, sans famille, Pupille de la Nation, et puis Enfant de Troupes, il n'avait pas trop le choix.
Il a appris un métier, la maçonnerie dans une école, vraiment très réputée, à Felletin en Creuse... Les Maçons de la Creuse, vous savez ... ?
Puis la Guerre d'Algérie, il avait juste l'age et il était formé.
Quand il est revenu, l'est entré au Métro de Paris, pour bosser.

Puis tout son temps de libre, alors il l'a donné... aux autres, pour aider et aussi pour lutter... pour la Paix, l'amitié...
Associations, Syndicats, Parti, les jeunes, les vieux, les riches, les pauvres
uh ! plutôt les pauvres quand même, je crois).
Il est allé partout donner de sa personne, dans toute l'Europe d'alors, et pendant ses vacances. La RDA surtout, ou il s'est fait des potes.
Quand ceux ci venaient en France, pour la fête du Parti (En Septembre vous savez?)
Toute la délégation, c'est chez lui qu'elle dormait. Dans son Gigantesque Studio moins cuisine, au fond d'une cour à St Ouen, Métro Garibaldi. peut être 20 m²....en comptant les placards.
Il avait son petit stand à cette Fête justement. Un stand, rien que pour lui. Le Parti de St Ouen, Section Vietnamienne. Une table et 2 chaises, c'était bien suffisant.
Il connaissait le Gd Jacques, et peut être aussi Georges, ils étaient presque voisins...
Il est allé aussi en tourisme clandestin et obscure, dans son pays natal (il connaissait la langue, et il avait la couleur...),
pendant une autre guerre.... mais là j'en dis pas plus...

Quand je l'ai rencontré, c'était déjà un vieux, il avait bien 40 , 42ans ?... alors pour un jeunot....vous pensez...
Il nous faisait des bouffes je m'en souviens encore du Curry de Poulet... de Jeannot.
Et puis improvisées....
Un jour plein de monde est venu, c'était un Groupe de Folklore provenant d'Israël, pour la fête du Village ..
. et ils devaient manger chez nous, c'était dans le contrat...
Mais ils étaient Casher, certains végétariens. on n'y avait pas pensé ....
Tout ce qui était prévu, n'était que pur cochon...On est bien bête des fois...
Jeannot a retroussé ses manches, et puis avec 2 ou 3 potes (je crois bien que j'en étais),
comme ça à l'improviste, Il s'est mis aux fourneaux. Et en 2 ou 3 heures pas plus,
la table était servie, dans le champs d'à coté, et pour au moins 120 Gus, à la bonne franquette.
salades improvisées, poulet frites et des fruits en dessert et en plus c'était vraiment bon.
On bossait dur la chaux de St Astier, La pelle, la pioche,la truelle, et tout çà. dans les vieux bâtiments,
même qu'une fois on a bossé plus de 20 h d'affilée (Et en plus, c'est vrai).
On était de l'Europe entière,etmême d'un peu plus loin à bosser, 7
gars et filles, néophytes et maladroits. (surtout maladroits...), pleins de bonne volonté...
Jeannot, organisait tout, il savait diriger, sans jamais se fâcher... et toujours le sourire...
Le soir au feu de bois, il sortait un petit Ruines Babines de sa poche.
« La Paloma Adieu... », alorsl la nostalgie.... l'Asie, l'Afrique, tout le passé, remontait...

On s'est revus 3 ou 4 ans de suite, au même endroit, pour un Chantier...
toujours avec le même accueil, la même chaleur et dans le coffre de sa voiture,
toujours une petite réserve, d'épices de chez lui, de là bas pour la cuisine.
J'ai appris à manger avec lui avec des baguettes, et cuisiner au Wok (le vrai en tôle, avec la grille et le petit réchaud).

Et puis un Week End, à Paris, on s'est tous retrouvés, et c'est chez lui qu'on a passé la nuit,
dans son Gigantesque Studio moins cuisine, au fond d'une cour à St Ouen, Métro Garibaldi. peut être 20 m²....en comptant les placards.
Un jour, à l'improviste, je lui ai rendu visite, j'étais dans le quartier. Juste pour dire bonjour.
Il m'a dit : « Je t'invite ».
Alors il m'a emmené dans un petit restaurant qui ne payait pas de mine, dans une banlieue perdue...
Un restau du Vietnam, vous avez deviné.
Il a parlé leur langue avec les patrons.
Il m'a dit bien les connaitre, et depuis le pays, ça faisait bien longtemps.
J'ai eu droit alors à un Gueuleton.
Je ne vous dis que çà.
Je crois bien que mon estomac et que mes papilles s'en souviennent encore.
Bon l'estomac, peut être pas.
Mais les papilles çà oui. (déjà là, je salive, et rien que d'y repenser...)

Je ne l'ai plus jamais vu. Plus aucune nouvelle. J'ai fait quelques recherches... Toujours en vain hélas.
Un jour je suis repassé par chez lui. Je n'ai pas pu entrer, y'avait un digicode.
J'ai demandé au facteur qui passait (ils connaissent tout l'monde) Jeannot n'était plus là....et depuis bien longtemps...
Quand je mange avec des baguettes de temps en temps, ça m'arrive,
alors je pense à lui.
Et puis parfois, je sors mon Wok (un vrai en tôle avec la grille et le petit réchaud), et je cuisine chinois (enfin à ma façon..)...

[jutana]

Bonjour

C'est vraiment un bel hommage que tu rends à ces personnes-là

Bravo, c'est très beau, que ce soit par cette volonté de nous les faire rencontrer ainsi que dans la manière dont tes mots dansent pour eux

Merci

[Pupuce]

Vraiment j'aime beaucoup tes récits, Olivier

[Mars]

Bravo et merci pour tes portraits, Olivier

[G.O.B.]

Continue Olivier

[arthus]

Magnifiques tes portraits Olivier ! Merci

[Baobab]

c'est vraiment chouette de nous faire rencontrer ces belles personnes ... j'ai en moi aussi le souvenir de merveilleuses rencontres faites lors de ma participation à des chantiers des "Compagnons bâtisseurs" (quand j'étais jeune) ...ces rencontres "extra-ordinaires" nous nourrissent toute notre vie, ... et toi tu parviens à les faire partager, c'est super !

[Olivier]

c'est vraiment chouette de nous faire rencontrer ces belles personnes ... j'ai en moi aussi le souvenir de merveilleuses rencontres faites lors de ma participation à des chantiers des "Compagnons bâtisseurs" (quand j'étais jeune) ...ces rencontres "extra-ordinaires" nous nourrissent toute notre vie, ... et toi tu parviens à les faire partager, c'est super !

J'ai été moi aussi "Compagnon Batisseur". Rue des Immeubles Industriels, à Paris (derrière la Place de la Nation). J'y ai passé pas mal de temps et recontré des personnes remarquables... C'est d'ailleurs lors d'une réunion fin de chantiers d'automne que j'ai pu bénéficier de cet accueil si chaleureux chez Jeannot.

[Olivier]

Petit rappel :
j'ai parfois modifié 2 ou 3 trucs, mais c'est juste par discrétion. Pour pas qu'ils soient, le cas échéant reconnus, je n'ai rien amplifié.
Pas de lieu précis, toujours par discrétion. S'il y en a c'est du faux. Mais les gens sont réels et ils sont fabuleux.

Rémy

Rémy est enterré il y a peu. Je l'ai vu dans le journal . C'était aussi écrit « dit Chico »
Il n'avait plus de dents, du tout, depuis longtemps, et les surnoms, ici c'est tradition.
On avait le même age à trois ou quatre ans près.
Il était un Hercule plus fort et plus grand que tout les autres....et vraiment de beaucoup.
Il était également, vraiment, mais vraiment, pas beau du tout,
laid, osons le mot, et même laid à faire peur,
Un visage déformé et tordu, la bouche de travers et sans dents.
on aurait un peu, cru que même sans maquillage, c'était Quasimodo.
Il faisait peur aux gens.
et il terrorisait, dans les baluches quand, à 20 ans avec ses brodequins,
il cherchait la bagarre... Et qu'il se bagarrait...
Il parait que c'était de naissance... et qu'il était bâtard. (...).
On le croyait idiot, ou un peu simple d'esprit. Mais il ne l'était pas.
Loin de là. Et il me l'a bien prouvé...
Il avait des voitures étranges, Panhard, Juva , Dauphines, il en changeait toujours...
On le reconnaissait de loin...et au bruit qu'elles faisaient...
Il réparait ses bagnoles tout seul. Il les avait récupéré avec des tas de ferraille,
Qu'il recupérait un peu partout,(ça se faisait encore...)
comme çà le soir et les samedi dimanches aussi.
Il a récupéré aussi des voitures Haut de Gamme, Coupés sport BMW, R30 V6 turbo, et aussi une R17, pour les spécialistes...
Il les récupérait juste avant la ferraille, et il roulait avec, juste le temps qu'il faut pour rester dans la loi à cause du contrôle technique et des assurances. Il les bidouillait juste pour ce qu'elles roulent le temps nécessaire... à rester presque dans les clous.
Et lui se faisait plaisir.
Même les gendarmes du coin, je crois bien qu'ils avaient compris qu'il n'était pas méchant, et ils le laissaient un peu faire... Il n'a jamais eu trop d'ennuis avec eux...

Je l'ai connu a l'usine. Sur une chaine, à coudre des sacs de 25 et 50kgs et à les porter dans des camions... ou des Grands Containers... ou sur des palettes de bois pour stocker...
On remplissait des sacs d'une poudre sans intérêt ici. Peser, fermer, et coudre une étiquette et puis porter le sac pour le ranger.
On était à plusieurs et on changeait de poste, a tour de rôle, pour souffler. C'était dur rapidement de porter. Surtout ceux de 50 kg.
C'est au dessus de la tête, que ceux de 50 kgs, Rémy lui il les prenait. Sans effort apparent, juste pour rigoler.
Au dessus de la tête, même ceux de 25kg personne d'autres que lui ne le pouvait...
Un hercule je vous dit.
Lui Remy, coudre les sacs, il n'y arrivait pas, la balance non plus, alors, par pudeur devant tout l'monde,
pour pas l'montrer, C'est tous les sacs, que lui portait... il était le plus fort...c'était normal .
Ca arrangeait tout l'monde après tout. (Mais quand même, il en bavait...)
Moi aussi avec la machine au début j'avais eu du mal, c'était pas si facile...
Puis j'y suis arrivé, j'ai mis un peu de temps. et j'ai compris, j'ai maitrisé l'engin...
Un jour qu'on était tranquille, on a discuté un peu et je lui ai montré simplement.
On a pris tout notre temps, et même pendant la pose. Sans s'énerver... tranquilles...
Il a doucement domestiqué «la bête», et n'a plus ensuite, tout porté... Il était comme tout l'monde.

Le temps nous a séparé.
Enfin pas tout à fait. Il n'habitait pas bien loin de chez moi,
et de temps en temps on se disait bonjour dans la rue, on échangeait des mots, tous simples
« _bonjour, bonsoir, qu'est ce que tu deviens ? »
et parfois un canon, au bistrot.
Bien longtemps après, il n'y a pas si longtemps j'ai eu a transporter des trucs bien lourds,
bien encombrants, suite à un déménagement.
A mes demandes d'aide, tout le monde s'était détourné, dans mon piètre entourage.
Rémy s'est proposé tout naturellement a me rendre service, sans que je le demande.
Une bière simplement pour tout gages, et puis un grand merci, et le sourire aux lèvres.
Il est mort sur un lit d'hôpital. De maladie, surement...
Je ne sais pas encore ou il est enterré, mais j'irai sur sa tombe bientôt ça c'est juré.