Certains trouveront ça très bizarre, ce que je vais vous exposer, je comprends, c'est étrange. Profondément étrange. Mais pas tant que ça.
L'animalité, vaste question.
"Un autre point qui retient notre attention est ce que Deleuze nomme l’« être aux aguets », comme caractéristique animale, et que l’on retrouve chez l’artiste, chez l’écrivain, chez le penseur : cette faculté de capter des signes pour les interpréter, les traduire. Le penseur, toujours en recherche d’inattendu, d’inhabituel, d’étrangeté, est aux aguets. "
(extrait d’un article sur Le Portique, Animal, animalité, devenir-animal, Denis Viennet)
Il existe ce qu'on appelle des personnes animales, des thérianthropes, des trans-espèces, des weres...
- "La thérianthropie se définie par un état, une perception et un ressenti du monde, constants (c’est à dire non temporaires), qui mènent une personne à se considérer et s’identifier profondément en tant qu’animal (autre qu’homo sapiens), en dépit de sa biologie et éducation humaines."
Akhila
Swiftpaw
"[...]Animalité. Sa propre nature animale. Personne animale. Quelqu’un qui est à la fois une personne et un animal.
L’animalité est un état d’identification avec un animal non-humain. C’est qui et ce que l’on est au niveau le plus profond, le plus basique, le plus instinctif. L’essence d’une personne est ce qui l’anime en pensées, en verbe, en action; les personnes animales sont mûes par un ensemble d’instincts, de désirs et de comportements qui sont analogues à ceux d’un animal non-humain. Ce noyau animal s’exprime au travers du corps humain, l’intellect, la manière dont l’on grandi, ce qui fait de nous des personnes animales et non de simples animaux à peau humaine.
[...]
Etre une personne animale n’est pas quelque chose que l’on peut provoquer ou annuler volontairement. Ce n’est pas le choix conscient d’une représentation de soi; ce n’est pas une connexion totémique; ce n’est pas une “fursona” ou un personnage de jeu de rôle. L’animalité est essence, constante, et demeure même lorsque l’on cesse d’y penser. C’est une manière d’exister, de vivre, de percevoir et interpréter le monde, de faire l’exploration de soi et se comprendre. Ca ne tient pas plus de l’éphémère ou de la croyance que le genre d’une personne, que son ethnicité ou que son corps physique. Ce n’est pas un choix, c’est un fait de la vie.
Les personnes animales sont à la fois humaines et animales; cette combinaison crée une nouvelle sorte qui n’est pas simplement l’un ou l’autre selon le moment. Bien que de nombreuses personnes animales “shiftent” [changent], c’est à dire se ressentent et agissent de manière animale avec plus ou moins d’intensité, nous sommes tous toujours simultanément un peu humain et animal en même temps. Je ne crois pas que cela soit possible d’isoler complètement l’animal et l’humain l’un de l’autre d’un trait net – c’est un mix, un tissage, un mélange de deux natures qui, avec le temps et les expériences de la vie, ont évolué et grandi en un tout complexe et complet."
Kusani
"Je crois que la thérianthropie, dans sa forme la plus basique, est une question d’identification à un animal au point où l’on sent que l’on est soi-même l’animal. De la même manière que la plupart des gens s’identifient en tant “qu’humain”, un thérianthrope s’identifiera en tant “qu’animal” ou “animal-humain”.
[...]
Je pense que ma thérianthropie est de nature psychologique. Je ne crois pas nécessairement aux âmes, et donc je ne base pas ma thérianthropie sur le fait de posséder l’âme d’un animal. Mon expérience thérianthrope est une combinaison de dispositions psychologiques et d’identité animales. Je suis mon cerveau, et mon cerveau fonctionne psychologiquement en tant qu’animal-humain.
Le fait que je sois canin s’exprime de manière complexe au travers de divers comportements et modes de pensée. Il y a moi, qui s’avère être un genre de canidé, et qui fait quelque chose qu’un membre de la famille des chiens ferait. C’est peut être stéréotypé d’insinuer que je puisse avoir une compréhension innée du monde canin, mais il y a quelque chose qui colle entre mes expressions comportementales et celles de la famille des canidés."
Liesk
"ll existe un grand nombre de définitions pour “thérianthrope”. La plupart d’entre elles me déplaisent ou ne me correspondent pas. En voila une qui marche — la définition que j’utilise, instinctivement, habituellement.
Je ne crois pas qu’un thérian ait l’âme même d’un animal; ou, plus précisément, je pense à l’âme comme ce qui fait de toi toi. Pas un ramassis d’énergie spirituelle, mais une visualisation de soi. Donc un thérian pourrait tout à fait avoir une âme animale, mais l’âme serait le produit de leur thérianthropie, pas l’inverse.
Je ne crois pas qu’il y ait de preuves physiques de la thérianthropie. Les weres n’ont pas un ADN contenant une quelconque substance non-humaine; autrement le phénomène aurait déjà été scientifiquement classé d’une manière ou l’autre. Je ne crois pas non plus que cela soit entièrement basé sur la croyance, parce qu’il y a décidément des signes concrets qui indiquent que la thérianthropie est réelle.
Ces preuves, cependant, ne nous disent pas “Cette personne est réellement [indiquer ici un animal.]” Ces preuves disent seulement “Cette personne agit bel et bien comme tel animal, et pense aussi probablement comme lui”. En prenant ces signes en compte, et en prenant en considération sa dysphorie corporelle, on peut prouver sa thérianthropie. Pas scientifiquement, certainement, mais on peut se la prouver pour soi-même.
D’après ce que les autres ont observé de mon comportement socialement et mentalement, et la manière dont je bouge mon corps, dans bien des cas je ressemble plus à un félin qu’à un humain. Je me définis en tant que félin parce que la félinité n’est pas simplement ma manière de me comporter, mais ma manière d’exister.
Ces traits vont au delà de la simple similitude, parce que je ne les force pas. Ils s’expriment spontanément. Je ne me dis pas que je devrais être territorial et nerveux parce que c’est ce qu’un léopard serait. Je suis territorial et nerveux parce que c’est ce qu’un léopard est vraiment. [...]
J’essaye habituellement de ne pas théoriser sur le pourquoi de ma nature. Je me dit que si j’agis comme/suis un léopard, et que je ne fais de tort à personne, je peux tout à fait continuer ainsi (et y prendre plaisir). Les gens peuvent me penser comme simplement “agissant comme un chat”, je me conçoit “étant littéralement un félin,” cela fonctionne assez bien comme ça.
La thérianthropie est un état dans lequel le thérianthrope existe, vit, pense, ressent des instincts et souvent agit en tant qu’animal non-humain. Pas “comme“, mais “en“. Pour la plupart, le niveau d’humanité ou d’animalité varie d’une jour à l’autre et d’une situation à une autre.
C’est beaucoup plus profond que cela, et souvent plus que ce qui ne pourrait jamais être décrit avec des mots. Est-ce que la thérianthropie est spéciale — est-ce que cela distingue de la masse? Pas vraiment; on vit toujours une vie humaine plutôt normale. Est-ce toujours fascinant, et est-ce que cela apporte toujours des perspectives intéressantes? Certainement pas. Je suis juste l’un de ces individus qui aiment réfléchir à ce qu’ils sont."
Quil
Les personnes animales ne renient pas l'origine psychologique du phénomène, au contraire, j'ai croisé plusieurs profils de personnes diagnostiquées autistes ou très proches du fonctionnement:
Oiseautistique
Je suis autiste.
Je suis oiseau.
La société essaye de dire que ce sont deux choses différentes. Souvent je me dit qu’elles ne font qu’un. Où commence et se termine la séparation entre les battements de bras autistes et ceux aviens? Entre les piaillements de joie d’oiseau et le babillage autistique?
Je n’en sais rien. Je n’ai pas envie de les différencier. Je suis oiseau et autiste. Je ne peux pas distinguer ces choses l’une de l’autre.
L’oiseau est mouvement. Je l’ai déjà dit dans de précédents textes sur ce qu’est “oiseau”. C’est le mouvement, le rythme, le vent dans les ailes, ce qui te balaie en te tirant plus avant dans le ciel, répétitif, un-deux, un-deux. vers le haut. vers le bas. La vitesse variable, quand le vent autour de soi change. Je n’ai pas le vent, je n’ai pas d’ailes, alors j’utilise la musique, je me balance sur ma chaise, j’utilise les mouvements de la voiture, j’utilise un mot ou une chanson en boucle dans ma tête. Parfois j’utilise tout cela en même temps, me balançant tandis que la voiture roule comme la musique résonne et mon coeur se gonfle entre mes côtes et que mes lèvres bougent au rythme de la chanson, et je la chante encore encore encore dans ma tête, un-deux, un-deux, là plus vite là plus lentement là descendant là montant, haut haut haut haut b a s.
Je ne peux pas voler, alors ceci est mon envol.
Le mouvement et le rythme, ces choses sont apaisantes, familières. On berce un enfant et la personne autiste se balance et bat des mains et l’oiseau s’élance dans le vent, tous ces mouvements similaires, ces rythmes similaires. C’est apaisant, familier, pour un oiseau de voler: je n’en doute pas. C’est apaisant de courir, de sentir la terre ferme sous ses pieds, tap tap, un, deux, ou d’écouter la course d’un cheval, les sabots sur la route, undeux, troisquatre, undeux, troisquatre. Si c’est apaisant à nos oreilles, si cheval ou un chien laissés seuls à eux-mêmes courront de joie par principe, alors je pense que voler doit être réconfortant pour les oiseaux. Cela doit être la joie de se sentir chez soi, un mouvement familier, un coup d’aile vers le haut, vers le bas.
(On critique les personnes autistes qui se balancent ou de battent des bras. De vouloir ce mouvement familier. De vouloir voler. De chercher à sentir le rythme. De comprendre la joie dans le rythme, peut être plus que la plupart des humains, qui ne l’aiment que dans des situations très particulières. La musique. La danse. La poésie. Ecouter le reflux de l’océan sur la plage. Imagine si à chaque fois que tu bougeais, tu bougeais en une dance et ressentais le plaisir de la cadence. C’est la vie d’un animal, d’une personne autiste. Comme les animaux, nous dansons tout le temps, nous courrons, nous volons.
Et parfois, nous courrons, nous volons, parce que nous sommes des animaux. Parce que le besoin de courir et celui de voler et celui de danser est en nous, l’appel de nos ancêtres qui ne sont pas nos ancêtres qui sont nos ancêtres plus que la science ne peut le démontrer.)
Les humains ne font du bruit que lorsqu’on l’attend d’eux. N’est-ce pas étrange? Quand un humain fait un bruit soudain, c’est traité comme de la maladie mentale. A moins que ça soit une chanson ou un fredonnement, et encore, ce n’est autorisé que dans certains endroits. Tu ne peux pas chanter si tu fais la queue à la banque. Mais les oiseaux chantent constamment. Les oiseaux chantent pour trouver un compagnon, ils chantent pour dire “il y a à manger ici”, ils chantent pour dire “je suis là”. Et parfois, on dirait qu’ils chantent juste parce qu’ils en ont envie. Ils chantent parce que chanter fait du bien, comme un chien aboie lorsqu’il s’ennuie, comme un chat se promène dans la maison en miaulant parce qu’il a mangé de l’herbe à chat et qu’il a envie de faire du bruit. Il n’y a pas toujours de raison. C’est bien de faire du bruit. Les oiseaux le savent. Les personnes autistes le savent. On peut faire du bruit.
Je produis du son pour le plaisir. Je cours parce que le rythme me réconforte. J’imagine le vent sous moi, me poussant plus avant. J’imagine mes ailes battre lourdement tandis que j’agite les bras.
Je suis autiste.
Je suis oiseau.
Ces choses ne sont pas très éloignées l’une de l’autre.
Tsu
Je suis une personne animale, je me sens comme un loup rouge (canis rufus).
Je suis d'abord passée par les félins (lions, tigres) de l'enfance au milieu de l'adolescence, mais c'était incomplet, un peu à côté de la plaque, et un peu immature. L'idée d'un animal aux oreilles pointues, à la queue particulièrement touffue, aux pattes fines revenait me chatouiller de temps à autres, et il a fini par se matérialiser sous forme de loup.J'ai étayé les canins, et le renard, le lycaon, ou le lévrier reviennent souvent mais rien ne me semble aussi juste que le loup. Pas vraiment le loup gris, ni arctique. Plutôt le loup rouge dans la stature plus légère et fine, les couleurs, le milieu dans lequel il évolue me correspond pas mal.
Mais le loup a quelque chose de profond, de très profond, une note particulière.
Il est difficile d'apposer des mots dessus.
Le fonctionnement en meute pourrait être très paradoxal chez moi puisque je suis autiste asperger, on pourrait en tout cas s'étonner de ceci. Mais je crois que je fonctionne bien en meute, ne serait-ce qu'en famille ou avec mes amis. J'ai besoin d'un cadre et d'un entourage. Je suis relativement sociable avec ceux que je connais, et plus sur la réserve avec les autres. Je suis protectrice, et fidèle, je dirais.
Le loup est dans une communication dans la gestuelle (et je m'y connais mieux en gestuelle loup qu'humaine ^^) mais aussi sonore. Le hurlement du loup réveille des choses archaïques chez moi, je suis très sensible au son, et j'ai une bonne mémoire sonore (que je différencie d'auditive) couplée à une mémoire et pensée très visuelle. La gestuelle canine me fascine, particulièrement celle du loup, très endurante, prédatrice, observatrice.
Ses sens sont affûtés, les miens aussi, surtout l'ouïe et la vue (bien que je sois myope, j'ai une vision des détails dû à mon autisme). Je suis hypersensible, et avant d'attribuer ça à l'autisme, je qualifiais ceci d'animal, parce que je ne me sentais pas humaine. J'étais animale, aux aguets.
J'ai un rapport animal à l'espace, je suis tous les mouvements, j'ai besoin d'un mur derrière moi pour travailler ou être tranquille (si possible, je m'enferme pour trouver la quiétude). La notion de territoire est très présente.
J'ai quelques ruses personnelles pour échapper aux autres, j'avoue.
Je crois que j'ai aussi quelques méta-membres, les oreilles, les pattes, et la queue. Ça m'arrive de me mettre comme un animal dans mon lit pour me détendre. Je tourne en rond quand je suis angoissée aussi (et je me fais grillée tout de suite ).
Parfois, je me sens loup (et pas louve, je précise), parfois, il est à côté de moi, invisible pour la plupart, mais comme un gardien, peut-être qu'il me protège. Ou qu'il y a une sorte de familier à côté. Des totems, il y en a, à diverses périodes.
Je ne l'ai pas choisi en tout cas, ça m'a même plutôt étonné.
Cette part animale me permet d'exister.
Après, il y a bien entendu le vécu, l'environnement qui renforce cette part animale.
Je pense qu'il y a de toute façon, plusieurs causes, je travaille dessus, non pas abattre ma part animale, mais moins souffrir, mieux vivre, en paix. Ma part animale, et celle autistique, sont celles qui sont les plus équilibrées, en fait, et elles me permettent de me frayer un chemin, un p'tit, en dehors des sentiers habituels, pour plonger dans quelques contrées plus sombres, plus sauvages... C'est une aventure.
S'identifier à animal est un moyen de se construire, de trouver un équilibre.
Ressentez-vous des choses similaires? Ou ressentez-vous une petite part de vous animale, à l'affût?
Se dire personne animale passe par une profonde introspection, une recherche au fond de soi, ça ne se joue pas en un jour (un peu comme l'autisme), même si on ressent le phénomène depuis longtemps, il ne faut pas s'y arrêter. Il m'a fallu un an et demi pour l'affirmer, et des années pour établir mon "thériotype" (animal)
Si vous êtes intéressés par lire des blogs, des sites traitant du sujet, je vous invite à m'envoyer un mp, je ne préfère pas mettre des liens ici pour le moment.
Les personnes animales sont généralement moquées... Pas de jugement, s'il vous plaît...
Je peux comprendre qu'on soit dubitatif, cela-dit.