"On m’a traité, je suis nul, tout est de ma faute : Lucas, 10 ans, multiplie les appels au secours depuis qu’il est victime de harcèlements à l’école. Cette histoire banale, des milliers d’enfants la vivent quotidiennement sous l’œil inquiet de leurs parents, partagés entre culpabilité et impuissance. Ces violences touchent aussi les « bons élèves ». À travers tous ces enfants, c’est l’école elle-même qui est visée.
Il n’y a pas d’un côté le harceleur, de l’autre la victime. Derrière chaque fait se cachent une histoire, un contexte, une dynamique qui mettent en jeu agresseur et agressé mais aussi spectateurs plus ou moins actifs. Forte de son expérience de pédopsychiatre, Nicole Catheline analyse ces processus complexes et souligne le rôle régulateur que devraient jouer les adultes – parents et enseignants.
Vivre sa scolarité en sécurité est un droit fondamental de l’enfant : cela suppose de surveiller et punir mais aussi d’écouter les enfants, d’aider les parents et de mettre en place des politiques éducatives appropriées. Il en va de la responsabilité de tous d’œuvrer pour une école apaisée"
Le Monde :
Spoiler :
Vous consacrez un livre aux harcèlements entre élèves. Pourquoi s'intéresser à un sujet qui paraît vieux comme l'école ?
En tant que pédopsychiatre spécialisée dans les difficultés scolaires, j'ai vu, depuis trente ans, défiler des enfants et des jeunes à problèmes avec un passé de souffre-douleur. Ce vécu leur a laissé des séquelles et un rejet et une détestation de l'école. Trop souvent, l'institution scolaire considère, en France, le harcèlement comme ne relevant pas de ses compétences. Il existe très peu d'études dans notre pays sur cette question, contrairement aux pays anglo-saxons qui parlent de schoolbullying.
Selon les études européennes, ce phénomène est plus fréquent à l'école primaire où il concernerait environ 15 % des élèves. Au collège, la proportion de jeunes harcelés tomberait entre 3 % et 10 % avec un petit pic au moment de la puberté, vers 13- 14 ans. Au lycée, ce phénomène disparaît quasiment.
Quelle distinction faites-vous entre harcèlement et violence ?
Le harcèlement recouvre une forme de violence particulière. Il s'applique à des actes qui induisent une relation dominant-dominé. Il peut s'agir de violences de toutes sortes - menaces physiques, verbales, humiliations, détériorations ou vols de matériel scolaire -, qui ont la caractéristique d'être répétées régulièrement sans être forcément quotidiennes.
C'est cette répétition, insidieuse, qui va poser problème. Il va falloir un certain temps pour que l'enfant et l'entourage comprennent qu'on n'est pas dans le domaine du jeu, des taquineries.
Quand le harcelé prend conscience de ce qui lui arrive, cela provoque chez lui un questionnement doublé d'un sentiment de culpabilité : "Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?" Le harcèlement a pour conséquence de fragiliser l'estime de soi.
Il ne s'agit pas forcément d'un groupe contre une personne. Il peut s'agir d'un seul élève contre un autre...
Garçons et filles n'ont pas la même façon de harceler. Les premiers utilisent davantage leur force physique, les secondes, la rumeur avec comme effet douloureux pour la victime de se retrouver isolée. Cette façon de faire est particulièrement difficile à repérer pour les adultes.
Existe-t-il un profil spécifique d'enfant harcelé ou harceleur ?
La fragilité et la sensibilité que peuvent avoir les enfants harcelés n'expliquent pas tout. L'apparition de ce phénomène suppose l'absence de protection des adultes. Le ou les harceleurs vont s'intéresser aux enfants différents, d'une manière ou d'une autre. Les adolescents sont notamment dans une grande exigence de conformisme. Un bon élève dans une classe en difficulté risque, par exemple, de se retrouver harcelé.
Par ailleurs, les enfants harceleurs sont souvent animés de pulsions plus fortes que les autres et qui n'ont pas été suffisamment canalisées par les adultes.
Les parents ont-ils une part de responsabilité dans le fait que leurs enfants soient harcelés ?
Je pense que oui. Mais la responsabilité est collective, elle engage aussi l'équipe éducative. Un parent peut être responsable de n'avoir pas donné à son enfant les armes pour se faire respecter. Des parents phobiques, déprimés, qui vivent le monde comme angoissant, peuvent transmettre, malgré eux, une vision du monde difficile, même si leur discours va à l'inverse. Il ne faut pas jeter la pierre à ces adultes qui ont besoin d'être soutenus.
Malheureusement, quand ils viennent se plaindre, auprès des enseignants, de la situation dont souffrent leurs enfants, on les accuse de les surprotéger. Beaucoup d'enseignants considèrent que leur mission est d'enseigner et non d'éduquer.
Comment s'aperçoit-on que son enfant est harcelé ?
Ce n'est pas si facile pour les parents. Mais ils doivent être attentifs à tout changement de comportement relativement récent, difficultés d'endormissement, perte d'appétit, repli sur soi, troubles psychosomatiques, oublis ou dégradations de livres...
Dans ce cas, il faut interroger clairement l'enfant. Il est inutile de lui demander : "Que se passe-t-il ?" Il risque d'éluder. Il faut être plus direct : "Est-ce qu'on t'embête ? Est-ce que quelqu'un te fait du mal ?"
Que faire dans ce cas ?
La première chose à faire est de prendre rendez-vous avec l'enseignant au primaire, avec le professeur principal ou le conseiller principal d'éducation dans le secondaire. Si l'écoute est bonne, une fois le harcèlement avéré, l'enseignant peut parler à l'enfant, à son ou à ses harceleurs et rappeler en classe les règles de la vie en collectivité, du respect des autres et du droit à la différence.
S'il n'y a pas d'écoute suffisante, le parent peut passer par une association de parents d'élèves. Et si, malgré tout, la situation est bloquée, le parent devra, en dernier recours, se résoudre à changer son enfant d'établissement.
Jean a écrit :Quand le harcelé prend conscience de ce qui lui arrive, cela provoque chez lui un questionnement doublé d'un sentiment de culpabilité : "Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?" Le harcèlement a pour conséquence de fragiliser l'estime de soi.
Je suis bien d'accord avec ce passage.
Bernard (55 ans, aspie) papa de 3 enfants (dont 2 aspies)
J'ai personnellement été à 2 reprises, mis franchement à l'écart par un groupe, et ce à l'âge adulte.
La première fois lors d'un stage de formation professionnelle de comptabilité, j'ai pendant 10 mois sur 1an de stage, été complètement exclus du groupe .Je n'en connais pas la raison. Sur 20 personnes qui composaient le groupe, je n'échangeais qu'avec 2 ou 3 et encore peu, toutes les autres montraient une indifférence blanche à mon égard. Je n'existais pas.
La seconde fois, en entreprise, mon supérieur hiérarchique, des le jour ou il a pris la responsabilité du service m'a harcellé. (objectifs impossibles à atteindre, plus de dialogue. consignes données par post-it collés sur le bureau en mon absence, ordres donnés en direct aux personnes sous ma responsabilité, avec consignes pour elles de ne rien me dire, etc....)
C'est le médecin du travail qui a fini par m'alerter, et à me faire licencier pour raison médicale, à mon plus grand soulagement.
Mais depuis, c'est une autre galère....
Olivier a écrit :en entreprise, mon supérieur hiérarchique, des le jour ou il a pris la responsabilité du service m'a harcellé. (objectifs impossibles à atteindre, plus de dialogue. consignes données par post-it collés sur le bureau en mon absence, ordres donnés en direct aux personnes sous ma responsabilité, avec consignes pour elles de ne rien me dire, etc....)
C'est le quotidien du salarié harcelé. Je connais cela, d'après les dires des salariés harcelés et/ou de leurs supérieurs.
Sans vouloir prendre la défense de ton chef , il aurait mieux valu que l'équipe (le chef, tes subordonnés et tes pairs) soit au courant de tes particularités de fonctionnement.
Le diagnostic ne se fait pas par Internet et les forums. Cependant, tous tes messages font terriblement supposer que tu es SA. Je pars donc du principe que tu l'es. Ce n'est ni une tare, ni un honneur : c'est une façon d'être. C'est quand même très attachant, non ? (question pour les non-aspies ou NT)
Jean a écrit :
Sans vouloir prendre la défense de ton chef , il aurait mieux valu que l'équipe (le chef, tes subordonnés et tes pairs) soit au courant de tes particularités de fonctionnement.
)
A l'époque, il y a presque 10 ans, j'étais à 100 000 lieues de pouvoir croire ce que je crois aujourd'hui. Je pensais simplement être différent, mais simplement comme, chaque individu a des différences.
Pour revenir sur le sujet à l'école :
- lundi, Lucie s'est faite agresser dans le bus scolaire (crachats, injures, mots orduriers écrits sur la buée des vitres).
- ma femme a signalé les individus en cause à la directrice de l'école
- certains camarades de Lucie ont témoigné pour confirmer
- réprimande de la part de la directrice aux fauteurs de troubles
- le chauffeur était déjà intervenu pour faire cesser la violence
Conséquence :
- Lucie prend le tram avec moi le matin depuis mardi.
- le tram passe près de son école.
No comment (comme d'hab).
Bernard (55 ans, aspie) papa de 3 enfants (dont 2 aspies)