Questionnaire à propos de l'autisme

Je suis autiste ou Asperger, j'aimerais partager mon expérience. Je ne suis ni autiste ni Asperger, mais j'aimerais comprendre comment ils fonctionnent en le leur demandant.
Cora
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Questionnaire à propos de l'autisme

Message par Cora »

Bonjour à tous

Je me présente, je m’appelle Coralie et je suis étudiante en philosophie à Lyon. Cette année était celle de la rédaction de mon mémoire de recherche et j’ai choisi pour ma part de travailler sur l’autisme. Pour vous donner, aussi brièvement que possible, une idée de la direction de mon travail, je suis particulièrement intéressée par les transformations dans la perception sociale et scientifique de l’autisme depuis sa découverte par Kanner et Asperger lorsque l’autisme était considéré comme une maladie plutôt rare, jusqu’à aujourd’hui ou il est majoritairement désigné comme un handicap. J’ai donc travaillé sur l’histoire de l’autisme, sur la notion de handicap également ainsi que sur celle de classification étant donné que l’autisme est répertorié dans la CIM et le DSM et qu’il subi les fluctuations des différentes éditions. Je me suis également penchée sur l’idée de neurodiversité qui prend de plus en plus d’ampleur depuis quelques années, particulièrement dans les pays anglo-saxons et qui selon moi constitue encore une nouvelle transformation du regard que l’on porte sur l’autisme mais aussi du regard que les personnes autistes portent sur elles-mêmes. Pour accompagner mon travail de recherche j’ai effectué un stage au sein du CRA Rhône-Alpes où j’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs personnes autistes auxquelles j’ai proposé de répondre à un questionnaire que j’ai réalisé, afin d’avoir l’avis des personnes directement concernées par les questions que je me pose. Pour l’instant je n’ai eu que peu de réponses, ce que je peux comprendre étant donné qu’il est toujours un peu difficile de témoigner à propos de ce qui nous touche personnellement. Je me permets donc de poster ici (en espérant avoir poster mon message au bon endroit) afin de vous proposer ce même questionnaire, auquel vous êtes bien sur libres de répondre ou non. Vous pouvez aussi ne répondre qu’à certaines des questions si d’autres ne vous inspirent pas ou vous posent problème, et si l’une ou plusieurs de ces questions vous déplaisent n’hésitez pas à l’exprimer, c’est important également, mon but n’étant surtout pas de blesser qui que ce soit. Je m’excuse pour ce long message et vous laisse mon questionnaire, vos avis m’intéressent grandement mais vous n’êtes obligés de rien.
Merci à vous et bonne soirée

1) Si on vous demandait d'expliquer ce qu'est l'autisme que diriez-vous ?
2) L'autisme est aujourd'hui majoritairement reconnu comme un handicap. Qu'en pensez-vous ? Vous considérez-vous comme une personne en situation de handicap ?
3) S'il vous arrive de vous sentir handicapé par votre autisme, dans quelle(s) situation(s) cela peut-il se produire ? Que pourrait-on faire selon vous pour y remédier ?
4) S'il vous arrive de vous sentir avantagé par votre autisme, dans quelle(s) situation(s) cela peut-il se produire ?
5) Avez-vous connaissance des différents types d'autisme qui étaient répertoriés par la quatrième édition du DSM (syndrome d'Asperger, TED non spécifiés...) ? Que pensez-vous d'une telle catégorisation de l'autisme ? Vous-y reconnaissez-vous ?
6) La cinquième édition du DSM a abandonné ces différentes catégories pour ne plus garder que celle de "trouble du spectre de l'autisme", qu'en pensez-vous ?
7) Le concept de neurodiversité qui consiste à considérer l'autisme non comme une maladie ou un handicap mais comme un fonctionnement neurologique différent fait l'objet d'une forte mobilisation de la part de certaines personnes autistes, notamment dans les pays anglo-saxons. Vous sentez-vous proche d'une telle vision de l'autisme ?
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Mars
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Re: Questionnaire à propos de l'autisme

Message par Mars »

Bonsoir et bienvenue Cora :D
J'espère que tu trouveras, ici, matière à avancer dans tes recherches.
Atypique sans être aspie. Maman de 2 jeunes filles dont une aspie.
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Jean
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Re: Questionnaire à propos de l'autisme

Message par Jean »

Bonjour et bienvenue.

Tes questions sont très intéressantes, mais elles supposent un niveau d’abstraction et de réflexion assez élevé.
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Benoit
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Re: Questionnaire à propos de l'autisme

Message par Benoit »

Bonjour Cora,

1. l'autisme c'est la possibilité que des extra-terrestres aient une apparence humaine. A mon niveau d'invisible, c'est l'incarnation du principe selon lequel la différence peut devenir un handicap.
2. ça dépend comment on comprend le mot handicap. Dans le cadre de la représentation du pékin moyen, non. Dans le cadre d'un modèle social, oui.
3. il y a beaucoup trop de situations pour faire un inventaire, en gros il y a systématiquement problème avec les gens qui n'ont aucune acceptation de la différence, voire pire ceux qui n'ont aucune tolérance pour la différence et veulent que je rentre dans le moule. Pour y remédier, il suffirait de m'aider à retourner sur ma planète, ou à défaut de me mettre dans un environnement où la différence (culturelle) est valorisée.
4. principalement dans les situations où exercer mes talents autistiques est utile et valorisant, (typiquement penser en dehors de la boite comme disent les anglo-saxons) au travail ou socialement.
5. oui je connais, je m'y reconnais plus ou moins et je comprends que les frontières de ces catégories étaient arbitraires.
6. dans le principe, c'est mieux si ça permet de comprendre qu'il y a autant de formes d'autistes que d'individus et de personnaliser l'offre de service.
7. le concept de neurodiversité est également à mon avis une façon de s'affirmer face à tous ces gens qui veulent soigner l'autisme et gommer la différence. Je ne le vois absolument pas comme contradictoire avec la définition sociale du handicap, mais plutôt comme un stade ultime de ce modèle.
Oui, je suis proche de cette vision, c'est une des raisons pour lesquelles je me lève le matin.
Identifié Aspie (広島, 08/10/31) Diagnostiqué (CRA MP 2009/12/18)

話したい誰かがいるってしあわせだ

Être Aspie, c'est soit une mauvaise herbe à éradiquer, soit une plante médicinale à qui il faut permettre de fleurir et essaimer.
stef_asper
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Re: Questionnaire à propos de l'autisme

Message par stef_asper »

Bonjour Coralie,

Voici mes reponses à tes questions :

1) Si on vous demandait d'expliquer ce qu'est l'autisme que diriez-vous ?

Il s'agit d'une facon d'etre.

2) L'autisme est aujourd'hui majoritairement reconnu comme un handicap. Qu'en pensez-vous ? Vous considérez-vous comme une personne en situation de handicap ?

Si 90% des gens etaient autistes alors ce sont "les autres" qui seraient considéres comme des handicapés.

3) S'il vous arrive de vous sentir handicapé par votre autisme, dans quelle(s) situation(s) cela peut-il se produire ? Que pourrait-on faire selon vous pour y remédier ?

Tres souvent en decalage relationnel que se soit d'un point de vue personnel ou professionnel. Aussi le regard devalorisant des autres.

4) S'il vous arrive de vous sentir avantagé par votre autisme, dans quelle(s) situation(s) cela peut-il se produire ?

Mes qualités : La capacité à m'isoler et à reflechir longtemps sur un meme sujet. C'est à dire des choses peu valorisées socialement.

5) Avez-vous connaissance des différents types d'autisme qui étaient répertoriés par la quatrième édition du DSM (syndrome d'Asperger, TED non spécifiés...) ? Que pensez-vous d'une telle catégorisation de l'autisme ? Vous-y reconnaissez-vous ?

Je ne connais pas le DSM

6) La cinquième édition du DSM a abandonné ces différentes catégories pour ne plus garder que celle de "trouble du spectre de l'autisme", qu'en pensez-vous ?

Idem

7) Le concept de neurodiversité qui consiste à considérer l'autisme non comme une maladie ou un handicap mais comme un fonctionnement neurologique différent fait l'objet d'une forte mobilisation de la part de certaines personnes autistes, notamment dans les pays anglo-saxons. Vous sentez-vous proche d'une telle vision de l'autisme ?

Non pas du tout. Pour moi ce qui fait la difference entre l'autiste et les autres c'est sont langage. C'est son langage qui fait qu'il est ce qu'il est.

Si cela peut t'aider. N'hesites pas à me contacter en MP si tu souhaites plus de precisions.

Bonne journée
Stéphane
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zad
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Re: Questionnaire à propos de l'autisme

Message par zad »

salut,
je vais essayé de répondre. désolé si je troll un peu :roll:

1) Si on vous demandait d'expliquer ce qu'est l'autisme que diriez-vous ?

:innocent:
c'est ma normalité. comment voulez vous que je vous l'explique ? :) :D

parfois je dis que j'ai plusieurs ages à la fois ; que je suis capable de construire des logiciels, sans pour autant savoir faire mes lacets :lol:

2) L'autisme est aujourd'hui majoritairement reconnu comme un handicap. Qu'en pensez-vous ? Vous considérez-vous comme une personne en situation de handicap ?

oui, car l'autisme pose des limites, au delà desquelles il faut des aides techniques ou humaines (là où les NT n'en n'ont pas besoin).

D'ailleurs si l'autisme n'était qu'une extravagance (une façon d'être particulière), ça ne pourrait être un handicap ; juste une variation de la normalité, non ?

3) S'il vous arrive de vous sentir handicapé par votre autisme, dans quelle(s) situation(s) cela peut-il se produire ? Que pourrait-on faire selon vous pour y remédier ?

la prise de decision (fonctions exécutives), l'autonomie au quotidien (entretien de lieu de vie, papiers admin., hygiène, équilibre alimentaire ...), la stimulation de compétences (pcq ça se perd si c'est pas utilisé. par expl : si je fais pas de vélo, faut que je réapprenne à en faire, d'une certaine façon), la gestion du temps et de la planification, des déplacements ...

Puis évidement, il y a des situations où je ne peux pas communiquer (ne pas confondre avec 'ne veux pas', ou avec le mutisme sélectif) pcq l'environnement est trop prenant (c'est pas forcement négatif), ou trop stressant (ça c'est négatif).

pour y remedier, bcp bcp bcp d'éducation, de tolérance, de gentillesse, ... et du temps ! des gens formés correctement (càd qui n'ont pas foi dans les pensés magiques de la psychanalyse), et surtout l'accès aux services et aux aides nécessaires (du planning hebdomadaire visuel, au savs, ou au foyer ...)

4) S'il vous arrive de vous sentir avantagé par votre autisme, dans quelle(s) situation(s) cela peut-il se produire ?

la capacité de concentration et de focus sur les intérêts spécifiques ... qui si ils sont dirigés peuvent devenir un boulot (enfin, j'espere :lol: ) et offre à l'entreprise un salarié, certes spécial, mais hautement performant, loyal, et rigoureux.

5) Avez-vous connaissance des différents types d'autisme qui étaient répertoriés par la quatrième édition du DSM (syndrome d'Asperger, TED non spécifiés...) ? Que pensez-vous d'une telle catégorisation de l'autisme ? Vous-y reconnaissez-vous ?

pas vraiment : parfois j'utilise le couple "autiste asperger". je ne vois pas comment au sein d'une meme pathologie, on peux diviser des catégories d'individus.

6) La cinquième édition du DSM a abandonné ces différentes catégories pour ne plus garder que celle de "trouble du spectre de l'autisme", qu'en pensez-vous ?

je suis très heureux qu'il n'existe plus que "TSA". je ne vois pas pourquoi on classe un autiste non-verbal intelligent dans une autre classe qu'un autiste verbal intelligent.

<troll>il y aussi le fait que le terme asperger est mal utilisé, il y a des gens non diagnostiqué qui s'en serve comme excuse ... alors que bon, non, ils sont pas autistes, in fine, peut etre juste intolérant, pédant ou ... déprimé. depuis que le SA est connu du gd public, et comme ses 'caractéristiques' peuvent être lu comme un horoscope dans lequel n'importe qui peut se retrouver, il a perdu ses valeurs "sérieuse, nosologique et médicale", si l'on peut dire.</troll>

7) Le concept de neurodiversité qui consiste à considérer l'autisme non comme une maladie ou un handicap mais comme un fonctionnement neurologique différent fait l'objet d'une forte mobilisation de la part de certaines personnes autistes, notamment dans les pays anglo-saxons. Vous sentez-vous proche d'une telle vision de l'autisme ?

se retrouver avec gens partageant les memes difficultés est tjs positif. ça créé du liens et un groupe. et c'est pratique d'avoir un nom à poser sur ce groupe (NAT), en comparaison à l'autre groupe majoritaire (NT).

je crois qu'il a aussi une notion de liberté à gagner : foutez nous la paix, on est neuroatypiques, on ne réponds pas tout à fait aux normes sociales comme vous.

par exemple : "toi, le NT, tu ronges les ongles ; moi, le NAT, je me prefere me balancer, mais tu veux m'en empêcher : et alors ? c'est pareil en fait, fout moi la paix !"

Apres comme partout j'ai vu des exagérations (les NAT sont l'avenir de l'humanité, des xmen ... et autres c0nner1es délirantes), comme il doit en exister dans d'autres groupes minoritaires.

---
voilà ! bon, sinon, ce sont des questions trop dures. difficile de répondre.
TSA :mryellow:
Cora
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Re: Questionnaire à propos de l'autisme

Message par Cora »

Merci à vous pour vos messages de bienvenue !
Jean a écrit :Bonjour et bienvenue.

Tes questions sont très intéressantes, mais elles supposent un niveau d’abstraction et de réflexion assez élevé.
Je suis bien consciente du fait que mes questions sont un peu abstraites et larges. Au départ j'ai tenté de faire un questionnaire avec une majorité de questions fermées pour qu'il soit plus facile d'y répondre mais cela réduisait vraiment les possibilités malheureusement. Cela dit, j'ai remarqué que les personnes à qui je proposent mon questionnaire commencent souvent par me dire que les questions sont trop difficiles pour finir par me donner des réponses très intéressantes, alors je me dis que le jeu en vaut peut être la chandelle.

D'ailleurs merci à Benoit, stef_asper et had pour avoir accorder un peu de leur temps à mes questions, je me permets de m'attarder sur certaines de vos réponses. (je me permets de vous tutoyer, je ne sais pas vraiment ce qui est d'usage sur le forum alors n'hésitez pas à me le dire si cela vous dérange)
Benoit a écrit :7. le concept de neurodiversité est également à mon avis une façon de s'affirmer face à tous ces gens qui veulent soigner l'autisme et gommer la différence. Je ne le vois absolument pas comme contradictoire avec la définition sociale du handicap, mais plutôt comme un stade ultime de ce modèle
Ta réponse me permet de me rendre compte que ma septième question est mal formulée. En effet l'idée de neurodiversité n'est pas incompatible avec la définition sociale du handicap. En fait dans ma question je pensais au handicap dans son sens "biomédical" si je puis dire, dans le sens où la neurodiversité défend, il me semble, le fait que l'autisme n'est pas un handicap en lui même et de son propre fait mais seulement dans sa rencontre avec un environnement construit par et pour des non-autistes. Mais effectivement tel quel ce n'est pas clair.
had a écrit :2) L'autisme est aujourd'hui majoritairement reconnu comme un handicap. Qu'en pensez-vous ? Vous considérez-vous comme une personne en situation de handicap ?

oui, car l'autisme pose des limites, au delà desquelles il faut des aides techniques ou humaines (là où les NT n'en n'ont pas besoin).

D'ailleurs si l'autisme n'était qu'une extravagance (une façon d'être particulière), ça ne pourrait être un handicap ; juste une variation de la normalité, non ?
Ta deuxième phrase me fait penser à une approche de l'autisme qu'on appelle dimensionnelle, peut-être que certains d'entre vous la connaisse, elle consiste justement à dire que le fonctionnement autistique et le fonctionnement ordinaire ne serait en fait que les extrémités d'un même continuum le long duquel se distribueraient toutes les nuances cognitives (par exemple, on dit souvent que les personnes autistes ont tendance à traiter l'information de manière plutôt locale tandis que les personnes non autistes privilégieraient davantage un traitement global, donc si on adhère à l'approche dimensionnelle il y aurait à une extrémité du continuum le traitement global, à l'autre le traitement local, et entre les deux toutes les nuances possibles). Je ne sais pas si mon explication est très claire mais ça représente en quelque sorte l'approche qui va au bout de l'idée selon laquelle l'autisme est une différence. En fait, j'en parle parce que je trouve cette approche assez intéressante, elle me donne l'impression de pouvoir considérer l'autisme comme une différence plutôt que comme une déficience tout en n'étant pas incompatible avec l'idée que le fait d'être différent de la majorité peut tout de même nécessiter un soutien, des aides spécifiques. J'arrête là mon laïus bien pénible, mais donc had, tu serais plutôt contre ce genre d'approche si j'ai bien compris ta réponse ?
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Jean
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Re: Questionnaire à propos de l'autisme

Message par Jean »

Si le fonctionnement autistique et le fonctionnement ordinaire sont des fonctionnements cognitifs dans un continuum (sans saut qualitatif), le handicap provient d'abord du fait que le fonctionnement autistique est très nettement minoritaire.

Un trait autistique se retrouve dans 30% de la population. Le fonctionnement autistique concernerait 1 ou 0,6% de la population : c'est l'accumulation de traits minoritaires qui conduit au handicap.
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Syberia
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Re: Questionnaire à propos de l'autisme

Message par Syberia »

Je précise que je n'ai pas reçu de diagnostic officiel d'autisme (en attente de rendez-vous dans un CRA).
1) Si on vous demandait d'expliquer ce qu'est l'autisme que diriez-vous ?
A mon sens l'autisme est une particularité neurobiologique qui s'explique par une variation de l'état initial (ce que l'on décrit communément par le concept de normalité) et qui a pour résultante un comportement « alternatif » à cette norme et qui a pour effet principal une altération des interactions sociales.
2) L'autisme est aujourd'hui majoritairement reconnu comme un handicap. Qu'en pensez-vous ? Vous considérez-vous comme une personne en situation de handicap ?
Il me semble que de nos jours le handicap (mental/social/physique) est considéré comme un manque fondamental et préjudiciable à une personne qui en est porteur. Toutefois il me semble que cette vision est erronée et que les difficultés que peuvent ressentir une personne qui ne rentre pas dans le concept de « normalité » ne doivent pas être perçues comme une déficience quelconque mais comme une particularité qui peut amener à des difficultés dans un environnement qui a été conçu par/pour et autour de ce fameux concept. Le handicap n'est alors que le facteur visible d'un grave manquement d'empathie (que l'on reproche, ironiquement, aux personnes avec autisme) de la part de cette « normalité » qui est incapable de prendre en compte des variations autour de son propre mode de fonctionnement. En outre je ne pense pas que l'on puisse se sentir handicapé dans son propre environnement, mais c'est le regard d'autrui qui « fait » le handicap.
3) S'il vous arrive de vous sentir handicapé par votre autisme, dans quelle(s) situation(s) cela peut-il se produire ? Que pourrait-on faire selon vous pour y remédier ?
J'aurai tendance à dire que mes difficultés n'apparaissent que lorsque je suis confrontée à autrui. Seule je suis en parfaite adéquation avec moi-même et tout se passe comme dans le meilleur des mondes, toutefois le simple fait de laisser entrer un corps étranger dans cette osmose trouble le mélange et le rend opaque. Quand je connais bien la personne qui représente ce corps étranger alors la solution se clarifie relativement vite – mais elle ne sera jamais aussi claire que seule ; s'il s'agit d'un nouvel individu alors il me faudra plusieurs minutes (voir heures) après la fin de l'interaction avant de revenir à mon état initial. Je ne pense pas qu'il existe un remède à proprement parlé, mais de petits ajustements à faire comme s'il fallait régler le thermostat à chaque nouvelle étape de la communication.
4) S'il vous arrive de vous sentir avantagé par votre autisme, dans quelle(s) situation(s) cela peut-il se produire ?
Ne sachant pas ce qui peut se passer dans la tête des autres – instinctivement j'aurais tendance à croire que tous les êtres humains ont le même mode de pensée que le mien – je ne peux affirmer qu'il existe un réel avantage ou non. J'ai la chance de retenir les informations, qui m'intéressent ou qui me sont utiles, assez vite et d'être très à l'aise dans les tâches que les neurotypiques ont tendance à trouver routinière et inintéressante (comme concevoir des bibliographies, par exemple). Pour donner une image, on m'a fait récemment remarquée que la plupart des personnes pensent en « tronc d'arbre » : c'est-à-dire de façon globale et linéaire, alors que je fonctionne comme les branches d'un arbre : à savoir de façon détaillée et entropique. Je suppose que ce fonctionnement particulier pourrait, dans des situations spécifiques, me permettre d'en tirer avantage.
5) Avez-vous connaissance des différents types d'autisme qui étaient répertoriés par la quatrième édition du DSM (syndrome d'Asperger, TED non spécifiés...) ? Que pensez-vous d'une telle catégorisation de l'autisme ? Vous-y reconnaissez-vous ?
Mes connaissances sur ce point sont mineures, néanmoins je pense qu'il est important de catégoriser de façon claire les différents aspects de l'autisme, non pas pour s'enfermer dans un case comme on l'entend souvent, mais afin de pouvoir se définir soi-même. Je suis une véritable éponge (au sens figuré bien entendu), en présence d'autrui, et si je ne fais pas attention, mes émotions ont tendance à se calquer sur les siennes – qui ne sont pas toujours les bonnes d'ailleurs – et je confonds les deux. Je n'ai pas de barrière entre mon monde intérieur et le monde extérieur, et savoir écrit noir sur blanc – par l'intermédiaire du diagnostic – ce que je suis, sans l'intervention d'un corps extérieur, me rassure et me permet de ne pas me faire « dévorer » (il y a un peu de sens littéral dedans) par l'Autre. C'est pourquoi des portes entre les différents types d'autisme me semblent importantes (d'autant que ces portes ont des serrures et des clefs).
6) La cinquième édition du DSM a abandonné ces différentes catégories pour ne plus garder que celle de "trouble du spectre de l'autisme", qu'en pensez-vous ?
Dire que l'autisme peut être profond, moyen ou léger me semble inepte. Il en s'agit pas des stades d'un coma, on ne s'enfonce pas plus dans l'autisme que l'on ne s'en réveil. Être une personne avec autisme suggère qu'il fait partie de nous mais que l'on ne se résume pas à ça. Je crois que dans cette nouvelle classification il y a une sorte d'idée de progression et de régression qui me gène. Pour moi il s'agit d'un état initial avec des spécificités propres et qui peuvent évoluer au cours de la vie, mais ne retire en rien à ce que l'on est profondément. Si l'on prend l'autisme de haut niveau et le syndrome d'asperger, il me semble que l'une des principales caractéristiques est le langage acquis à un moment plus ou moins précis de l'existence. Si l'enfant parle depuis qu'il a deux ans (témoignage des parents, de l'enseignant et de l'entourage, par exemple) alors il y a très peu de chance que dix ans plus tard l'on s'aperçoit que l'enfant a commencer à communiquer à six ans. Ce genre de fait ne varie pas et la notion de degrés perd alors toute sa légitimité.
7) Le concept de neurodiversité qui consiste à considérer l'autisme non comme une maladie ou un handicap mais comme un fonctionnement neurologique différent fait l'objet d'une forte mobilisation de la part de certaines personnes autistes, notamment dans les pays anglo-saxons. Vous sentez-vous proche d'une telle vision de l'autisme ?
Oui, sans aucun doute. On reproche souvent aux personnes avec autisme de s'installer dans leur routine et leur vision étriquée du monde. Toutefois peu de gens s'offusquent du matraquage permanent que font les médias, les politiques, les professionnels de la santé (notamment psychiatrique) autour du concept de « normalité ». Si un adolescent joue aux jeux vidéos en ligne une grande partie de la journée et de la nuit alors il sera considéré comme déviant et devra être reconduit dans « le droit chemin ». Personne n'aura eu l'idée de tirer avantage de cette immersion constante dans un monde virtuel et de valoriser cet adolescent. Les gens penseront qu'il faudrait mieux pour lui qu'il sorte de sa chambre et qu'il se fasse de « vrais » amis – comprendre qu'il peut toucher (et accessoirement coucher) puis aller picoler dans un bar avec eux. Je ne suis pas certaine que les grandes avancées de l'humanité se soient faites dans ces conditions (ou alors E=mc² est une fameuse recette de cocktail jusqu'alors inédite). Dans ce cas quelle est la vision étriquée ? qui sont les autistes ? Et si on laissait les gens faire les choses pour lesquelles ils sont compétents, tranquillement et simplement...
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Cora
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Re: Questionnaire à propos de l'autisme

Message par Cora »

Jean a écrit :Si le fonctionnement autistique et le fonctionnement ordinaire sont des fonctionnements cognitifs dans un continuum (sans saut qualitatif), le handicap provient d'abord du fait que le fonctionnement autistique est très nettement minoritaire.

Un trait autistique se retrouve dans 30% de la population. Le fonctionnement autistique concernerait 1 ou 0,6% de la population : c'est l'accumulation de traits minoritaires qui conduit au handicap.
J'ai bien compris que tu parles de l'approche dimensionnelle que l'on a abordé précédemment, en revanche je n'arrive pas à déterminer si tes arguments sont plutôt en faveur de cette approche ou au contraire en opposition. :)

Syberia : Merci beaucoup pour tes réponses qui sont très intéressantes.
Vous m'aidez beaucoup en me donnant vos avis, c'est un plaisir de vous lire. J'ai été particulièrement bien inspirée le jour où j'ai décidé de venir poster mon questionnaire ici :D
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Jean
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Re: Questionnaire à propos de l'autisme

Message par Jean »

Cora a écrit :
Jean a écrit :Si le fonctionnement autistique et le fonctionnement ordinaire sont des fonctionnements cognitifs dans un continuum (sans saut qualitatif), le handicap provient d'abord du fait que le fonctionnement autistique est très nettement minoritaire.

Un trait autistique se retrouve dans 30% de la population. Le fonctionnement autistique concernerait 1 ou 0,6% de la population : c'est l'accumulation de traits minoritaires qui conduit au handicap.
J'ai bien compris que tu parles de l'approche dimensionnelle que l'on a abordé précédemment, en revanche je n'arrive pas à déterminer si tes arguments sont plutôt en faveur de cette approche ou au contraire en opposition. :)
Je suis plutôt d'accord avec cette approche "dimensionnelle".

Mais en tenant compte que les aspects les plus handicapants peuvent provenir de la "comorbidité" - par exemple d'une déficience intellectuelle.

Il peut y avoir aussi un déficit de communication, mais qui m'apparaît surtout un handicap social : l'absence de techniques d'apprentissage de la communication à un âge précoce va rendre difficile le développement de l'autonomie.
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