[Pensée du jour] C'est quoi, être heureux?

[Faisceau Concentré]

Aujourd’hui, une personne de mon entourage proche m’a regardé, probablement dans les yeux (mais comme je ne regarde pas les gens dans les yeux il est difficile de l’affirmer) et m’a dit que j’étais une personne triste et malheureuse, incapable de se construire. Dans ces moments là, je réalise à quel point les gens qui m’entourent ne me connaissent pas. Je ne ressens ni tristesse, ni colère, ni souffrance face à cette déclaration et à ma grande surprise, même pas de déception.

Je crois que j’avais compris depuis longtemps que cette personne, avec qui j’ai énormément discuté dans ma jeunesse, n’était pas à même de comprendre. Et en fait, je sais que celle qui est triste et malheureuse c’est elle. Je crois qu’il est difficile pour elle d’accepter le fait que malgré mon anormalité, je puisse ne pas être aussi malheureuse qu’elle. Est-ce injuste que malgré toutes mes difficultés, auxquelles j’ai été confronté depuis l’enfance, faisant longtemps face dans la solitude et l’isolement à mes spécificités, que j’ai du apprendre à comprendre et gérer seule, je sois plus épanouie qu’elle ?

Je l’ignore.

Quand elle m’a demandé si j’étais alors gaie et heureuse, je lui ai répondu que je n’étais pas gaie, parce que ce n’était pas dans mon tempérament. Ayant compris qu’elle ne comprendrait pas, je n’ai pas ajouté que je n’étais pas heureuse non plus, mais que cela ne voulait pas dire que j’étais malheureuse.
En fait, je n’ai jamais été ni l’un ni l’autre. D’ailleurs, je crois que c’est parce que je n’aspire pas au bonheur que je n’ai jamais été malheureuse. Comment pourrais je l’être alors que des choses insignifiantes pour les autres, sont une source d’émerveillement perpétuelle pour moi et me rendent contente !

Il y a des moments dans me vie où je doute,c’est douloureux et difficile d’y faire face, mais même là, je ne suis pas malheureuse. Même là, je continue de m’émerveiller et surtout d’être comblée pas mon monde intérieur. Je crois que le malheur ne peut exister que lorsqu’on a plus rien auquel se raccrocher et pour ma part, j’ai toujours mon monde.
Quand je suis dans mon monde, je suis une éponge à sentiments, ceux de mes personnages, et je peux ainsi ressentir des choses que je ne peux ressentir par moi-même, y compris des souffrances qui englobent tout. Le vide, le rien. Le désespoir. Donc, j’ai sûrement pu expérimenter le fait d’être malheureuse par ce biais, ou tout au moins quelque chose qui s’en rapproche, et je suis certaine de ne jamais avoir ressentie ça par moi-même, dans le monde réel. Ou alors, pendant quelques heures tout au plus. Dans ce cas là, est encore du malheur ?

Si je n’arrive pas à gérer le réel, je vais dans mon monde. Dans mon monde je n’existe pas, donc je ne ressens pas, alors je n’ai pas d’angoisse. Et tout disparait. C’est pourquoi je crois que je n’éprouve pas de tristesse ou de malheur, mais seulement des angoisses. Par exemple, je pleure de colère, de frustrations mais jamais de tristesse dans ma vie quotidienne. A contrario, en bonne éponge, je pleure pour les personnages de mon monde et parfois pour ceux d’œuvres de fictions. Pourtant, dans ces cas là, je ne suis pas triste non plus.

Je comprends que les gens s’imaginent que ma situation fasse de moi une personne triste, parce que pour eux la solitude est une torture. Alors que pour moi elle est libératrice. Elle est indispensable à mon équilibre, si je veux pouvoir être avec d’autres à certains moments, j’ai besoin d’être seule à d’autres. Ma solitude n’est pas subie, elle est choisie. Et je ne suis jamais victime de l’ennuie, même lorsque les autres s’imaginent que je ne fait rien, je construis en réalité tout un univers, avec des personnalités unique et différentes. Je crée leur vies, je la vie à travers eux, j’expérimente et j’acquiers de l’expérience, seule, assise, en ayant l’air de ne rien faire.

Pourquoi serais-je malheureuse alors que dans ces moments là, je suis comblée ? A vrai dire, je plains ceux qui ne sont comblé que par des choses qui viennent de l’extérieur, parce qu’ils peuvent toujours le perdre, et alors, bien sur, ils sont malheureux. Tant que j’aurais mon monde intérieur, actif et fertile, je ne pourrais pas être malheureuse. Il est source de la force qui m’a permis de surmonter chacune des difficultés de mon existence et de me construire chaque jour, de me faire une place dans ce monde et d’être comblée par mon existence, peut importe les angoisses qui m’assaillent.

Est-ce que ça ne serais pas ça, être heureuse ?

[Mars]

Je crois que tu donnes toi-même la réponse à ta question. Je suis impressionnée par ce que tu écris et je crois y avoir trouvé des clés pour comprendre ma fille aspie.

[samoju]

A te lire il semble que ce soit le cas.
C'est plaisant à lire même pour quelqu'un qui n'est pas comme toi.
Et finalement ça me réjouit que ce genre d'écrits existent.

[Jonquille57]

Une très belle analyse du bonheur !
D'ailleurs, la notion même de bonheur est tellement personnelle qu'il est vraiment difficile d'en trouver une définition. Tu as trouvé la tienne.

[stef_asper]

Bonjour Faisceau Concentré,

Je me reconnais beaucoup dans ce que tu dis.

En fait, je n’ai jamais été ni l’un ni l’autre. D’ailleurs, je crois que c’est parce que je n’aspire pas au bonheur que je n’ai jamais été malheureuse.

Moi c'est pareil. Je n'aspire pas à la possession. Je suis rarement gai alors les gens pensent que je suis triste. Mais je ne suis pas triste. Je ne suis ni gai ni triste mais dans quelque chose de neutre, dans une sorte de serenité discrete. Je suis attentif à des petits choses. le printemps, les arbres, les insectes, les fleurs, alors c'est comme si le monde etait porteur d'une sorte d'enchantement. Mais que seul moi peut comprendre.

A contrario, en bonne éponge, je pleure pour les personnages de mon monde et parfois pour ceux d’œuvres de fictions. Pourtant, dans ces cas là, je ne suis pas triste non plus.

Moi aussi j'ai mon monde. Et dans mon monde il m'arrive de pleurer mais sans tristesse.
Juste parce que je trouve que les choses sont belles, dans mon monde. Alors sans raison, je pleure. Peut etre que pleurer est une facon de remercier, que ceci m'a été donné.

j’expérimente et j’acquiers de l’expérience, seule, assise, en ayant l’air de ne rien faire.

Moi aussi quand on me demande qu'est ce que j'ai fait de mon apres midi, de ma soirée, je repond rien, alors les gens pensent que je suis deprimé, vide, .... alors que rien c'est pas rien. Rien, c'est se mettre à l'ecoute de quelque chose de l'ordre d'une inspiration.

[Magus]

Par exemple, je pleure de colère, de frustrations mais jamais de tristesse dans ma vie quotidienne. A contrario, en bonne éponge, je pleure pour les personnages de mon monde et parfois pour ceux d’œuvres de fictions. Pourtant, dans ces cas là, je ne suis pas triste non plus.

Bonjour

Tu parles des personnages de tes mondes, tu inventes des univers ? (je fais ça aussi, j'en suis venu à écrire des romans, scenarii et nouvelles du coup)
As-tu une activité créative?

Sur le bonheur, c'est plus compliqué. Comme toi j'ai besoin de solitude parfois mais quand la solitude est forcée ça peut devenir une véritable souffrance pour moi. Dur d’être rejeté, mis à l'écart parce que je suis "différent".
Après je ne suis pas malheureux, je ne suis pas heureux non plus mais j'aimerais bien l'être. Je ne suis pas gai car rien ne pousse à l'être mais la situation pourrait être pire d'un autre côté.

J'ai quand même l'impression qu'il me manque quelque chose pour être complet!

[freeshost]

De manière globale, je dirais que chaque personne est libre d'être elle-même, de développer le sens qu'elle veut de la vie, du monde, du bonheur, de la liberté, etc. D'où, pour moi, le fait que la liberté est un pilier de l'éthique de la diversité, accepter l'autre être tel qu'il est, qu'il me soit ressemblant ou dissemblant.

D'un autre point de vue que j'ai développé récemment : la spéculation (pari sur l'avenir) peut être positive - promesses - ou négative - menaces, ce qui crée respectivement des besoins et des peurs. L'économie étant l'étude des biens et des besoins, à la base - et non de la monnaie en elle-même - diverses études ont été faites. Par exemple, dans la pyramide de Maslow, rien ne nous oblige à aller tout en haut, à nous créer toujours plus de besoins. Plus tu as faim, plus tu restes sur ta faim. En même temps, quand nous sommes dans la contrainte budgétaire (se serrer la ceinture), nous devenons plus prompts que lesdits "riches" avec leurs "problèmes de riches". D'un autre côté, il est tout aussi légitime de prendre le risque de la "souffrance" ("Je le regretterai toute ma vie si je ne le tente pas maintenant.").

En bref, ne pas prendre son cas pour une généralité, bien que ça puisse paraître plus simple de concevoir une société homogène (tous le même mode de vie, de pensée, de recherche, etc.).

La solitude me semble être un moment de repos. On sait que les temps de pause sont bénéfiques. Quand tu as des contacts bien forts toute la journée, t'es rendu fatigué, même pour une personne qui a l'habitude (les enseignants, par exemple).

Pour ma part, je ne me crée pas des faux personnages (je ne suis pas vraiment orienté fiction et louper un film "must" ne me dérange pas... d'ailleurs, pour diverses raisons, ça fait des années que je n'ai pas regardé de télévision, que je ne suis pas allé au cinéma), mais je m'amuse à observer le monde, découvrir et comprendre comment nous fonctionnons et nous comportons, d'où ma fascination pour les sciences du comportement et du langage, et les sciences en général. Parfois, le bonheur provisoire, c'est rester emmitouflé dans le duvet. (faut bien se lever toutefois pour aller préparer la salade)

Il m'arrive de pleurer en lisant les pires mauvaises nouvelles dans le journal (attentats de Madrid, tsunami en Asie, ou Lac-Mégantic plus récemment), mais je suis seul dans mes lectures. Si j'étais avec des personnes aux alentours, je me retiendrais, ou arrêterais ma lecture.

[Tugdual]

Globalement, je ne suis ni heureux, ni malheureux.

Ceci dit, je passe plus ou moins régulièrement
par des phases où je me sens heureux, et tout
autant par des phases où je me sens malheureux.
C'est cette instabilité qui est désagréable ...

Mais je travaille à privilégier les contextes
qui ont tendance à me rendre heureux ...

ant que j’aurais mon monde intérieur, actif et fertile, je ne pourrais pas être malheureuse. Il est source de la force qui m’a permis de surmonter chacune des difficultés de mon existence et de me construire chaque jour, de me faire une place dans ce monde et d’être comblée par mon existence, peut importe les angoisses qui m’assaillent.

Est-ce ça ne serais pas ça, être heureuse ?

Il va falloir que je réfléchisse à ça.
Je n'avais jamais considéré mon monde intérieur
comme une force, mais comme un calmant ...