Toutes discussions concernant l'autisme et le syndrome d'Asperger, leurs définitions, les méthodes de diagnostic, l'état de la recherche, les nouveautés, etc.
Lu vendredi matin à la bibliothèque universitaire dans la revue : Les Grands dossiers de Sciences Humaines :
Marketing et conflits d’intérêt
Influencées par la publicité pour les méthodes comportementales présentées comme scientifiquement prouvées alors qu’elles sont fondées uniquement sur une présomption scientifique (2), de nombreuses associations de parents militent pour imposer ces approches. Le marché privé de l’autisme se développe : une aubaine pour les psychologues comportementalistes qui, par l’intermédiaire des associations, s’assurent une clientèle, mais aussi pour les établissements privés de gestion qui étendent leur influence. Certains parents intègrent les conseils d’administration d’associations pour asseoir leur crédibilité et créer leur propre structure. D’autres, anciens présidents ou membres d’associations de parents, fondent leur société de gestion d’établissements. Certains même sont à l’origine d’une réclamation collective au niveau de l’Europe pour critiquer le système public français. Dans ce contexte, on comprend mieux le discrédit jeté sur les structures publiques même si certaines sont reconnues de longue date et aident les familles et leurs enfants sans que les parents soient obligés de dépenser des fortunes, comme c’est le cas dans le privé pour les méthodes comportementales intensives. Pourtant, si ces dernières donnent quelques résultats positifs avec certains enfants, elles peuvent aussi engendrer une aggravation de symptômes dans certains cas (3).
Ce passage m'a énervée, voir même choquée, au plus haut point ; comme si les parents étaient une sorte de monstre ténébreux près à sacrifier son(ses) enfant(s) sur l'autel damné des TCC. Je trouve cet article très culpabilisant.
Effectivement formulé de cette manière et en prenant base sur le contexte actuel,cet article est culpabilisant.
Par contre si on a un regard au sujet de l'effet marketing , je me souviens avoir vu un reportage sur un des plus grand congrès autisme aux états unis et avoir été choquée par le coté " foire commerciale ".
Nathalie Leca , maman de 3 phénomènes et passionnée
Dans les établissements qui adoptent une approche psychodynamique, j'ai pu constater que la plupart des parents dont l'enfant était pris en charge n'avaient pas reçu de diagnostic. L'autisme était conçu par les éducateurs, psychiatres et psychologues comme une psychose très grave, qui laissait peu de chances d'évolution. Le terme d'autisme était d'ailleurs assez rarement employé, comme celui de handicap. Les psychiatres sont hostiles à l'usage de ce terme qui symbolise, pour eux, l'inéluctable. Au sein de l'équipe, les connaissances sur l'autisme paraissaient très fragmentaires et le diagnostic n'était souvent pas évoqué.
- les professionnels disent qu'ils se sont ouverts à d'autres approches de l'autisme, mais ils ne citent et ne connaissent que les théoriciens psychanalytiques de l'autisme. Ils ont été formés avec çà, et ne connaissent pas réellement les autres approches.
- ils affirment travailler en lien - et non en opposition - avec les parents. Mais ils n'acceptent que les parents qui se plient à leurs conceptions.
- ils conseillent aux parents de niveau socio-culturel élevé de mettre leurs enfants dans des structures privées. Cette pratique sélective a couramment pour but de laisser des places à l'hôpital de jour pour les enfants dont les parents sont d'un niveau moins élevé : en effet, en l'absence d'hôpital de jour, ces parents n'auraient pas les moyens d'une prise en charge.
- cette sélection par les professionnels se double d'une sélection par les parents qui ont accès à d'autres sources d'information. Ces parents préfèrent fuir l'hôpital de jour et chercher d'autres prises en charge.
- les professionnels continuent à avoir un pronostic pessimiste de l'avenir de l'enfant. Ils considèrent donc que l'attention doit porter sur les parents et la fratrie. Ils doivent être là quand les parents auront fait leur "deuil" de l'avenir de l'enfant...
- au lieu de porter sur le comportement de l'enfant, le travail avec les parents consistent à rechercher dans le passé des parents.
- dans les structures utilisant des méthodes comportementales, au contraire, c'est le comportement de l'enfant qui fait l'objet d'une attention et de la collaboration avec les parents.
- ces structures, cependant, peuvent aussi n'accepter que les parents qui se plient à leurs conceptions.
L'article est très sévère sur le danger du privé, compte tenu de ce qui se passe dans le public. Cela me semble bien fantasmatique (23 structures expérimentales dans le cadre du 2ème plan autisme - et 430 hôpitaux de jour).
Je ne garantis pas les chiffres, mais les proportions doivent être correctes.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
J'ai posté ceci ( à 2 ou 3 mots près) dans les commentaires, mais je ne l'ai pas encore vu s'afficher.
Si les parents se mobilisent contre une approche psychanalytique de l'autisme, c'est que la France a 40 ans de retard pour la prise en charge de l'autisme. De nombreux psychiatres d'obédience psychanalytique s’appuient sur des croyances. Les enfants autistes seraient sujets à des angoisses dites archaïques telles que de se démanteler, de tomber dans un puits sans fond ou même de fuir comme une passoire.
Des soins destinés à aider l’enfant à « jouer et déjouer » ces angoisses sont pratiqués dans de nombreux IME et hôpitaux de jour. Parmi eux, le packing, qui n’a jamais été évalué en 30 ans de pratique, est considéré comme de la maltraitance par la communauté internationale.
Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry Volume 50,
Issue 2, Pages 101-204 (February 2011)
Rien d'étonnant donc à ce que Darrou & al aient trouvé que l'âge de développement de ces enfants (mesuré par la Vineland Adaptive Behavior Scale, échelles communication et daily-living skills) avait progressé de 12 à 13 mois en moyenne sur une période de 40 mois.
Darrou, C., Pry, R., Pernon, E., Michelon, C., Aussilloux, C., & Baghdadli, A. (2010). Outcome of young children with autism- Does the amount of intervention influence developmental trajectories?. Autism, 14(6), 663-677. Ainsi donc, un enfant autiste pris en charge - à raison de 30 heures par semaine dans un hôpital de jour - prend un retard de 8 mois par an.
Dans ces condition, c'est par nécessité et non par esprit mercantile que les parents créent leurs propres structure où ils utilisent les méthodes préconisées par la HAS.
Ce qu'il faut, ce n'est pas culpabiliser les parents mais faire évoluer les pratiques dans les hôpitaux de jour.
C'est très décevant de la part de Brigitte Chamak qui, dans un article précédent, avait une vision beaucoup moins partisane:
L’autisme dans un service de pédopsychiatrie
Les relations parents/professionnels
Brigitte Chamak
Revue "Ethnologie française" 2009 n°3 - Juillet 2009
Ils ont mis ma version de ce matin, quelque peu changée avec des références sur les angoisses.
La passoire n'a pas du passer.
Si les parents se mobilisent contre une approche psychanalytique de l'autisme, c'est que le bilan de cette approche est catastrophique. En effet, de nombreux psychiatres d'obédience psychanalytique s’appuient sur des croyances. Les enfants autistes seraient sujets à de supposées angoisses dites archaïques. Ils auraient des sensations de chute ou de liquéfaction. Ils auraient peur de tomber de l’autre côté des yeux ou de la tête d’autrui. Ils pourraient vivre leur corps comme une somme de morceaux épars. http://old.psynem.org/Cippa/Ressources/cippa.pdf dossier CIPPA novembre 2011
Dans les commentaires, de nombreuses réponses de parents puis 3 ou 4 parents satisfaits de la psychanalyse, enfin une réponse de Brigitte chamak
Mon intention n’était bien évidemment pas de nier les difficultés que les parents rencontrent ni les efforts considérables qu’ils doivent fournir pour aider leurs enfants autistes mais de questionner la volonté de certains représentants d’associations d’imposer une approche à l’exclusion de toute autre, alors même que cette méthode n’est préconisée que pour les jeunes enfants. En l’absence d’alternative, faire appel aux méthodes éducatives et comportementales intensives est bien compréhensible et les outils de communication sont de première importance (encore faut-il les adapter au mode de fonctionnement de chaque personne). Pour avoir recueilli de nombreux témoignages de parents en France et au Québec, j’ai pu constater combien ils étaient malmenés et peu aidés, quel que soit le pays considéré et indépendamment des orientations théoriques des professionnels.
Au Canada où les méthodes comportementales intensives sont pratiquées depuis plus de dix ans, les professionnels des centres de réadaptation constatent une perte des acquis, des profils très anxieux et même suicidaires chez les adolescents et les adultes qui ont expérimenté ces méthodes. Pouvons-nous faire comme si ces résultats n’existaient pas ?
La focalisation sur les méthodes comportementales intensives, présentées parfois comme des méthodes miracles, empêche de concevoir d’autres approches plus intégratives qui n’ont rien à voir ni avec les méthodes comportementales ni avec la psychanalyse, et qui ne s’adresseraient pas qu’aux très jeunes enfants les moins sévèrement touchés. Non seulement les enfants, les adolescents et les adultes autistes sont capables d’apprendre et de comprendre le monde qui les entoure mais ils peuvent aussi se sentir bien. Le programme SACCADE, proposé par Brigitte Harrisson et Lise St-Charles donne des résultats très prometteurs. C’est une personne autiste qui l’a conçu, en collaboration avec une professionnelle qui a travaillé pendant 30 ans dans les centres de réadaptation au Québec. Toutes deux ont pu constater les dégâts causés à long terme par les méthodes comportementales intensives qui coûtent pourtant très chères. Toutes deux aident les parents et les professionnels en leur expliquant le fonctionnement interne des enfants, des adolescents et des adultes autistes et en leur proposant des outils concrets de communication. Ce programme, peu coûteux et facilement généralisable, est très peu connu en France et cela fait aussi partie de mon travail de faire connaître les approches innovantes.
Si certains pensent que critiquer les méthodes comportementales intensives est hérétique et implique la défense de la psychanalyse et croient que la majorité qui s’exprime a toujours raison, j’ai certainement tort, tort de penser qu’une personne humaine mérite mieux que des approches comportementales intensives comme seul mode d’apprentissage.
Pour rassurer ceux qui réclament les références et les articles scientifiques sur lesquels sont fondées mes analyses, je vous renvoie au lien : http://www.cermes3.fr/spip.php?article135 et je me ferais un plaisir de vous communiquer les articles qui peuvent vous intéresser. Je précise que je travaille depuis 2002 sur la question de l’autisme. Je me suis beaucoup intéressée aux transformations des représentations de l’autisme, aux témoignages de parents mais aussi à ceux des personnes autistes et à leurs revendications, bien différentes de celles des associations de parents.
Pour le coup, c'est beaucoup plus clair, voire défendable, même si ça peut prêter à confusion dans un contexte français. Mais cela ne suffira pas à réparer les inexactitudes dans l'article lui-même...
nicolew a écrit :[...] enfin une réponse de Brigitte chamak
[...] Pour avoir recueilli de nombreux témoignages de parents en France et au Québec, j’ai pu constater combien ils étaient malmenés et peu aidés, quel que soit le pays considéré et indépendamment des orientations théoriques des professionnels.
Au Canada où les méthodes comportementales intensives sont pratiquées depuis plus de dix ans, les professionnels des centres de réadaptation constatent une perte des acquis, des profils très anxieux et même suicidaires chez les adolescents et les adultes qui ont expérimenté ces méthodes. Pouvons-nous faire comme si ces résultats n’existaient pas ?
Y-a-t-il des études précises sur ces points ?
De même, trouve-t-on des études sérieuses
sur ce programme SACCADE ?
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
C'est effectivement étonnant quand on lit le rapport de la HAS : le degré de preuves de TEACH, du PECS ... est insuffisant, alors que ce sont des méthodes qui recueillent un consensus international. Il en est de même de la scolarisation.
Pour ce qui concerne l'ABA, le degré de preuves est plus élevé, sans être pour autant indiscutable. L'utilité de l’approche est également acceptée, mais son intensité, son exclusivité, ses effets à long terme sont discutés. Et une approche qui fonctionne pour la majorité des enfants "testés" - considérés plutôt de "bon niveau" - ne résoud pas la question pour les enfants pour qui çà ne marche pas.
Par contre, bien sûr, pour ce qui concerne la psychanalyse, les pratiques des hôpitaux de jour, c'est le désert absolu. Strictement aucune étude positive.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans