vision des détails ou image globale, ok mais?

[nandeyannen]

coucou les gens!

après une entrevue avec la psy qui m'a fait mon certificat médical et tout, j'ai un truc que j'ai un grand mal à piger qui me reste dans la tête alors je me suis dit que je devrais vous le soumettre ici:

Il se dit donc que les autistes, et y compris moi en particulier, auraient tendance à voir plutôt les détails que "l'image globale"
comme une observation plutôt façon vision tunnel

jusque là ok , mais là ou je bloque c'est sur : comment avoir connaissance d'une image globale si justement j'ai tendance à pas la voir? et de là encore plus incongru: avoir tellement conscience d'une globalité donnée au point d'être capable de dire que la majorité de la population la perçoit plutôt elle que les détails qui la constitue....

Je me retrouve donc à essayer d'assimiler un concept vraiment flou et abstrait, "vous voyez plutôt les détails que la globalité", et j'arrive pas trop à savoir quoi faire de cette affirmation, et surtout la façon dont on s'attend à ce que je m'en rende compte moi-même quotidiennement

"ça ne vous a jamais causé de problème de ne pas avoir appréhendé une situation globale plutôt que ses détails?" m'a-t-on demandé voyant mon air abasourdi

j'ai pas su répondre

si c'est arrivé, j'ai probablement mis ça sur le compte d'un autre détail que j'aurai raté, au pire, mais pas forcément sur le concept de globalité en lui-même quoi...

encore pire, un exemple qu'elle m'a donné pour comprendre c'est "par exemple dans un travail, les tâches individuelles qui le constituent , mais la globalité d'un travail, c'est ... le bénéfice utile à la fin du mois"
je sais pas si c'est un BON exemple parce que pour le coup oui c'est une "finalité" mais le rendement d'un travail donné c'est aussi un détail parmi d'autres, qui pèse peut-être plus lourd que plein d'autres, mais c'est pas non plus le seul qui soit potentiellement rédhibitoire par exemple


du coup, qu'est-ce que vous pensez de l'idée de globalité et de la façon qu'on aurait intérêt de la gérer?

[Deoxys]

Hello,

J'ai complètement ce souci-là !

Je l'expliquerais ainsi : pour moi une "globalité" est un ensemble de plein de petits détails. Je focalise automatiquement sur des points (physiques, mentaux) et il me faut reconstituer le tout comme une globalité — quand j'y arrive.
C'est ce qui fait que j'ai énormément de mal à synthétiser, que je donne énormément d'infos (en plus de compenser pour éviter les divers quiproquos voire incompréhensions complètes des autres que j'ai pu vivre auparavant).

Quant à la gestion... là c'est complexe et il n'y a pas une manière de faire précise qui convienne à tout le monde.. bien se connaître, se faire accompagner, déjà...

[piedsboueux]

Dans un journal: typique: ne pas lire les plus gros titres mais s'arrêter sur des titres fins ou des lignes de début de texte, ou encore la texture du papier ou la résolution d'image de la photo (trame d'imprimerie).

Dans une image: être plus sensible au grain et éléments de texture que les contours dans les grandes "lignes", plus sensibles aux artefacts de compression et à l'effet de détourage HDR (détails très difficiles à discerner par des non-experts.)

Audio: plus sensible aux éléments de détails, bruits insectes... qu'au contenu verbal de la conversation qu'on est censé comprendre dans une bande son

Personnellement: la pauvreté des éléments de décors, audio visuels, rend difficile à regarder ce type d'émission où "c'est l'histoire qui compte".

Audio, plus sensible à la texture du son qu'à la mélodie, plus sensible à des détails sonore qu'au texte chanté et la voix humaine (2 interprétation différente d'une même chanson deviennent trop différents pour sembler être la même musique). Je me souviens personnellement du disque de Jean Michel Jarre Équinox en HI-FI: une reproduction moins bien enregistrée privée de la richesse en aiguës la transformait trop, je ne la reconnaissais pas et pensais que c'était une autre version.

En général dans tout paysage: plus sensible au éléments non humains, et au bruits (la sphère sensorielle n'étant pas tournée vers le décodage d'informations liée à la communication verbale et non verbale, mais aux détails de la scène)

Etc

Raison à cela: le cerveau des autistes n'est "bien" câblé en reconnaissance de "forme" et la conscience a accès à des perceptions en pièces détachés moins globalisés et moins interprétée comme "un tout", ce qui est plus près d'une réalité mais mène à de la surcharge sensorielle.

Contre partie psychique: le mental cherche à compenser en cherchant des liens non évidents entre les éléments, d'où un manque de cohérence centrale et pensée arborescente avec difficulté de hiérarchisation des données.

En général, ce qui est perçu est moins filtré, moins décodé, plus fouillé et "fouillis" la perception est plus facilement saturée d'éléments se brouillant entre eux, d'où surcharge sensorielle,
devoir tout analyser pas à pas et tout séquencer pas à pas, quitte à monter des routines pour fonctionner dans un tel environnement, en mode "pas à pas" imposant alors de reprendre des éléments de routine des le début si la séquence a été interrompue.

Des séquences peuvent apparaître pour des choses relativement simples qui nécessitent une successions d'actions: marcher quelques pas, sortir ces clefs, enfiler les clefs dans la serrure, déverrouiller... Aussi bizarre que ça puisse paraître, une distraction une surcharge sensorielle peu imposer de tout reprendre des le début pour passer à "la suite".

Problème que n'ont pas les neurotypiques, ils peuvent reprendre à la suite d'où il ont été interrompu et ils n'ont même pas conscience de suivre "une séquence"

Pour l'usage de logiciels une simple mise à jour brise les routines d'exploitation d'ergonomie qui demandent pour redevenir fonctionnelles un réapprentissage bien plus lourd chez l'autiste...
Tout cela tient à une mémoire tampon qui est moins performante obligeant à compenser par une mémorisation à long terme, ce qui demande "un apprentissage" plus lourd, mais explique aussi la "facilité" qu'ont les autistes à mémoriser des grosses listes de chiffres.

Mais fonctionner ainsi est épuisant, d'où la fatigabilité plus grande des autistes et leur difficulté d'adaptation et le besoin de vie routinière (changer d'habitude représente réajuster plus de séquences "pas à pas" pour n'importe quoi)

[Kumi_44]

Je verrai la notion de globalité / détails comme un puzzle.
Même s'il n'y a pas toutes les pièces du puzzle qui sont assemblées, les gens peuvent créer une image globale et se passer du reste des pièces.
Nous on voit par petites pièces et s'il n'y a pas toutes les pièces assemblées, des informations nous manquent pour avoir la globalité de l'image. Il n'est pas naturel d'avoir une globalité des informations. Ce qui rend l'adaptation très lourde et épuisante.

Il y a un test que j'avais fait où il fallait dessiner une figure avec des géométries différentes. J'ai dessiné d'abord les détails pour après créer le global alors qu'à l'inverse, les gens vont dessiner le plus gros et après les détails selon la psychomotricienne.

Il est normal de ne pas comprendre cette notion car pour nous, c'est normal ! Mais les exemples du quotidien parlé du point de vue du professionnel de santé et de toi montre ce décalage et cette vision différente du monde. Mon orthophoniste m'apprend toujours beaucoup là dessus.

Un exemple très récent : j'ai une demande administrative à faire. A l'issue du rendez-vous, je pose des questions très précises. On me répond à côté en me disant que de toute façon, je n'ai pas besoin de le savoir mais d'attendre la réponse. Ça m'a fait vriller.
Aussi un rdv téléphonique avec des questions très générales. Je ne sais pas vraiment que répondre et je demande des précisions. Toujours la même question vague ! Voilà une situation de décalage difficile à faire comprendre pour ceux qui n'ont pas le même fonctionnement que le mien.

[lucius]

Je vois les choses comme un mécanisme. Je regarde chaque composant en premier lieu, puis comment ils interagissent avec les autres composants avant de voir la finalité dont j'ai conscience néanmoins au début.

[hazufel]

Il s'agit d'un déficit de cohérence centrale, très souvent présent dans les TSA.
Voir : Ici

Et on n'y peut pas grand chose, comme Kumi_44 je demande toujours 1500 détails pour tout, et je ne sais pas faire autrement...
On peut se forcer de se le rappeler, mais ce n'est pas pour ça qu'on s'appropriera un autre mode de fonctionnement.

[nandeyannen]

bon ben je suis d'accord avec absolument out le monde ici, c'est intéressant à constater
effectivement tous les exemples cités ici me parlent, et pour autant je me suis jamais attardée sur la question de la comparaison avec la norme

je bascule entre:
"aaah oui, c'est vrai les gens ont plutôt tendance a voir ça comme ça"
et
"ah oui ? c'est vrai? les gens ont plutôt tendance à voir ça comme ça?"



du coup ça me rend encore plus perplexe qu'une psy spécialisée TSA me parle de la méta-cognition du truc comme si c'était forcément acquis pour moi

c'est un peu comme si un ophtalmo demandait à un daltonien s'il pensait suffisamment au spectre lumineux visible

[Ostara]

Il s'agit d'un déficit de cohérence centrale, très souvent présent dans les TSA.
Voir : Ici

Et on n'y peut pas grand chose, comme Kumi_44 je demande toujours 1500 détails pour tout, et je ne sais pas faire autrement...
On peut se forcer de se le rappeler, mais ce n'est pas pour ça qu'on s'appropriera un autre mode de fonctionnement.

J'ai les même caractéristiques,je demande beaucoup de détails,et la moindre explication pas assez détaillée peut me laisser paralysée sans savoir quoi faire,

De même que Deoxys,je ne sais absolument pas synthétiser et pour répondre a une question je peut passer par mille détours car dans l'explication je ne pourrai pas m'empêcher de détailler et d'expliquer,c'est comme si je mettais des tirets avec pleins de sous points détaillés et pleins de parenthèses,

Souvent on me dit mais synthétise va a l'essentiel bon sang,tu pars dans mille explications et descriptions pour une simple réponse à une question,

Dans les cours à l'école on me le disais déjà aussi que je ne savais pas synthétiser, résumé,

Bien souvent on finit par me stopper et me couper la parole (Je crois que ça énerve les gens), d'ailleurs a un moment au boulot a cause de ça j'avais un surnom moqueur : docteur maboule (ouais pas très finaud j'ai jamais trop compris le rapport d'ailleurs )

[nandeyannen]

je continue à réfléchir du coup et c'est marrant mais cette question qui m'était jamais vraiment centrale jusque là ressemble de plus en plus à un élément clé quelque part


on m'a beaucoup reproché de répondre "ça dépend" à plein de questions ou on espérait, je pense, un "oui comme ça et comme ça" ou "non j'ai aucune idée de comment"
au lieu de ça, quand on me demande "c'est possible de faire ça? " ma réponse tombe forcément dans du "ça dépend, il le faut pour quand? t'as un budget pour acheter des outils pour? il faut que ça tienne longtemps ou c'est juste pour faire joli? après tout ça je vois encore 3 façons d'envisager l'angle du truc"

et du coup, voir cette question du détail comme un déficit, c'est plutôt comme un problème de tri, et donc vu comme ça, on pourrait trouver une ressemblance avec la carence d'inhibition latente alors

mais surtout, une fois qu'on a cette information, on peut en faire quoi, dans la pratique?


... à part considérer que tout est détail d'autre chose et tout peut in-fine être considéré comme une infime anecdote au fin-fond d'un recoin sans importance d'un univers froid et indifférent