J'ai lu que les enfants neuroatypiques peuvent être l'objet de moqueries et d'une manière générale pour les personnes avec un fonctionnement autiste peuvent aussi l'être d'autant plus qu'ils seraient plus naïfs (incapacité à comprendre la mauvaise intension de l'autre en face?). Est-ce que cela a du sens?
Dans ma propre expérience passée, je me souviens que la maternelle et la primaire étaient correctes, bien que je me sente différente des autres, j'avais dans le ressenti que je pouvais être un peu comme leur "chef." J'étais d'après les adultes de l'époque très mature (je savais beaucoup de choses - qui n'étaient pas de mon âge d'après eux. Je rajoute que j'étais aussi élevée ainsi: les intérêts d'enfant n'étaient pas bienvenus, jouer, rire, faire du bruit, essayer et se tromper n'étaient pas valorisés et même dissuadés dans mon milieu familial. En toute franchise, j'ai longtemps eu l'impression d'avoir 70 ans dans le corps d'une personne de moins de 20 ans et attribué à cela particulièrement mes difficultés relationnelles avec les pairs de mon âge).
De même, je pense avoir été l'objet d'actions de mauvaise intention dès le collège, je me souviens clairement de critiques parce que je lisais davantage à la récré sur un banc que je n'appréciais d'aller discuter du dernier magazine à la mode. Ma frustration de ne pas pouvoir faire cela, discuter des magazines à la mode venait du fait que mes parents m'avaient interdit l'exploration de ces magazines mais je ne suis pas certaine que le non-accès au contenu m'ait réellement manqué à 12 ou même 14 ans. Je pense que je n'ai jamais trop compris l'attitude de mes camarades et c'est au collège qu'ils ont commencé à devenir une source de curiosité pour moi, particulièrement quand je n'ai plus été en mesure de pouvoir jouer avec eux. J'ignore un peu ce qu'il s'est passé à l'époque. Je me souviens d'un temps à l'école primaire qui était relativement correct surtout les années de milieu de ce temps en école primaire. Je n'ai pas de souvenir clair du début, je m'ennuyais je crois. En CE1 aussi. Mais la routine était comme les cahots doux d'un TER, je m'ennuyais mais ne me sentais pas en danger ou mal. Ensuite j'ai trouvé un vif intérêt pour mes camarades, particulièrement d'expérimenter le rôle de chef, j'ai commencé à utiliser les informations que les adultes partageaient à haute voix autour de moi pour tout un ensemble de tests et de jeux avec les autres. Vague souvenir de cela. Puis d'une fin d'école primaire un peu esseulée. A me sentir plus vieille que les autres sans savoir l'expliquer, un ressenti que je ne saurais qualifié et un adjectif, vieille que ma mère me répétait. Mais sans savoir bien ce que cela signifiait.Spoiler :
Par la suite le collège a donc été une perte radicale de repère, j'ai perdu tous mes amis (envoyée dans un autre collège et mes parents n'ont pas proposé de revoir mes amis de l'école primaire hors du temps scolaire). Je crios en toute franchise que j'ai "oublié" mes amis. En collège, au début de la 6ème, j'ai un vague souvenir d'être happé par tout ce qui se passe autour de moi, d'être plus perdue et confuse et d'avoir tellement en tête et dans les sens de choses à gérer que j'en oublie mes amis du passé. Je pense aussi que je ne comprends pas que je ne les reverrai pas. Le temps passe et je me fascine pour ce que j'ai sous les yeux, les collégiens mais je me sens différente sans l'expliquer. Je ne m'intéresse pas comme eux, je ne suis pas aussi énervée, aussi bruyante, aussi excessive. Par contre je les copie, je teste, je les suis mais ça ne me correspond pas et je m'inquiète, je ne trouve personne "comme moi." En tout cas pas la masse, je cherche les adultes, les adultes un temps me tiennent occupée et me raccrochent, je me sens moins mal et moins perdue d'avoir d'autres qui me parlent, à qui je peux parler. Parler m'apaise. Je vais beaucoup parler aux adultes après la classe. ça me déstresse. Je peine avec mes camarades de classe. Je pense ressentir ici et là de la jalousie et je rêve à vivre comme eux sans toutefois l'essayer. Avoir un petit copain, lire les magazines à la mode, parler des stars à la télé, ça ne m'intéresse pas trop. En parallèle chez mes parents, je me lance dans l'apprentissage par coeur de livres de botanique et le repérage des plantes médicinales. A 12 ans, je dois avoir une objective connaissance du sujet et surtout pas d'intérêt partagé avec 99% de mes camarades. En 4ème, je gagne un lot à un concours SVT dont un CD sur les dinosaures et je le fais en boucle, me passionne toujours autant pour la Nature en général.
Socialement ça reste difficile. Je sens que quelque chose ne va pas. Je prends du poids et je suis l'objet de moqueries, en plus désormais sur mon poids. En plus des remarques sur mes intérêts personnels (botanique etc.) que je cache de plus en plus. Les sujets adolescents ne m'intéressant pas d'emblée, mes camarades ne m'aidant pas à m'y intéresser (camarades qui rient, n'expliquent pas, je trouve que c'est difficile de les comprendre et les sous-entendus dans leurs rires, la répétitiion d'un nom ou d'un mot qu'il me faut des mois pour comprendre, que c'est un phénomène de mode qui est de telle nature, et en général je ne sais pas trop quoi faire de l'information, je la stocke). Je pense que les élèves ne sont en général pas bienveillants avec moi mais je n'en suis pas souvent certaine. Je souffre de soupçonner qu'ils sont malveillants plutôt que de les réaliser réellement. Ce sont plus mes croyances qui me blessent que la réalité des choses. Des faits objectifs sont là pourtant mais au lycée où je suis invitée à des fêtes (où mes parents refusent de me conduire), je ressens que je pourrais si je voulais moi aussi faire ce genre d'activités. Je ne résiste pas vraiment au véto de mes parents. Rétrospectivement je me dis que j'aurais dû essayer au moins une fois et demander à tenter cette activité.
Les adultes m'ont aussi donné des parades, si on me parle mal me dire que ça leur passera, qu'ils sont bêtes, que c'est de leur âge, que moi je fais mes affaires et je me préoccupe pas d'eux, ils verront quand ils auront passé trop de temps à embêter les autres ce qui leur restera. Je fais cela, j'applique cela tout en ressentant des émotions douloureuses souvent: de la colère, du mal-être, de l'insécurité, de la solitude aussi. Mais je ne relie pas clairement mes émotions et ce qu'il se passe autour de moi. Il y a comme des décalages et parfois je me questionne sur si je suis triste parce que très peu d'élèves me parlent. Si je suis en colère parce qu'on ne me juge mal, ne me fais pas de compliments et beaucoup de critiques en contrepartie (mon poids, mon physique, mes vêtements, mes intérêts pour les choses "intellos", mes lunettes, mes dents un peu écartées de jeune ado, mes mots compliqués, etc.).
Dès le collège, je souffre et suis ennuyée plusieurs fois sur mon surpoids (mon apparence en général) et mes intérêts différents (ma façon de m'exprimer en général) de la majorité mais je ne relie pas clairement ma souffrance à ce qu'il se passe autour de moi particulièrement les attitudes de mes camarades, je le souçonne, je me dis que c'est cette ambiguité de ne pas savoir qui me cause le mal-être que je ressens. J'oublie cette période en passant en lycée après quelques temps. Je trouve les lycéens moins verbaux et plus calmes mais je sens que je ne fonctionne pas comme eux du tout. Leurs intérêts ne m'intéressent pas et je ne sais pas comment le verbaliser. Particulièrement les intérêts pour les garçons. Non pas que je n'aie pas d'univers fantasmé, mais je n'ai que cela justement, de la mentalisation amoureuse, je ne me sens pas prête pour quelque chose de sensoriel, de réel. C'est une période dure pour une autre raison et je pense qu'à l'issue je fais une dépression. Mes camarades ne sont pas particulièrement bienveillants mais je trouve enfin des jeunes de mon âge gentils, avec qui on peut parler un minimum dès la seconde. Et ça me rassure. Mais c'est donc de me sentir dans la non-envie d'investir (ou je crois respectivement le non-soutien par des autres pour l'investir) ce qu'ils investissent qui me fait déprimer. Je crois rétrospectivement que je me sens comme la personne qui n'a jamais fait de danse et toute sa classe en a fait et le premier cours de danse toutes les petites filles ont un bon niveau et soit on peine déjà à enchaîner deux pas corrects sans compter que je sens que mes jambes sont raides et mon corps comme un bloc, raide lui aussi sans que j'aie de maladie physique a priori et donc encore plus de confusion.
Je crois que j'ai besoin d'écrire sur ces évènements de vie car il m'est difficile de faire autant de sens d'eux là aujourd'hui. J'ai entendu des personnes me dire que ce n'est pas parce qu'on met un nom sur quelque chose que la difficulté s'arrange massivement, je suis d'accord mais je pense que dans mon cas, moi j'aurai besoin de digérer tous ces évènements que je n'avais pas su digérer en l'absence de connaissance d'une cause assez logique pour les expliquer, les causes jusqu'ici me laissaient partiellement satisfaite. Et me donnaient l'impression qu'il me manquait une partie de moi. Une partie de ma vie, comme si je ne pouvais jamais être pleinement moi et une souffrance de ressentir que je ne fonctionnais pas à plein régime de fait, d'ignorer la cause qui sous-tendait tout et le ressenti d'une cause centrale unique sans pouvoir le justifier de façon logique jusqu'ici. J'admire les personnes qui peuvent avancer tout en ignorant la cause des difficultés qu'ils surmontent chaque jour. Pour ma part, j'ai toujours refusé d'avancer dans ces conditions mais poussée par la nécessité j'ai dû me faire parfois un peu mal pour avancer malgré tout. Et prendre le temps de trouver un autre jour. Je crois que le mieux est de ménager la chèvre et le chou, continuer à chercher tout en continuant à avancer tous les jours. Pas s'arrêter trop longtemps ou trop avancer alors que ça tire tous les jours.