Enseigner: à quel poste pour se préserver? (emploi, carrière)

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Leanox
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Enseigner: à quel poste pour se préserver? (emploi, carrière)

Message par Leanox »

Bonjour,

Je reposte ici des retours sur le métier de prof (Education Nationale, France) comme je le suis en lycée et parce que j'avais posté sur ce sujet dans la section pour personnes diagnostiquées :mrgreen:

Je suis prof en lycée et je voudrais quoi pour mon travail dans l'avenir? Petit témoignage EN qui se rajoute à ceux que j'ai un peu lus et d'autres. C'est un peu le sujet du moment depuis des semaines, pour moi, depuis l'année difficile 2020, suite à une carrière de 7 ans déjà coupée au milieu par 1 an de CLM. Et depuis samedi, l'annonce de ma psy qu'elle a remarqué des traits autistiques clairement depuis qu'on a commencé un travail elle et moi, je suis juste encore plus perdue et en besoin de me poser la question et chercher à y répondre au max.

Je voudrais ménager la chèvre et le chou en fait.
Je voudrais pouvoir contribuer à la société et idéalement dans un poste à temps plein, payer des impôts et assurer une retraite correcte. Tout en n’étant pas dans la souffrance régulière, à devoir passer 50% du temps de ma vie à récupérer du boulot.

En attendant le diagnostic, je prends avec des pincettes de mettre TSA comme cause première de mes différents déboires professionnels mais je pense que hélas, le TSA dans une société qui malfonctionne aussi quand même bien et particulièrement le système EN, c’est déjà un gros truc de plus dans quelque chose de pas facile.
Quand je vois des collègues (lycée en plus, calme, de campagne) qui passe l’essentiel de leur temps à bougonner, râler, se plaindre de choses difficiles, fumer du tabac, enchaîner les cafés et râler qu’il manque les doses (sic), le matériel pas très beau, les salles trop fermées, le théorique beaucoup trop prévalent au détriment du manuel, du sensoriel, du kinesthésique. Je vais pas rajouter encore plus de trucs évoqués aussi ici mais le management catastrophique (les managers qui ne donnent pas les consignes, pas besoin d’avoir un TSA pour être paumé et stressé, cette année de réforme en anglais particulièrement, j’ai vu mes collègues paumés et mal et pour une fois je me suis sentie moins seule car moi j’ai toujours le rôle de la personne intelligente paumée qui perd ses affaires et porte tout son cartable sur le dos, enfin depuis quelques années on me fiche un peu et j’ai l’habitude, j’avais ça au collège et c’est en version plus light et intériorisée non verbalisée – merci pour moi – dans la vie adulte)

Et donc long préambule pour dire que je trouve qu’être prof d’anglais en lycée est difficile - et pour moi de nouveau. Je me demande si c’est le poste qui est trop dur pour moi (parce que je peux pas demander mieux que ce lycée en terme d’ambiance et de bienveillance d’équipe). Ou ma façon de gérer qui va pas (encore, à défaut de me connaître assez aussi longtemps, j’avais pas mis assez en place les choses) et en lien d’avoir pris des missions supplémentaires que j’aurais pas dû prendre ( 4 heures sup …) et aussi une préparation à un concours 1 journée par semaine (…).

Difficile de faire le tri avec un tel emploi du temps cette année. Je précise que l’année dernière j’étais mal (en dépression ?) à difficilement pouvoir faire cours. Ne plus trouver d’intérêt à mon métier. Me détester mentalement régulièrement et me culpabiliser de cette dureté trop grande (me questionner: comment peut-on être aussi cultivée, avoir parfois aussi bien fait des choses, et puis être soudain aussi inapte? J'avais pas encore le DA avant samedi dernier, inaDAptée??) Et cette année en démarrant l’année, j’étais déconnectée de mes ressentis négatifs, un peu plus calme aussi, à ne pas chercher à faire compliquée mais persuadée que je pourrais faire une énorme année comme ça avec 4 heures sup et puis une journée de prépa concours en plus. La ruture avec la personne que je crois être le plus grand amour de ma vie, rétrospectivement, c'est comme si samedi ce qu'on m'avait dit m'avait aussi fait comprendre que ce que je vivais avec cet homme était "amour" et un 'amour comme j'en avais jamais eu', de cette qualité, de cette profondeur, cette rupture, ça m'a repoussée dans le boulot par réflexe, j'ai fait. J'ai copié la tradition familiale (gros bosseurs qui écoutent mal les émotions, soit les leurs, soit celles des autres, voire alors rétrospectivement les deux? Le cliché: famille d'immigrés, 3ème génération, qui ont tout fui, ont connu la guerre, dans leur chair aussi, ont dû tout reconstruire à la sueur du front et l'intelligence des mots de français mal maitrisés. Parents d'intellectuels ayant la valeur du travail dans le corps de fait. En plus d'une potentielle neuroatypie, dans mon parcours, j'ai dû aussi déblayer tout le post traumatique, tout l'intergénérationnel, ça va mieux, mais y'avait à dire)

On est début novembre, je viens de poser mon premier gros arrêt (2 jours voire 3 si je suis toujours à plat jeudi soir, le vendredi partira aussi) et au sortir des vacances qui ne m’ont pas reposée et pas permis de travailler. Je sors de 30 années où je ne m’écoutais pas du tout. Après 2 ans en lycée, stagiaire puis TZR à l’année, j’avais raté le poste que je voulais sur ce lycée à 7 points et m’étais retrouvée bringueballée de droite et de gauche 6 mois avant de plonger dans une dépression et tout un ensemble de difficultés que j’avais réussies à faire passer en CLM 1 an (et demi le temps de reprendre après un passage en commission). Depuis cette reprise, j’ai enchainé une année de TZR au collège à moitié faite (dont plusieurs mois à l’hopital pour une maladie physique neurologique), puis 1 an de TZR à faire tout ce que je pouvais pour n’avoir que des lycées sur mon secteur et enfin me poser en poste fixe dans un des lycées les plus calmes, avec les élèves les plus sympas, les collègues les plus calmes aussi. Et je suis de nouveau mal. Et je ne sais donc pas bien quoi comprendre puisque je ne suis déjà pas diagnostiquée avec un TSA officiellement (bien que les mots de ma psy sur le fait qu’elle voit des traits autistiques chez moi clairement depuis le début de ce travail avec elle me vrillent encore l’intérieur ce soir). Et donc je me dis quand même que ça doit pas être un métier facile.

Désormais j’aspire à une forme de grande stabilité particulièrement, je souhaiterais ne plus bouger de lycée ou de fac. Je pense à demander un poste en fac, enseigner l’anglais à des non-spécialistes. Quelqu’un ici serait-il dans le cas ? Et saurait-il me dire en quoi cela consiste ?

J’ai donc commencé à monter un dossier pour pouvoir postuler et j’espère un entretien déjà. J’ai déjà eu un entretien il y a deux ans mais le poste ne me convenait déjà pas et je pense qu’aussi je n’aurais pas fait l’affaire pour eux (pas pertinente sur ces enseignements là). J’espère que le côté plus impersonnel du poste en Supérieur va m’aider. Le moindre de discipline avec des étudiants aussi. Enfin je suis intéressée par le suivi d’orientation, les échanges à l’étranger, le caractère plus pratique de l’anglais enseigné (appliqué à des métiers, des situations de terrain contrairement à l’anglais en lycée où c’est beaucoup moins le cas, le ratio inverse avec de la litté qui est dure pour moi). Je voulais ici à la fois vous confier ma vision de l'EN, vous partager des trucs et astuces sur le métier si vous n'y pensiez pas et partager aussi mon vécu et ce que j'essaie pour moi, après avoir commencé à recevoir cela de vous ici sur le forum.
En pause de toute réflexion sur les TND pour quelques semaines
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Curiouser
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Re: Enseigner: à quel poste pour se préserver? (emploi, carrière)

Message par Curiouser »

Leanox a écrit : lundi 8 novembre 2021 à 19:43 Difficile de faire le tri avec un tel emploi du temps cette année.
En effet, cela fait de nombreux facteurs cumulatifs... Et, le métier étant déjà (et de plus en plus hélas) fort difficile de manière générale, il peut ne pas être simple de distinguer les difficultés qui seraient liées à ton fonctionnement propre.
Personnellement, je ne suis arrivée à faire véritablement ce tri qu'en étant en arrêt maladie et en faisant mon parcours diagnostique, où j'ai pu formuler et prendre pleinement conscience des difficultés et spécificités que j'avais, et qui étaient présentes dans n'importe quel contexte et environnement scolaire.
Spoiler : 
En voici la liste principale, que j'avais intégrée dans mon dossier MDPH. Certains éléments feront peut-être écho à ta situation :
  • Ne pas savoir bien décrypter les intentions et/ou les paroles des élèves, dans certains cas. Ne pas savoir par exemple si cela relevait de l’insolence ou d’une bonne foi, ce qui avait un impact au niveau de la gestion de classe
  • Difficultés au niveau de la gestion de classe, à faire régner le calme et des conditions propices aux enseignements ; difficultés à gérer le bruit, amplifiées par mon hypersensibilité auditive
  • Difficultés au niveau de la gestion du temps : souvent, je passais un temps certainement trop long sur certaines notion ou explications, car je cherchais à être la plus exhaustive possible. C’est ce que mes différents tuteurs m’ont fait remarquer : je « perdais » les élèves, car mon cours n’était pas assez bien rythmé
  • Fatigabilité importante ; il me fallait au moins quatre heures après ma journée de cours, au calme, chez moi,
    avant que je puisse faire des travaux de correction, par exemple. Il m’arrivait aussi d’avoir besoin de faire
    des siestes juste après être rentrée chez moi
  • Difficultés pour travailler en équipe
  • Anxiété importante voire très importante, découlant des nombreux points évoqués précédemment
Leanox a écrit : lundi 8 novembre 2021 à 19:43 Je pense à demander un poste en fac, enseigner l’anglais à des non-spécialistes. Quelqu’un ici serait-il dans le cas ? Et saurait-il me dire en quoi cela consiste ?
Dans la première partie de ce témoignage audio (issu d'un podcast intitulé « Avant j'étais prof », concernant les reconversions d'enseignants), la personne évoque son travail de prof d'anglais dans le supérieur (en école d'ingénieurs notamment). Ca donne un bref aperçu : De manière plus générale, je sais que les conditions d'enseignement dans le supérieur se sont fortement dégradées aussi, et que de très nombreux profs se plaignent de l'accumulation de tâches administratives chronophages, en plus d'être parfois / souvent vidées de leur sens. :innocent:
Diagnostiquée TSA en janvier 2021. Conjoint diagnostiqué TSA en octobre 2020.

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Leanox
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Re: Enseigner: à quel poste pour se préserver? (emploi, carrière)

Message par Leanox »

Curiouser a écrit : vendredi 12 novembre 2021 à 11:47
Leanox a écrit : lundi 8 novembre 2021 à 19:43 Difficile de faire le tri avec un tel emploi du temps cette année.
En effet, cela fait de nombreux facteurs cumulatifs... Et, le métier étant déjà (et de plus en plus hélas) fort difficile de manière générale, il peut ne pas être simple de distinguer les difficultés qui seraient liées à ton fonctionnement propre.
Personnellement, je ne suis arrivée à faire véritablement ce tri qu'en étant en arrêt maladie et en faisant mon parcours diagnostique, où j'ai pu formuler et prendre pleinement conscience des difficultés et spécificités que j'avais, et qui étaient présentes dans n'importe quel contexte et environnement scolaire.
Bonjour Curiouser,

Wow, je suis touchée par la profondeur de ton partage. Je prendrai le temps sur quelques jours d'écouter ce podcast qui m'intéresse bien (j'ai quand même fait pas demande de poste en supérieur et si ce n'est pas pertinent, je pourrai toujours dire non). Je me dis depuis plusieurs jours que la négation de la spécificité de mon fonctionnement depuis mon enfance par mes figures d'autorité (parents malheureusement) pourrait bien avoir profondément nui à mon choix de carrière en plus de ma propre non-capacité 40%/non-volonté 60% de m'opposer à leurs dires. Je suis peut-être mal orientée dans mon métier mais je vais quand même continuer sur cette piste: ça fait en fait 33 ans si je comprends bien (encore un peu de refus à l'admettre) que je suis élevée à la mode "marche ou crève", on me verbalise à l'oral (probablement dans des fictions mais que je prends littéralement) que si je fais pas mes études, ce sera fini pour moi. Que si je ne vais pas au travail à 100%, je vais subir de graves conséquences. Donc je fais cela, par anxiété, par peur, et même parfois terreur. Je fais, je fais. J'ai 10 ans, je fais. J'ai 12 ans, je fais. J'ai 16 ans, je fais. C'est dur. Je déprime 2 ans, je me remets en selle, je fais toujours tout le temps. Je m'efffondre. Je refais, je refais encore et encore. Je développe une forme de plaisir, j'avoue de ces chutes qui au bout d'un moment deviennent anticipables et donc moins stressantes. Je crois que j'accepte cependant trop de chuter et malgré tout je subis des blessures de chocs moyens répétés (des accumulations de petits problèmes qui font un gros ou moyen problème comme des pertes financières minimes d'arrêts maladie répétée et qui aurait peut-être pu être évitée, l'avenir dira sur ce dernier point).


Je ne parviens pas à les justifier socialement aussi ces erreurs (arrêts maladie, erreurs de débutant, incompréhension de ce qu'il fallait faire, etc.) et c'est surtout sur ces deux derniers points, trop me laisser chuter en nombre et la justification sociale que je souffre, particulièrement ce dernier point. Je souffre de l'impossibilité de justifier socialement mes performances mauvaises alors que 6 mois auparavant sur un même travail, ça allait. Mes absences et donc pertes de revenus (ici et là, multiplié, ça s'accumule) et d'une façon qui soit acceptable et compréhensible (exemple: je suis rincée probablement à cause de stratégies insuffisamment correctrices, trop limitées ou simplement la difficulté de s'adapter tout court, je dois mentir par omission ou en utilisant "malade" pour en fait couvrir un épuisement. Imaginer tout ce mensonge me coûte du stress, de la fatigue, de la lassitude. C'est cacher la vérité qui m'épuise) mais si je suis reconnue, j'espère déjà me soulager de bobarder comme ça (ce n'est pas un gros bobard mais pour moi c'est déjà trop de dire malade au lieu de épuisée car épuisée ne passe pas socialement avec la secrétaire du chef ou le chef ou les collègues et que si ça passe, j'ai pas envie de tester vu le nombre de fois où j'ai vu que ça passait pas avec d'autres collègues un peu candides qui avaient expliqué être fatigués et s'être pris des "tout le monde est fatigué" et autres âneries. Sans compter que je pense qu'il y a des personnes qui vraiment se reposent sur les autres trop.). A mesure que les années passent mes "mensonges" sociaux, ceux pour cacher la vérité que j'ai envie de dire mais pour laquelle j'ai trop peur de me faire blesser par les autres, deviennent de moins en moins éloignés de la vraie situation. Jeune, je mens en inventant, omettant, transformant une situation. Je prétends m'être foulé la cheville pour ne pas aller en sport. Je prétends avoir des amis et un petit ami en copiant collant des photos de personne trouvée sur Internet sur mon fond d'écran d'ordinateur (comme je voyais les autres élèves de ma classe préparatoire faire la même chose). En réalité je n'ai pas de cheville foulée, je suis à bout d'aller en EPS. Epuisée. Je n'ai pas d'amis ni de petit ami et je ne sais pas en trouver, j'ai honte de cela socialement, ne pas faire comme tous les autres.

Pour le sujet de mon métier actuel, j'espère pouvoir utiliser des stratégies que je mets en place, de détachemnt aussi, de simplification de mon travail (je deviens de moins en moins préoccupée par les détails de mon métier et de plus en plus en fait sans le réaliser mais dans les faits à demander aux élèves de participer à l'organisation de la classe et me questionner sincèrement si en fait cela ne les rend pas aussi un peu autonomes, quand c'est dans une petite mesure puisqu'ils doivent aussi se concentrer sur développer leurs compétences, acquérir des savoirs dans la matière que j'enseigne. J'essaie de faire passer cela et aussi de ne pas laisser tomber mes élèves. Je teste. Pas facile d'avoir du recul sur ce qui est et au delà de cela, de savoir encore "comment" je pourrais faire au mieux).

Le détachement par rapport à mon métier (le fond, ce qu'il faut faire, les tâches, etc.) depuis un an avec l'enseignement en distanciel où trop d'élèves étaient perdus et moi aussi complètement m'a permis le recul. Sachant qu'avant cela pendant 1 an en CLM j'avais travaillé sur un paquet de comorbidités et problèmes familiaux qui pouvaient me créer du stress pour ces derniers. Et que entre temps, j'avais commencé à voir ma vie point par point seule et avec ma psychologue très compréhensive je réalise: pointer problème par problème en mode "Je ne sais pas dire bonjour facilement, quelle stratégie adopter pour cela? = aller dans des magasins et observer les gens se dire bonjour", "je ne sais pas rester avec mon conjoint dans la même maison ? Quelle stratégie adopter? = faire chambre à part et demander à mon conjoint de me laisser du temps seule dans la cuisine et les pièces de vie." etc.
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