L'Est Eclair - 27 mai 2010 - St Germain
Depuis un an, Teddy, 16 ans, est interné à l'hôpital psychiatrique de Brienne-le-Château. Sa maman appelle à l'aide pour lui trouver une structure adaptée
« Sabine a été condamnée à cinq ans de prison pour un crime qu'elle n'a pas commis. » Par ces mots, l'actrice Sandrine Bonnaire dénonçait en 2008 la descente aux enfers de sa sœur autiste, internée dans un hôpital psychiatrique. Un film choc censé éveiller les consciences. Résidant à Saint-Germain, Corinne Pierre ne jouit pas de la même aura médiatique ; elle vit pourtant une histoire aussi tragique.
Son fils Teddy a 16 ans, lui aussi est autiste. Et comme chaque fin de week-end depuis quatorze mois, il quitte le cocon familial pour regagner les murs de Brienne-le-Château. Une situation que sa maman ne supporte plus : « Il est enfermé 24 h/24 dans une chambre à laquelle je n'ai même pas accès. Pire, il côtoie d'autres pensionnaires adultes dangereux, schizophrènes et alcooliques. Je crains pour sa sécurité, il est faible, il a perdu onze kilos après son arrivée. » Un internement survenu le 5 mars 2009 qu'elle assure n'avoir jamais cautionné. « Le médecin m'a appelé le jour de son placement, ça a été le choc. J'étais déjà venue sur place pour voir la structure, mais je n'ai jamais rien signé. »
Quelle alternative ?
Ce fut pourtant une solution de dernier recours. Dès l'âge de 6 ans, Teddy est placé à l'institut médico-éducatif (IME) de Gai-Soleil à Troyes, mais la violence dont il fait preuve au fil des ans démontrera les limites de ces établissements. « Ils n'en voulaient plus. C'est vrai qu'il était violent, mais cela était amplifié par sa crise d'adolescence, c'est ce que m'avait confirmé son médecin à l'époque. » Le jeune homme multipliera par la suite les séjours dans une clinique psychiatrique aux Chartreux pendant sept mois, avant que soit finalement acté son transfert à Brienne.
Avec un dossier qui mêle les troubles autistiques aux problèmes comportementaux, Teddy risque de rester un moment en hospitalisation sans le feu vert de son médecin référent. Sa maman se bat pour le sortir de là et le réintégrer dans un centre spécialisé, plus à même de lui offrir une prise en charge adaptée. « Il est beaucoup moins violent aujourd'hui, les infirmières me le disent. Mais j'ai l'impression que ça arrange tout le monde qu'il soit là. Il n'y a sûrement plus de place ailleurs… »

Corinne a écrit au préfet et au président de la République pour trouver une alternative à l'enfermement. Ses allers-retours à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) n'ont pas laissé entrevoir plus d'espoir. On a coutume de dire qu'une société se juge à la manière dont elle traite ses fous. Pour la maman de Teddy, son fils n'est pas fou. Quant à la société qui se doit d'assurer sa prise en charge…
« L'hôpital n'est pas adapté »

L'hôpital psychiatrique est pour le moment la seule structure qui accepte de prendre en charge Teddy
« Tout le monde dans le département en est conscient, l'hôpital psychiatrique n'est pas adapté pour un enfant de 16 ans comme Teddy. » Mais comme ajoute sans langue de bois Jeannine Jacquot, directrice adjointe de l'hôpital, « il n'existe pas de solution intermédiaire dans le département de l'Aube ». La problématique de l'enfant est que sa situation a du mal à se stabiliser, selon son médecin référent, la violence étant toujours présente. « Ça ne servirait à rien de chercher à le placer en IME (Institut médico-éducatif) si c'est pour le reprendre quelques jours plus tard. De toute façon, avec son dossier médical, aucun établissement ne l'accepterait ».
Pour combien de temps ?
Un fâcheux constat d'impuissance que dénonce aussi sa maman : « Aujourd'hui, les IME ne prennent que des autistes calmes, mais mon fils n'est pas un fauve qu'on doit mettre en cage. Il a le droit à une prise en charge digne. »
Cela fait déjà un an et deux mois que Teddy est interné à Brienne-le-Château. « Certains enfants autistes passent par notre structure de type hôpital de jour, mais d'autres sont internés en hospitalisation complète et peuvent y passer leur vie »,
explique-t-on à la direction. Une option que ne souhaite même pas entrevoir la maman de Teddy.
« Un manque de structure »
Les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont été créées en 2005 comme lieu unique d'accueil destiné à faciliter les démarches. « Nous sommes là pour instruire et évaluer les besoins, mais nous n'avons en aucun cas les moyens de contraindre un établissement à prendre ou à garder un enfant. C'est l'Agence régionale de santé (ARS) qui prend les décisions, donne les moyens en termes de soins ou crée les structures », précise le directeur de la MDPH de l'Aube, Didier Malnoury, qui se défend de renvoyer la balle.
S'il assure regretter la demande qui avait été faite par Gai-Soleil de ne plus prendre en charge Teddy, il reconnaît qu'une cellule de réflexion de la MDPH avait parallèlement souligné le besoin de soins de l'enfant. « La pathologie a été repérée, ensuite, c'est un médecin qui a décidé de son hospitalisation à Brienne. Nous n'avons aucune compétence pour le faire sortir. » Didier Malnoury en convient toutefois, « il n'existe aucun établissement médico-social pour enfants dans l'Aube qui permette également une prise en charge médicale adaptée. Il faudrait l'inventer. » « À notre niveau, nous ne pouvons que faire remarquer ces manques aux financeurs que sont le conseil général et l'ARS. »