Bonjour,
Je cherche à connaître l'historique des associations françaises ou francophones qui se sont créées en relation avec l'autisme par des parents, les personnes du spectre elles-mêmes ou autres, avec l'évolution des différentes sensibilités.
Si possible sans parti-pris idéologique ce qui est difficile dans notre contexte...
Si vous connaissez des articles, blogs ou des livres sur le sujet, merci de me les communiquer.
historique associations Autisme
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historique associations Autisme
papa d'un petit garçon Asperger de 7 ans.
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Re: historique associations Autisme
Au cours de mes lectures, je suis tombé sur une série d'articles du psychiatre Moïse Assouline.
Je recopie ci-dessous une partie sur le développement des associations de parents d'enfants autistes après la scission avec l'UNAPEI : Cela permettra de commencer la discussion
Les vagues successives de la révolte des parents de 1960 à 2010.
En cinquante ans, les générations successives de parents qui s’adressent aux politiques ne cessent d’entrer en dissidence avec leurs aînés : les professionnels sont loin d’être les seuls contestés. Je distinguerais au moins trois vagues dans ces confrontations entre 1960 et 2010. Depuis, une quatrième semble être en cours.
1. Dans les années 60, les parents de Sésame Autisme quittent l’UNAPEI.
Les pionniers de Sésame Autisme se lient à la pédopsychiatrie comme l’indique le nom de leur premier groupe : Association pour les Inadaptés ayant des Troubles de la Personnalité (ASITP). En 1963, l’hôpital de jour pour enfants Santos-Dumont de Paris en est le premier exemple national. Mais dès 1970, en créant un Hôpital de Jour pour adolescents, celui d'Antony, ces mêmes parents, avec Françoise Grémy, tiennent tête à ce qui semble déjà un recul de la psychiatrie. Ils poursuivent la réhabilitation des autistes en famille pendant et après leur adolescence et contrecarrent ainsi une idéologie qui pousse derechef à la séparation familiale, cette fois semi - précoce, bien incarnée par l’Ecole de Bonneuil de la psychanalyste Maud Mannoni.
La matrice de ce premier recul de la profession (sur le plan du maintien des enfants dans leur famille, moteur de sa mobilisation initiale) est qu’elle avait cru guérir les enfants autistes de « leurs troubles de la personnalité » par des « soins intensifs » inspirés par la psychanalyse. Or, devenus adolescents ils ne sont pas guéris. En fait ils sont plus lourds, plus costauds et la sexualité les envahit. Comme la psychiatrie est bien capable de le faire, elle va transférer sa frustration d’une impasse technique et de son manque de moyens en une vague théorie. On préconise la séparation car maintenant les parents seraient cause de la persistance des troubles : ils seraient « incapables de contenir ces jeunes », un leitmotiv qui revient dans les dossiers-patients, les articles et les études de l’époque
On oriente alors beaucoup les jeunes vers les internats du « médico-social » ou vers une zone intermédiaire, « les lieux de vie » à la campagne, un déversoir en grand développement dans les années 70 partout en France. On les y envoie aussi en accueil temporaire, qu’on appelle séjour « de rupture » : le terme est évocateur de ce qu’on pense encore de la famille.
C’est à cette époque que les adolescents autistes entrent dans un « no man’s land » entre le sanitaire, le médico-social et le social. Cinq mille d’ entre eux sont accueillis « nulle part » selon le rapport d’enquête de l’I.G.A.S. de 1994. Une moitié sort des I.M.E. et l’autre des Hôpitaux de jour pour enfants. En volume, le médico-social et la psychiatrie ont une part égale dans ces rejets. Tandis qu’on reste aveugle à ces conséquences des tranches d’âge limitées dans les institutions, à ces abandons et ces errances des enfants et de leurs parents, un autre concept justificateur se répand, celui de « la discontinuité thérapeutique ». En ne prévoyant pas une suite institutionnelle à leur parcours, on donnerait une meilleure chance à ce que leurs capacités ou leurs désirs émergent : établir une filière et des relais serait psychiquement enfermant. Or, c’est à cause de cette négligence que, devenus adultes, beaucoup seront de retour physiquement dans des services asilaires, reconstituant l’horrible « défectologie » des années 50. (Comme alternative, les déversoirs d’aujourd’hui les conduisent en Belgique).
En arrivant avec l’éducateur Driss El Kesri à Santos-Dumont en 1990 pour restructurer, à la demande des parents, ce centre pour enfants en un accueil pour adolescents et jeunes adultes, nous découvrons ses statistiques pour les orientations de sortie. La moitié est allée à l’Hôpital Psychiatrique, un quart en internat lointain et un quart on ne sait où. En 1990 c’est quand même plus de 30 ans après que fut claironnée la volonté d’« extraire les enfants de l’hôpital psychiatrique » !
Avec le recul, peut-on supposer qu’à l’intérêt éthique de faire sortir les enfants de l’asile dans les années 60 se rajoutait, pour la pédopsychiatrie hospitalière, l’intérêt d’en sortir elle-même avec eux pour s’installer en ville, dans les « secteurs de psychiatrie », comme une aubaine. Une fois installée dans la cité, elle les a oublié à leur sort tandis qu’ils sont devenus grands, abandonnés ou mal orientés, souvent mal accueillis par la psychiatrie des adultes, parfois maltraités.
Ce sont ces parcours, ou le risque permanent de rupture dans les parcours, qui vont aiguillonner le ressentiment des parents. Il va maintenant grandir année après année.
Notons que c’est seulement en 2012 que la Recommandation de l’H.A.S. mettra ce point en exergue. Essentiel, il mériterait à lui seul qu’on soutienne le texte. C’est encore plus tard, en 2013, que le gouvernement légifère : condamné par la justice pour une situation individuelle, il rédige dans la précipitation « la Circulaire du 22 Novembre 2013 » consacrée aux ruptures de parcours pour les « situations complexes de handicap »
2. Dans les années 80, les parents d’Autisme France quittent Sésame Autisme.
Apres la dissidence des années 60 (celle de Sésame Autisme donc, qui s’est séparé de l’UNAPEI) est apparu dans les années 80 - 90 un autre embranchement, celui des jeunes parents d’ "Autisme France", qui se séparent à leur tour de Sésame. Ils lancent un mouvement pour l’éducation des enfants et pour l’intégration scolaire
S’opère alors un déplacement du regard, inverse de celui des années 60. Pour éliminer plus radicalement le risque asilaire, ce mouvement qui rassemble avec eux des professionnels et des administrateurs veut exclure l’autisme du champ de la psychiatrie. Il l'argumente par la prééminence des "troubles de la cognition" sur ceux de la « personnalité », du handicap sur la maladie, de l’organogenèse sur la psychogenèse. La pédagogie comportementale, la génétique et la recherche sont mises au premier plan.
Les accusations antipsychiatriques sont parfois démesurées. Elles sont déplacées quand on prétend que la psychiatrie capte les autistes. Elle n’est qu’un élément historique du plateau technique, dont une composante est archaïque, le recours par défaut, et une autre est active et novatrice, répondant à la demande des familles.
Mais elles sont aussi une réaction au sentiment d’être abandonné et méprisé, à cause des sorties d’établissement sans aucune suite et du manque de places. Le rejet des demandes familiales par les politiques relaie l’indifférence de la psychiatrie officielle (celle qui a l’oreille de la Direction Générale de la Santé) au sort des autistes qui ont grandi. D’autres petites associations, indépendantes et plus modérées, investissent la gestion de nouveaux centres.
Le changement que les psychiatres et les psychanalystes ne distinguent pas clairement alors est que la radicalité anti-asilaire est maintenant assumée par les associations de parents et non plus par les organismes professionnels ou institutionnels.
Et c’est seulement au bout de quinze ans que cette pression familiale et sociale va faire réagir le monde politique. La Circulaire Veil de 1995, qui établit l’autisme comme priorité de santé publique dessine un nouveau protocole de coopération sanitaire, médico-sociale et éducative. Dorénavant, il y aura pour l’autisme en France un avant et un après cette Circulaire.
Cette fois, la psychiatrie n’a joué qu’un rôle marginal. Ceux d’entre nous qui y participons viennent d’associations ou de certains services universitaires; ils appartiennent à des enclaves actives mais isolées de la masse de la psychiatrie publique (les secteurs de psychiatrie) et de la D.G.S.
D’ailleurs, la psychiatrie « officielle » se montrera hostile : année après année, les recommandations sur les réseaux, le renouveau de la formation, la constitution des Comités techniques régionaux pour l’autisme, et enfin celle des Centre de Ressources Autisme en 2000, tout ce qui va naître de la Circulaire sera ignoré voire boycotté dans un premier mouvement.
En 2005, elle accueille encore avec méfiance la Loi sur l’Education qui enfin donne un droit à l’école, un droit « opposable » à l’Etat par les parents, ce qui pourtant prépare les nouvelles générations de citoyens à un meilleur accueil social du handicap.
Et même le dispositif le plus novateur de ces dernières années en psychiatrie, celui d’une unité d’urgence pour les Situations Complexes en Autisme, avec ses équipes mobiles, a reçu d’elle le coup de pied de l’âne lors de sa préconisation par le SROS régional en 2005. Un quarteron de pédopsychiatres syndicalistes et psychanalystes prétendait que si « on donnait son budget à leurs propres services, il n’y aurait plus de situations complexes… ».
Toutes ces réticences furent vaines évidemment parce que cette caravane passe malgré eux, légitime et inexorable.
3. Dans les années 2000, une troisième vague de parents amène d’autres pôles de revendications.
Entre temps, dans les années 2000, une troisième vague de dissidence, plus intraitable encore que les précédentes, est apparue. Les nouveaux parents militent pour la prise en charge ultra précoce des enfants, ce que des savoirs scientifiques récents rendent incontournable. Ainsi, ils espèrent une amélioration rapide qui rendrait crédible, et plus tard effective, l’inclusion scolaire et sociale revendiquée aussi avec vigueur.
Des groupes de travail de psychiatres et de psychanalystes investissent ce terrain qui modernisent leur approche: l’observation fine des bébés (comme le groupe PREAUT souvent cité, mais il n’ est pas le seul) ; la liaison avec la neuro-psychologie, les neuro-sciences et la génétique (au CHU Necker) ; le partage avec la neuro-pédiatrie, la médecine fonctionnelle de Vasseur et la régulation tonico - émotionnelle de Bullinger venue de Suisse (notamment avec Delion à Lille et Livoir-Petersen à Montpellier).
Mais malgré eux les vieux démons « suprémacistes » s’imposent encore et encore. Tandis que les jeunes parents montrent dans les medias leur exaspération due aux mensonges d’état, à l’absence ou au retard quant aux moyens de la prise en charge précoce des petits autistes, ce que la psychiatrie dénonce peu (beaucoup moins que les associations), des psychanalystes vont sur les mêmes ondes pontifier sur « les mères crocodiles » et « leurs fantasmes cannibales ». Le parallélisme des discours et le malentendu sont à leur comble entre d’une part le ressentiment familial et social sur les parcours et d’autre part l’emphase de certains discours psychanalytiques emplis de jouissance littéraire ou de bons mots.
Pour finir, la psychiatrie publique presque entière lance une pétition inutile contre le plan autisme de 2013 au lieu de se mobiliser pour y apporter ses contributions de terrain et, à l’aune de son implication, ses correctifs. Ceux-ci seront nécessaires car la Recommandation de 2012 comporte quelques équivoques qui peuvent faire basculer certaines pratiques dans la violence et l’illégalité.
Mais pour cela, il lui faudra reconnaître que ce troisième plan n’altère nullement la condition des autistes. Elle a progressé en 20 ans depuis la circulaire de 1995. Les mouvements positifs qui étaient à l’œuvre avant le plan 2013 le seront encore après lui, irréversibles. A l’ancienne suprématie des services de la psychiatrie et du handicap se substitue la sélection de leurs prestations seulement quand elles sont utiles. Une nouvelle médecine exploratoire, génétique et neurologique, a imposé ses contributions. Les carences d’éducation et de scolarité sont compensées peu à peu et la pédagogie continue d’inventer des outils nouveaux. Pour ce qui est de la culture, de la sexualité, de l’insertion professionnelle et de l’habitat, il n’existe que quelques expériences innovantes, mais l’ensemble du plateau technique est maintenant bien connu et recommandé. Nulle corporation ne devrait tourner le dos à ce vaste chantier parce qu’elle ne reçoit pas exactement ce qu’elle pense mériter.
4. Depuis 2010, est-ce une quatrième vague ?
J’ai commenté précédemment la responsabilité des politiques et des administrations, notamment depuis 2012. Rappelons seulement qu’après une période de déni, celle des années 80, il y eut dans les années 90 la reconnaissance de l’ autisme comme priorité de santé publique, et que, entre 2010 et 2014, on observe des embardées erratiques et des manipulations dans les ministères, de Sarkozy puis de Hollande, en interaction avec une quatrième vague de contestation parentale. Des regroupements s’établissent temporairement autour d’approches qui s’autoproclament souveraines ou uniques. Mais derrière cette façade d’unité, une guerre commerciale féroce, notamment pour dispenser des formations, aiguise des surenchères et des rivalités y compris entre associations familiales.
C’est le discours de la ministre Marie-Arlette Carlotti en juin 2013 sur « les méthodes qui marchent » et qui « seules seront financées » qui leur a frayé un chemin. Cette bévue s’est abritée derrière la dernière Recommandations de la HAS. Après celle de 2005 (pour les diagnostics), consensuelle, celle de 2012 (pour les pratiques) a valorisé à l’excès des « preuves scientifiques» très contestables, afin de donner cette fois la suprématie à des approches comportementales. Cette capitulation devant des lobbyings est à la source d’abus qui imposeront sans doute des arbitrages juridiques. Nous savons cependant que les personnes autistes, qui présentent une grande diversité, vont résister aux tentatives d’uniformiser les accompagnements .
Un arrière-fond historique aux critiques contre la psychiatrie et la psychanalyse (Moise ASSOULINE Juin 2014)
Je recopie ci-dessous une partie sur le développement des associations de parents d'enfants autistes après la scission avec l'UNAPEI : Cela permettra de commencer la discussion
Les vagues successives de la révolte des parents de 1960 à 2010.
En cinquante ans, les générations successives de parents qui s’adressent aux politiques ne cessent d’entrer en dissidence avec leurs aînés : les professionnels sont loin d’être les seuls contestés. Je distinguerais au moins trois vagues dans ces confrontations entre 1960 et 2010. Depuis, une quatrième semble être en cours.
1. Dans les années 60, les parents de Sésame Autisme quittent l’UNAPEI.
Les pionniers de Sésame Autisme se lient à la pédopsychiatrie comme l’indique le nom de leur premier groupe : Association pour les Inadaptés ayant des Troubles de la Personnalité (ASITP). En 1963, l’hôpital de jour pour enfants Santos-Dumont de Paris en est le premier exemple national. Mais dès 1970, en créant un Hôpital de Jour pour adolescents, celui d'Antony, ces mêmes parents, avec Françoise Grémy, tiennent tête à ce qui semble déjà un recul de la psychiatrie. Ils poursuivent la réhabilitation des autistes en famille pendant et après leur adolescence et contrecarrent ainsi une idéologie qui pousse derechef à la séparation familiale, cette fois semi - précoce, bien incarnée par l’Ecole de Bonneuil de la psychanalyste Maud Mannoni.
La matrice de ce premier recul de la profession (sur le plan du maintien des enfants dans leur famille, moteur de sa mobilisation initiale) est qu’elle avait cru guérir les enfants autistes de « leurs troubles de la personnalité » par des « soins intensifs » inspirés par la psychanalyse. Or, devenus adolescents ils ne sont pas guéris. En fait ils sont plus lourds, plus costauds et la sexualité les envahit. Comme la psychiatrie est bien capable de le faire, elle va transférer sa frustration d’une impasse technique et de son manque de moyens en une vague théorie. On préconise la séparation car maintenant les parents seraient cause de la persistance des troubles : ils seraient « incapables de contenir ces jeunes », un leitmotiv qui revient dans les dossiers-patients, les articles et les études de l’époque
On oriente alors beaucoup les jeunes vers les internats du « médico-social » ou vers une zone intermédiaire, « les lieux de vie » à la campagne, un déversoir en grand développement dans les années 70 partout en France. On les y envoie aussi en accueil temporaire, qu’on appelle séjour « de rupture » : le terme est évocateur de ce qu’on pense encore de la famille.
C’est à cette époque que les adolescents autistes entrent dans un « no man’s land » entre le sanitaire, le médico-social et le social. Cinq mille d’ entre eux sont accueillis « nulle part » selon le rapport d’enquête de l’I.G.A.S. de 1994. Une moitié sort des I.M.E. et l’autre des Hôpitaux de jour pour enfants. En volume, le médico-social et la psychiatrie ont une part égale dans ces rejets. Tandis qu’on reste aveugle à ces conséquences des tranches d’âge limitées dans les institutions, à ces abandons et ces errances des enfants et de leurs parents, un autre concept justificateur se répand, celui de « la discontinuité thérapeutique ». En ne prévoyant pas une suite institutionnelle à leur parcours, on donnerait une meilleure chance à ce que leurs capacités ou leurs désirs émergent : établir une filière et des relais serait psychiquement enfermant. Or, c’est à cause de cette négligence que, devenus adultes, beaucoup seront de retour physiquement dans des services asilaires, reconstituant l’horrible « défectologie » des années 50. (Comme alternative, les déversoirs d’aujourd’hui les conduisent en Belgique).
En arrivant avec l’éducateur Driss El Kesri à Santos-Dumont en 1990 pour restructurer, à la demande des parents, ce centre pour enfants en un accueil pour adolescents et jeunes adultes, nous découvrons ses statistiques pour les orientations de sortie. La moitié est allée à l’Hôpital Psychiatrique, un quart en internat lointain et un quart on ne sait où. En 1990 c’est quand même plus de 30 ans après que fut claironnée la volonté d’« extraire les enfants de l’hôpital psychiatrique » !
Avec le recul, peut-on supposer qu’à l’intérêt éthique de faire sortir les enfants de l’asile dans les années 60 se rajoutait, pour la pédopsychiatrie hospitalière, l’intérêt d’en sortir elle-même avec eux pour s’installer en ville, dans les « secteurs de psychiatrie », comme une aubaine. Une fois installée dans la cité, elle les a oublié à leur sort tandis qu’ils sont devenus grands, abandonnés ou mal orientés, souvent mal accueillis par la psychiatrie des adultes, parfois maltraités.
Ce sont ces parcours, ou le risque permanent de rupture dans les parcours, qui vont aiguillonner le ressentiment des parents. Il va maintenant grandir année après année.
Notons que c’est seulement en 2012 que la Recommandation de l’H.A.S. mettra ce point en exergue. Essentiel, il mériterait à lui seul qu’on soutienne le texte. C’est encore plus tard, en 2013, que le gouvernement légifère : condamné par la justice pour une situation individuelle, il rédige dans la précipitation « la Circulaire du 22 Novembre 2013 » consacrée aux ruptures de parcours pour les « situations complexes de handicap »
2. Dans les années 80, les parents d’Autisme France quittent Sésame Autisme.
Apres la dissidence des années 60 (celle de Sésame Autisme donc, qui s’est séparé de l’UNAPEI) est apparu dans les années 80 - 90 un autre embranchement, celui des jeunes parents d’ "Autisme France", qui se séparent à leur tour de Sésame. Ils lancent un mouvement pour l’éducation des enfants et pour l’intégration scolaire
S’opère alors un déplacement du regard, inverse de celui des années 60. Pour éliminer plus radicalement le risque asilaire, ce mouvement qui rassemble avec eux des professionnels et des administrateurs veut exclure l’autisme du champ de la psychiatrie. Il l'argumente par la prééminence des "troubles de la cognition" sur ceux de la « personnalité », du handicap sur la maladie, de l’organogenèse sur la psychogenèse. La pédagogie comportementale, la génétique et la recherche sont mises au premier plan.
Les accusations antipsychiatriques sont parfois démesurées. Elles sont déplacées quand on prétend que la psychiatrie capte les autistes. Elle n’est qu’un élément historique du plateau technique, dont une composante est archaïque, le recours par défaut, et une autre est active et novatrice, répondant à la demande des familles.
Mais elles sont aussi une réaction au sentiment d’être abandonné et méprisé, à cause des sorties d’établissement sans aucune suite et du manque de places. Le rejet des demandes familiales par les politiques relaie l’indifférence de la psychiatrie officielle (celle qui a l’oreille de la Direction Générale de la Santé) au sort des autistes qui ont grandi. D’autres petites associations, indépendantes et plus modérées, investissent la gestion de nouveaux centres.
Le changement que les psychiatres et les psychanalystes ne distinguent pas clairement alors est que la radicalité anti-asilaire est maintenant assumée par les associations de parents et non plus par les organismes professionnels ou institutionnels.
Et c’est seulement au bout de quinze ans que cette pression familiale et sociale va faire réagir le monde politique. La Circulaire Veil de 1995, qui établit l’autisme comme priorité de santé publique dessine un nouveau protocole de coopération sanitaire, médico-sociale et éducative. Dorénavant, il y aura pour l’autisme en France un avant et un après cette Circulaire.
Cette fois, la psychiatrie n’a joué qu’un rôle marginal. Ceux d’entre nous qui y participons viennent d’associations ou de certains services universitaires; ils appartiennent à des enclaves actives mais isolées de la masse de la psychiatrie publique (les secteurs de psychiatrie) et de la D.G.S.
D’ailleurs, la psychiatrie « officielle » se montrera hostile : année après année, les recommandations sur les réseaux, le renouveau de la formation, la constitution des Comités techniques régionaux pour l’autisme, et enfin celle des Centre de Ressources Autisme en 2000, tout ce qui va naître de la Circulaire sera ignoré voire boycotté dans un premier mouvement.
En 2005, elle accueille encore avec méfiance la Loi sur l’Education qui enfin donne un droit à l’école, un droit « opposable » à l’Etat par les parents, ce qui pourtant prépare les nouvelles générations de citoyens à un meilleur accueil social du handicap.
Et même le dispositif le plus novateur de ces dernières années en psychiatrie, celui d’une unité d’urgence pour les Situations Complexes en Autisme, avec ses équipes mobiles, a reçu d’elle le coup de pied de l’âne lors de sa préconisation par le SROS régional en 2005. Un quarteron de pédopsychiatres syndicalistes et psychanalystes prétendait que si « on donnait son budget à leurs propres services, il n’y aurait plus de situations complexes… ».
Toutes ces réticences furent vaines évidemment parce que cette caravane passe malgré eux, légitime et inexorable.
3. Dans les années 2000, une troisième vague de parents amène d’autres pôles de revendications.
Entre temps, dans les années 2000, une troisième vague de dissidence, plus intraitable encore que les précédentes, est apparue. Les nouveaux parents militent pour la prise en charge ultra précoce des enfants, ce que des savoirs scientifiques récents rendent incontournable. Ainsi, ils espèrent une amélioration rapide qui rendrait crédible, et plus tard effective, l’inclusion scolaire et sociale revendiquée aussi avec vigueur.
Des groupes de travail de psychiatres et de psychanalystes investissent ce terrain qui modernisent leur approche: l’observation fine des bébés (comme le groupe PREAUT souvent cité, mais il n’ est pas le seul) ; la liaison avec la neuro-psychologie, les neuro-sciences et la génétique (au CHU Necker) ; le partage avec la neuro-pédiatrie, la médecine fonctionnelle de Vasseur et la régulation tonico - émotionnelle de Bullinger venue de Suisse (notamment avec Delion à Lille et Livoir-Petersen à Montpellier).
Mais malgré eux les vieux démons « suprémacistes » s’imposent encore et encore. Tandis que les jeunes parents montrent dans les medias leur exaspération due aux mensonges d’état, à l’absence ou au retard quant aux moyens de la prise en charge précoce des petits autistes, ce que la psychiatrie dénonce peu (beaucoup moins que les associations), des psychanalystes vont sur les mêmes ondes pontifier sur « les mères crocodiles » et « leurs fantasmes cannibales ». Le parallélisme des discours et le malentendu sont à leur comble entre d’une part le ressentiment familial et social sur les parcours et d’autre part l’emphase de certains discours psychanalytiques emplis de jouissance littéraire ou de bons mots.
Pour finir, la psychiatrie publique presque entière lance une pétition inutile contre le plan autisme de 2013 au lieu de se mobiliser pour y apporter ses contributions de terrain et, à l’aune de son implication, ses correctifs. Ceux-ci seront nécessaires car la Recommandation de 2012 comporte quelques équivoques qui peuvent faire basculer certaines pratiques dans la violence et l’illégalité.
Mais pour cela, il lui faudra reconnaître que ce troisième plan n’altère nullement la condition des autistes. Elle a progressé en 20 ans depuis la circulaire de 1995. Les mouvements positifs qui étaient à l’œuvre avant le plan 2013 le seront encore après lui, irréversibles. A l’ancienne suprématie des services de la psychiatrie et du handicap se substitue la sélection de leurs prestations seulement quand elles sont utiles. Une nouvelle médecine exploratoire, génétique et neurologique, a imposé ses contributions. Les carences d’éducation et de scolarité sont compensées peu à peu et la pédagogie continue d’inventer des outils nouveaux. Pour ce qui est de la culture, de la sexualité, de l’insertion professionnelle et de l’habitat, il n’existe que quelques expériences innovantes, mais l’ensemble du plateau technique est maintenant bien connu et recommandé. Nulle corporation ne devrait tourner le dos à ce vaste chantier parce qu’elle ne reçoit pas exactement ce qu’elle pense mériter.
4. Depuis 2010, est-ce une quatrième vague ?
J’ai commenté précédemment la responsabilité des politiques et des administrations, notamment depuis 2012. Rappelons seulement qu’après une période de déni, celle des années 80, il y eut dans les années 90 la reconnaissance de l’ autisme comme priorité de santé publique, et que, entre 2010 et 2014, on observe des embardées erratiques et des manipulations dans les ministères, de Sarkozy puis de Hollande, en interaction avec une quatrième vague de contestation parentale. Des regroupements s’établissent temporairement autour d’approches qui s’autoproclament souveraines ou uniques. Mais derrière cette façade d’unité, une guerre commerciale féroce, notamment pour dispenser des formations, aiguise des surenchères et des rivalités y compris entre associations familiales.
C’est le discours de la ministre Marie-Arlette Carlotti en juin 2013 sur « les méthodes qui marchent » et qui « seules seront financées » qui leur a frayé un chemin. Cette bévue s’est abritée derrière la dernière Recommandations de la HAS. Après celle de 2005 (pour les diagnostics), consensuelle, celle de 2012 (pour les pratiques) a valorisé à l’excès des « preuves scientifiques» très contestables, afin de donner cette fois la suprématie à des approches comportementales. Cette capitulation devant des lobbyings est à la source d’abus qui imposeront sans doute des arbitrages juridiques. Nous savons cependant que les personnes autistes, qui présentent une grande diversité, vont résister aux tentatives d’uniformiser les accompagnements .
Un arrière-fond historique aux critiques contre la psychiatrie et la psychanalyse (Moise ASSOULINE Juin 2014)
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Re: historique associations Autisme
Pour ce qui est des associations de personnes autistes, cet article du CAIRN où Stéfany BONNOT-BRIEY parle de la naissance de SATEDI
https://www.cairn.info/revue-l-informat ... ge-813.htm
"On ne peut pas parler de nous sans nous"
https://www.cairn.info/revue-l-informat ... ge-813.htm
"On ne peut pas parler de nous sans nous"
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Re: historique associations Autisme
C'est difficile de trouver un ouvrage sur ce thème.
Il y a une thèse de doctorat soutenue à Bordeaux, qui en traite partiellement, mais qui n'est pas encore en ligne.
Il est possible d'utiliser les dossiers publiés par Autisme France et Sésame Autisme à l'occasion de leurs anniversaires.
Ne pas hésiter de demander l'info à la documentation d'un CRA.
Il y a une thèse de doctorat soutenue à Bordeaux, qui en traite partiellement, mais qui n'est pas encore en ligne.
Il est possible d'utiliser les dossiers publiés par Autisme France et Sésame Autisme à l'occasion de leurs anniversaires.
Ne pas hésiter de demander l'info à la documentation d'un CRA.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans