J'ai l'impression que ma vie est une comédie

[Spring]

Bonjour.

Je suis atteint du syndrome d'Asperger, et j'aimerais connaître votre point de vue sur un sujet qui m'est cher...

Enfant, j'ai toujours refusé le contact social. En grandissant, j'ai appris à interagir, et même de façon plutôt efficace, avec les gens, et cela en apprenant et reproduisant leurs mimiques. Rien de bien exceptionnel.

Le problème vient d'un sentiment que je ressens de temps en temps et qui n'est pas du tout agréable. à savoir celui d'être quelqu'un de faux... Un menteur... C'est à dire, que tout ce que je vois, tout ce que je dis, et tout ce que je pense me semble biaisé par le prisme du rôle que j'adopte face à l'autre...

Plus prosaïquement, à force de jouer un rôle social, j'en viens à avoir du mal à distinguer quand s'arrête le masque et où commence ma vrai personne...

Lorsqu'on grandit en adoptant le masque d'un idéal social que l'on se fait, est ce que cet idéal devient ce que l'on est vraiment ou ne reste qu'un rôle?

Ce genre de pensées me plonge dans l'angoisse et le stress. J'ai peur de ne plus savoir qui je suis, de vivre la vie de "quelqu'un d'autre" qui n'est pas moi et qui ne sera jamais moi...

Par exemple, si je réussis quelque chose en simulant un comportement, j'ai l'impression que le mérite ne me revient pas... C'est assez frustrant.

Ressentez vous aussi ce sentiment? J'aimerais lire vos témoignage et votre avis sur la question.

Je vous remercie, bien évidemment, n'hésitez pas à poser des questions si je me suis mal exprimé.


Spring, l'ami des bégonias et autres Cucurbitales.

[Flower]

Oui, je connais ce sentiment. En fait, je l'ai connu avant même de savoir que j'étais aspie, parce que j'avais l'impression de ne pas savoir qui j'étais. C'est particulièrement marqué au travail, où je joue tellement bien ce rôle qu'on me croit beaucoup plus apte à exercer mon métier que je ne me sens moi-même... (J'en ai parlé dans ma présentation tout à l'heure.) Conséquence, j'ai peur de relâcher dans mes efforts parce que je ne veux pas décevoir les gens.

C'est à double tranchant finalement: d'un côté, ces mécanismes de compensation permettent de s'insérer dans la société, d'avoir un emploi etc. De l'autre, cela entraîne à la fois un sentiment d'être un imposteur et peut devenir extrêmement fatiguant. La solution serait de trouver un équilibre, donc arriver à jouer sur ces mécanismes quand c'est indispensable et les abandonner autant qu'on peut, comme on mettrait un jean pour sortir et un jogging quand on est à la maison. Mais quand on a trop joué la compensation et que c'est devenu presque un enjeu de survie, je crois qu'il faut un accompagnement extérieur pour arriver à lâcher ce masque.

[Benoit]

La vie n'est elle pas une ombre qui marche, un pauvre comedian qui erre sur la scene...

(Ne faites pas attention a ce message dit par un idiot et ne signifiant rien).

[Philippe_m]

Benoit, pourquoi te traiter d'idiot ? Ton message est censé, au contraire

[Benoit]

[C'est une citation de Macbeth, j'ai ecrit 'idiot' parce que ca fait partie dela citation.]

[Spring]

Oui, je connais ce sentiment. En fait, je l'ai connu avant même de savoir que j'étais aspie, parce que j'avais l'impression de ne pas savoir qui j'étais. C'est particulièrement marqué au travail, où je joue tellement bien ce rôle qu'on me croit beaucoup plus apte à exercer mon métier que je ne me sens moi-même... (J'en ai parlé dans ma présentation tout à l'heure.) Conséquence, j'ai peur de relâcher dans mes efforts parce que je ne veux pas décevoir les gens.

C'est à double tranchant finalement: d'un côté, ces mécanismes de compensation permettent de s'insérer dans la société, d'avoir un emploi etc. De l'autre, cela entraîne à la fois un sentiment d'être un imposteur et peut devenir extrêmement fatiguant. La solution serait de trouver un équilibre, donc arriver à jouer sur ces mécanismes quand c'est indispensable et les abandonner autant qu'on peut, comme on mettrait un jean pour sortir et un jogging quand on est à la maison. Mais quand on a trop joué la compensation et que c'est devenu presque un enjeu de survie, je crois qu'il faut un accompagnement extérieur pour arriver à lâcher ce masque.

Merci de ton témoignage, ce que tu dis à de la valeur. C'est cela, il faut trouver un équilibre en fonction de ce qui est bon pour nous et bon pour les autres. Peut être que la question des priorités mérite d'être posée.

La vie n'est elle pas une ombre qui marche, un pauvre comedian qui erre sur la scene...

(Ne faites pas attention a ce message dit par un idiot et ne signifiant rien).

Cela revient à théoriser la vie comme une pièce, j'aime bien. Après tout, sommes-nous les seuls à se vêtir d'un costume et d'un masque, lorsqu'on marche dans la rue? Quand je constate à quel point les gens s'efforce à la bien bienpensance et la bienséance, il peut être sage de relativiser, après tout. =)

[philigram]

Si tu lis mon fil, tu comprendras que je ressens la même chose. En résumé, à force d'imiter, de m'imprégner des autres, de leurs opinions, goût pour me faire aimer et m'intégrer, je ne sais plus qui je suis réellement, et si au fond je suis quelqu'un.
L'impression d'être un imposteur, même ici.

[olivierfh]

Par exemple, si je réussis quelque chose en simulant un comportement, j'ai l'impression que le mérite ne me revient pas... C'est assez frustrant.

C'est quand même toi qui choisis d'imiter ça et pas autre chose parmi les méthodes qui ont pu s'offrir à toi au cours de ton expérience. Tout le monde aspie ou pas essaie plein de choses et garde ce qui marche, pas de honte à avoir.

[Nataldie]

Bonjour.

Je vois que ton message daté un peu mais tu dis que le sujet t'est cher et donc je me permet d'y contribuer.

Je ne sais pas si je suis aspi ou autre en fait peu m'importe. Je suis arrivée sur ce forum car j'y ait trouvé des personnes rencontrant les mêmes difficultés que moi.

" ma vie est une comédie" c'est mon plus gros soucis.

Enfant j'étais " différente " alors, on m'a mis au cour de théâtre. Faute de ne pas être comme tout le monde, on m'a appris à faire semblant. Je me suis enfermée dans le théâtre durant 15 ans.

Mais maintenant à 30 ans j'ai l'impression de ne pas avoir de personnalité, et comme tu dis je ne sais pas qui je suis moi même.

Je rencontre des gens, et s'ils me semblent intéressants je les observe, et je me nourri de leurs expressions, de leur gestuelle, que je reproduit. Des phrases et réactions toutes faites qui fonctionnement bien.
Donc je te rejoint.... Je ne sais pas qui je suis, jusque là ça allait, et il y a un mois je me suis réveillée avec une impression angoissante d'étouffer et depuis je n'arrive pas à me débarrasser de cette sensation.

[Asriel]

Bonsoir Nataldie,

Je peux comprendre ce que tu ressens.
Pendant des années, avant d'obtenir mon diagnostic, j'ai essayé de masquer mon tempérament pour me faire accepter au collège et au lycée.
Ce faisant, j'ai inhibé ce que j'étais au fond de moi, et ça m'a provoqué le même sentiment que vous. Pour ma part, je sais maintenant que c'était dû à l'autisme.
Il y a peut-être d'autres explications pour vous, seule une démarche de diagnostic pourrait le déterminer.

Cependant, je peux tout de même dire que cela me parle.
À ce titre, depuis que j'ai obtenu un diagnostic, et les explications quant à mon comportement, je me rends compte être beaucoup plus naturel, surtout auprès de mes amis.
Je continue de faire des efforts en milieu scolaire parce que c'est important.
Cependant, auprès de mes amis, ou même ici, je me permets de ne pas cacher mes manies, mes petits T.O.Cs. Je me sens plus moi-même et cela fait du bien.

Dans tous les cas, je pense que comprendre les raisons pour lesquelles on se comporte différemment nous permet, selon l'âge auquel cela survient, selon nos propres volontés, de s'assumer plus tel que l'on est parce qu'on est rassuré derrière par cela.

Bonne journée,
Castiel.

[MrsJack]

Philigram avait écrit sur un autre topic un "comportement de caméléon" (qui peut toucher les NT aussi) et qui conduit les personnes à oublier ce qu'elles sont à force de vouloir plaire aux autres. Dans le cas des aspies j'ai l'impression que c'est différent (ou plus intense ?), car vous parlez d'imitation, les NT vont imiter mais partiellement, ils vont ensuite "jouer un rôle" sur mesure avec leurs propres aptitudes (là le titre du topic prend tout son sens).

Je pense qu'il faut différencier ce que vous faites pour plaire aux autres (ou vous conformer au groupe) et ce que vous faites pour vous faire plaisir à vous même pour essayer de voir qui vous êtes réellement.
Vos idéaux aussi, si vous arrivez à les identifier peuvent vous aider à ne pas accepter tous les rôles et du même coup à retrouver votre vraie personnalité.
Depuis quelques mois j'essaye de faire ce travail là.

J'ai parfois cette impression de jouer un rôle et d'oublier qui je suis, mais en réalité je considère que j'ai une personnalité à plusieurs facettes et que je fais tourner les facettes en fonction du contexte, mais je n'aime pas toutes ces facettes, certaines sont contradictoires alors je me déteste ou j'en veux aux personnes qui m'ont poussé à travailler ces facettes.
Je déteste aussi le fait que la plupart des gens me considèrent "simplement", ils se contentent de la surface de la première facette qu'ils ont vu, sans voir la complexité derrière et souvent ils se sentent décontenancés quand ils aperçoivent une autre facette qu'ils n'avaient jamais vu avant, ça me donne l'impression de ne jamais être comprise, de ne jamais être réellement proche de personne, même des gens qui m'aiment et que j'aime.

Mon ami aspie m'avait déjà dit un truc approchant, ce qui m'a fait un drôle d'effet... J'étais heureuse de voir quelqu'un avec un fonctionnement approchant du mien, mais j'étais aussi terriblement triste de voir que même lui ne se rendait pas compte de ma propre complexité et était probablement persuadé que je ne pouvais pas supporter ou comprendre la sienne.
De mémoire il ne m'a jamais dit qu'il était un acteur, mais il considère avoir plusieurs vies, être un voyageur et un observateur du monde... Et ça ça me parle d'avantage.

[Anahata]

Bonjour, oui je comprends cette angoisse.
Elle me parle bien. Mon explication est qu'on ne s'écoute pas suffisamment et qu'on entend plus la petite voix qui nous dit ce qu'on veut vraiment, à force de chercher à faire comme les autres.
Alors parfois je me demande, ce que je veux vraiment, ce qui me ferait plaisir. C'est difficile. De manière logique je visualise les possibilités et dans mon corps je vois si je me sens à l'aise ou pas du tout.
Parfois je fais comme si mon histoire arrivait à quelqu'un que je cheris, quelqu'un de plus important que tout à préserver. Alors je me rends compte que j'ai dépassé les bornes depuis longtemps. J'ai souvent des crises comme ça. Parce que j'ai tendance à être déraisonnable.
Ce n'est qu'une angoisse et pour moi c'est le summum de l'angoisse lié au fait qu'on fait trop d'effort. En fait on en a rien à cirer, pour de vrai. Tous ces efforts me font penser à un loyer payé tous les mois au lieu d'investir. Je sais pas si vous me suivez. C'est l'idée. C'est de la traite de vache à lait. Oui c'est pas mieux je sais lol.
Il faut Tempérer avec des choses de notre nature profonde. Je dirais même mieux. Écouter notre nature profonde et puis c'est tout. Se reposer. (Pour quitter le masque c'est dur, et pour se réecouter c'est dur aussi)
Et si pour ça je dois vivre de laah et rester avec un statut dhandicapée toute ma vie et bien soit !! Des classes prépa prout prout un école d'ingénieur des entrprises blindées j'en ai soupé de tout ça. Erreur d'aiguillage !!!

[user3571]

Bonjour.

Je suis atteint du syndrome d'Asperger, et j'aimerais connaître votre point de vue sur un sujet qui m'est cher...

Enfant, j'ai toujours refusé le contact social. En grandissant, j'ai appris à interagir, et même de façon plutôt efficace, avec les gens, et cela en apprenant et reproduisant leurs mimiques. Rien de bien exceptionnel.

Le problème vient d'un sentiment que je ressens de temps en temps et qui n'est pas du tout agréable. à savoir celui d'être quelqu'un de faux... Un menteur... C'est à dire, que tout ce que je vois, tout ce que je dis, et tout ce que je pense me semble biaisé par le prisme du rôle que j'adopte face à l'autre...

Plus prosaïquement, à force de jouer un rôle social, j'en viens à avoir du mal à distinguer quand s'arrête le masque et où commence ma vrai personne...

Lorsqu'on grandit en adoptant le masque d'un idéal social que l'on se fait, est ce que cet idéal devient ce que l'on est vraiment ou ne reste qu'un rôle?

Ce genre de pensées me plonge dans l'angoisse et le stress. J'ai peur de ne plus savoir qui je suis, de vivre la vie de "quelqu'un d'autre" qui n'est pas moi et qui ne sera jamais moi...

Par exemple, si je réussis quelque chose en simulant un comportement, j'ai l'impression que le mérite ne me revient pas... C'est assez frustrant.

Ressentez vous aussi ce sentiment? J'aimerais lire vos témoignage et votre avis sur la question.

Je vous remercie, bien évidemment, n'hésitez pas à poser des questions si je me suis mal exprimé.


Spring, l'ami des bégonias et autres Cucurbitales.

Qu'espère tu obtenir comme avantages en reproduisant leur mimiques ? Quels en sont les coûts pour obtenir ces avantages?

85% de la population française est composé de nomo pensants avec un cerveau gauche et pas un cerveau droit. Ils ne peuvent pas faire de différences entre quelqu'un qui imite autrui pour être intégré et autres avantages et une autre personne qui n'a pas besoin d'imiter parce que pour lui c'est naturel.

Qu'es ce qui t'importe dans ta vie de tout les jours? A quoi attache tu d'importance?

Quand tu réussis quelque chose, peux importe la façon dont tu t'es pris, à partir du moment ou elle est reconnue comme telle par autrui et par toi, tu dois l'assumer.

Quand à ton sentiment d'imposture, cela se manifeste quand et en présence de qui?

[Nataldie]

Castiel ;

J'aimerais pouvoir être moi même, et ne plus m'infliger ce contrôle que je garde constamment sur mon comportement ... Parce que dans un premier temps; c'est épuisant, physiquement et psychologiquement, de se focaliser sur ce contrôle, et aussi car arrivée à 30 ans, j'accorde beaucoup moins d'importance à ce que peuvent penser les autres. Parfois je me retiens des heures de " secouer " mes mains pour ne pas le faire en publique et vraiment, c'est une souffrance presque physique de ne pas le faire lorsque j'en ai " besoin " .
Mais je sais que ce geste est complètement anormal pour les autres. D'ailleurs je n'ai jamais vu personne faire ça. Comme les bruits que je fais avec ma bouche et le fait de frotter mon pouce droit sur ma bouche dès que je suis angoissée ....( je met une grosse bague pour penser à ne pas le faire ! ) Entre autre.

J'ai l'impression d'avoir tellement travaillé mes comportements que personne ne me connaît réellement, et même ma famille ne comprendrait pas cette modification comportementale si j'arrivais devant eux à me laisser aller à mes petites " manies " Ce soir, j'ai participé à un jeu de société en famille. J'ai dû dessiner un objet pour le faire deviner aux autres, et mon père a rit en disant " d'artiste à autiste il n'y a qu'une lettre" ... Enfin Voila. 30 ans que mes " bizarreries " font rire tout le monde.
Alors se laisser aller et s'assumer tel qu'on est n'est pas évident quand on a eû l'habitude d'être remise dans les rails toutes les deux minutes.

Je n'ai aucun diagnostic, mais il est certain que j'ai des réactions, des comportements et une réflexion en décalage total avec les personnes que je connaît.

[Ewilan]

Je me sens à peu près comme vous à ce niveau. J'ai longtemps considéré que j'avais probablement une personnalité à plusieurs facettes, comme MrsJack. Tout cela alterné avec des phases ou je ne savais plus ou finissait la Ewilan du monde social et où commençait la vraie Ewilan. Je ne savais plus qui j'étais.

J'ai résolu le problème en me disant ceci : Je suis moi quand je suis seule. Quand je suis seule, personne ne m'empêche d'être moi même. Peut être que parfois j'arrive à être à l'aise et un peu moi même avec quelques personnes dans de rares moments. Mais c'est toujours différent de moi seule.

Je déteste aussi le fait que la plupart des gens me considèrent "simplement", ils se contentent de la surface de la première facette qu'ils ont vu, sans voir la complexité derrière et souvent ils se sentent décontenancés quand ils aperçoivent une autre facette qu'ils n'avaient jamais vu avant, ça me donne l'impression de ne jamais être comprise, de ne jamais être réellement proche de personne, même des gens qui m'aiment et que j'aime.

Du coup je pense pareil sauf que ce n'est pas plusieurs facettes dont.les gens se fichent mais de la vraie moi. D'un autre côté quand quelqu'un commence à s'intéresser à la vraie moi et que ma bulle se fissure je perd le contrôle et je rejette tout en bloc. C'est trop terrifiant.
Bon c'est pas gagné tout ça