Par ailleurs, ce que je trouve bien dommage aujourd'hui, en tout cas en France (et dans certaines cultures de d'autres pays), dans les mathématiques, c'est cette obsession pour la discipline qui est axée sur la performance. Ce vieux cliché de "la voie scientifique, voie royale" qui persiste malgré tout.
J'ai pu donner des cours et faire de l'aide aux devoirs bénévolement à distance auprès de collégiens et des lycéens de la 3ème à la Terminale pendant les 6 derniers mois.
Et j'ai été assez surprise de l'engouement, presque un effet de mode, qui se crée aux alentours des CPGE (Classes Préparatoires aux Grandes Écoles) et cette obsession sur le fait de vouloir être performant en mathématiques juste parce que "C'est la classe de faire un truc jugé comme difficile".
Vouloir faire une prépa parce que ça rendra meilleur, c'est un fait. Mais le vouloir uniquement pour la reconnaissance, sans le plaisir d'étudier des disciplines pour lesquelles on porte un certain intérêt et un certain amour, le vouloir sans savoir quoi faire derrière, c'est autre chose, c'est même foncer dans le mur. D'autant plus lorsque l'on s'engage pour 2 ans de travail intensif.
Dans leur esprit : "C'est classe de faire des maths juste pour montrer qu'on a un cerveau. C'est la classe de faire des mathématiques parce que c'est la voie royale".
Et j'ai été un peu déçue de cet engouement qui s'articule autour d'un pseudo-fantasme sur la volonté de performer pour prouver quelque chose, pour dire "Regardez, j'étudie quelque chose de très intellectuel, je suis intelligent !".
J'en ai vu pas mal parler de prendre de l'avance sur les programmes de prépa alors qu'ils ne sont qu'en 2nde et ne maîtrisent pas le minimum de pré-requis pour aborder des choses plus compliquées.
Ce qui est bien triste, c'est qu'une bonne partie du plaisir à étudier les maths réside dans le fait de buter pendant quelques heures, parfois plusieurs jours, parfois plus, sur un exercice, réfléchir, trouver différentes manières de le résoudre et d'en venir à bout et être satisfait, soulagé, heureux quand on a la solution. Prendre du plaisir à faire des maths quoi.
Et une bonne partie de cette nouvelle génération de lycéens et de futurs étudiants, ne voit dans les maths que le fait "d'avoir la bonne réponse tout de suite" parce qu'ils y arrivent du premier coup, ils cherchent à se rassurer en voulant anticiper à tout prix le passage douloureux du secondaire aux études supérieures par peur de l'échec. Sauf que le but et encore plus en prépa, si je puis dire, c'est (pardonnez-moi de la vulgarité) de se manger la gu*ule bien comme il faut en se faisant défoncer pendant 2 ans pour gérer aux concours. Et ça, sans mauvais jeu de mot, ils ne l'ont pas intégré !
Ça montre bien qu'encore une fois, cette peur des mathématiques, cette peur d'échouer en maths, de ne pas réussir du premier coup, cette peur de buter, qui est en fait la clé de la progression en maths, est toujours à l'origine d'une certaine pression qu'on peut retrouver chez les élèves. Et c'est la même peur qui peut inciter les gens à se désintéresser. Etre bon en mathématiques, ce n'est pas réussir tout du premier coup, ce n'est pas avoir la bonne réponse du premier coup. Etre bon en mathématiques, c'est tout un art, c'est une progression de tous les jours.
A première impression, en lisant mon raisonnement, on peut penser : "Mais et alors ? S'ils ont envie d'apprendre en prenant de l'avance, autant les laisser faire !". Et je le comprends.
Me destinant moi-même à l'enseignement de la discipline en question, jamais je serai du genre à brider un élève, au grand jamais. Toujours donner accès au savoir, assouvir sa soif d'apprendre. A condition de ne pas nuire à ses acquis.
Aujourd'hui, on a une volonté de "dédiaboliser" les mathématiques. Par le biais de la vulgarisation notamment, le développement de contenus numériques pour faciliter l'apprentissage des notions mathématiques.
Ce qui est super, c'est la volonté de briser ce cliché binaire du "Soit on est excellent en maths, soit on est très mauvais en maths".
Cliché qui est totalement faux !
Là où ça pose davantage souci, c'est qu'en incitant les jeunes à se tourner de nouveau vers les maths, certains ne le font pas pour les bonnes raisons. Sans parler de certaines personnes dont il est carrément ancré dans la culture que le choix des études ou du futur métier de l'enfant revient aux parents... Et à mon sens, faire des maths pour gonfler l'égo ou faire des maths pour attester d'une certaine "intelligence", ce n'est pas une bonne raison de faire des maths. Je trouve ça même très malsain.