Je suis autiste ou Asperger, j'aimerais partager mon expérience. Je ne suis ni autiste ni Asperger, mais j'aimerais comprendre comment ils fonctionnent en le leur demandant.
calande a écrit :Gros problème tel que tu le décris, en ce qui me concerne aussi
Mémoire immédiate mauvaise, et grosses difficultés à comprendre ce que je lis quand c'est un paragraphe ou plus...
Ça me rassure un peu de constater que ces problèmes semblent être communs à un certain nombre de membres de ce forum.
Malgré une consommation de livres assez importante et régulière, j'ai l'impression que je ne serais pas en mesure de soutenir une conversation un peu approfondie sur un sujet donné.
Et ça se vérifie d'ailleurs quand je me trouve en situation. Parmi la masse d'informations que j'ai lues, et donc en principe acquises, sur un thème, une portion que je juge bien maigre me semble être disponible à volonté au cours d'une conversation. Les dates s'envolent, les noms s'envolent... seules restent quelques grandes informations. De temps en temps, un nom me revient, sans que je comprenne comment.
Un de mes anciens profs de latin disait "doctus cum libro". Ça me correspond bien. J'ai besoin d'avoir mes bouquins près de moi - même si je les ai lus pour la plupart - si j'ai besoin d'écrire sur quelque chose ou même d'en discuter. La plus grande partie de ma mémoire est ainsi comme externalisée.
Inovo a écrit :Lorsque je regarde un film, indépendamment du fait qu'il me passionne ou pas, j'ai beaucoup de mal à retenir les noms des différents personnages, et, si je les retiens, à les maintenir associés aux personnages correspondants.
Même chose ici ! J'ai abandonné les films car c'était trop frustrant. Mais non seulement les noms des personnages, c'est aussi le fil de l'histoire que je perds complètement. C'est comme si on coupait le son. Je suis ailleurs ! Je ne regarde plus les films depuis très longtemps
J'ai également l'expérience de ces problèmes;
Dans mon cas je suis passé du pire à une surprenante amélioration, grâce aux psycho-stimulants mais aussi au repos;
je suis très attentif à la qualité de mon sommeil, il me semble qu'un sommeil paisible est à la base d'un esprit dynamique.
Par ailleurs depuis le diagnostic j'évite toute situation susceptible de me perturber; je vis plus tranquillement et mon dynamisme psychique s'en trouve mieux.
J'apprends des poésies par-coeur, je jongle(maitrise 4 balles en ce moment) etc...
Parfois je me dis qu'au fond, ces épuisements psychiques ne sont peut être dus qu'a des manques nutritionnels qui affecteraient davantage les autistes.
On se souvient du scorbut qui a décimé pendant des siècles les marins, jusque 1747 où James Lind finalement en isole la cause...
Rocella Tintoria a écrit :J'ai également l'expérience de ces problèmes;
Dans mon cas je suis passé du pire à une surprenante amélioration, grâce aux psycho-stimulants mais aussi au repos;
je suis très attentif à la qualité de mon sommeil, il me semble qu'un sommeil paisible est à la base d'un esprit dynamique.
Par ailleurs depuis le diagnostic j'évite toute situation susceptible de me perturber; je vis plus tranquillement et mon dynamisme psychique s'en trouve mieux.
J'apprends des poésies par-coeur, je jongle(maitrise 4 balles en ce moment) etc...
je confirme pour le sommeil : c'est pas tjs gagné, il a bien des nuits où le sommeil tarde, mais globalement, avec une
bonne hygiène de vie ça va déjà mieux
psychostimulants ?
Rocella Tintoria a écrit :
On se souvient du scorbut qui a décimé pendant des siècles les marins, jusque 1747 où James Lind finalement en isole la cause...
une simple carence extrême en vitamine C.
et ce faisant il a fait la 1ere étude scientifique avec groupe témoin ! (ceux qui avait le droit à des agrumes vs. ceux à qui il faisait des saignés "comme d'hab")
un p'tit cours sur le fonctionnement normal de la mémoire humaine :
(bon évidemment, vous avez pas le had comme speaker pour expliquer,
mais j'esperes que mes slides sont assez claires comme ça)
la-memoire-psycog.pdf
ça m'interesserai de refaire ça pour les autistes
Très clair, même sans speaker
Ni diag., ni en cours , ni auto-diag. Juste un peu zarbi, les fesses entre minimum deux chaises, un peu bancale. Bienheureux inconfort qui permet une multitude de rencontres.
Ne se sentir nulle part à sa place permet d'en expérimenter de nombreuses.
Rocella Tintoria a écrit :
Parfois je me dis qu'au fond, ces épuisements psychiques ne sont peut être dus qu'a des manques nutritionnels qui affecteraient davantage les autistes.
J'en doute un peu. J'ai une bonne connaissance de quelques-uns des principaux facteurs qui contribuent à ma sensation d'épuisement.
Passer de bonnes nuits de sommeil et avoir une bonne hygiène de vie n'atténue pas les effets indésirables d'autres événements et situations. Une réunion professionnelle tendue pendant 3 heures, 20 mn de métro dans un wagon bondé de gens bruyants et agités, l'impact continuel des autres sur soi, les demandes, les sollicitations continuelles, les attentes des proches. Tout ça a un impact important sur moi et me "vide".
Inovo a écrit :Je pense avoir une défaillance au niveau de la mémoire immédiate.
La situation la plus marquante est la lecture. Lorsque je m'engage dans une phrase un peu longue, très souvent, arrivé à la fin de la phrase, je m'aperçois que j'en ai à peu près oublié le début. Cela me pose des problèmes de compréhension du texte, et je dois fréquemment lire et relire plusieurs fois la phrase.
[J'ai par ailleurs ce trouble consistant à - parfois mais pas tout le temps - relire en boucle, jusqu'à des dizaines de fois, telle ou telle partie du texte, mon attention s'échappant continuellement, mais c'est un autre problème.]
+1 ça m'arrive tout le temps, dans mon cas c'est lié à la dépression qui accentue les troubles de l'attention
diagnostiquée asperger - fortement suspectée de fibromyalgie - traitée pour dépression
les limbes de mes nuits sont plus belles que vos jours (Jean Racine & FFF)
Inovo a écrit :Je pense à un autre phénomène, qui s'apparente au premier que j'ai évoqué avec la lecture.
Lorsque je regarde un film, indépendamment du fait qu'il me passionne ou pas, j'ai beaucoup de mal à retenir les noms des différents personnages, et, si je les retiens, à les maintenir associés aux personnages correspondants.
il semblerai que la reconnaissance des visages, et des noms qui y sont liés, soient géré par une autre partie du cerveau
j'ai un mal de chien (pourquoi le chien ?) à retrouver les noms des gens (qu'ils soient de fiction ou tout à fait réel). ça me vexe de temps
en temps qd je bloque en cherchant le prénom de ... ma soeur (et ça l'a vexe aussi )
mais ce n'est pas la meme chose que la mémoire de travail
j'ai fait un petit slide de psychologie cognitive sur la mémoire, je vais voir si je trouve ça.
tout pareil, les noms et les visages c'est très compliqué
les prénoms de mes collègues il faut que je me concentre un max alors que je les vois tous les jours (pour ceux avec qui je ne travaille pas directement je suis incapable de donner leur prénom alors que je les connais depuis des années)
un ex. au boulot il y a le prénom de la personne qui appelle qui s'affiche sur le téléphone, sauf que pour les secrétaires ils ont la flemme de mettre à jour donc depuis 2 ans c'est x (nouvelle secrétaire) qui appelle et le prénom de y (ancienne secrétaire) qui apparaît sur le téléphone, du coup un jour on me demande qui m'a dit ça et je réponds "c'est y qui a appelé" ... "euh y n'est plus là depuis 2 ans ??? mais tu as eu qui au téléphone ???"
les visages de mes voisines je vous dis même pas, au bout de 10 ans j'arrive tout juste à faire la différence entre certaines (il y en a deux qui ont les cheveux blancs donc je les reconnais à leur chien )
j'ai aussi un problème de "géographie" cad que même avec un GPS j'arrive à me paumer (je confonds systématiquement la droite et la gauche), si je sors de mes trajets habituels, même d'une rue ou deux, c'est foutu
j'ai souvenir d'un jour de travaux où il fallait changer mon itinéraire sur 300 mètres, donc prendre une rue parallèle, sauf qu'il n'y en avait pas d'exactement parallèle ... j'ai passé 3/4 d'heure à tourner en rond dans les mêmes rues avant de m'éloigner totalement de la zone pour retrouver une grande route et des panneaux
Modération (Tugdual) : Fusion de sujets (fin).
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Il ne semble pas y avoir de lien fort entre la mémoire et les TSA, mais je me demandais tout de même...
Avez-vous une bonne mémoire ?
Comment juge t-on si on a une meilleure mémoire que ce qui est habituel ?
Est-ce que si vous avez une forte mémoire vous pensez que c'est une caractéristique qui vous est propre, ou que c'est en lien avec l'autisme, ou en lien avec des synesthésies, ou autre chose ?
Je me pose ces questions parce qu'il y a quand même Tammet qui a une mémoire incroyable, même si lui c'est lié aux synesthésies. Et Grandin, il me semble qu'elle a une mémoire eidétique (en tout cas dans le film biographique)...
Ma soeur n'a pas été tellement surprise à l'annonce de mon diagnostic parce qu'elle a plusieurs fois été choquée par mes souvenirs précis après des années et qu'elle avait fait quelques recherches sur les mémoires exceptionnelles pour essayer de comprendre, ce qui l'avait amenée à des textes sur l'autisme. Il faudrait que j'approfondisse puisque je n'ai pas vu de lien particulier entre les deux...
Je n'ai pas l'impression d'avoir une mémoire anormale, alors que j'ai déjà eu plusieurs retours dans ce sens.
Je ne crois pas que ce sujet a été abordé spécifiquement sur le forum, on trouve plutôt des messages sur les déficits de mémoire à court terme...
Avez-vous des expériences particulières, ou des connaissances à partager à ce sujet ?
Diagnostiquée Autiste Asperger et TDA.
Mère de 3 enfants : fils Aîné TDAH et TSA atypique, cadet TSA de type Asperger, benjamin en cours d'évaluation neuropsy.
Difficile de faire la distinction entre la justesse de ma perception subjective, la faillibilité de toute tentative d'objectivation et le crédit que l'on donne aux regards extérieurs.
Je pense avoir une assez vilaine mémoire. Les dates n'ont aucun sens pour moi ; je ne retiens pas les trajets autrement que sous forme d'une direction générale, je ne suis jamais parvenu à retenir quelque chose par cœur ; on me reproche souvent d'avoir oublié des instants partagés, etc.
D'un autre côté, on s'étonne de mille choses dont je me souviens et qui n'ont demandé ni effort de mémorisation ni de restitution et l'apprentissage récent de la lecture rapide m'a fait passer du niveau le plus bas pour ce qui est de retenir les chiffres en particulier et les combinaisons alpha-numériques à un stade où, aujourd'hui, j'ai au moins trois dizaines de mots de passe associés à leurs identifiants, codes d'entrée, etc. ancrés dans la tête. Outre cela, j'ai des To de musique dans la tête.
Étant donné ce que l'on sait de la plasticité cérébrale et ma propre expérience, je me demande, hors anomalies anatomiques, si la qualité de la mémoire n'est pas juste une question mode d'apprentissage. En fin de compte, il me semble que les gens avec une capacité de mémorisation jugée comme étant bonne ont simplement trouvé seuls les stratégies les plus efficaces pour elles, parfois sans s'en rendre compte, ou bien ces mêmes personnes ont-elles eu la chance de se voir inculquée une méthode à leur mesure.
Plus j'en apprends sur la mémorisation, plus je m'aperçois que le premier des apprentissages nous manque à tous dès le plus jeune âge qui est l'apprentissage de l'apprentissage.
Il n'est pas impossible que les TSA portent ceux qui en sont atteints à user de moyens détournés pour s'en sortir quand les méthodes de l'enseignement classique les mettent en trop grande difficulté. À cela peut s'ajouter les stratégies élaborées naturellement dans l'accumulation d'informations que représente un intérêt restreint. On peut aussi penser à la faculté d'adaptation requérant la mémoire à l'extrême qu'est l'agir en caméléon.
Mes connaissance sur le TSA se limitant à ce que j'ai pu lire ces trois ou quatre derniers jours, j
e m'égare peut-être, mais j'ajouterais qu'il me paraît évident qu'un cerveau NT est sans doute tout aussi impressionnant que celui d'un NAT pour ce qui est des facultés de mémorisation, seulement, le premier étant la norme, il jugera exceptionnel le second. Imaginez un monde où les NAT seraient majoritaires ; on y serait impressionné par les dons que présenteraient de rares personnes pour la reconnaissance du non-verbal, la quantité d'informations qu'elles sauraient emmagasiner concernant un tas de choses inaccessibles aux NAT.
Je me souviens avoir dit à l'une de mes connaissances comme elle m'impressionnait par son aisance dans les rapports sociaux-verbaux de groupe, allant du compliment sur la nouvelle coupe de cheveu aux mots de connivence se référant à de lointains instants passés en commun, en passant par la prise de nouvelles sur la famille et le bien-être associés à la mémoire de ces états antérieurs. Que je sois NT ou pas, je peux juger avec certitude de ce que la personne dont je parle ici avait investi un champ de l'activité humaine nécessitant mille ressources mnémiques avec une efficience rare.
En somme, toute architecture cérébrale mise de côté, tout le monde n'a-t-il pas une mémoire potentiellement extraordinaire ?
En fin de compte, ce qui interroge n'est-ce pas comment l'on apprend ?
Mâle adulte de 30 ansDiag. en cours — Pistes évoquées : SED, TSA, HPI
« Là où la modération est une erreur, l'indifférence est un crime. »
— G.C. Lichtenberg, in Le miroir de l'âme
Mon ami a une memoire absolument fantastique. Pour apprendre le francais il apprend un dico de vocabulaire de 250 pages par coeur. Il m a demande de lui demander n'importe quel mot. Il sait tout!
Et est etonnee que je sois impressionnee. Il y a des mots que MOI je n'avais pas en tete (test inverse) alors que je suis bilingue de naissance.
Pareil avec le gros livre d'histoire de l'art de theorie de la musique.
Lui trouve ca normal, moi hyper impressionnant.
Il dit que j'exagere quand je le complimente dessus.
Peut etre est ce du a une plus grande separation entre rationel et emotionel dans la tete? Bon je n'y connais rien
Diag THQI . En couple avec homme asperger diagnostiqué juillet 2017.
Alors j'ai une mémoire bizarre, je la compare souvent à un disque dur.
J'enregistre des trucs qui ne servent à rien (le numéro du boucher chez qui je ne vais jamais mais devant lequel je suis passée tous les jours en revenant du lycée, tous les numéros internes de mon boulot même ceux que je n'utilise jamais, le numéro de téléphone que mes parents avaient dans les Ardennes quand j'étais toute gamine et dont je ne me suis JAMAIS servie...) et je me souviens dix ans après d'un passage lu (genre je connais des gens qui peuvent relire deux fois le même livre en se souvenant vaguement de l'intrigue ; moi, c'est comme si je l'avais lu la veille... c'est bête parce que parfois j'aimerais bien pouvoir relire des bouquins que j'ai adoré avec le même oeil que lors de la première lecture. Du coup je triche et je les relis en VO... je me rappelle de l'histoire mais je découvre le style original...)...
De la même manière, je peux faire de mémoire le plan de la maison de mes grands-parents, où j'ai passé certes pas mal de temps mais moins que mon père qui y a grandi et s'en souvient moins bien. Je me rappelle des papiers peints, de la disposition du jardin, de la cave où je n'allais quasi jamais, des meubles, de la déco... On me dira que c'est une mémoire "affective", c'est peut-être le cas, mais je me rappelle aussi du papier peint de ma chambre quand j'étais toute petite (la maison que mes parents habitaient quand je suis née et que j'ai quittée alors que je n'avais pas 3 ans !)...
A côté de ça, si on place un nouvel objet chez moi, sous mon nez, je vais mettre trois heures à m'en apercevoir...
J'ai une mémoire photographique. Ado, ça m'a bien servi. Il suffisait que je lise un truc ou mieux que je le recopie pour que ça reste gravé dans ma tête. Mais ça y restait pour une durée plus ou moins longue... Pour le bac, je n'ai jamais révisé au sens propre du terme. Je profitais de mes temps morts pour faire des fiches très synthétiques, que j'abandonnais au fond de mon sac sans jamais les relire. Le fait de les avoir écrites suffisait. C'est ma mémoire et ma capacité à écrire sur tout et n'importe quoi qui ont sauvé mon bac et m'ont permis d'avoir une mention. Sans ça, avec le peu de boulot que j'avais fourni durant l'ensemble de mes années lycée, bah le bac, je n'étais pas prête de l'avoir.
J'ai tendance à apprendre sans m'en rendre compte, par exemple j'entretiens mon Anglais au quotidien, en mettant mes logiciels en anglais, en regardant toutes mes séries et tous mes documents en VO et en lisant en VO dès que l'occasion se présente. Je suis devenue quasi bilingue sans m'en rendre compte. Récemment je regardais un truc à la télé tout en jouant sur ma tablette, et d'un coup j'ai réalisé que le truc était en anglais, et que je comprenais même sans avoir regardé l'écran.
Quand je m'intéresse à quelque chose, mon cerveau semble se transformer en enregistreur, ça rentre tout seul. La contrepartie, c'est que si je cesse de m'y intéresser, pouf, formatage du disque dur !! C'est frustrant pour les intérêts restreints épisodiques : je peux maîtriser à fond un sujet pendant deux mois (genre le fonctionnement des prêts immobiliers vu que j'ai planché dessus pour faire le meilleur choix lors de mon achat) et l'oublier dès que je n'en ai plus l'usage.
pré-diagnostic établi en 2012 (à 30 ans passés) par une psychologue comportementaliste - pas de démarche d'officialisation auprès du CRA prévue dans l'immédiat
Et la moitié des exemples que tu cites relèvent des techniques de mémorisation, pour ce qui est du bac, et de l'anglais, précisément.
Sans vouloir être redondant, je pense que la chose la plus étonnante à laquelle nous ayons tous affaire, NT ou pas, c'est la nullité profonde de l'enseignement scolaire qui ignore absolument toutes les connaissances acquises ces dernières décennies quant au fonctionnement cérébral de la mémoire.
Pour la littérature, il y a diverses choses à distinguer. À commencer par la manière de lire.
J'ai longtemps déploré ne pouvoir discuter à propos de lecture avec quiconque, proches ou connaissances. Au fil des ans et à mesure que ma capacité de lecture grandissait, je m'apercevais de ce que "les gens" ne lisent qu'avec les yeux, tout échange à propos du livre ayant au mieux la teneur du fiche de lecture de classe de 3e, c'est-à-dire observation de l'intrigue en sa structure du début jusqu'au dénouement, considérations psychologisantes sur les personnages plus ou moins poussées en fonction de l'identification du lecteur auxdits personnages, et surinterprétations abusives et autocentrées.
Je côtoie des gens cultivés, des personnes avec un bagage intellectuel théoriquement lourd, et d'autres, évidemment. Tous La plupart croit qu'un livre se résume à l'histoire qu'il raconte et à la psychologie des personnages, ou au moins ce qu'ils en perçoivent. Il n'est que d'observer comme les romans naturalistes et toute la littérature du XIXe jouit de succès. Là, tout est dit chez la plupart des auteurs, et ne reste plus au lecteur que de se faire une image des espaces décrits, des physionomies détaillées, de l'atmosphère décryptée à quoi s'ajoutent des sentiments indubitables dont il est fait état à longueur de roman par le narrateur omniscient.
Les autres grands succès sont les polars qui reposent tant sur l'intrigue que sur la capacité du lecteur à suspendre son jugement si cette dernière est trop faible.
Et j'allais oublier tout le Nouveau roman où le rapport entre le narrateur et le lecteur joue à plein sur l'identification du second au premier et le semblant de puissance d'interprétation laissé par l'auteur au lecteur. Puis ça, les journalistes adorent, alors on en vend, on en parle et l'on oublie.
Dans un cas comme dans les autres, on tire sur les grosses ficelles et l'on se gonfle d'orgueil d'avoir su comprendre une époque et ses enjeux au travers des luttes de pouvoir entre machin et bidule ou d'avoir ressenti telle peine en suivant ce miséreux dans ses déboires ; on se fait une idée de ce que fut un siècle par la grâce de quelques mots ; on joue l'analyste en maniant de l'Œdipe et de l'Acte manqué pour décrypter le message assurément profond, parce qu'intime, qu'aura laissé entre les lignes l'auteur qui sous le masque d'un personnage nous aura courageusement montré son nombril ; on joue à l'enquêteur, comme assistant le détective, et cætera.
Qu'on ne s'y trompe pas, ce qui me sert d'exemple, je ne le méprise pas dans son ensemble et n'ai donné aucun titre afin qu'on veuille bien me laisser le bénéfice du doute et ne pas s'irriter.
Pour tout dire, j'ai dans l'idée que dans une œuvre, l'intrigue est le plus négligeable des éléments. Les véritables auteurs, quand ils veulent bien s'embarrasser de cette encombrante convention servant à séduire les moins aguerris, déploient tout leur arts dans des subtilités que nulle quatrième de couverture ou critique à la volée ne saura résumer. D'ailleurs, dans l'art, tout ce qui peut se résumer n'en est pas.
Mais justement, l'on ne nous apprend à lire que pour résumer, et les agencements d'événements dans le récit, une fois réduits à quelques mots et impressions vagues finissent par tous se ressembler. Pas étonnant, dès lors, qu'on ait des difficultés à s'en souvenir.
Les œuvres, au sens artistique du terme, on peut les relire cent fois, et cent fois elles seront renouvelées. Qu'importe l'intrigue ou non.
Le reste, ça n'est que des bouquins qu'on lit pour oublier.
Le propre du divertissement est d'effacer la mémoire.
Modifié en dernier par Calme le mardi 5 septembre 2017 à 1:46, modifié 5 fois.
Mâle adulte de 30 ansDiag. en cours — Pistes évoquées : SED, TSA, HPI
« Là où la modération est une erreur, l'indifférence est un crime. »
— G.C. Lichtenberg, in Le miroir de l'âme