Merci Mickaël,
Tu sais, elle ne me l'a pas dit au moment où s'est arrivé (hélas...), mais bien plus tard.
Je me souviens on était en voiture, elle m'a demander ce que c'était le suicide, et comment les gens faisaient. J'ai fais le choix de toujours essayer de répondre sincèrement, en m'adaptant à l'âge des enfants, aussi je lui ai répondu avec des mots qu'elle pouvait comprendre.
Elle a conclu qu'aucune des manières de mourir n'avait l'air d'être "indolore" et que ça devait être très difficile de le décider. Je lui ai demandé pourquoi elle posait toutes ces questions sur ce sujet, si quelqu'un lui avait parlé de quelque chose à l'école.
C'est là qu'elle m'a dit : j'ai peur de te le dire parce que tu vas t'inquiéter, et être triste.
J'ai donc arrêté la voiture (plus en état de conduire de toutes façons), et je l'ai prise dans mes bras, lui ai expliqué que c'était mon rôle de la protéger et pas l'inverse, que je suis forte et que je peux tout entendre, que même si certaines choses me rendent triste, ce sentiment là n'est pas insurmontable.
C'est là qu'elle m'a dit qu'il y a des moments où elle aurait préféré être morte, parce que trop de choses la faisaient souffrir.
Mais avec le recul elle sait dire aussi qu'elle adore plein de choses dans la vie, et qu'elle n'a pas envie de nous quitter.
Mais quand je vois ce film, et cette gamine adorable qui n'y avait peut être jamais pensé, basculer en quelques semaines, parce que très sensible, je me dis qu'il y a d'autant plus de risques chez une petite fille qui s'est déjà posé la question.
OU au contraire, Manon sera mieux armée parce qu'elle doit déjà faire face à des difficultés... Je ne sais pas.
J'ai été malmenée dans mon enfance, vécu des trucs pas cool, isolée à l'école, pas trop appréciée, harcelée par des plus grands au collège (heureusement, ce n'était pas tout le temps)
Et puis un passage vraiment dur :
J'avais été violée par un cousin (lui, 16 ans, moi

, qui habitait mon village, il était le dernier d'une fratrie de ) C'était resté entre ses parents et les miens, mais lors d'une dispute de famille lorsque j'avais 13 ans, ça s'est enflammé, et c'est ressorti : ses grands frères/grandes soeurs ne se sont pas gênés pour mettre ma parole en doute, et en parler autour d'eux. La rumeur s'est répandue dans tout le village et je me suis pris pas mal de remarques au collège, me suis fait agressée verbalement, puis physiquement (l'intello, finalement, elle est dévergondée en fait, vas-y fais pas ta sainte, on sait que tu faisait des trucs à ton cousin...etc).
J'ai affronté tout ça seule, parce que mes parents n'étaient jamais intervenus en ma faveur avant, alors pourquoi là? J'ai relevé la tête, et j'ai répondu, je me suis défendu. J'ai cassé le nez d'une fille (j'en suis pas fière).
Avec le temps, ils se sont lassés, et ont trouvé un autre bourreau.
Mais voilà, j'ai été élevée dans une famille un peu rustique : de l'amour, mais pas beaucoup de démonstration de tendresse, pas de chichis, on ne s'écoute pas, on ne se plaint pas. Ca m'a endurcie.
J'ai offert tout l'inverse à ma fille, l'ai allaitée longtemps, autant de portage que nécessaire, beaucoup de douceur et de tendresse. Encore aujourd'hui, Manon est très demandeuse de câlins, et je ne rechigne jamais. Sans la couver, sans devancer ses besoins/demandes, en revanche, je m'efforce de les respecter.
Mais du coup, elle n'est pas aussi rude que je pouvais l'être, et je me dis qu'elle n'est pas "aussi armée"...
J'intellectualise peut être trop... Elle me surprendra peut être par sa force...
