L'école m'a sauvé la vie (psychique) et je l'en remercie :
J'y ai rencontré quelques professeurs formidables dont LE prof de collège que j'avais 11H00 par semaine en 5ème pour le français, l'histoire, la géographie et le dessin. Il m'a permis de découvrir que j'aimais lire et écrire ( entendez produire du récit parce que pour la calligraphie ce fut une autre histoire), que je le faisais bien, que c'était utile et que je pouvais me l'autoriser sans modération.
J'y ai découvert un cadre structurant avec des horaires, de la prévisibilité, des devoirs mais aussi des droits (ce que je ne connaissais pas hors ce lieu public), des adultes fiables.
J'y ai appris à apprendre avec son lot de difficultés, d'efforts mais - et ce fut salvateur, des efforts qui menaient à des résultats (sauf pour l'écriture où il aura fallu des années et des années), à une reconnaissance.
Bien sur j'y ai expérimenté des trucs pas cools et j'ai eu la chance de pouvoir rebondir dessus et même me forger certaines armes, en vrac et selon ce qui me revient donc :
* Écrire c'était dur et en primaire mes efforts ne servaient qu'à produire des textes maculés qualifiés de torchons malgré une orthographe plus que correcte. J'ai pas baissé les bras et découvert un jour au Lycée, toute seule, que l'écriture en script me permettait d'être lisible. Durant l'année de terminale, on m'a même demandé mes cours car je prenais mes notes rapidement et donc j'avais des cours très complets qui une fois recopiés devenaient intéressants pour d'autres. J'ai tout écrit en script au bac.
* Les autres enfants étaient étranges, leurs discussions et leur raisonnement me paraissaient obscurs. J'ai endossé le rôle de bouc émissaire et de cible des moqueries plus souvent qu'à mon tour. Puis j'ai découvert que je possédais un espace de sécurité auto créé et que de là, je pouvais laisser certain(e)s venir à moi. J'ai commencé à avoir des ami(e)s, de plus en plus.
* J'ai expérimenté les choix d'orientation imposés comme par exemple être obligé(e) de faire du latin même si je ne voulais pas ou encore me retrouver en collège privé alors que tout me séparait de cet endroit là. Et j'ai pu voir que j'avais retiré des bénéfices (les meilleurs profs pour les latinistes en herbe, l'internat c'est cool quand le collège privé est loin de chez toi

) et que j'avais toujours, même minime, une marge d'action (J'ai rien foutu en latin durant l'année et on m'a demandé d'arrêter l'année suivante ... en gardant la même classe donc les mêmes profs).
* Mon fonctionnement faisait que j'apprenais en fonction de la sympathie et de l'admiration que j'avais pour l'enseignant. Cela m'a occasionné quelques déboires jusqu'à ce que je découvre le plaisir de construire quand c'était nécessaire ma propre méthode de travail (par exemple lire en entier le livre travaillé pour le trimestre au lieu de dix pages par dix pages écorchées par cette prof qui ne semblait pas aimer Zola, ou encore ne pas écouter ce prof de philo et prendre le risque au bac de faire mon devoir comme je pensais que ce serait bien et avoir le double du 7 qu'il me mettait régulièrement par condescendance).
*J'ai eu la possibilité de faire des études (même si je n'ai pas poursuivi longtemps mais l'école n'y est pour rien) parce que notre État donne des moyens financiers pour ça à ceux qui n'en n'ont pas.
Il y a des enfants pour qui l'école est un lieu sauveur je pense. Des enfants qui n'ont pas la chance d'avoir un milieu familial sécurisant, motivant ou stimulant, aimant, protecteur ... que sais-je.
Notre pays offre à beaucoup un endroit hors famille où sont enseignées beaucoup de choses, où les pairs sont nombreux et variés, où les adultes sont là suffisamment longtemps pour être repérants et changent suffisamment souvent pour permettre plusieurs chances d'identification à celles et ceux qui ne peuvent le faire ailleurs. Bien sûr, ce serait mieux si cette possibilité était offerte à tous comme c'est le cas en Italie par exemple jusqu'au collège.
Bien sûr de nombreux élèves sont laissés sur la touche et j'ai conscience que j'ai eu la chance de ne pas en faire partie. Malgré un milieu familial délétère, j'avais quand même des ressources personnelles suffisantes. Bien sûr tout n'est pas parfait à l'école : des erreurs parfois lourdes et des exclusions sont commises. Pour ma part je ne peux qu'être infiniment reconnaissante d'avoir pu bénéficier de l'école.