Apprendre à être

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budakesi
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Re: Apprendre à être

Message par budakesi »

@Pimpoline

Merci d'avoir relevé ma question.
C'est une question que je me suis longtemps posée, bien à l'écart de ce que peuvent en dire les philosophes.
Et j'ai trouvé une réponse qui me convient, parce qu'elle éclaire aussi la problématique autistique, par contraste ?:
« Exister, qu’est-ce que cela veut dire ? Ca veut dire être dehors, "(s)istere ex". Ce qui est à l’extérieur existe. Ce qui est à l’intérieur n’existe pas. Mes idées, mes images, mes rêves, n’existent pas… Je n’existe qu’en m’évadant de moi-même vers autrui. Ce qui complique tout, c’est que ce qui n’existe pas s’acharne à faire croire le contraire. Il y a une grande et commune aspiration de l’inexistant vers l’existence. C’est comme une force centrifuge qui pousserait vers le dehors tout ce qui remue en moi, images, rêveries, projets, fantasmes , désirs, obsessions. Ce qui n’existe pas in-siste pour exister. » Michel Tournier – Vendredi ou les limbes du Pacifique

Michel Tournier explique combien il est urgent pour Vendredi de disposer d'un autrui vers lequel diriger, orienter, ses paroles et ses actions comme expression de ses idées, représentations, sentiments. Mais quand l'essentiel de ce qui est intérieur -de ce qui "in- siste" - s'y trouve sous la forme de sensations, il est tellement difficile de l'exprimer, de le faire exister ...

Comme tu l'écris si justement, "être, c'est respirer", mais pour moi c'est aussi "in-sister", sous la forme d'une vie intérieure qui peine à exister. Respirer (de façon autonome, sans assistance respiratoire), c'est un état de conscience minimale dans lequel on sait qu'on est vivant, puisque on est conscient de respirer. Quand on passe à la "conscience de" quelque chose, on devient attentif à ses sensations, en tant que résultat des activités de perception. On est alors davantage conscient d'être, mais existe-t-on pour autant ?
Spoiler : 
Fernando Pessoa, qui est pour moi paradigmatique de l'âme autiste, va encore plus loin dans la réflexion...:
"... l'homme sachant dire devra, bien souvent, transformer un verbe transitif en verbe intransitif, pour photographier ce qu'il ressent et non, comme le commun des animaux -hommes, pour se contenter de le voir dans le noir. Si je veux dire que j'existe, je dirai: "je suis ". Si je veux dire que j'existe en tant qu'âme individualisée, je dirai : "je suis moi". Mais si je veux dire que j'existe comme entité qui se dirige et se forme elle-même, et qui exerce cette fonction divine de se créer soi-même, comment donc emploierais-je le verbe être sinon en le transformant tout d'un coup en verbe transitif ? Alors promu triomphalement (anti grammaticalement) être suprême, je dirai : "je me suis". J'aurai exprimé une philosophie entière en trois petits mots."
Bon, Pessoa avait une grande idée de lui-même !
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lulamae
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Re: Apprendre à être

Message par lulamae »

J'y ai réfléchi, mais je ne savais pas encore quoi répondre.

Pour moi, exister correspond à "traverser les vicissitudes de la vie", être en quelque sorte ballotté dans les aléas de l'existence, en tant qu'être vivant confronté à la vie.

Etre nous placerait à un plan plus élevé, comme un choix, un peu comme l'état que l'on ressent en méditant : être là, être présent, ici et maintenant.

Je n'ai pas pour l'instant de source ni d'explication sur le sens-même des mots - ton explication (via Michel Tournier et Fernando Pessoa) m'a intéressée, par rapport au sens des préfixes "ex" et "in". Merci. :D
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Message par Autiste ou surdoué ? »

Je veux bien être ouvert vers l'extérieur, mais quand ce monde extérieur ne me présente pas d'intérêt, est incompréhensible (ou trop complexe), ou m'agresse, je me referme, c'est normal.
Sauf que je me referme, ce n'est pas vrai non plus : si je tente de m'ouvrir vers l'extérieur avec circonspection, je ne me referme pas, je m'ouvre vers l'intérieur. Mon intérieur est sain, sans piège, habité de tout ce qui m'intéresse, pas encombré des pensées d'autrui.
Je me referme vers l'extérieur, mais je me déploie en moi.
Ethymologiquement, l'extraverti se tourne vers l'extérieur, tandis que l'introverti se tourne vers l'intérieur.
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Message par budakesi »

lulamae a écrit : lundi 16 décembre 2019 à 12:10 Etre nous placerait à un plan plus élevé, comme un choix, un peu comme l'état que l'on ressent en méditant : être là, être présent, ici et maintenant.
Etre, c'est être présent.
Etre présent à ce qui se présente.
Etre présent, et non absent.
J'aime bien ta vision.
Je rencontre si peu de gens présents.
Ils sont là, mais absents.
Une présence physique qui n'est pas habitée par l'être.
Autiste ou surdoué ? a écrit : lundi 16 décembre 2019 à 13:33 Je me referme vers l'extérieur, mais je me déploie en moi.
Peut-on vivre sa vie intérieurement ? Séparé du monde ? Pessoa, encore lui, disait: "Entre la vie et moi, une vitre mince."
Il me semble que cela ne dépend pas que de nous, de traverser cette vitre.
Le monde parfois, souvent, est silencieux. Il ne nous parle pas, ne nous répond pas, ne nous transforme pas. Il le fait d'autant moins lorsque ce que nous sommes présente peu de points communs avec la majorité, et les possibilités de résonance sont rares. La résonance exige une attention portée à ce qui se présente, à ce qui est, pour rejoindre les propos de Lulamae. Qu'est-ce qui favorise l'attention ? Une curiosité (saine, il ne s'agit pas de collectionner des informations) pour l'inconnu, l'inconnu de l'autre qui accepte de se dévoiler....sans se sentir menacé.....
Autiste ou surdoué ? a écrit : lundi 16 décembre 2019 à 13:33 Ethymologiquement, l'extraverti se tourne vers l'extérieur, tandis que l'introverti se tourne vers l'intérieur.
Ces catégories me parlent peu. Une fois qu'il est tourné, l'extra/intro-verti, que fait-il ?
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Re: Apprendre à être

Message par freeshost »

Impie, tu expieras !
Expire lentement pour mieux inspirer !
Tu expireras, en étant bien inspiré !
:mrgreen:
pimpoline a écrit : dimanche 15 décembre 2019 à 21:43Je suis convaincue qu'il n'y a pas à faire de choix entre deux options fondamentalement opposées, à savoir s'affirmer par ses différences ou bien se fondre dans le moule.
On peut bien être quelque part sur le continuum entre ces deux extrêmes (conformisme et anti-conformisme ; faire la part des choses, mettre de l'eau dans son vin, couper la poire en deux, développer l'art du compromis, ne pas jeter bébé avec l'eau du bain, etc. :lol: ).

D'ailleurs, tu crois à l'équilibre. On peut se dire que le moule nous moule. Mais on peut aussi se mettre à mouler le moule.

Tu nais en l'être ? :mrgreen:

Tu peux laisser des traces dans ton existence provisoire. L'éphémère est voué à l'éternité.
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

Diagnostiqué autiste en l'été 2014 :)
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Re: Apprendre à être

Message par lulamae »

budakesi a écrit : lundi 16 décembre 2019 à 14:43 Etre, c'est être présent.
Etre présent à ce qui se présente.
Etre présent, et non absent.
J'aime bien ta vision.
Je rencontre si peu de gens présents.
Ils sont là, mais absents.
Une présence physique qui n'est pas habitée par l'être.
Le problème, c'est que si je peux être intensément avec des personnes, ce n'est pas inconditionnel : il me faut soit un intérêt, une raison qui attise ma curiosité, auquel cas je peux être présente intensément et longtemps, mais pas souvent ; soit je suis présente intensément un temps bref, et je m'éclipse le plus vite possible.
Quand j'y consacre toute mon attention, je peux suivre les méandres de la pensée de l'autre, j'accompagne sa logique (ça ne marche que pour la pensée, pas pour les émotions).
Bien sûr, et heureusement, je n'ai pas très souvent ce type de rencontre et/ou de conversation. Je n'y tiens pas, d'ailleurs j'apprécie aussi de temps en temps être à côté d'ami(e)s avec qui je me sens bien, tranquille, et partager une activité, le plus souvent une promenade, me convient, en parlant un peu mais pas trop.
budakesi a écrit : Peut-on vivre sa vie intérieurement ? Séparé du monde ? Pessoa, encore lui, disait: "Entre la vie et moi, une vitre mince."
Il me semble que cela ne dépend pas que de nous, de traverser cette vitre.
Le monde parfois, souvent, est silencieux. Il ne nous parle pas, ne nous répond pas, ne nous transforme pas. Il le fait d'autant moins lorsque ce que nous sommes présente peu de points communs avec la majorité, et les possibilités de résonance sont rares. La résonance exige une attention portée à ce qui se présente.
Il y a trois sortes de monde avec lequel être, de manière progressive : en compagnie d'autres personnes, dans un environnement bruyant et dérangeant, et dans un environnement naturel et paisible. Avec les autres personnes, j'ai répondu au-dessus, la durée et l'intensité du rapprochement se feront en fonction de la résonance, comme tu le formules bien (elle est hautement individuelle, je n'en ai jamais connu de collective).
Dans un milieu naturel calme, avec des bruits doux et réguliers (arbres, oiseaux, vagues…), je peux devenir perméable à ce qui est alentour. Les limites deviennent plus floues, mais ça ne me fait ça que seule dans la nature, ou avec quelqu'un qui se fait oublier (ou encore ma chienne - elle me relie encore plus à l'environnement, parce qu'en la regardant, j'ai l'impression de percevoir davantage).

Je n'aime être seule que pour m'absorber dans quelque chose ; quand je m'absorbe ou me replie en moi, c'est seulement parce que je ne suis pas bien, ou je souffre, ou je subis une trop grande sollicitation, dans un environnement bruyant ou dérangeant, comme les transports en commun - et encore, si j'arrive à voyager seule sans être trop près de personne, j'aurai encore la curiosité de regarder les gens, ou plutôt des détails à propos d'eux… des détails qui peuvent constituer une histoire. :)
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Re: Apprendre à être

Message par freeshost »

Sum ergo cogito. :lol: :lol: :lol:
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

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Re: Apprendre à être

Message par lulamae »

freeshost a écrit : mardi 17 décembre 2019 à 0:02 Sum ergo cogito. :lol: :lol: :lol:
En étant, on ne s'ennuie jamais, en somme. :D

Mais il faut quand même reposer son cerveau de temps en temps, et le seul moyen qui marche, c'est de faire un truc physique (marche, nage) et de m'absorber dans les sensations à la place.
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Re: Apprendre à être

Message par Autiste ou surdoué ? »

Ces catégories me parlent peu. Une fois qu'il est tourné, l'extra/intro-verti, que fait-il ?
Spoiler : 
Je n'ai pas trouvé comment faire pour que ça mette "un tel" à ecrit". (j'écris sur un téléphone je ne sais pas s'il y a un rapport)
Pour prendre une image, l'extraverti se tourne vers l'extérieur comme une fleur se tourne vers le soleil : la présence et l'échange avec les autres le recharge en énergie, lui fait du bien, est le moteur de sa vie ; L'introverti, lui, on va dire que le soleil lui fait du mal, l'ébloui, le brûle, le fatigue. Ça lui pompe son énergie au lieu de lui en donner. Ça le tue au lieu de le faire vivre. Son besoin il serait dans ses racines plutôt que dans ses fleurs. Ce sont des images, bien sûr.
Donc "se tourner" c'est aussi une image... On peut aussi bien écrire à la place "l'extraverti a besoin des autres".
Que fait-il une fois tourné vers l'extérieur ? (pour répondre à ta question. ) Et bien il communique avec les autres, c'est sa façon de se sentir exister dans le monde, d'être quelqu'un, d'être à sa place (à une place). L'humain est un être social qui a besoin d'échanger avec les autres.
Chez moi, ça ne fonctionne pas comme ça, mais je ne vais pas rentrer dans les détails. Je ne dis pas que je n'ai pas besoin des autres, mais au lieu que les échanges soient le premier moteur de ma vie, c'est un frein. Mon moteur n'est pas en les autres, il est en moi. Je suis en roue libre quand je suis seul, je me recharge en énergie, tandis que la compagnie "sociale" me la pompe.
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Re: Apprendre à être

Message par budakesi »

lulamae a écrit : lundi 16 décembre 2019 à 22:31 Quand j'y consacre toute mon attention, je peux suivre les méandres de la pensée de l'autre, j'accompagne sa logique (ça ne marche que pour la pensée, pas pour les émotions).
Qu'entends-tu par "ça ne marche pas pour les émotions" ? Tu ne sais pas lire les émotions qui sont exprimées ? Comment le sais-tu ? Et si les mots de l'autre expriment des é-motions (traduisent un mouvement de l'âme avec des mots comme "je suis triste", je suis désemparé", "j'ai peur", "je me réjouis", je suis content" etc...) que se passe-t-il en toi ?
lulamae a écrit : lundi 16 décembre 2019 à 22:31 d'ailleurs j'apprécie aussi de temps en temps être à côté d'ami(e)s avec qui je me sens bien, tranquille, et partager une activité, le plus souvent une promenade, me convient, en parlant un peu mais pas trop.
Oui c'est ce que Christian Bobin appelle "la présence pure". J'adore aussi ces situations, se sentir bien du simple fait de la présence. Tout est là dans l'instant. La pensée éloigne puisqu'elle fait appel au passé (souvenirs) ou au futur (désirs).
lulamae a écrit : lundi 16 décembre 2019 à 22:31 Dans un milieu naturel calme, avec des bruits doux et réguliers (arbres, oiseaux, vagues…), je peux devenir perméable à ce qui est alentour. Les limites deviennent plus floues, mais ça ne me fait ça que seule dans la nature, ou avec quelqu'un qui se fait oublier (ou encore ma chienne - elle me relie encore plus à l'environnement, parce qu'en la regardant, j'ai l'impression de percevoir davantage).
Oui, cette "perméabilité" dont tu parles a été souvent examinée et reconnue comme particulièrement bénéfique: c'est la notion de "pathique" (par opposition avec intentionnel) ou de "passible" (par opposition à "possible"): accueillir certains fragments du monde au sens large et s'en sentir transformé. Le risque est de se laisser emporter jusqu'à la dilution...c'est pour cela que j'aime la notion de résonance qui implique une restitution active de ce qui est perçu, sous la forme d'é-motions.
Ce que tu évoques plus haut en parlant de certaines personnes, quand tu es perméable à la présence de l'autre, cela s'apparente aussi à du "pathique". Du moins il me semble.
freeshost a écrit : mardi 17 décembre 2019 à 0:02 Sum ergo cogito.
C'est ta vision ? Tu penses avant de percevoir ? Mais comment trouves-tu alors des objets de pensée ?
Autiste ou surdoué ? a écrit : mardi 17 décembre 2019 à 9:00 Chez moi, ça ne fonctionne pas comme ça, mais je ne vais pas rentrer dans les détails. Je ne dis pas que je n'ai pas besoin des autres, mais au lieu que les échanges soient le premier moteur de ma vie, c'est un frein. Mon moteur n'est pas en les autres, il est en moi. Je suis en roue libre quand je suis seul, je me recharge en énergie, tandis que la compagnie "sociale" me la pompe.
Pour autant, chez tous le moteur est en soi, non ? C'est en soi que se trouve tout ce qui permet d'être et de respirer, de décider de rester immobile ou d'agir, de parler ou de se taire.
Le moteur, ce n'est pas la motivation.
La motivation peut être individuelle ou sociale. Et plus généralement intrinsèque ou extrinsèque.
Il me semble que ce dont tu parles, c'est peut-être de ta forte motivation individuelle et de ta faible motivation sociale ?
Sauf avec de très rares personnes, qui attirent...vers l'extérieur !
En tous cas c'est bien ainsi que je fonctionne.

J'ai eu un échange il y a quelque temps sur le sujet "introverti/extraverti, sur la base d'un article que j'ai brièvement commenté.
Spoiler : 
https://www.quietrev.com/6-illustration ... erts-head/
Je n'ai jamais trouvé la distinction introverti/extraverti pertinente.

De quoi parle -t-on vraiment ? Je n sais pas.
Il me semble que plusieurs niveaux sont mélangés:
- la sensibilité aux stimuli
- l'état de vigilance
- le mécanisme SR (StimulusRéponse) et le mécanisme STR (StimulusTraitementRéponse)
- la façon de gérer l'énergie vitale (à l'économie ou n'importe comment)
- le dialogue interne (la pensée) présente ou peu présente
- la prise en compte ou pas de ce qui a été intériorisé (comme norme de comportement, comme attente, croyance etc...) avant de générer un comportement
- l'expression vs impression

Il y des introvertis qui expriment peu et traitent très vite.
Il y a des extravertis qui peuvent être très sensibles aux stimuli et y répondre rapidement, justement sans passer par la case pensée.
La capacité d'insight (introspection) n'a rien à voir avec la capacité/envie d'exprimer les résultats de cette introspection.
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pimpoline
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Re: Apprendre à être

Message par pimpoline »

Vos messages font écho en moi et pourtant je ne vous suis pas sur les oppositions que vous mentionnez entre intérieur et extérieur.

C'est certainement que j'ai une vision de choses moins tranchée et que j'essaie tant bien que mal de la mettre en pratique au quotidien.
Comme tu dis lulamae, être se rapproche d'un état méditatif. Pour moi ce n'est que cela finalement: être ne demande pas d'effort, se joue dans l'ici et maintenant, sans séparation entre moi et les autres, entre intérieur et extérieur, sans projections ni attentes. Et paradoxalement, s'entraîner à être peut forger une existence entière, riche de sens.

Pour moi, intérieur et extérieur sont contigus. Il y a des moi-peau et des entre-peaux qui coexistent, et si l'on décide de se retourner dans un sens ou dans l'autre, ce n'est jamais que temporaire même si l'on veut se faire croire que c'est un choix volontaire et durable.

Parce que la vie contient naturellement un mouvement incessant, on est appelé à faire le trajet vers le dehors ou le dedans selon nos besoins.
Trouver le calme à l'extérieur paraît souvent compliqué, mais tout dépend de notre état interne.
Il est beaucoup question de résonance effectivement et de savoir si on va exister en cherchant à l'extérieur des résonances qui ressemblent à nos propres bruits internes, pour nous rassurer, ou bien des éléments plus éloignés afin de les apprivoiser ou bien de les intégrer pour changer notre ambiance intérieure. Tout est possible... du moment qu'on se sent en sécurité pour sortir de sa gangue. Je crois qu'on sort quand on est attiré d'une façon ou d'une autre par une autre force, pour moi c'est purement physique (somatique) et obéit aux lois de la physique. Il y a des tensions en jeu, parfois on a intérêt pour préserver son équilibre à entrer en soi pour résister aux contraintes, parfois on sent qu'on a besoin d'être bousculé pour créer un nouvel équilibre plus satisfaisant.

Mais en tout cas rien n'est figé... il y aurait trop d'exemples, je ne sais pas choisir et du coup je parle un peu dans le vide, pourtant tout est clair dans ma tête mais les mots sont trop longs et les idées trop lentes à se dérouler en syntaxe.

Il est possible de trouver chez les autres de quoi nous nourrir sans nous épuiser. J'en ai eu fait l'expérience, quelquefois. ça demande bien sûr avant tout de tomber (ou chercher) des personnes qui savent vraiment écouter et qui ont vraiment envie de discuter, pas de discourir. ça peut fatiguer mais c'est une fatigue comparable à celle ressentie après avoir fait du sport, ou une bonne marche. Donc ben... on est dans les sensations, on a vécu pleinement. Et peut-être que cette trace de vie est un bout d'existence.

C'est rare. C'est vrai aussi que dans le collectif, ce n'est pas la même énergie et que c'est plus difficile de ne pas se sentir envahi dans ces contextes. D'où l'intérêt de revenir à ses sensations, donc d'être simplement au lieu de chercher à exister surtout dans sa tête (ce que je viens de faire, voilà pourquoi je vais de ce pas aller danser un peu!).
Spoiler : 
Pessoa errait véritablement entre tous ses personnages... je ne sais pas ce que les psychiatres lui auraient donné comme étiquette, mais assurément son estime personnelle était au ras des pâquerettes, seuls les mots lui permettaient de se gonfler un peu pour survire, et pour finir par exister après sa mort.
Edit: flûte, j'ai un message de retard à lire. Je reviendrai peut-être éditer plus tard.
TSA HPI
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Re: Apprendre à être

Message par Autiste ou surdoué ? »

Je pense que la question est dans la définition que l'on met dans les mots dintro et d'extra verti.
Les définitions étant tellement variables...
Quand je parle d'introverti, je pense à des personnes qui puisent leur énergie à l'intérieur d'eux-mêmes, et qui vivent positivement le fait d'être seuls (ce qui n'exclue pas toute relation avec d'autres gens), tandis que les extraverti puisent leur énergie (psychique essentiellement) dans les échanges sociaux et vivent négativement la solitude.
La motivation, c'est la force "de mise en mouvement", et elle peut être collective ou individuelle aussi. À ce que j'imagine, les extraverti ont une motivation collective tandis que les introvertis ont un motivation plus individuelle (pour faire simple).
J'ai peu de motivation sociale = je suis introverti. J'ai beaucoup de motivation sociale = je suis extraverti. Je ne me complique pas davantage.
Il y a aussi la capacité d'introspection.
(y a-t-il de l'extraspection ? C'est peut-être ça l'empathie ?)
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Re: Apprendre à être

Message par budakesi »

pimpoline a écrit : mardi 17 décembre 2019 à 10:57 être se rapproche d'un état méditatif. Pour moi ce n'est que cela finalement: être ne demande pas d'effort, se joue dans l'ici et maintenant, sans séparation entre moi et les autres, entre intérieur et extérieur, sans projections ni attentes. Et paradoxalement, s'entraîner à être peut forger une existence entière, riche de sens.
J'ai beaucoup de mal à visualiser ce que tu décris, Pimpoline.
Comment fais-tu pour t'"entraîner à être" ?
Qu'est-ce pour toi qu'une existence "entière, riche de sens", si tant est que tu y parviennes ?
pimpoline a écrit : mardi 17 décembre 2019 à 10:57 Il est beaucoup question de résonance effectivement et de savoir si on va exister en cherchant à l'extérieur des résonances qui ressemblent à nos propres bruits internes, pour nous rassurer, ou bien des éléments plus éloignés afin de les apprivoiser ou bien de les intégrer pour changer notre ambiance intérieure. Tout est possible... du moment qu'on se sent en sécurité pour sortir de sa gangue. Je crois qu'on sort quand on est attiré d'une façon ou d'une autre par une autre force, pour moi c'est purement physique (somatique) et obéit aux lois de la physique.
Le truc c'est que justement une résonance ne se cherche pas, ce n'est pas quelque chose d'intentionnel, qui dépendrait de ma propre volonté.
C'est comme une rencontre, c'est quelque chose qui arrive, ou pas.
C'est ce qui en fait à mes yeux toute la richesse. C'est inattendu, imprévu, et source d'une joie infinie.
Et comme tu dis, il ne suffit pas de "sortir" pour que ça arrive.
Il ne suffit pas de se sentir en sécurité pour que ça arrive.
On sort quand on est attiré par une autre force ?
Ou le fait de sortir est simplement une condition de possibilité de rencontrer une autre force ?
J'ai écrit un jour:
"L'amour est une force, dont le point d'application est le coeur; la direction, un autre, là-bas; le sens celui de l'existence; et l'intensité brûlante."
Pour faire une analogie avec les quatre caractéristiques de la force physique: le point d'application, la direction, le sens et l'intensité.
C'est intéressant que tu parles aussi de force qui obéit aux lois de la physique quand tu évoques l'attirance ...
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Bubu
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Re: Apprendre à être

Message par Bubu »

Apprendre à être ? C'est facile. :bravo:
Au présent de l'indicatif cela donne :
Je suis
Tu es
Il est
Nous sommes
Vous êtes
Ils sont.

Voilà. CQFD. Problème résolu.
TSA, diagnostic établi à mes 33 ans par le CRA de ma région.
"Ce syndrome est caractérisé chez ce patient par l’absence de détérioration intellectuelle, un syndrome dysexécutif, un déficit d'attention"
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Re: Apprendre à être

Message par lulamae »

budakesi a écrit : mardi 17 décembre 2019 à 10:46
lulamae a écrit : lundi 16 décembre 2019 à 22:31 Quand j'y consacre toute mon attention, je peux suivre les méandres de la pensée de l'autre, j'accompagne sa logique (ça ne marche que pour la pensée, pas pour les émotions).
Qu'entends-tu par "ça ne marche pas pour les émotions" ? Tu ne sais pas lire les émotions qui sont exprimées ? Comment le sais-tu ? Et si les mots de l'autre expriment des é-motions (traduisent un mouvement de l'âme avec des mots comme "je suis triste", je suis désemparé", "j'ai peur", "je me réjouis", je suis content" etc...) que se passe-t-il en toi ?
Très bonne question ! J'ai déjà des éléments de réponse assez épars, et ça va me faire avancer d'y réfléchir encore. Je ne me représente pas les émotions des autres, sauf si elles me sont familières (je me représente bien l'inquiétude, l'angoisse, notamment). Je n'ai pas non plus de notion de leur intensité chez l'autre. Enfin, je confonds certaines émotions, par exemple la colère/la tristesse. Pour moi elles se contaminent : par exemple dans le sentiment d'injustice, on ressent à la fois l'émotion de colère et de tristesse.
J'ai une connaissance livresque des sentiments, des mouvements de l'âme humaine, cela passe toujours mieux par les mots ; ça se passe un peu comme la pensée en images, mais avec des mots écrits. Si on me dit "mélancolie", je le vois écrit, puis je pense aux vers d'Apollinaire "l'anémone et l'ancolie/ Ont poussé dans le jardin /Où dort la mélancolie / Entre l'amour et le dédain."
Je vais aussi penser à l'étymologie, donc à la couleur noire. L'ensemble de tout cela, et d'autres pensées et associations, va me donner une sorte de représentation mentale, et va m'amener à penser que j'ai compris quelque chose.

Dit comme ça, j'ai l'air, et je suis sans doute, à côté de la plaque, si ce n'était que j'ai une faculté presque animale à sentir l'état d'une personne. Ca ne passe pas du tout par les mots, c'est primaire, je ne peux même pas me le formuler.

Peut-être que couplée au recul sur les mots, cette perception instinctive finit par créer une sorte de "milieu", ma moitié de chemin pour aller vers l'autre et le rencontrer quelque part et d'une certaine manière, hasardeuse mais non dénuée d'intérêt. :)
budakesi a écrit :
lulamae a écrit : Dans un milieu naturel calme, avec des bruits doux et réguliers (arbres, oiseaux, vagues…), je peux devenir perméable à ce qui est alentour. Les limites deviennent plus floues, mais ça ne me fait ça que seule dans la nature, ou avec quelqu'un qui se fait oublier (ou encore ma chienne - elle me relie encore plus à l'environnement, parce qu'en la regardant, j'ai l'impression de percevoir davantage).
Oui, cette "perméabilité" dont tu parles a été souvent examinée et reconnue comme particulièrement bénéfique: c'est la notion de "pathique" (par opposition avec intentionnel) ou de "passible" (par opposition à "possible"): accueillir certains fragments du monde au sens large et s'en sentir transformé. Le risque est de se laisser emporter jusqu'à la dilution...c'est pour cela que j'aime la notion de résonance qui implique une restitution active de ce qui est perçu, sous la forme d'é-motions.
Ce que tu évoques plus haut en parlant de certaines personnes, quand tu es perméable à la présence de l'autre, cela s'apparente aussi à du "pathique". Du moins il me semble.
Je vais réfléchir à ça. Ce qui me frappe pour l'instant, c'est que je relie ce mot de résonance avec l'idée d'un miroir, mais je me dis que plus qu'une image de soi, ce qui n'est pas très instructif ni intéressant, avec la voix, l'autre personne nous renvoie la possibilité de rebondir entre ses mots et les nôtres, et de créer quelque chose à partir de ça. Le son revient, mais nourri, enrichi, non pas comme un écho.
Diagnostic d'autisme juillet 2019.