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https://www.nature.com/articles/d41586-020-00965-x
31 Mars 2020
Les confinements dus au coronavirus ont changé la manière de bouger de la Terre
Une réduction du bruit sismique à cause des changements dans l’activité humaine est une aubaine pour les géoscientifiques.
Elizabeth Gibney
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On a dit aux habitants de Bruxelles de rester chez eux, ce qui a vidé les rues de la ville. Crédit : Jonathan Raa/NurPhoto via Getty
La pandémie de coronavirus a apporté le chaos dans nos vies et dans les économies de par le monde. Mais les efforts pour freiner la propagation du coronavirus pourraient signifier que la planète elle-même bouge un peu moins. Les chercheurs qui étudient le mouvement de la Terre rapportent une chute du bruit sismique – la rumeur de vibrations dans la croûte terrestre – ce qui pourrait découler de l’arrêt des réseaux de transports et des autres activités humaines. Ils ont indiqué que cela pourrait permettre aux détecteurs de repérer de plus petits tremblements de terre, et de seconder les efforts pour surveiller l’activité volcanique et d’autres événements sismiques.
Une réduction du bruit de cette magnitude n’est généralement constatée que brièvement au moment de Noël, précise Thomas Lecocq, sismologue à l’Observatoire Royal de Belgique, à Bruxelles, où cette chute a été observée.
Exactement de la même manière que les tremblements de terre font bouger la croûte terrestre, il en va de même pour les vibrations causées par les déplacements de véhicules et les équipements industriels. Et, même si les effets exercés par des sources individuelles sont sans doute réduits, ils produisent ensemble un bruit de fond, qui diminue la capacité des sismologues à détecter d’autres signaux se produisant à la même fréquence.
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Traduction titre : Bruit sismique – En Belgique, les vibrations dues à l’activité humaine ont chuté d’environ un tiers depuis que les mesures de confinement pour le coronavirus ont été mises en place. Légendes : à gauche verticalement : déplacement du sol – 14 mars : les écoles et les restaurants ferment – 18 mars : début du confinement.
Source : Observatoire Royal de Belgique.
Les données d’un sismographe à l’observatoire montrent que les mesures prises pour freiner la propagation du COVID-19 à Bruxelles ont fait que le bruit sismique d’origine humaine a chuté d’environ un tiers, annonce Thomas Lecocq. Les mesures comprenaient la fermeture des écoles, des restaurants et d’autres lieux publics à partir du 14 mars, et interdisaient tout déplacement non obligatoire à partir du 18 mars (voir la figure « Bruit sismique »).
Cette chute qui se produit actuellement a renforcé la sensibilité de l’équipement de l’observatoire, améliorant sa capacité à détecter les ondes sur la même portée de haute fréquence que le bruit sismique. Le sismographe de surface de l’installation est à présent presque aussi sensible aux petits tremblements de terre et explosions de pierres qu’un détecteur homologue enterré dans un trou de forage à une profondeur de 100 mètres, constate-t-il. « Cela devient vraiment très calme maintenant en Belgique. »
Une meilleure information
Si les confinements se poursuivent les prochains mois, des détecteurs, installés en ville dans le monde, pourraient détecter mieux que d’habitude les emplacements où se produisent les répliques des tremblements de terre, annonce Andy Frassetto, sismologue pour les Instituts de Recherche Intégrée pour la Sismologie à Washington DC. « On obtiendra un signal avec moins de bruit par-dessus, et on pourra faire sortir un peu plus d’information de ces événements » dit-il.
Cette baisse du bruit pourrait aussi être utile aux sismologues qui se servent des vibrations de fond d’origine naturelle, comme celles émises par les vagues océaniques qui s’écrasent, pour sonder la croûte terrestre. Une baisse dans le bruit d’origine humaine pourrait améliorer la sensibilité des détecteurs d’ondes naturelles à des fréquences similaires, avance Thomas Lecocq, dont l’équipe projette de tester cela. « Il y a en effet de grandes chances pour que cela débouche sur de meilleures mesures », reconnaît-il.
Les sismologues belges ne sont pas les seuls à remarquer les effets du confinement. Celeste Labedz, étudiante diplômée en géophysique à L’Institut Californien de Technologie à Pasadena, a tweeté sur le fait qu’une baisse équivalente de bruit avait été recueillie dans une station à Los Angeles. « Cette chute est vraiment dingue », a-t-elle écrit.
Cependant, toutes les stations de surveillance sismique ne verront pas un effet aussi prononcé que celui observé à Bruxelles, tempère Emily Wolin, géologue au Sondage Géologique américain à Albuquerque, au Nouveau Mexique. De nombreuses stations sont volontairement implantées dans des zones isolées ou des trous de forage profonds, pour éviter le bruit humain. Celles-ci devraient constater une légère baisse, ou ne verront aucun changement, dans le niveau de bruit à haute fréquence qu’elles enregistrent, conclut-elle.
Nature 580, 176-177 (2020)
doi: 10.1038/d41586-020-00965-x