
Effectivement, on ne se diagnostique pas soi-même, qu'il s'agisse d'autisme, d'ulcère, de psoriasis ou de quoi que ce soit. Si on cherche un diagnostic, il s'agit de cherches des spécialistes dans le domaine. La démarche scientifique est de rigueur. Ajoutons qu'un diagnostic ne peut pas se faire juste par des discussions (y compris sur l'internet), même par une personne spécialisée. On peut faire des rapprochements, mais évitons les conclusions hâtives, qui peuvent avoir de mauvaises conséquences si on se trompe. Notamment, une fois qu'une personne a eu recours à l'autodiagnostic, elle peut aisément être tentée de franchir un pas en recourant à se propre automédication (se prendre des médicaments inappropriés, ou à des doses et fréquences inappropriées).
Je peux comprendre l'impatience d'avoir des réponses ou, éventuellement, la difficulté à accepter humblement que toutes les réponses ne viennent pas de "moi-même". Mais cela ne fait pas de l'autodiagnostic quelque chose de valide. On voit souvent des personnes se croire plus compétentes que le reste du monde, que les médecins, que les psychologues, que les footballeurs, etc. Pour ma part, quand je n'ai pas la réponse à une question dans une discussion, je ferme ma gueule.


Quand on se sent appartenir à un groupe (les personnes autistes, les membres du parti socialiste, les membres du club d'échecs de Fribourg, les témoins d'un accident, les passagers d'un bus, etc.), on peut être tenté de se faire le porte-parole du groupe et croire que celui-ci est homogène, que tous les "membres" du groupe ont le même avis (les généralisations sont tentantes), les mêmes réactions, le même mode de vie. Même au sein d'un groupe, la diversité existe. C'est la réalité, et c'est tant mieux. Et même si ce que dit A sur B est vrai, A devrait se demander si c'est vraiment à lui de se donner ce rôle. Pourquoi B ne pourrait-il pas parler lui-même/elle-même ? Rajoutons autre chose : sur un autre sujet, on parlait de l'importance du "je" ; ajoutons-y ceci : le "je" est univoque, tandis que le "nous" est plus équivoque. Si je vous dis "Nous sommes fatigués d'avoir marché en ville.", vous ne savez pas de qui je parle. "nous" est un ensemble dont je suis élément, mais vous ne connaissez pas les autres éléments de cet ensemble s'il n'y a pas une introduction dans le contexte. Alors si une personne dit "Nous, les autistes, ...", ce "nous" apparaît comme une généralisation et sa phrase est très probablement fausse, étant donné qu'il y a diversité parmi les personnes autistes.
Comme nous l'avons remarqué, sur le forum, il n'y a pas que des personnes autistes. Il y en a qui ont été diagnostiquées, d'autres en attente, d'autres qui ne le sont pas, d'autres qui parlent d'autisme, d'autres qui s'intéressent au sujet (sans forcément être Asperger ou avoir des Asperger dans leurs relations actuelles), etc. Donc il vaut mieux, il me semble, ne pas se dire : C participe au forum donc C est diagnostiqué autiste.
Je ne suis pas sûr que FaceBook soit la meilleure plate-forme pour parler d'autisme. Bon, je n'y suis plus. FaceBook a peut-être évolué entre-temps. Mais ne comptez pas sur moi pour y retourner.


Revenons sur la diversité : il y a de la diversité parmi les personnes autistes diagnostiquées. Certaines ont besoin de médicaments, d'autres pas. Certaines ont réussi à s'adapter à certaines situations, d'autres pas (encore). Certaines ont des allergies, d'autres pas. ETC. Donc, il n'y a ni vrai autiste ni faux autiste. L'usage est inapproprié. "vrai" et "faux" seraient plus appropriés ainsi : un faux autiste est un comédien, une personne qui se fait passer pour une personne autiste ; un vrai autiste ne fait pas semblant d'être autiste ; sans oublier que, dans la réalité, beaucoup de personnes ne savent pas si elles le sont ou non donc on ne peut pas encore dire si elles sont de vraies autistes ou de fausses autistes. Au sein d'un groupe, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de s'afficher une étiquette. En plus, en plus du risque d'occulter la diversité au sein du groupe, on risque de créer - sans le vouloir - une nouvelle norme intra-groupe. Ce n'est pas parce D est Asperger qui n'a pas le droit d'être capable de M et d'être incapable de N. Ce n'est pas parce que je vis en Suisse que je dois porter une montre ou faire du ski - je ne porte pas de montre, je ne fais pas de ski

Qu'est-ce qui pousse certaines personnes à se prétendre autistes ? Il y a au moins deux possibilités :
- elles croient qu'elles sont autistes, via leur autodiagnostic ; elles ne se doutent pas de l'invalidité de leur démarche ; l'effet Barnum/Forer (pages 29-34, mais lisez aussi les autres articles) est tentant (surtout dans les questionnaires "Êtes-vous plutôt ... ou plutôt ... ?" ainsi que dans les horoscopes)
- elles se font volontairement passer pour autistes (mensonge, donc) ; elles pensent que c'est bien de tout de suite l'affirmer avant un diagnostic ;
- ... (autres possibilités non exclues)
Une fois qu'on est diagnostiqué T, on peut se dire : "Je n'étais pas sûr. Maintenant, j'en suis sûr. Et il y a d'autres personnes qui sont sûres que je suis T." [T est une variable, que vous pouvez remplacer par "autiste", "Asperger", etc.] Rappelons que le diagnostic n'est pas obligatoire. C'est à chaque personne de décider si elle veut faire des démarches ou ne pas en faire. Et il y a même des personnes Asperger qui ne sont pas diagnostiqué et qui arrivent à mener leur vie bon train.
Comme quoi, la carte n'est pas le territoire, le résumé n'est pas le livre, la signature n'est pas le membre.

Nous ne sommes pas tous autistes comme nous ne sommes pas tous psychologues. Un(e) psychologue est une personne ayant suivi une certaine formation. Ce n'est pas parce que j'étudie de la psychologie (sociale) que je suis psychologue (social).
Bon, je vous rappelle : je ne suis pas encore diagnostiqué Asperger. Alors ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Peut-être ne suis-je pas Asperger.

Au fait, une personne peut-elle se faire diagnostiquer "neurotypique" puis suivre une thérapie adaptée ?

Quoi qu'il en soit, j'utilise rarement le mot "handicap" car il est relatif à l'"aménagement du territoire". Ce qui est handicap dans un contexte peut devenir atout dans un autre contexte. Ce qui est atout dans un contexte peut devenir handicap dans un autre contexte. Une personne sourde au milieu de dix personnes entendantes qui parlent oralement. Une personne entendant au milieu de dix personnes sourdes qui communiquent avec la langue des signes. [Rappelons que sourd n'implique pas muet, loin de là. Une personne sourde n'a juste pas forcément appris à prononcer des mots car elle n'a pas l'oreille pour vérifier la justesse de ses mouvements créateurs du son vocal. Comme au violon, mes doigts de la main gauche et ma main droite s'adaptent au son que j'entends.] Imaginez une personne neurotypique au milieu de dix personnes Asperger.
