«On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
-
- Modérateur
- Messages : 22562
- Enregistré le : lundi 24 octobre 2005 à 22:39
- Localisation : Finistère
«On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
«On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour» – Interview de Josef Schovanec
Article du Temps :
Source : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/5a5f733 ... 6865a361|0
http://autisme.info31.free.fr/?p=1814
S’ouvrir à l’autre. Telle est l’invitation lancée par la 5e Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme agendée ce lundi 2 avril 2012. Une bonne occasion d’en apprendre davantage sur ce trouble caractérisé notamment par une interaction sociale particulière. Porteur du syndrome d’Asperger et docteur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris, Josef Schovanec en parlera lundi à Lausanne. Il porte ici son regard sur sa condition et celle des non-autistes, les «neurotypiques».
- Le Temps : Qu’est-ce que l’autisme?
- Josef Schovanec : Il y a ce que les spécialistes en disent et ce que j’en dirais moi-même comme dilettante. Selon la définition savante, il s’agit d’une particularité d’origine génétique qui touche une personne sur 150 environ et se caractérise par différents traits, qui vont d’une hypersensibilité à une difficulté à comprendre les règles sociales ou les émotions d’autrui. Pour ce qui me concerne, il est difficile de séparer l’autisme de ma propre personnalité, c’est comme être Allemand ou Suisse, de grande ou de petite taille. Une personne atteinte d’une grippe ou d’un cancer peut s’imaginer sans. Moi pas.
- Le Temps : Vous souvenez-vous du moment où vous vous êtes rendu compte que vous étiez porteur du syndrome d’Asperger?
- Josef Schovanec : L’existence de particularités apparaît vite. Le problème est d’obtenir le bon diagnostic. Dans les pays anglo-saxons ou scandinaves, l’autisme est bien connu et le diagnostic rapidement posé, ce qui permet un accompagnement adapté dès l’âge de 2 à 3 ans. Dans d’autres pays d’Europe cependant, il est méconnu, d’où une prise en charge sensiblement plus laborieuse. Le diagnostic est lui-même le début d’un long parcours intérieur. L’autisme n’a pas seulement une dimension médicale mais aussi une dimension sociale. C’est une chose de lire sa définition dans un livre. C’en est une autre d’apprendre à vivre avec. Et là où il est mal vu, il est très difficile de s’avouer concerné. Heureusement, ce n’est pas le cas partout: aux Etats-Unis, dire de quelqu’un qu’il est porteur du syndrome d’Asperger est presque une flatterie.
- Le Temps : Comment avez-vous été suivi?
- Josef Schovanec : J’ai été suivi par de nombreux psychiatres et autres professionnels de la santé. La plupart hélas!, pour ne pas dire la quasi-totalité, n’avaient pas les compétences nécessaires. Un autiste demande un suivi régulier. Enfant, il doit être scolarisé tout en ayant besoin de quelqu’un pour l’aider à surmonter toutes sortes de difficultés spécifiques. Adulte, il doit pouvoir exercer un métier mais il nécessite un «job coaching», une formule qui marche bien en Grande-Bretagne. Et puis, il a besoin d’un enseignement aux codes sociaux qui ne relève ni de l’école ni du cadre professionnel. J’ai un exemple tragique. Un ami autiste a souffert de douleurs croissantes sans être en mesure de prendre tout seul un rendez-vous chez le médecin. Quand il a été finalement hospitalisé, il était trop tard: il avait développé un cancer terminal. Il est mort il y a deux semaines. Vous pouvez avoir un Prix Nobel et ne pas savoir dire «bonjour».
- Le Temps : «Dire bonjour» peut s’apprendre?
- Josef Schovanec : Oui. Mais cela prend du temps. Apprendre à prononcer le mot est facile mais vous ne dites pas bonjour de la même façon à un chef ou à un vieil ami, en Suisse ou au Japon. Les non-autistes ne s’en rendent pas compte parce qu’ils intègrent ce genre de notions tout naturellement, mais il existe des millions de règles, qui vous imposent jusqu’à une certaine façon de marcher dans la rue. Et les règles ont des exceptions. Si vous enseignez à un jeune autiste à aller chercher du pain à la boulangerie, vous devez aussi lui apprendre comment il doit réagir s’il n’y a plus de pain. L’apprentissage n’est jamais total. Comme adulte, on continue à faire des gaffes. J’en fais moi-même des dizaines par jour. C’est la vie… Il y a par ailleurs un débat sur les limites d’une telle normalisation. Un autiste doit-il savoir faire tout ce qu’un non-autiste fait?
- Le Temps : Et le marché du travail? Les autistes y trouvent-ils des places?
- Josef Schovanec : J’ai un emploi et l’idéal serait que tous les autistes en aient. Ce n’est pas impossible. Pour le patron d’une boîte informatique, il est idéal d’avoir des collaborateurs sérieux, qui arrivent tous les jours à l’heure et qui font exactement ce qu’on leur dit. Il faut juste vaincre certains préjugés. La réalité est beaucoup plus humaine qu’on ne l’imagine. Bill Gates a lui-même déclaré publiquement qu’il était concerné par le syndrome d’Asperger. Même des personnes porteuses d’un autisme nettement plus sévère peuvent trouver leur place dans une entreprise. C’est le cas par exemple de l’une des plus anciennes employées de la chaîne française de distribution Monoprix.
- Le Temps : Avez-vous l’impression que les gens perçoivent vos défauts mais pas vos qualités?
- Josef Schovanec : Oui. Les personnes qui ne connaissent pas la question considèrent volontiers que les autistes sont des malades mentaux, voire qu’ils sont dangereux. Le responsable du suivi d’un jeune autiste m’a raconté qu’il avait récemment été retrouver son protégé dans une ferme et qu’il avait été surpris de voir que ses vêtements n’étaient pas lavés en même temps que ceux des autres. Lorsqu’il a demandé qu’elle en était la raison, il s’est entendu répondre: «C’est pour qu’on n’attrape pas sa folie.» Et l’on n’était pas dans un pays sauvage au Moyen Age, mais dans l’Europe d’aujourd’hui. Un autre cliché, popularisé par les médias, est celui du surdoué, de la bête de foire qu’on invite sur les plateaux de télévision pour lui demander quel jour correspond à telle date. Assez peu de gens s’intéressent à notre quotidien.
- Le Temps : Comment considérez-vous les non-autistes?
- Josef Schovanec : J’ai la chance d’en fréquenter beaucoup. Mais il y a des précautions à prendre. Lorsque je parle avec l’un d’entre eux, j’évite de lui tourner le dos, j’essaie de regarder son visage et j’évite de parler trop longtemps des sujets qui me passionnent comme les vieux manuscrits éthiopiens. Discuter avec un autiste est beaucoup plus simple. Et puis, chez les neurotypiques, il faut accepter certains péchés mignons comme les jeux d’apparence ou les stratégies de pouvoir. Cela m’amuse ou me déprime selon les circonstances. Mais certains autistes sortent traumatisés de cette expérience, au point de considérer tous les non-autistes comme des voleurs ou des menteurs.
- Le Temps : Il paraît effectivement que les non-autistes sont des menteurs…
- Josef Schovanec : Une psychologue m’a raconté l’histoire suivante. Un enfant autiste lui a dit un jour qu’elle avait de grosses cuisses. Et quand elle lui a répondu que cela ne se disait pas, l’autre a protesté en rétorquant que c’était pourtant la vérité. Les autistes ont énormément de peine à mentir. Ils ont en plus une définition très large du mensonge. Si l’un d’entre eux vous indique qu’il revient dans deux minutes et qu’il revient deux minutes et demie plus tard, il se sentira fautif.
- Le Temps : Aux yeux des autistes, les neurotypiques seraient aussi très intolérants. C’est vrai?
- Josef Schovanec : Imaginez que vous êtes un enfant autiste à l’école et que vous cherchez à vous faire des amis. Vous avez 7 ans et vous dites à votre voisin de table: «Bonjour monsieur!» Qu’allez-vous recevoir en retour? Des moqueries de toute la classe. Et ce genre de réactions, vous allez en attirer constamment pendant toutes vos années de scolarité. C’est là une expérience extrêmement douloureuse. A la longue, certains autistes finissent par s’imaginer que le monde entier veut les éliminer.
- Le Temps : Et vous-mêmes, comment vous en tirez-vous?
- Josef Schovanec : En jouant régulièrement une sorte de comédie sociale. Mais cet exercice est lassant. La plupart des neurotypiques veulent être en permanence avec quelqu’un. Moi, je ne connais rien de mieux que ces heures de solitude où l’on peut lire tranquillement en s’asseyant comme on veut.
«Comprendre l’autisme – Apprivoiser la différence», conférence publique, lundi 2 avril, 18 heures, Rolex Learning Center de l’EPFL, à Ecublens (Suisse).
Par Etienne Dubuis
Article du Temps :
Source : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/5a5f733 ... 6865a361|0
http://autisme.info31.free.fr/?p=1814
S’ouvrir à l’autre. Telle est l’invitation lancée par la 5e Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme agendée ce lundi 2 avril 2012. Une bonne occasion d’en apprendre davantage sur ce trouble caractérisé notamment par une interaction sociale particulière. Porteur du syndrome d’Asperger et docteur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris, Josef Schovanec en parlera lundi à Lausanne. Il porte ici son regard sur sa condition et celle des non-autistes, les «neurotypiques».
- Le Temps : Qu’est-ce que l’autisme?
- Josef Schovanec : Il y a ce que les spécialistes en disent et ce que j’en dirais moi-même comme dilettante. Selon la définition savante, il s’agit d’une particularité d’origine génétique qui touche une personne sur 150 environ et se caractérise par différents traits, qui vont d’une hypersensibilité à une difficulté à comprendre les règles sociales ou les émotions d’autrui. Pour ce qui me concerne, il est difficile de séparer l’autisme de ma propre personnalité, c’est comme être Allemand ou Suisse, de grande ou de petite taille. Une personne atteinte d’une grippe ou d’un cancer peut s’imaginer sans. Moi pas.
- Le Temps : Vous souvenez-vous du moment où vous vous êtes rendu compte que vous étiez porteur du syndrome d’Asperger?
- Josef Schovanec : L’existence de particularités apparaît vite. Le problème est d’obtenir le bon diagnostic. Dans les pays anglo-saxons ou scandinaves, l’autisme est bien connu et le diagnostic rapidement posé, ce qui permet un accompagnement adapté dès l’âge de 2 à 3 ans. Dans d’autres pays d’Europe cependant, il est méconnu, d’où une prise en charge sensiblement plus laborieuse. Le diagnostic est lui-même le début d’un long parcours intérieur. L’autisme n’a pas seulement une dimension médicale mais aussi une dimension sociale. C’est une chose de lire sa définition dans un livre. C’en est une autre d’apprendre à vivre avec. Et là où il est mal vu, il est très difficile de s’avouer concerné. Heureusement, ce n’est pas le cas partout: aux Etats-Unis, dire de quelqu’un qu’il est porteur du syndrome d’Asperger est presque une flatterie.
- Le Temps : Comment avez-vous été suivi?
- Josef Schovanec : J’ai été suivi par de nombreux psychiatres et autres professionnels de la santé. La plupart hélas!, pour ne pas dire la quasi-totalité, n’avaient pas les compétences nécessaires. Un autiste demande un suivi régulier. Enfant, il doit être scolarisé tout en ayant besoin de quelqu’un pour l’aider à surmonter toutes sortes de difficultés spécifiques. Adulte, il doit pouvoir exercer un métier mais il nécessite un «job coaching», une formule qui marche bien en Grande-Bretagne. Et puis, il a besoin d’un enseignement aux codes sociaux qui ne relève ni de l’école ni du cadre professionnel. J’ai un exemple tragique. Un ami autiste a souffert de douleurs croissantes sans être en mesure de prendre tout seul un rendez-vous chez le médecin. Quand il a été finalement hospitalisé, il était trop tard: il avait développé un cancer terminal. Il est mort il y a deux semaines. Vous pouvez avoir un Prix Nobel et ne pas savoir dire «bonjour».
- Le Temps : «Dire bonjour» peut s’apprendre?
- Josef Schovanec : Oui. Mais cela prend du temps. Apprendre à prononcer le mot est facile mais vous ne dites pas bonjour de la même façon à un chef ou à un vieil ami, en Suisse ou au Japon. Les non-autistes ne s’en rendent pas compte parce qu’ils intègrent ce genre de notions tout naturellement, mais il existe des millions de règles, qui vous imposent jusqu’à une certaine façon de marcher dans la rue. Et les règles ont des exceptions. Si vous enseignez à un jeune autiste à aller chercher du pain à la boulangerie, vous devez aussi lui apprendre comment il doit réagir s’il n’y a plus de pain. L’apprentissage n’est jamais total. Comme adulte, on continue à faire des gaffes. J’en fais moi-même des dizaines par jour. C’est la vie… Il y a par ailleurs un débat sur les limites d’une telle normalisation. Un autiste doit-il savoir faire tout ce qu’un non-autiste fait?
- Le Temps : Et le marché du travail? Les autistes y trouvent-ils des places?
- Josef Schovanec : J’ai un emploi et l’idéal serait que tous les autistes en aient. Ce n’est pas impossible. Pour le patron d’une boîte informatique, il est idéal d’avoir des collaborateurs sérieux, qui arrivent tous les jours à l’heure et qui font exactement ce qu’on leur dit. Il faut juste vaincre certains préjugés. La réalité est beaucoup plus humaine qu’on ne l’imagine. Bill Gates a lui-même déclaré publiquement qu’il était concerné par le syndrome d’Asperger. Même des personnes porteuses d’un autisme nettement plus sévère peuvent trouver leur place dans une entreprise. C’est le cas par exemple de l’une des plus anciennes employées de la chaîne française de distribution Monoprix.
- Le Temps : Avez-vous l’impression que les gens perçoivent vos défauts mais pas vos qualités?
- Josef Schovanec : Oui. Les personnes qui ne connaissent pas la question considèrent volontiers que les autistes sont des malades mentaux, voire qu’ils sont dangereux. Le responsable du suivi d’un jeune autiste m’a raconté qu’il avait récemment été retrouver son protégé dans une ferme et qu’il avait été surpris de voir que ses vêtements n’étaient pas lavés en même temps que ceux des autres. Lorsqu’il a demandé qu’elle en était la raison, il s’est entendu répondre: «C’est pour qu’on n’attrape pas sa folie.» Et l’on n’était pas dans un pays sauvage au Moyen Age, mais dans l’Europe d’aujourd’hui. Un autre cliché, popularisé par les médias, est celui du surdoué, de la bête de foire qu’on invite sur les plateaux de télévision pour lui demander quel jour correspond à telle date. Assez peu de gens s’intéressent à notre quotidien.
- Le Temps : Comment considérez-vous les non-autistes?
- Josef Schovanec : J’ai la chance d’en fréquenter beaucoup. Mais il y a des précautions à prendre. Lorsque je parle avec l’un d’entre eux, j’évite de lui tourner le dos, j’essaie de regarder son visage et j’évite de parler trop longtemps des sujets qui me passionnent comme les vieux manuscrits éthiopiens. Discuter avec un autiste est beaucoup plus simple. Et puis, chez les neurotypiques, il faut accepter certains péchés mignons comme les jeux d’apparence ou les stratégies de pouvoir. Cela m’amuse ou me déprime selon les circonstances. Mais certains autistes sortent traumatisés de cette expérience, au point de considérer tous les non-autistes comme des voleurs ou des menteurs.
- Le Temps : Il paraît effectivement que les non-autistes sont des menteurs…
- Josef Schovanec : Une psychologue m’a raconté l’histoire suivante. Un enfant autiste lui a dit un jour qu’elle avait de grosses cuisses. Et quand elle lui a répondu que cela ne se disait pas, l’autre a protesté en rétorquant que c’était pourtant la vérité. Les autistes ont énormément de peine à mentir. Ils ont en plus une définition très large du mensonge. Si l’un d’entre eux vous indique qu’il revient dans deux minutes et qu’il revient deux minutes et demie plus tard, il se sentira fautif.
- Le Temps : Aux yeux des autistes, les neurotypiques seraient aussi très intolérants. C’est vrai?
- Josef Schovanec : Imaginez que vous êtes un enfant autiste à l’école et que vous cherchez à vous faire des amis. Vous avez 7 ans et vous dites à votre voisin de table: «Bonjour monsieur!» Qu’allez-vous recevoir en retour? Des moqueries de toute la classe. Et ce genre de réactions, vous allez en attirer constamment pendant toutes vos années de scolarité. C’est là une expérience extrêmement douloureuse. A la longue, certains autistes finissent par s’imaginer que le monde entier veut les éliminer.
- Le Temps : Et vous-mêmes, comment vous en tirez-vous?
- Josef Schovanec : En jouant régulièrement une sorte de comédie sociale. Mais cet exercice est lassant. La plupart des neurotypiques veulent être en permanence avec quelqu’un. Moi, je ne connais rien de mieux que ces heures de solitude où l’on peut lire tranquillement en s’asseyant comme on veut.
«Comprendre l’autisme – Apprivoiser la différence», conférence publique, lundi 2 avril, 18 heures, Rolex Learning Center de l’EPFL, à Ecublens (Suisse).
Par Etienne Dubuis
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
-
- Passionné
- Messages : 426
- Enregistré le : jeudi 29 mars 2012 à 18:52
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
Joseph dit des choses très cencés.
Après dans le privé,ca dépend aussi des gens qu'on rencontre.
Ce qui est impératif c'est de tomber sur des gens bienveillants.
Je conseillerais de proscrire tout les métiers qui nécessitent un fort contact avec la clientèle et demandent dur endement,des objectifs,du chiffre.
Fuyez tout ce qui est commerce,banques,finances et assurances en dépit des conventions alléchantes.Ces gens n'ont pas pour valeur l'humain mais la rentabilité.Il y'a donc plus de risques que l'intégration se passe moins bien.
C'est une lutte de tout les jours que peu de gens imagine car tout ce qui est pour nous problématique,c'est automatique et normal pour eux,ils n'ont jamais appris que des personnes auraient du mal,ca ne fais pas partie de leur éducation.
- Le Temps : Aux yeux des autistes, les neurotypiques seraient aussi très intolérants. C’est vrai?
-
Par expérience remuer le couteau dans la plaie en disant" de toute façon, tu ne changera rien tu doit d'adapter,un point c'est tout.
Bon ce type de rejet,normalement cesse quand les études supérieurs arrivent(je dis bien normalement car même en classe prépa je me suis supporté des cas sociaux intouchables et complètement indifférents,meme odieux).
Je pense d'ailleurs faire un post précis sur les situations de rejet social.
Tout le monde n'est pas un informaticien.Je pense que la fonction publique(ca dépend surtout des personnes qu'on rencontre) peut etre un meilleur employeur que le privée sous réserve de soi réussir les concours ou d'être retenue par al voie contractuelle.or comme à ce jour,très peu de personnes handicapés suivent des études,la fonction publique pourvoit davantage de postes par voie du concours.par voie contractuelle:priorité au plus expérimenté.- Le Temps : Et le marché du travail? Les autistes y trouvent-ils des places?
- Josef Schovanec : J’ai un emploi et l’idéal serait que tous les autistes en aient. Ce n’est pas impossible. Pour le patron d’une boîte informatique, il est idéal d’avoir des collaborateurs sérieux, qui arrivent tous les jours à l’heure et qui font exactement ce qu’on leur dit. Il faut juste vaincre certains préjugés. La réalité est beaucoup plus humaine qu’on ne l’imagine. Bill Gates a lui-même déclaré publiquement qu’il était concerné par le syndrome d’Asperger. Même des personnes porteuses d’un autisme nettement plus sévère peuvent trouver leur place dans une entreprise. C’est le cas par exemple de l’une des plus anciennes employées de la chaîne française de distribution Monoprix.
Après dans le privé,ca dépend aussi des gens qu'on rencontre.
Ce qui est impératif c'est de tomber sur des gens bienveillants.
Je conseillerais de proscrire tout les métiers qui nécessitent un fort contact avec la clientèle et demandent dur endement,des objectifs,du chiffre.
Fuyez tout ce qui est commerce,banques,finances et assurances en dépit des conventions alléchantes.Ces gens n'ont pas pour valeur l'humain mais la rentabilité.Il y'a donc plus de risques que l'intégration se passe moins bien.
Alors çà oui,y'a encore des comportements dignes du moyen âge.Presque personne n'imagine que le quotidien d'un autiste c'est de gérer sa personne + les tâches quotidiennes du logement(si il est autonome)+ les codes sociaux qui peuvent changer sans qu'on vous ai rien dit+ le regard parfois méchants(certains flics m'ont regardé méchament je sais pas pourquoi)+ le contrôle de ses pensées pour éviter que ca détinte sur la vile réelle+ autres chosesLe Temps : Avez-vous l’impression que les gens perçoivent vos défauts mais pas vos qualités?
- Josef Schovanec : Oui. Les personnes qui ne connaissent pas la question considèrent volontiers que les autistes sont des malades mentaux, voire qu’ils sont dangereux. Le responsable du suivi d’un jeune autiste m’a raconté qu’il avait récemment été retrouver son protégé dans une ferme et qu’il avait été surpris de voir que ses vêtements n’étaient pas lavés en même temps que ceux des autres. Lorsqu’il a demandé qu’elle en était la raison, il s’est entendu répondre: «C’est pour qu’on n’attrape pas sa folie.» Et l’on n’était pas dans un pays sauvage au Moyen Age, mais dans l’Europe d’aujourd’hui. Un autre cliché, popularisé par les médias, est celui du surdoué, de la bête de foire qu’on invite sur les plateaux de télévision pour lui demander quel jour correspond à telle date. Assez peu de gens s’intéressent à notre quotidien.
C'est une lutte de tout les jours que peu de gens imagine car tout ce qui est pour nous problématique,c'est automatique et normal pour eux,ils n'ont jamais appris que des personnes auraient du mal,ca ne fais pas partie de leur éducation.
- Le Temps : Aux yeux des autistes, les neurotypiques seraient aussi très intolérants. C’est vrai?
-
Exemple tout bête sur les codes sociaux dont le non respect entrainne un rejet plus ou moins ponctuel.Le rejet social brutal et même constament entretenue par quelques personnes que vous voyez se moquer,vous rendre la vie impossible vous renvoie à une image d'inexistance et de mort:vous n'existez aux yeux des autres qu'a travers de la moquerie,vous jouez le rôle du bouffon mais c'est tout.Josef Schovanec : Imaginez que vous êtes un enfant autiste à l’école et que vous cherchez à vous faire des amis. Vous avez 7 ans et vous dites à votre voisin de table: «Bonjour monsieur!» Qu’allez-vous recevoir en retour? Des moqueries de toute la classe. Et ce genre de réactions, vous allez en attirer constamment pendant toutes vos années de scolarité. C’est là une expérience extrêmement douloureuse. A la longue, certains autistes finissent par s’imaginer que le monde entier veut les éliminer.
Par expérience remuer le couteau dans la plaie en disant" de toute façon, tu ne changera rien tu doit d'adapter,un point c'est tout.
Bon ce type de rejet,normalement cesse quand les études supérieurs arrivent(je dis bien normalement car même en classe prépa je me suis supporté des cas sociaux intouchables et complètement indifférents,meme odieux).
Je pense d'ailleurs faire un post précis sur les situations de rejet social.
-
- Intarissable
- Messages : 11097
- Enregistré le : vendredi 21 octobre 2005 à 11:05
- Localisation : Plougastel-Daoulas
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
Passionnantes et tellement justes les remarques de Joseph....
Oui, on peut avoir des facilités dans certains domaines et ne pas savoir dire "bonjour"....
Je me souviens de mon fils quelques jours avant la rentrée au collège...on est allé rencontrer le directeur qui était au courant de son syndrome....Je dis à Léo: "dis bonjour à Mr L***"...Léo le regarde et lui dit "Salut"....
Heureusement, le directeur est sympa, parce que gloup's....J'ai dû lui expliquer qu'on ne disait pas le même "bonjour" à tout le monde.! Mais comme le dit très bien Josef, ce sont des années d'apprentissage avant de maîtriser tout cela....
Quant à l'allusion à notre ami Rom...oui, ça aussi montre combien les petites choses de la vie courante (comme la douleur) ne sont pas si simples pour eux à exprimer.
Oui, on peut avoir des facilités dans certains domaines et ne pas savoir dire "bonjour"....
Je me souviens de mon fils quelques jours avant la rentrée au collège...on est allé rencontrer le directeur qui était au courant de son syndrome....Je dis à Léo: "dis bonjour à Mr L***"...Léo le regarde et lui dit "Salut"....
Heureusement, le directeur est sympa, parce que gloup's....J'ai dû lui expliquer qu'on ne disait pas le même "bonjour" à tout le monde.! Mais comme le dit très bien Josef, ce sont des années d'apprentissage avant de maîtriser tout cela....
Quant à l'allusion à notre ami Rom...oui, ça aussi montre combien les petites choses de la vie courante (comme la douleur) ne sont pas si simples pour eux à exprimer.
Murielle,
Maman de Pauline 21 ans,Léo (asperger) 17 ans et demi .
Savoir profiter du moment présent ,
Savoir vivre pleinement chaque instant et ne pas uniquement penser aux jours à venir, voilà un défi à relever maintenant.
Maman de Pauline 21 ans,Léo (asperger) 17 ans et demi .
Savoir profiter du moment présent ,
Savoir vivre pleinement chaque instant et ne pas uniquement penser aux jours à venir, voilà un défi à relever maintenant.
-
- Intarissable
- Messages : 8889
- Enregistré le : lundi 28 septembre 2009 à 13:55
- Localisation : オルセー
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
Interview très intéressant, surtout sur l'obligation de se préparer à "vivre-avec" (en plus de tout le reste)
Je mettrais tout de même un gros bémol à :
Je ne suis pas sûr que ça soit vraiment un signe d'amélioration.
Dear people who use the verb "to sperg". Fuck you ever so very much.
Je mettrais tout de même un gros bémol à :
Il est apparu dans l'argot "internet" au cours de l'année dernière - à moins que je ne sois passé à côté avant - un nouveau verbe, to sperg, qui est aussi péjoratif que l'on peut l'imaginer et se réfère à la capacité innée de certaines personnes avec autisme à se focaliser sur les détails sans s'arrêter (surtout à l'écrit sur les forums, vu les proportions d'Aspis ayant des difficultés à l'oral).Jean a écrit :«On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour» – Interview de Josef Schovanec
Article du Temps :
Source : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/5a5f733 ... 6865a361|0
http://autisme.info31.free.fr/?p=1814
- Le Temps : Vous souvenez-vous du moment où vous vous êtes rendu compte que vous étiez porteur du syndrome d’Asperger?
...
- Josef Schovanec : L’existence de particularités apparaît vite. Le problème est d’obtenir le bon diagnostic. Dans les pays anglo-saxons ou scandinaves, l’autisme est bien connu et le diagnostic rapidement posé, ce qui permet un accompagnement adapté dès l’âge de 2 à 3 ans. Dans d’autres pays d’Europe cependant, il est méconnu, d’où une prise en charge sensiblement plus laborieuse. Le diagnostic est lui-même le début d’un long parcours intérieur. L’autisme n’a pas seulement une dimension médicale mais aussi une dimension sociale. C’est une chose de lire sa définition dans un livre. C’en est une autre d’apprendre à vivre avec. Et là où il est mal vu, il est très difficile de s’avouer concerné. Heureusement, ce n’est pas le cas partout: aux Etats-Unis, dire de quelqu’un qu’il est porteur du syndrome d’Asperger est presque une flatterie.
...
Par Etienne Dubuis
Je ne suis pas sûr que ça soit vraiment un signe d'amélioration.
Dear people who use the verb "to sperg". Fuck you ever so very much.
-
- Modérateur
- Messages : 22562
- Enregistré le : lundi 24 octobre 2005 à 22:39
- Localisation : Finistère
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
Entretien avec Josef Schovanec, chercheur en philosophie et sciences sociales et porteur du syndrôme d’Asperger, réalisé par la RTS (radio télévision suisse), le 2 avril lors de la journée de sensibilisation à l’autisme.
3 mn 26
A regarder sur http://autisme.info31.free.fr/?p=1853
3 mn 26
A regarder sur http://autisme.info31.free.fr/?p=1853
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
-
- Modérateur
- Messages : 22562
- Enregistré le : lundi 24 octobre 2005 à 22:39
- Localisation : Finistère
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
http://www.lesforcesduhandicap.fr/dossi ... mpagnement
Dossier FEGEPAI - L'autisme, Grande cause nationale 2012 et après ?
L'autisme ne doit pas être excluant
Entretien avec Josef SCHOVANEC, Docteur en philosophie, ancien élève de Sciences-Po Paris
Avez-vous le sentiment, comme tendrait à le montrer votre situation actuelle, que l’autisme est mieux compris et accepté par la société ?
Mes diplômes, ma passion pour les langues moyen-orientales, mon poste de conseiller d’un des adjoints du Maire de Paris, sont la partie lumineuse de ma vie. Mais il y a l’autre versant ! Porteur du syndrome d’Asperger, j’ai été toute mon enfance suivi par des psychiatres et placé sous camisole chimique. Ma scolarité s’est faite en pointillés...
Je me suis fait tabasser à toutes les récréations, mon comportement n’étant pas dans la norme et il m’a fallu développer des stratégies de mimétisme pour m’intégrer un peu. Même à Sciences-Po, rien n’a été facile parce que je ne maîtrisais aucun code social. Maintenant, je sais ce qu’il faut faire et dire et il y a moins de regards réprobateurs. Mais compte tenu de ce parcours difficile, je me considère comme un « miraculé » !
Comment expliquez-vous que l’on mette à l’écart les personnes avec autisme ?
Ne pas maîtriser les codes sociaux expose à de sérieux problèmes. Dire « bonjour », savoir aborder différentes personnes, représente pour moi une difficulté que les autres n’imaginent pas. Je n’ai pas d’intuition sociale. La méconnaissance de ce code, tellement élémentaire qu’il n’est décrit nulle part, entraîne beaucoup de réactions de rejet.
Le vrai problème est la profonde méconnaissance, en France, de ce qu’est l’autisme et de sa prévalence. Cela explique le peu de place qui nous est fait. La situation des adultes avec autisme, et des adultes vieillissant en particulier, est le plus souvent ignorée.
Les média simplifient tout à l’excès : l’autisme, c’est soit un enfant très perturbé qui ne parle pas, soit un petit génie. Mais avec un taux de prévalence de 1 sur 150 naissances, nous sommes nombreux et différents des cas extrêmes !
Que faut-il changer ?
Pour moi, il faut imaginer une façon, non pas de « prendre en charge », mais de « prendre en compte » la personne avec autisme : former les enseignants, sensibiliser les employeurs, les travailleurs sociaux, la Police, les directeurs de maison de retraite…
Il y a beaucoup de bonnes intentions mais peu de moyens et pas de formation adaptée. A titre d’exemple, la plupart des employeurs ignore que les personnes avec autisme peuvent être d’excellents collaborateurs. Moi, je pense avoir plutôt de la chance mais à 30 ans, je dois vivre chez mes parents faute de gagner ma vie correctement et parce qu’il n’existe pas de logement adapté aux personnes avec autisme. Dans certains pays, comme aux Etats-Unis, être Asperger est flatteur. Ici, c’est le contraire.
Dossier FEGEPAI - L'autisme, Grande cause nationale 2012 et après ?
L'autisme ne doit pas être excluant
Entretien avec Josef SCHOVANEC, Docteur en philosophie, ancien élève de Sciences-Po Paris
Avez-vous le sentiment, comme tendrait à le montrer votre situation actuelle, que l’autisme est mieux compris et accepté par la société ?
Mes diplômes, ma passion pour les langues moyen-orientales, mon poste de conseiller d’un des adjoints du Maire de Paris, sont la partie lumineuse de ma vie. Mais il y a l’autre versant ! Porteur du syndrome d’Asperger, j’ai été toute mon enfance suivi par des psychiatres et placé sous camisole chimique. Ma scolarité s’est faite en pointillés...
Je me suis fait tabasser à toutes les récréations, mon comportement n’étant pas dans la norme et il m’a fallu développer des stratégies de mimétisme pour m’intégrer un peu. Même à Sciences-Po, rien n’a été facile parce que je ne maîtrisais aucun code social. Maintenant, je sais ce qu’il faut faire et dire et il y a moins de regards réprobateurs. Mais compte tenu de ce parcours difficile, je me considère comme un « miraculé » !
Comment expliquez-vous que l’on mette à l’écart les personnes avec autisme ?
Ne pas maîtriser les codes sociaux expose à de sérieux problèmes. Dire « bonjour », savoir aborder différentes personnes, représente pour moi une difficulté que les autres n’imaginent pas. Je n’ai pas d’intuition sociale. La méconnaissance de ce code, tellement élémentaire qu’il n’est décrit nulle part, entraîne beaucoup de réactions de rejet.
Le vrai problème est la profonde méconnaissance, en France, de ce qu’est l’autisme et de sa prévalence. Cela explique le peu de place qui nous est fait. La situation des adultes avec autisme, et des adultes vieillissant en particulier, est le plus souvent ignorée.
Les média simplifient tout à l’excès : l’autisme, c’est soit un enfant très perturbé qui ne parle pas, soit un petit génie. Mais avec un taux de prévalence de 1 sur 150 naissances, nous sommes nombreux et différents des cas extrêmes !
Que faut-il changer ?
Pour moi, il faut imaginer une façon, non pas de « prendre en charge », mais de « prendre en compte » la personne avec autisme : former les enseignants, sensibiliser les employeurs, les travailleurs sociaux, la Police, les directeurs de maison de retraite…
Il y a beaucoup de bonnes intentions mais peu de moyens et pas de formation adaptée. A titre d’exemple, la plupart des employeurs ignore que les personnes avec autisme peuvent être d’excellents collaborateurs. Moi, je pense avoir plutôt de la chance mais à 30 ans, je dois vivre chez mes parents faute de gagner ma vie correctement et parce qu’il n’existe pas de logement adapté aux personnes avec autisme. Dans certains pays, comme aux Etats-Unis, être Asperger est flatteur. Ici, c’est le contraire.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
-
- Modérateur
- Messages : 22562
- Enregistré le : lundi 24 octobre 2005 à 22:39
- Localisation : Finistère
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
Josef Schovanec, ambassadeur hors normes
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 04.10.2012
Josef Schovanec, docteur en philosophie. Paris, septembre 2012. | Jean-François Joly pour Le Monde
"Je suis né le 2 décembre 1981, le même jour et la même année que Britney Spears. J'ai vu le jour à Charenton-le-Pont, dans le Val-de-Marne, non loin de l'ancienne Maison royale, un asile psychiatrique. C'est là qu'est mort le marquis de Sade, un 2 décembre. Depuis la naissance, je suis marqué !" Posez n'importe quelle question à Josef Schovanec et vous obtiendrez en général une réponse fleuve, brillante, désarmante parfois.
Assis devant un jus d'orange dans un café près de la place Denfert-Rochereau, à Paris, le jeune homme, diplômé de Sciences Po et docteur en philosophie, se prête au jeu du portrait sans effort apparent et avec le sourire. Il y a quelques années, une rencontre dans un tel endroit aurait été impossible. Trop de bruit, trop de monde. Josef Schovanec est autiste de haut niveau, atteint du syndrome d'Asperger.
Longtemps, il a passé ses journées dans sa chambre, restant parfois un mois sans sortir. Pendant cinq ans, il fut même sous "camisole chimique", étiqueté schizophrène. Depuis, il a appris à communiquer avec les neurotypiques (non-autistes), a intégré presque tous les codes de la "comédie sociale". Josef Schovanec est aussi devenu un grand voyageur ; à l'étranger, dans le cadre de colloques ou de cours ; et en France, où il est convié pour parler d'autisme dans des conférences. De retour d'une session universitaire à Samarcande (Ouzbékistan), cet éternel étudiant, passionné de langues anciennes et de religions, se réjouit des contacts avec des gens trilingues qui passent d'une langue à une autre dans la même phrase. "Cette richesse culturelle, c'est aussi l'acceptation de la différence", sourit-il.
En 2012, où l'autisme a été déclaré grande cause nationale, il s'est retrouvé d'une certaine façon porte-parole. "Je ne représente personne et n'ai pas de charge associative, mais je veux bien être un compagnon de route", précise-t-il. Il excelle dans le rôle. Lorsque nous l'avions rencontré pour la première fois, en juin, au Collège de France, où il intervenait sur le thème du défi de l'insertion professionnelle des autistes, il avait conquis la salle. Réussissant à captiver et sensibiliser son auditoire à ce sujet délicat tout en faisant fuser les rires.
"C'est important que les personnes avec autisme puissent nous communiquer leur vision de ce syndrome complexe, souligne le généticien Thomas Bourgeron, de l'Institut Pasteur. De plus, Josef explique admirablement bien les difficultés des individus avec le syndrome d'Asperger dans notre société." "A force d'être un permanent du spectacle, on connaît les ficelles du métier, s'amuse l'intéressé. Mais l'autisme n'est pas une passion personnelle, je lis très peu sur ce sujet. Je raconte des petites histoires, celles de mes amis, les miennes. Parfois, je projette des diapos de Prix Nobel excentriques et bizarres. Cela fait rigoler, mais c'est très pédagogique."
Sa propre histoire est assez emblématique. Ainsi de son enfance, vécue en partie en Suisse, et de sa scolarité, "extrêmement chaotiques". Comme beaucoup d'autistes de haut niveau, le petit Josef a su lire et écrire bien avant de parler et marcher, avec tout ce que cela implique comme difficultés en milieu scolaire. "J'ai commencé à parler en CE2, mais seulement des sujets qui m'intéressaient : les moisissures, les pharaons, les processus de fossilisation...", se souvient-il. Il a souvent manqué les cours, n'a jamais pu manger à la cantine. Il s'en est sorti, dit-il, car il était dans de petits établissements assez souples, où l'on a su faire confiance à ses compétences.
Mais pour des enfants si décalés l'école peut vite devenir un lieu de souffrance. "Les autistes se font tabasser à toutes les récréations, parfois de façon musclée. Certains ne veulent plus sortir de chez eux", témoigne Josef Schovanec. L'idéal, selon lui, serait d'adapter leur scolarité en gardant un cadre le plus normal possible. "Il ne s'agit pas de mettre en club tous les miséreux de la Terre !, continue-t-il. Des postes d'AVS [auxiliaires de vie scolaire, qui accompagnent les enfants handicapés] sont créés, mais je vois des familles désespérées faire des grèves de la faim parce qu'elles ne parviennent pas à en obtenir." Conférences, traduction d'ouvrages, formation de professionnels... Pour les autistes, Josef Schovanec fait beaucoup, souvent bénévolement. Il participe à l'unique émission entièrement réalisée par des autistes, sur la radio IDFM.
Pour le reste, son parcours professionnel est encore fragile. Le docteur en philosophie n'a jamais réussi aucun entretien d'embauche. Son "patron" depuis six ans, Hamou Bouakkaz, aujourd'hui adjoint au maire de Paris en charge de la démocratie locale et de la vie associative, l'a repéré et engagé "sans entretien d'embauche, et sans porter un regard sur lui", raconte l'élu, aveugle de naissance. Dans le cadre d'un emploi aidé, Josef Schovanec écrit, synthétise des documents, mais se fait aussi tête chercheuse, alimenteur de citations... pour Hamou Bouakkaz. "C'est un garçon d'une intelligence exceptionnelle, jamais dans le calcul", poursuit ce dernier, qui a adapté le poste de son assistant à ses difficultés sociales, en le dispensant de réunions par exemple. "Il pourrait être un excellent chercheur. Je lui souhaite de comprendre que son objectif est de prendre son envol, ne pas seulement devenir un expert de l'Asperger", dit-il.
Parfois, dans son combat militant, Josef Schovanec ressent la "lassitude du vétéran". Ses mots sont sans concession pour certaines associations et certains politiques qui affichent une préoccupation pour l'autisme sans, au fond, véritable souci des intéressés. Alors il reprend facilement son bâton de pèlerin. "Quand on dit autisme, on pense enfants, et derrière eux il y a souvent des parents qui se battent. Mais on ne parle presque jamais des adultes et des autistes âgés." Eux n'ont pas forcément grand monde pour les défendre.
Sandrine Cabut
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 04.10.2012
Josef Schovanec, docteur en philosophie. Paris, septembre 2012. | Jean-François Joly pour Le Monde
"Je suis né le 2 décembre 1981, le même jour et la même année que Britney Spears. J'ai vu le jour à Charenton-le-Pont, dans le Val-de-Marne, non loin de l'ancienne Maison royale, un asile psychiatrique. C'est là qu'est mort le marquis de Sade, un 2 décembre. Depuis la naissance, je suis marqué !" Posez n'importe quelle question à Josef Schovanec et vous obtiendrez en général une réponse fleuve, brillante, désarmante parfois.
Assis devant un jus d'orange dans un café près de la place Denfert-Rochereau, à Paris, le jeune homme, diplômé de Sciences Po et docteur en philosophie, se prête au jeu du portrait sans effort apparent et avec le sourire. Il y a quelques années, une rencontre dans un tel endroit aurait été impossible. Trop de bruit, trop de monde. Josef Schovanec est autiste de haut niveau, atteint du syndrome d'Asperger.
Longtemps, il a passé ses journées dans sa chambre, restant parfois un mois sans sortir. Pendant cinq ans, il fut même sous "camisole chimique", étiqueté schizophrène. Depuis, il a appris à communiquer avec les neurotypiques (non-autistes), a intégré presque tous les codes de la "comédie sociale". Josef Schovanec est aussi devenu un grand voyageur ; à l'étranger, dans le cadre de colloques ou de cours ; et en France, où il est convié pour parler d'autisme dans des conférences. De retour d'une session universitaire à Samarcande (Ouzbékistan), cet éternel étudiant, passionné de langues anciennes et de religions, se réjouit des contacts avec des gens trilingues qui passent d'une langue à une autre dans la même phrase. "Cette richesse culturelle, c'est aussi l'acceptation de la différence", sourit-il.
En 2012, où l'autisme a été déclaré grande cause nationale, il s'est retrouvé d'une certaine façon porte-parole. "Je ne représente personne et n'ai pas de charge associative, mais je veux bien être un compagnon de route", précise-t-il. Il excelle dans le rôle. Lorsque nous l'avions rencontré pour la première fois, en juin, au Collège de France, où il intervenait sur le thème du défi de l'insertion professionnelle des autistes, il avait conquis la salle. Réussissant à captiver et sensibiliser son auditoire à ce sujet délicat tout en faisant fuser les rires.
"C'est important que les personnes avec autisme puissent nous communiquer leur vision de ce syndrome complexe, souligne le généticien Thomas Bourgeron, de l'Institut Pasteur. De plus, Josef explique admirablement bien les difficultés des individus avec le syndrome d'Asperger dans notre société." "A force d'être un permanent du spectacle, on connaît les ficelles du métier, s'amuse l'intéressé. Mais l'autisme n'est pas une passion personnelle, je lis très peu sur ce sujet. Je raconte des petites histoires, celles de mes amis, les miennes. Parfois, je projette des diapos de Prix Nobel excentriques et bizarres. Cela fait rigoler, mais c'est très pédagogique."
Sa propre histoire est assez emblématique. Ainsi de son enfance, vécue en partie en Suisse, et de sa scolarité, "extrêmement chaotiques". Comme beaucoup d'autistes de haut niveau, le petit Josef a su lire et écrire bien avant de parler et marcher, avec tout ce que cela implique comme difficultés en milieu scolaire. "J'ai commencé à parler en CE2, mais seulement des sujets qui m'intéressaient : les moisissures, les pharaons, les processus de fossilisation...", se souvient-il. Il a souvent manqué les cours, n'a jamais pu manger à la cantine. Il s'en est sorti, dit-il, car il était dans de petits établissements assez souples, où l'on a su faire confiance à ses compétences.
Mais pour des enfants si décalés l'école peut vite devenir un lieu de souffrance. "Les autistes se font tabasser à toutes les récréations, parfois de façon musclée. Certains ne veulent plus sortir de chez eux", témoigne Josef Schovanec. L'idéal, selon lui, serait d'adapter leur scolarité en gardant un cadre le plus normal possible. "Il ne s'agit pas de mettre en club tous les miséreux de la Terre !, continue-t-il. Des postes d'AVS [auxiliaires de vie scolaire, qui accompagnent les enfants handicapés] sont créés, mais je vois des familles désespérées faire des grèves de la faim parce qu'elles ne parviennent pas à en obtenir." Conférences, traduction d'ouvrages, formation de professionnels... Pour les autistes, Josef Schovanec fait beaucoup, souvent bénévolement. Il participe à l'unique émission entièrement réalisée par des autistes, sur la radio IDFM.
Pour le reste, son parcours professionnel est encore fragile. Le docteur en philosophie n'a jamais réussi aucun entretien d'embauche. Son "patron" depuis six ans, Hamou Bouakkaz, aujourd'hui adjoint au maire de Paris en charge de la démocratie locale et de la vie associative, l'a repéré et engagé "sans entretien d'embauche, et sans porter un regard sur lui", raconte l'élu, aveugle de naissance. Dans le cadre d'un emploi aidé, Josef Schovanec écrit, synthétise des documents, mais se fait aussi tête chercheuse, alimenteur de citations... pour Hamou Bouakkaz. "C'est un garçon d'une intelligence exceptionnelle, jamais dans le calcul", poursuit ce dernier, qui a adapté le poste de son assistant à ses difficultés sociales, en le dispensant de réunions par exemple. "Il pourrait être un excellent chercheur. Je lui souhaite de comprendre que son objectif est de prendre son envol, ne pas seulement devenir un expert de l'Asperger", dit-il.
Parfois, dans son combat militant, Josef Schovanec ressent la "lassitude du vétéran". Ses mots sont sans concession pour certaines associations et certains politiques qui affichent une préoccupation pour l'autisme sans, au fond, véritable souci des intéressés. Alors il reprend facilement son bâton de pèlerin. "Quand on dit autisme, on pense enfants, et derrière eux il y a souvent des parents qui se battent. Mais on ne parle presque jamais des adultes et des autistes âgés." Eux n'ont pas forcément grand monde pour les défendre.
Sandrine Cabut
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
-
- Prolifique
- Messages : 4927
- Enregistré le : lundi 9 août 2010 à 22:08
- Localisation : Bretagne
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
c'est très bien écrit!
1973 ( TSA, hpi, diag CRA 2012) de 4 enfants (tsa/ hpi, tdah, hpi et autres.)...)
https://cieharmonieautiste.jimdo.com/
https://cieharmonieautiste.jimdo.com/
-
- Intarissable
- Messages : 7614
- Enregistré le : jeudi 9 août 2012 à 21:11
- Localisation : Entre les ombres de la pluie
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
Merci pour l'article, je voulais le lire.
30 ans, autiste cru 2013, trans (il/lui), Brest. Ex AVS, artiste, diplômé en Art. Propriétaire d'un Loup intérieur et dérapeur de réalité. ⚥
"Sire, sire, on en a gros!"
En bordure du bout du monde + La manufacture des loups + BANG! + Ouroboros
"Sire, sire, on en a gros!"
En bordure du bout du monde + La manufacture des loups + BANG! + Ouroboros
-
- Prolifique
- Messages : 3478
- Enregistré le : mercredi 27 février 2008 à 22:34
- Localisation : Clermont-Fd, Auvergne
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
Merci Jean pour avoir signalé cet article.
Bernard (55 ans, aspie) papa de 3 enfants (dont 2 aspies)
-
- Intarissable
- Messages : 11097
- Enregistré le : vendredi 21 octobre 2005 à 11:05
- Localisation : Plougastel-Daoulas
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
Bel article en effet.!
Murielle,
Maman de Pauline 21 ans,Léo (asperger) 17 ans et demi .
Savoir profiter du moment présent ,
Savoir vivre pleinement chaque instant et ne pas uniquement penser aux jours à venir, voilà un défi à relever maintenant.
Maman de Pauline 21 ans,Léo (asperger) 17 ans et demi .
Savoir profiter du moment présent ,
Savoir vivre pleinement chaque instant et ne pas uniquement penser aux jours à venir, voilà un défi à relever maintenant.
-
- Modérateur
- Messages : 22562
- Enregistré le : lundi 24 octobre 2005 à 22:39
- Localisation : Finistère
Re: «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonjour»
Je suis à l'Est !
Plon - Caroline Glorion - Josef SchovanecParution le 15/11/2012 - commande sur Amazon
De très nombreuses fois sollicité après des passages remarqués à la télévision ou dans le cadre de conférences internationales sur l'autisme, Josef a toujours refusé de raconter sa vie et son parcours dans un livre. Aujourd'hui, il nous dit OUI, avec la volonté, à travers ce témoignage, de défendre la cause de ces enfants, mais aussi de ces hommes et femmes… qui selon ses propres termes « vivent avec autisme ». Cette expression est importante pour lui ; elle indique une qualité plutôt qu'un handicap. En tout cas Josef se situe clairement dans une démarche positive et combattante afin de restaurer l'image et la singularité des autistes. On se souvient du livre de l'anglais Daniel Thammet, calculateur de génie qui permit il y a une dizaine d'année de découvrir l'univers des autistes de haut niveau. Depuis, régulièrement, de jeunes prodiges, souvent dans le domaine des mathématiques, livrent à la télévision de manière anecdotique leurs talents et intriguent par leurs capacités hors du commun. À travers son histoire, ses déboires douloureux de petit enfant tabassé dans la cours de récréation, ignoré de ses camarades de Sciences Po, considéré comme un débile mental par de nombreuses personnes rencontrées dans la vie quotidienne, Josef nous livre sa véritable personnalité et nous donne accès à ce monde mystérieux du cerveau et de ses interactions avec l'environnement. Cette plongée passionnante nous permet aussi de découvrir notre propre cerveau à nous, les « neuro-typiques », qui pensons, vivons et agissons selon la norme. Ce livre est donc un témoignage unique et exceptionnel.
Biographie de l'auteur
Josef Schovanec est né le 2 août 1981 en région parisienne. Ses parents d’origine tchèque ont émigré dans les années 70. Après une scolarité chaotique, il obtient un bac C à 17 ans avec la mention très bien. Diplômé de Sciences-Po Paris, il continue son parcours étudiant en s’inscrivant en Langues O où il étudie l’hébreu, le sanskrit, le persan, l’amaric, l’azéri, l’éthiopien…, ce qui complète sa maîtrise parfaite du tchécoslovaque, de l’allemand, du finlandais et de l’anglais appris au cours de sa scolarité. À 19 ans, un premier psychiatre le bourre de médicaments, il évite de peu l’internement psychiatrique et commence une psychanalyse. Diagnostiqué « autiste Asperger », il jette tous ses traitements et commence une lente remontée vers le monde des « normaux ». Aujourd’hui, il poursuit son étude des langues et donne des conférences sur l’autisme. Il occupe un poste à mi-temps d’assistant de l’adjoint au maire chargé des handicapés à la Mairie de Paris.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
-
- Prolifique
- Messages : 520
- Enregistré le : vendredi 4 mars 2011 à 21:46
- Localisation : Lyon
Re: Josef «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonj
Commandé sur Amazon. C'est génial que notre ambassadeur français de l'autisme se livre, comme a pu le faire Daniel Tammet il y a quelques années.
-
- Modérateur
- Messages : 22562
- Enregistré le : lundi 24 octobre 2005 à 22:39
- Localisation : Finistère
Re: Josef «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonj
On verra quand on l'aura lu, mais je ne doute pas des capacités de Josef à expliquer.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
-
- Prolifique
- Messages : 615
- Enregistré le : mercredi 5 août 2009 à 6:42
- Localisation : France
Re: Josef «On peut avoir le Nobel et ne pas savoir dire bonj
Nous avons tous eu l'occasion de lire Josef pour certains sans le savoir.Jean a écrit :On verra quand on l'aura lu, mais je ne doute pas des capacités de Josef à expliquer.
Josef est le traducteur du livre de Tony Attwood (la deuxième édition, couverture bleue).
J'ai passé une journée avec lui à l'occasion d'une conférence, j'en garde un très bon souvenir.