Je n'ai pas vraiment l'intention de développer le sujet de l'amitié pour les jeunes autistes mais pour les adultes, surtout parce que je considère que les relations indispensables d'un autiste pendant ses années scolaires sont bien plus du domaine de la camaraderie que de l'amitié. Ce sera peut être l'occasion pour moi d'un second mur de texte un jour prochain.
Donc mon propos s'attache à partir du moment où l'on quitte l'environnement scolaire, en pratique l'entrée à l'université ou tout autre structure d'enseignement supérieur pour ceux qui y vont. Le moment du grand saut hors du cocon familial (qui peut avoir lieu avant dans certains cas) me semble être un sujet de préoccupations pas forcément toutes entièrement fondées de la part des parents (et pas seulement des parents d'autistes).
Alors les amis, dans ce cadre là qu'est ce que c'est ?
En me préparant à écrire cet article je me suis aperçu que finalement on définit bien plus facilement le terme d'amitié que d'ami, en gros sous la forme de liens privilégiés, avec le sous entendu implicite que les amis sont des gens sur lesquels on peut compter.
Du moins c'est dans cette optique que je considère le plus souvent les lamentations (il/elle n'a pas d'ami) des parents, implicitement cela signifie il/elle avoir plein de problèmes à chaque fois qu'il lui faudrait faire appel à cette forme d'aide.
Sauf que les amis et les autistes, j'ai l'impression que ça ne fonctionne pas toujours ainsi (gros euphémisme).
Pour éviter de prendre un exemple trop personnel, je vais utiliser l'exemple que rapporte L. Holliday ("Vivre avec le Syndrome d'Asperger") de ces années universitaires.
Dans le cadre de ces activités extra scolaire, elle a essayé de se rapprocher d'autre étudiantes de sa fac pour aller en ville faire les magasins, j'ai l'impression qu'elle était dans une recherche d'"activité de groupe" plus que de shopping... La virée s'est organisée assez facilement il me semble et elle s'est retrouvée à conduire ce petit monde en voiture jusqu'à la ville.
Evidemment, une fois arrivées, les autres filles lui ont dit "salut, nous on y va, on se retrouve à telle heure pour que tu nous ramenes ?"
Et le plus affreux - qui se rapproche énormément de mon vécu personnel - est qu'elle écrit ensuite :
J'aurais aimé pouvoir vous dire que je ne les ai pas attendues pour rentrer.


C'est là ce que j'estime être le coeur du problème de l'amitié avec les personnes Asperger :
- on peut compter sur les Asperger la plupart du temps
- les Asperger tombent sur des personnes sur lesquelles elles ne peuvent pas compter.
Le principe de réciprocité est totalement évacué au détriment de la personne autiste.
Dans un tel cas, assister à des groupes ou suivre des techniques pour rencontrer ou se faire des amis m'apparaît totalement vide de sens.
Est-ce que cela signifie que les Aspis n'ont pas envie d'avoir des amis, au sens expliciter plus haut, des personnes avec qui ils/elles peuvent partager des liens (souvent des centres d'intérêts), et le cas échéant sur lesquelles il/elles puissent compter?
Evidemment que non .
Je vais peut être vous choquer (les NT qui me lisent) en écrivant ça mais d'une certaine manière l'amitié je considère que je peux m'en passer si je suis capable d'obtenir les mêmes niveaux de satisfactions émotionnelles avec de parfaits inconnus dans un cadre "utilitaire" (au sens du partage d'un centre d'intérêt commun) ...
Certains peuvent trouver ça sur le réseau, dans les jeux en ligne, d'autre dans des activités sportives ou culturelles, mais j'ai l'impression que le besoin de retrouver les mêmes personnes dans un autre contexte est en fait totalement inexistant.
Bon, il reste le problème des indispensables coups de mains mais là j'ai pas vraiment d'idée qui ne fassent intervenir des services payants à la place (c'est un besoin sur lequel les structures d'aides style MDPH feraient bien de se pencher réellement)...
Je pourrais vous raconter une activité de groupe sur un forum dédié à un centre d'intérêt (la science fiction) une nuit récente et essayer de décrire à quel point les émotions que j'y ai ressenties ont été aussi sinon plus satisfaisante que s'il s'était agi d'un même regroupement mais physique. ("une Convention" comme on dit dans le monde Anglo-saxon) Plus parce qu'en fait les contraintes liées à la pression sensorielle et aux codes relationnels était absente. Plus parce que je me suis retrouvé à hurler de rire plus d'une fois.
Mais je ne suis pas sûr que ça vous parlera vraiment, surtout à ceux qui nés avant la génération dite "Y".
Comme à mon habitude j'ai écrit un pavé sans savoir vraiment comment j'allais le conclure (en fait pour être honnête maintenant je ne m'embête même plus à chercher des conclusions) donc je vous laisse commenter.